Catégorie : recherche

  • Inauguration de Ludoscience

    Inauguration de Ludoscience

    200120114d37e8303f79eLudoscience est une association loi 1901 fondée en Septembre 2010 par Julian ALVAREZ, Damien DJAOUTI et Olivier RAMPNOUX. Issue de disciplines aussi diverses que l’informatique, les sciences de l’information et de la communication ou des sciences de gestion, l’équipe de Ludoscience a la volonté de créer un espace de rencontres et de débats avec des chercheurs, consultants, professionnels et des enseignants afin de construire un regard pluridisciplinaire sur un objet spécifique : le Serious game.

    Depuis 2006, LUDOSCIENCE qui a d’abord été un site web, est devenu un acteur du monde des Serious games. En proposant aussi bien une page de veille qu’en participant ou organisant des tables rondes, des conférences, LUDOSCIENCE contribue grandement à la diffusion et à la circulation des connaissances sur les Serious games.

    De même, au fil du temps et des rencontres, une expertise reconnue s’est construite autour des activités suivantes :
    – la conception et le développement de Serious games ;
    – la formation et l’enseignement à l’aide de Serious games dédiés ;
    – la rédaction d’études et d’ouvrages portant sur les objets vidéoludiques ;
    – la participation et l’intervention aux colloques et conférences dédiés à l’objet vidéoludique ;
    – la mise en place de protocoles de tests et analyse de la réception de Serious games ;
    – la conception de dispositifs informatiques et vidéoludiques pour éprouver des théories scientifiques : http://www.seriousgamesopinions.org (réalisé en partenariat avec Orange Labs)
    – la proposition d’une classification des jeux vidéo et autres Serious games :http://serious.gameclassification.com et http://www.gameclassification.com 

    En septembre 2010, les membres fondateurs de LUDOSCIENCE ont publié un ouvrage qui propose une Introduction au Serious game, édition L<P, afin de permettre à chacun de mieux comprendre les Serious games : http://bit.ly/dwAj7g

    Ludoscience prépare en ce moment une évaluation nationale du marché des Serious Game (indiscrétion obtenue en fin de soirée)
    Pour contacter l’association :
    LUDOSCIENCE
    62 Rue de Fondeville,
    31 000 TOULOUSE
    info@ludoscience.com
    http://www.ludoscience.com

  • Comment les futurs enseignants se représentent les TICE?

    Cette recherche porte sur l’analyse de contenus de forums de discussions qui traitent des TIC. Les étudiants, qui accomplissent leur cursus à distance, échangent sur ces forums dans une perspective de préparation aux métiers de l’enseignement. Le chercheur a donc isolé un corpus de fils de messages portant spécifiquement sur l’utilisation des technologies en éducation.

    Jacques Béziat nous confie que leurs représentations des TICE est souvent erronée, stéréotypée, du fait du discours quotidien largement colporté par les médias, ou les entreprises faisant la promotion de leurs produits.
    D’un côté, certains ont une représentation assez naïve, «enchantée», qui leur laisse croire qu’avec les TICE, l’enseignement est plus facile. D’un autre côté, d’autres ont une représentation plus catastrophique de l’utilisation des TIC, qui signifierait qu’il ne faut surtout pas les utiliser avec les enfants.

    «Il faut arrêter de penser que tout commence maintenant et aujourd’hui avec une technologie qu’on a l’impression de découvrir (…) ; l’histoire de l’intégration technologique dans la classe est ancienne».

    Cette recherche a une finalité précise. A partir des représentations que les futurs enseignants se font des technologies, il s’agit de les aider à en problématiser les usages afin qu’ils n’en aient plus l’image de : «les TICE, c’est simple» ou «les TICE, c’est dangereux». Jacques Béziat ajoute, «les TICE, ce n’est ni simple, ni dangereux (…) Le défi pour l’enseignant est d’intégrer un objet complexe dans des pratiques complexes».

    L’enseignant reste le «capitaine à bord», c’est par lui que passe la réussite de l’intégration des TICE ; il est donc nécessaire de prendre le temps suffisant pour que l’enseignant parvienne petit à petit à mettre un peu de TIC dans sa pédagogie.

    D’après Jacques Béziat, les certifications (B2i pour les élèves et C2i2e pour les enseignants) constituent une réponse trop simpliste à l’intégration des TICE ; pour le chercheur, ce n’est qu’une manière quantitative utopique et «utilitariste» de faire croire aux enseignants qu’ils sont prêts à utiliser les TIC dans leur classe. En outre, il reste persuadé qu’il faut réussir à intégrer un sentiment de culture professionnelle autour de ces questions, «une culture professionnelle avec le numérique en choix».

    Plus d’infos sur Jacques Béziat : www.flsh.unilim.fr/recherche
    plus d’infos sur cette recherche :http://www.ecedu.upatras.gr/didapro/programma.htm

    Interview réalisé par Françoix Villemonteix, Maître de Conférences à l’Université de Cergy-Pontoise lors de Didapro 4, tous les articles sur www.ludovia.com

  • Appel à communication Colloque Scientifique Ludovia 2011 ouvert !

    Après les problématiques de l’immersion (2006), de la convivialité (2007), du « faire soi-même » (2008), « espace(s) et mémoire(s) » (2009), « interactivité / interactions » (2010), nous proposons pour l’édition 2011 le thème : Mobilités numériques

    Le développement des technologies de la téléphonie mobile et de ses applications toujours plus diversifiées induit des mutations culturelles profondes dont témoignent  les nouvelles pratiques. Après la généralisation de la téléphonie basée sur la norme GSM, les terminaux mobiles se sont enrichis de fonctionnalités multiples : appareil photo, caméra, réception radio et télévision, console de jeu, navigation sur Internet, support d’écriture, etc. L’accroissement des débits (norme 3G) permet d’envisager des capacités d’échange de données aptes à des traitements complexes. Les nouvelles interfaces (par exemple les interfaces multi-tactiles de l’iPhone d’Apple ou de l’iPad) intègrent des logiques relatives à la prise en compte de la corporéité de l’utilisateur. Elles se comportent comme des orthèses multimédias, cognitives et kinétiques (Gobert, 2001).

    Ces spécificités interrogent inévitablement les pratiques de communication, de jeu, de travail, etc. et les usages qui en sont faits.

    Quels sont les effets potentiels des mobilités numériques sur les modalités génériques, médiatiques, rythmiques, corporelles qui sous-tendent et accompagnent les pratiques ? Comment les usagers gèrent-ils la relation entre la mobilité technologique et la mobilité corporelle ?

    Le rapport à soi et aux autres est-il renouvelé par la « présence connectée » (Garron, Mercier, in Licoppe, 2009) ou la « présence distribuée » (Turkle, 1995) par lesquelles se brouillent les frontières entre présence et absence (Craipeau, Duby, 2009) ?

    Il est donc pertinent de se demander dans quelles mesures et limites ces évolutions peuvent présager l’émergence de nouveaux types de « contenus » voire l’avènement d’un homme nouveau, cet homme connecté dont la nature même pourrait être modifiée dans le cadre d’une post-humanité.

    Entre utopies transhumanistes et perspectives catastrophistes de « société de contrôle » (Deleuze, 2003) ou d’une société de l’immédiateté non critique et non réfléchie (Roelens, 2010),  il y a place pour de riches réflexions autour des mobilités numériques qui envahissent notre quotidien dans une tension perpétuelle entre approche « technocentrée » et approche « anthropocentrée » (Germain, 2006).

    Au-delà des problématiques purement technologiques, qui sont largement développées par ailleurs, et dans une perspective qui pourra être critique, Ludovia 2011 souhaite interroger le concept de mobilité dans ses multiples aspects liés aux pratiques numériques.

    Nous ne nous limiterons pas aux applications liées aux terminaux mobiles mais souhaitons la confrontation du concept de mobilité avec les domaines d’investigation habituels des Colloques Ludovia (multimédia ludique, éducatif, culturel…).

    Les communicants Ludovia 2011 pourront en particulier développer leur réflexion dans les domaines de :

    l’exploration du concept de mobilité, questions définitionnelles, références philosophiques, historiques, littéraires… confronté à des concepts voisins tels que ceux de nomadisme ou de téléprésence (Weissberg, 1999) ;
    l’analyse des pratiques de la mobilité dans leurs multiples aspects, techniques, sociologiques, sémiotiques, communicationnels ;
    la prospective sur les pratiques futures et les évolutions sociologiques, philosophiques, culturelles…
    Ces problématiques pourront être confrontées à de multiples usages, applications, dispositifs logiciels, notamment (liste non exhaustive) :

    le domaine des jeux vidéo et notamment les jeux en réseau ;
    les logiciels éducatifs, environnements numériques de travail, applications d’enseignement à distance… ;
    les applications reposant sur la géolocalisation ;
    les pratiques des réseaux sociaux liés au web 2.0 ;
    les pratiques culturelles (applications numériques muséales ou journalistiques de la mobilité par exemple) ;
    l’évolution du webdesign (interfaces plastiques, nouveaux concepts ergonomiques des applications et sites sur supports mobiles) ;
    les propositions artistiques mettant en jeu la question de la mobilité…
    Pour connaitre les modalités de souscriptions et informations complémentaires nécessaires :

    le site de l’évenement www.ludovia.org (version 2011 en ligne 15 décembre 2010)
    Le site de l’association « Culture Numérique » http://culture.numerique.free.fr

  • Communautés de Pratique : susciter et maintenir l’interactivité

    Certaines Communautés de Pratique émergent spontanément, évoluent naturellement et se réorientent ou meurent tout simplement au terme de leurs projets. D’autres voient le jour grâce à l’intervention d’une personne extérieure. Dans ce cas, bien souvent, les membres de cette CoP naissante perçoivent l’intérêt de constituer une CoP, sont motivés, mais souvent dépassés par d’autres priorités. Un moyen d’y remédier est d’y apporter une solution informatisée. Cependant, quand le public n’est pas habitué à ce type de solution, l’animateur rencontre de nouveaux obstacles à surmonter.

    Comme l’a dit Claude Lelouche dans le film Itinéraire d’un enfant très gâté : « Le monde du partage devra remplacer le partage du monde ».  J’adapterais cette citation en disant que le monde du partage devrait remplacer le partage du monde. Chacun acquiert au fur et à mesure de sa vie professionnelle, de ses rencontres, une expérience unique et parfois très riche. Si chacun pouvait partager avec ses pairs son vécu et ses apprentissages, il permettrait à d’autres de bénéficier de ses découvertes et leur éviterait certainement de rencontrer certains problèmes.

    Souvent, cet échange se fait déjà naturellement entre pairs et collègues. Quoi de plus naturel que d’interroger son collègue quand une situation difficile se dresse face à soi ? Mais certains professionnels, pour diverses raisons que nous évoquerons, n’ont pas la possibilité de réaliser de tels échanges.

    Dans cet article, nous aborderons une façon de susciter et maintenir l’interactivité entre ces professionnels et l’illustrerons à travers le projet HealthCoP. Nous développerons plus en détail l’importance du rôle d’animateur dans une Communauté de Pratique, ainsi que la nécessité de mettre à disposition une interface de logiciel ergonomique afin de faciliter les interactions.

    Interaction / interactivité : clarification

    Il est important de prendre le temps de clarifier les termes « interaction » et « interactivité » avant d’entrer dans le vif du sujet.

    « Interaction » et « interactivité » sont deux termes entrés dans le vocabulaire commun mais dont l’étymologie et la sémantique proches amènent de la confusion dans leur définition et leur compréhension.

    C’est en 1992 que l’on retrouve pour la première fois dans le dictionnaire le petit Robert une définition de l’ « interactivité ». Elle est définie dans les termes suivants : « Activité de dialogue entre un individu et une information fournie par une machine. »

    Le mot « interaction », quant à lui, est composé du latin « inter », entre, et « actio », action, action réciproque. Il désigne la « réaction réciproque de deux ou plusieurs phénomènes, de deux personnes » mais aussi l’ « interaction entre deux corps (physique), ou deux substances (pharmaceutiques). » ( Lombardo, Bertacchini, Malbos, 2006 : 2).

    Dans les propos qui suivent, nous nous rallierons à la définition de l’interaction comme présentée ci-dessus, mais nous étendrons la définition d’interactivité non pas seulement à l’activité de dialogue entre un individu et une machine mais également entre individus.

    Par ailleurs, interaction et interactivité s’accordent autant à la présence qu’à la distance, c’est pouquoi nous nous rallions aux propos de Maltais (2004) soulignant l’intérêt de la bimodalité pour toute personne qui « veut profiter des avantages qu’offrent  l’enseignement en présentiel et la formation à distance. » ( Lombardo, Bertacchini, Malbos, 2006 : 4).

    2 . Cop et santé

    2.1 Problématique

    Dans certaines organisations, des professionnels exercent un métier qui peut être qualifié de complexe parce qu’il nécessite une forte activité avec l’humain. Certains d’entre eux gèrent cette complexité dans l’habitude prise d’échanger à propos de leurs pratiques. Ces échanges, souvent informels, ont pour conséquence un ajustement mutuel des pratiques. « L’ajustement mutuel réalise la coordination du travail par le simple processus de la communication informelle. » (Mintzberg, 1990 : 21).

    Certains de ces professionnels, à cause de la fonction qu’ils occupent, n’ont pas cette possibilité, essentiellement pour des raisons d’isolement professionnel au sein de leur organisation. Pour pallier cette difficulté, on fait aujourd’hui l’hypothèse que l’ajustement mutuel, dont ces professionnels ne peuvent bénéficier, peut trouver une alternative dans le développement de Communautés de Pratique (CoP) au sens de Wenger (1998).

    Pour ce dernier, une CoP est un « groupe d’individus qui partage un intérêt, un ensemble de problèmes ou une passion pour un sujet et qui approfondit ses connaissances et son expertise dans ce domaine en interagissant de manière continue. » (Wenger, 1998). Wenger présente donc les CoP comme une combinaison de trois éléments fondamentaux : un domaine de connaissance, une communauté d’individus et une pratique partagée. (Wenger, 2000 : 27).

    Ces trois éléments fondamentaux sont difficilement dissociables les uns des autres. La communauté d’individus est composée d’un ensemble de personnes s’engageant mutuellement dans une entreprise commune. Si ces personnes n’ont pas un intérêt commun à travailler ensemble, elles n’ont pas de raison de se regrouper. Au fur et à mesure que les interactions et que l’interactivité se développent, un répertoire partagé se construit. Il comprend l’histoire de la CoP, le vocabulaire commun, les actions menées…

    Parot & al. (2005) donnent une définition de la CoP plus précise, prenant la forme d’une liste de caractéristiques et permettant de reconnaitre et de valider facilement l’existence des CoP  : « Groupe d’individus reliés de manièreinformelle et fonctionnant en réseau, fédérés par des centres d’intérêt communs, par des projets similaires, coopérant et échangeant leurs savoirs pour créer une valeur collective utile pour chacun, partageant des ressources communes, collaborant dans un processus d’apprentissage collectif, combinant à la fois une culture commune etun système cohérent d’intérêts individuels. »

    Lorsque ces Communautés de Pratique utilisent comme moyen de communication des outils technologiques en ligne, on parle alors de Communautés virtuelles.

    2.2 Commuanuté virtuelle

    L’association de ce concept  de CoP au développement de plus en plus large d’outils technologiques en ligne, combinée à une accessibilité accrue des accès à l’Internet, permet de fonder des espoirs dans le développement de Communautés de Pratique virtuelles. Il est important de préciser que parler de communauté virtuelle est une forme d’abus de langage. Il est nécessaire de signaler que ce n’est pas la communauté qui est virtuelle mais bien le mode de communication qu’elle utilise, en ligne. Disposer d’outils technologiques n’est cependant pas suffisant pour susciter l’interactivité. Encore faut-il la maintenir dans l’usage de ces technologies.

    Le CRIFA est le Centre de Recherche sur l’Instrumentation, la Formation et l’Apprentissage de l’Université de Liège. L’instrumentation sur laquelle porte ses recherches est essentiellement axée sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Il n’est donc pas étonnant que son équipe s’intéresse au développement des CoP dans ses dimensions apprentissage collaboratif et capitalisation de connaissance en ligne. C’est pourquoi elle a mis en oeuvre un projet, le projet Health CoP (projet soutenu par le fond social européen), dont l’objectif est de travailler sur la problématique que nous venons d’évoquer en choisissant comme publics cibles des groupes de professionnels de la santé.

    Une analyse de ce qui existe et des besoins dans ce domaine a permis d’orienter le projet vers des groupes de personnes qui sont généralement seules dans l’institution à exercer une fonction. Celle-ci est caractérisée par un cadre relativement mal ou peu défini, que ce soit par manque de précision dans les textes de loi ou par la relative nouveauté de cette fonction. Actuellement, deux Communautés de Pratique existent dans le projet : d’une part, les Infirmières Chargées de l’Accueil du Nouveau personnel Entrant et du personnel rentrant dans la fonction (ICANE) et d’autre part, les Référents Hospitaliers pour la Continuité des Soins (RHCS).

    Malgré l’intérêt que ces personnes manifestent pour le projet HealthCoP, ces communautés font face à deux types de difficultés. Premièrement, elles ne sont pas toutes familiarisées à l’utilisation des TIC. Ces outils effraient certaines de ces personnes et constituent dès lors un obstacle à l’interactivité entre partenaires professionnels. Deuxièmement, ces personnes ont des fonctions très prenantes, ce qui ne leur laisse pas beaucoup de temps pour participer à des tâches ne faisant pas partie des urgences immédiates de leur fonction.

    Ces difficultés sont développées ci-dessous et trouvent des solutions dans des activités permettant de susciter et de maintenir l’interactivité.

    3. l’érgonomie, pour simplifier les interactions

    3.1. Deux préoccupations

    L’intérêt pour un soutien des CoP au moyen des outils technologiques [1] n’est pas neuf. Les outils technologiques utilisés dans ce cadre sont cependant encore en plein développement. Parmi ces outils, on peut citer eLogbook[1],BayFac[2]affinitiz[3] ou encore CoPe-it[4]!. Le développement de tels outils tente de prendre en compte les besoins ordinaires et fondamentaux d’une CoP, ceux qui lui permettent de progresser et de grandir.

    Malheureusement, la création d’outils numériques dédiés à des tâches particulières passe prioritairement par la définition de ces tâches et des fonctionnalités qu’elles inspirent aux développeurs. Dans ce contexte, l’ergonomie représente souvent le parent pauvre.

    La première difficulté est de fournir des outils adéquats aux membres des Communautés. S’il existe des fonctionnalités dont on sait aujourd’hui qu’elles sont essentielles (eu égard, par exemple aux théories de Wenger et al. à propos des CoP), il n’en reste pas moins vrai que des besoins spécifiques peuvent se faire jour et nécessiter également une adaptation des outils du marché pour y répondre. Nous évoquerons Nielsen (1993) et ses considérations sur l’utilité.

    La seconde difficulté à laquelle il faut faire face : la participation des professionnels au développement d’une CoP virtuelle passe par la mise à disposition d’une interface de communication ergonomique et donc utilisable (Nielsen, 1993; Nogier, 2005). Pour nous en convaincre, les premières CoP virtuelles que nous avons soutenues ont pratiquement boudé des outils qui offraient pourtant des fonctionnalités intéressantes pour de simples raisons d’ergonomie. Une des premières préoccupations fut donc de choisir des outils dont la qualité de l’interface pouvait être améliorée, tenant compte, par exemple, des critères ergonomiques tels que formulés par Bastien et Scapin, des heuristiques de Nielsen, des théories de Shneidermann ou encore de la Check-list d’évaluation ergonomique Web de Nogier.

    Dans le cadre du projet HealthCoP, la recherche d’un outil s’est déroulée en plusieurs étapes. D’abord, lister l’ensemble des besoins énoncés par les membres de la Communauté. Ensuite, rechercher des logiciels libres qui y répondent. Finalement, réaliser l’analyse de chacun des logiciels sélectionnés sur base des besoins et de l’ergonomie pour n’en choisir qu’un.

    Le choix d’un logiciel libre a permis non seulement de pouvoir l’adapter mais aussi de le paramétrer aux besoins spécifiques de notre public. De plus, un tel dispositif est peut être facilement installé sur le lieu de travail des utilisateurs s’ils le souhaitent.

    Au vu de ce qui précède, nous souhaitons souligner que la qualité de l’interface homme-machine est d’autant plus importante que les « hommes » qui interagissent avec la « machine » sont peu habitués à une telle pratique.

    3.2. Les heuristiques de Nielsen

     

    Bien que ne datant pas d’hier la théorie de Nielsen (1993) décrivant 10 heuristiques d’utilisabilité de l’interface d’un logiciel est toujours d’actualité. Nous en reprenons ci-dessous huit qui sont rencontrés dans la plateforme des CoP.

    L’adéquation du système au monde réel est, en partie, à mettre en parallèle avec le répertoire partagé de Wenger. Les formations à la plateforme lors de rencontres en face à face ont permis à chacun de partager et d’utiliser un vocabulaire commun en ce qui concerne l’outil.

    Contrôle et liberté de l’utilisateur sont présents dans les actions sur les contenus. Que ce soit sur un document, un contact ou une annonce, le système envoie systématiquement une demande de confirmation du choix avant de l’exécuter.

    A l’origine, la plateforme n’était pas complètement traduite. Nous avons veillé à le faire en respectant les termes utilisés par ailleurs et adoptés par les utilisateurs. Cet exemple illustre la convention d’uniformité.

    Reconnaissance plutôt que rappel. La plateforme dispose d’une interface détaillée dans laquelle toute information utile est disponible. Par exemple, la plateforme choisie ne disposait pas d’un forum. Or, il est rapidement apparu que cet outil était indispensable au fonctionnement de la CoP. Un forum extérieur a alors été intégré à la plateforme et « uniformisé » d’un point de vue graphique et de vocabulaire à celle-ci. Une barre de navigation identique à celle que l’on trouve sur la plateforme a été implémentée sur ce forum pour permettre aux utilisateurs de se déplacer facilement d’un module à un autre.

    Le design minimaliste et esthétique a été rendu possible par le choix d’un logiciel libre. Connaissant les compétences et habitudes du public-cible à l’usage des TIC, la plateforme a été paramétrée pour masquer les options et modules inutiles afin de simplifier l’interface pour faciliter les interactions.

    Pour approcher l’aide à la gestion des erreurs, tous les messages d’erreur ont été traduits et rendus compréhensibles pour le public. Par conséquent, tout utilisateur est à même d’interpréter l’erreur.

    Les utilisateurs peuvent à tout moment consulter l’aide et la documentation de la plateforme. Ils ont le choix entre celle fournie par le système, très complète mais en anglais et celle construite par nos soins qui reprend de manière simplifiée le contenu des outils disponibles ainsi qu’une explication concise et illustrée de leur utilisation.

    La prévention à l’erreur n’est pas présente telle quelle dans l’interface. Cependant, les intervenants y sont préparés grâce à la formation dispensée à l’usage de l’outil, mais aussi grâce à l’aide apportée et au soutien fourni pour répondre aux questions des usagers.

    3.3. Les critères de qualité de Shneidermann

    Une interface doit être utile et utilisable. Cela signifie qu’elle doit permettre aux utilisateurs de réaliser ce qu’ils souhaitent par son intermédiaire. En 1992, Shneidermann propose six critères d’analyse ; quatre seront développés ci-dessous.

    Les temps d’apprentissage sont relativement courts. La navigation dans la plateforme ainsi que son utilisation sont relativement simple, elle se fait au moyen d’une barre de navigation reprenant les icônes des outils. En cas de doute, il suffit à l’utilisateur de parcourir les icônes avec son curseur pour voir apparaître des infobulles.

    Tout est fait pour permettre la rapidité d’exécution. Cependant la connexion à l’Internet dans les hôpitaux n’est pas toujours rapide pour diverses raisons. Pour atténuer ce problème, nous veillons à ne pas mettre de contenu susceptible de ralentir la navigation.

    Dans ce contexte, les taux d’erreurs sont majoritairement attribuables à des oublis de mot de passe et sont donc simplement solutionnés. Un contact téléphonique ou par mail avec l’animateur du groupe suffit souvent à récupérer ses identifiants ou à en créer d’autres.

    La période de rémanence est longue grâce à une interface intuitive.

    3.4. Les critères ergonomiques de Bastien et Scapin

    Bastien et Scapin se sont inspirés des heuristiques de Nielsen pour rédiger leurs critères ergonomiques. Ils développent huit critères généraux, qui pour la plupart sont eux-mêmes divisés en sous critères. Nous en aborderons ici six.

    La brièveté de la charge de travail peut être illustrée par l’action minimale nécessaire pour naviguer d’un module à l’autre. Un seul clic est nécessaire.

    La densité informationnelle (charge de travail) est réduite au maximum par les paramétrages réalisés. Tout module ou toute action inutiles ont été masqués de l’interface.

    Le contrôle explicite des actions est présent. On le constate par l’existence de boutons tels que « modifier », « supprimer », etc. De plus ces actions sont facilitées par la traduction française des boutons.

    L’interface, bien que préprogrammée, est flexible (adaptable) aux souhaits des utilisateurs grâce aux réglages proposés dans les préférences de chaque utilisateur.

    La qualité des messages d’erreurs peut être attribuée à la traduction réalisée dans un langage clair, comme cela a été dit précédemment.

    L’homogénéité / la cohérence peut être illustrée par le module forum externe à la plateforme. L’interface de ce dernier a été travaillée graphiquement pour qu’elle ne se distingue pas du reste des modules.

    Le respect de la compatibilité est bien présent. Les ICANE sont majoritairement peu habituées à utiliser les TIC. Cependant des aménagements ont été réalisés suite au constat que ces infirmières consultent tout de même leur courriel très régulièrement. Comme elles n’avaient pas le réflexe de consulter la plateforme et son forum, un système de mailing automatique a été mis en place pour avertir tout « abonné » à la plateforme d’une nouveauté sur celle-ci. Par exemple, dès qu’un nouveau message est posté sur le forum, un mail est envoyé à chaque membre de la CoP.

    Un site bien choisi, comprenant les outils nécessaires au fonctionnement de la CoP ainsi qu’une interface homme-machine ergonomique et simplifiée, est une première façon d’essayer de toucher l’essentiel du public-cible. En d’autres mots, l’interface de la plateforme choisie ne doit pas être une source de discrimination à l’utilisation. Les professionnels prenant part au projet ne doivent pas être freinés, dans leur envie de collaborer, par des difficultés d’ordre technologique.

    4. Le tuteur, soutien à l’interactivité

    Améliorer les outils technologiques ne suffit évidemment pas. Leur présence et leur accessibilité ne sont en rien garantes d’une interactivité des personnes. L’ergonomie de l’interface de l’outil technologique choisi a pour objectif de simplifier les interactions entre l’homme et la machine. Mais ces interactions ont pour objectif de susciter et de faciliter l’interactivité entre les hommes.

    Échanger avec des personnes inconnues ne va pas de soi. De même, des craintes peuvent surgir d’un manque de connaissance de l’étendue de public avec lequel a lieu l’interaction. Comment créer une dynamique entre personnes qui ne se connaissent pas et qui n’ont pas cette culture de l’échange virtuel. C’est toute la difficulté qui incombe au rôle d’animateur que doit jouer le tuteur de la CoP.

    Dans le cas du projet HealthCoP, les échanges entre les membres de la communauté se font aussi bien en face à face qu’à distance. Cette bimodalité fait suite à un constat : susciter les interactions entre pairs qui ne se connaissent pas et avec des outils dont ils sont peu familiers, ne fonctionne pas.

    4.1 Rôles dans la CoP

    Pour organiser le fonctionnement d’une communauté de pratique, de surcroit en ligne, plusieurs rôles sont nécessaires. Le Cefrio (2005) en définit onze qui se retrouvent au sein de la structure de gouvernance. Au sein des communautés de pratique du projet HealthCoP, nous retrouvons au moins un animateur, un facilitateur, un mentor, unadministrateur, un membre fondateur, un rapporteur, des membres et un technicien. Ces rôles, bien que distincts, sont pour certains assurés par une seule personne. D’autres, tel que le rapporteur notamment, ont changé de main et sont maintenant assumés par des membres de la CoP. Reprenons chacun de ces rôles afin de les identifier dans le projet HealthCoP :

    Les membres fondateurs de ce projet font partie du CRIFA de l’Université de Liège. Ce projet est né du constat d’un besoin de la part de ces professionnels d’échanger, de se faire reconnaître, etc.

    L’administrateur du projet est « organisateur et coordinateur des événements et activités de la communauté ».  Au départ, ce sont les membres fondateurs qui organisent les réunions, comme c’est le cas pour la CoP des RHCS qui en est à son commencement. Ensuite, dans une optique d’autonomisation des membres de la CoP, les rencontres sont organisées au sein des institutions partenaires. Finalement, les membres de la CoP organisent eux-mêmes les réunions, chacun à leur tour, et s’occupent des tâches telles que créer un ordre du jour, trouver et prendre contact avec des intervenants extérieurs, etc. La CoP des ICANE se situe à ce stade d’évolution. Les membres fondateurs voient, dès lors, leur rôle changer.

    L’accueil des nouveaux membres se déroule en deux étapes. Lors du lancement de la Communauté de Pratique, les membres fondateurs prennent contact avec des membres possibles pour leur présenter le projet et leur proposer une collaboration. Ensuite, lorsque la CoP s’est constituée, ses membres, lors de contacts avec des pairs, leur proposent de participer au projet. Cependant, tout nouveau membre est d’office mis en contact avec le CRIFA qui occupe également le rôle de mentor. Ce dernier informe et explique le projet, les rôles de chacun, les objectifs poursuivis et les outils utilisés.

    La maintenance technique est assurée par notre équipe. En effet, après avoir choisi l’outil et ses paramétrages, elle en assure le suivi, l’aide technique et en dispense les formations. Ces dernières se déroulent lors de réunion en face à face. Elles font suite à des constats quant aux lacunes d’utilisation ou à des demandes des membres de la CoP. Pour des difficultés plus ponctuelles, un suivi personnalisé est organisé.

    Les membres de la CoP sont au centre de son fonctionnement. Leur implication dans celle-ci varie plus ou moins fortement d’une personne à l’autre. L’implication peut être considérée comme un continuum qui va des membres périphériques au noyau de la CoP.

    Un membre considéré comme périphériques fait partie de la liste des membres, reçoit les comptes rendus des réunions, du travail effectué. Tandis qu’un membre du « noyau central » est un moteur de la CoP, ses actions sont importantes pour la vie et les actions de la Communauté.

    Des personnes exerçant les rôles de rapporteursanimateurs et le facilitateur peuvent être considérés comme des acteurs appartenant au noyau de la CoP. Les rôles d’animateur et de facilitateurs tels que décrits dans le rapport du Cefrio paraissent essentiels pour susciter l’interactivité. Le rôle de technicien semble, quant à lui, important pour faire émerger les interactions homme-machine. La question centrale à ce niveau est : que doit faire l’animateur pour « motiver les troupes » et provoquer les interactions ? En effet, comme le montre Viau (1997) dans sa « Théorie dynamique motivationnelle intrinsèque d’un étudiant », la motivation se manifeste au travers de l’engagement et de la persévérance qui sont des moyens d’atteindre la réussite. C’est en travaillant sur des variables contextuelles. mais aussi de perception, que ce soit de l’importance de la tâche (valeur),  de sa compétence à la réussir ou de l’influence que l’on a sur celle-ci, qu’elle peut être atteinte. Il revient donc à l’animateur d’intervenir à certains de ces niveaux dans le but de susciter l’interactivité

    Comme précisé précédemment, les activités de la CoP se déroulent d’une part, en face à face et d’autre part en ligne. Un des objectifs des membres fondateurs de la communauté de pratique est de passer du rôle central, c’est-à-dire où ils assument l’essentiel des rôles organisateurs cités précédemment, à une fonction davantage en retrait où la CoP pourrait vivre et continuer à prospérer sans ces interventions. Pour atteindre un tel objectif, il est nécessaire de dynamiser la CoP.

    Étant confrontés à l’absence d’interactivité entre les membres de la CoP, naturelle au démarrage d’un tel projet, des solutions ont du être trouvées pour l’inciter. Ces problèmes d’interactivité se rencontrent tout particulièrement dans les interactions à distance. Pour y pallier, dans un premier temps, l’action s’est portée sur l’insertion d’outil d’interaction. Il est important que les membres des CoP échangent au moyen de la plateforme. Celle-ci, ne disposant pas d’un tel outil, un forum a du être implémenté sur la plateforme. Pour inciter les membres de la CoP à l’utiliser, l’animateur a commencé par poster lui-même des messages pour faire prendre conscience de l’existence de cet outil et de l’intérêt qu’il peut avoir.

    Ensuite, il a fallu rendre la plateforme accessible à ce public. D’un point de vue technique, un guide d’utilisation de la plateforme, simplifié et illustré a été construit. Des formations à l’utilisation de l’outil ont également été dispensées et un soutien à distance, par téléphone ou mail, s’est organisé. Un système de mailing automatique a été mis en place. Celui-ci est parti du constat que la plateforme était peu utilisée à ses débuts. En effet, les personnes y allaient spontanément mais n’y trouvant pas de contenu, espaçaient leurs visites. Un système d’envoi automatiquement de mail, a alors été mis en place, pour informer toute personne inscrite à la plateforme de l’introduction d’un nouveau message dans le forum ou d’un nouvel événement dans le calendrier partagé. Ce mail automatique reprend un hyperlien menant directement à la page concernée. Depuis cet aménagement, ces modules sont beaucoup plus utilisés et les interactions se sont amplifiées. Certains jours, il y a jusqu’à une dizaine d’interactions sur le forum et les participants en sont très satisfaits : « Avec le système des mails que l’on reçoit dès qu’il y a quelque chose de nouveau c’est plus pratique et je pense à consulter, à continuer 😉 ».

    De plus, pour enrichir le partage, les constructions collectives et la formalisation des connaissance, ou réification selon Wenger, l’animateur  sollicite l’action choisie et volontaire d’acteurs de la CoP. Une fois ces engagements pris, l’animateur suit et encadre ces personnes pour qu’elles les réalisent. Pour réaliser l’engagement des membres dans l’action, de petites fiches ont été construites dans lesquelles, au terme d’une réunion, chacun a la possibilité de s’engager à faire de petites ou grandes actions pour la vie de la CoP, pour une date précise. Une fois ces fiches récupérées, un tableau synthèse est réalisé et un suivi ainsi qu’une aide individuelle, par mail et par téléphone, est organisé.

    En conséquence, développer un sentiment de responsabilité vis-à-vis du projet peut également faciliter l’interactivité. Ceci est rendu possible par l’envoi de mails de relance personnalisés mais aussi par le rappel des décisions prises, des rôles de chacun, de l’objectif du projet ou de l’engagement pris par rapport au reste du groupe.

    Conclusion

    La création organisée de Communautés de Pratique n’est pas un processus simple. Comment aider les personnes à bénéficier de la plus-value d’appartenir à une CoP tout en tenant compte des contraintes liées à leur réalité professionnelle ? Les TIC sont des outils forts utiles pour dépasser les obstacles spatio-temporels, arriver à interagir à distance et collaborer.

    Dans un premier temps, nous avons abordé dans cet article, l’importance du choix des outils utilisés pour travailler de manière collaborative et à distance. Un outil, tel un forum, peut changer la dynamique d’une CoP. La littérature reprend un ensemble d’outils utiles pour le fonctionnement de communautés virtuelles. Cependant chaque public peut également avoir besoin d’outils plus spécifiques à ses besoins.

    Ensuite, nous avons insisté sur la qualité de l’interface homme-machine comme aide à l’interaction. En effet, le choix du logiciel doit passer par un examen de l’interface. S’il n’existe pas de logiciel comprenant à la fois les fonctionnalités recherchées et une interface ergonomique, les logiciels libres offrent une possibilité de solution. Ils permettent au technicien apporter des aménagements à la une plateforme existante pour la rendre compatible au besoins de la CoP.

    Enfin, nous avons montré que les rôles exercés au sein de la CoP sont nombreux et ont chacun une importance particulière. L’animateur, tout spécialement, a un rôle essentiel à jouer quant à la motivation des membres de la CoP et à leur implication dans celle-ci.

    Après trois années d’animation de la CoP des ICANE et le lancement il y a un an de la CoP des RHCS, nous allons envisageons dans les deux années à venir d’en développer trois nouvelles. Fort de nos expériences antérieures, apprenant de cette expérience d’animation, nous envisageons, dans les mois qui viennent, de construire un « guide de bonnes pratiques » d’animation de Communautés de Pratique. Sachant bien qu’il n’existe pas une recette miracle qui fonctionnerait avec toutes les Communautés, ce guide aurait pour intérêt de reprendre des conseils à suivre ou à éviter pour toute personne souhaitant se lancer dans une telle expérience.

    Article proposé par Céline SNOECK – CRIFA Université de Liège (ULg) – extraits d’une communication du  « Colloque Scientifique Ludovia 2010 » Interaction & Interactivité
    Plus d’information sur le CRIFA : http://www.crifa.ulg.ac.be/


    [1] développé par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)

    [2] développé par le Centre de Recherche Public Henri Tudor de Luxembourg

    [3] développés par la société affinitiz SAS

    [4] développé par le Research Academic Computer Technology Institute de l’Université de Patras

  • Concevoir l’interactivité ludique : une vue d’ensemble des méthodologies de « Game Design »

    Dans la culture courante, l’interactivité peut être définie comme « [la] possibilité d’échange entre un utilisateur et un programme informatique »[1]Il est alors possible de s’interroger sur la manière de concevoir un tel programme informatique capable d’interactivité. Plus précisément, existe-il des modèles théoriques ou des méthodologies de travail qui traitent de la réalisation d’applications interactives ?

    Si cette question est large, nous proposons modestement dans le cadre de cet article de l’explorer à travers le cadre du jeu vidéo. En effet, lors du processus de conception d’un jeu vidéo, le ou les créateurs de cette application se doivent d’imaginer des modalités d’interaction entre leur jeu et les joueurs, avant de les transcrire sous forme informatique. A première vue, ce processus semble reposer en grande partie sur une démarche empirique. Pour autant, il existe des outils théoriques qui essaient de formaliser « l’interactivité vidéoludique » de manière à faciliter sa conception. Ces formalisations se contredisent-elles ou convergent-elles vers une représentation unique de « l’interactivité » pour le jeu vidéo ?

    Afin d’essayer d’apporter une réponse à cette question, cet article se propose tout d’abord d’essayer d’apporter un éclairage sur la nature de « l’interactivité ludique » et des liens qu’elle entretient avec l’interactivité propre à un programme informatique. Une fois le cadre de « l’interactivité ludique » défini, nous passerons en revue différentes propositions de formalisation de la conception d’un jeu. Pour cette revue de littérature, nous nous concentrerons sur un corpus de 36 textes traitant de la conception de jeu, également appelée « Game Design » en anglais. Si quelques ouvrages académiques abordent ce sujet, la majorité des textes de notre corpus est composée d’ouvrages issus du milieu de l’industrie du jeu. Après les avoir analysés, nous discuterons de leurs caractéristiques respectives, et tenteront d’étudier en quoi ils peuvent nous éclairer sur la nature du processus de conception d’un jeu, et donc de « l’interactivité ludique ».

    Cadre théorique : interactivité informatique et interactivité ludique

    D’après Crawford (2003), l’interactivité peut être définie comme : « un processus cyclique dans lequel deux agents (métaphoriques) écoutent, réfléchissent et parlent de manière alternée »[2].

    Ramenée au contexte du jeu, nous pouvons alors voir qu’un de ces agents sera un joueur tandis que l’autre sera l’objet « jeu ». Si un être vivant est à priori capable d’écouter, réfléchir et parler, il semble difficile d’affirmer que c’est également le cas des objets. Afin de pouvoir participer à un processus d’interactivité, un objet « jeu » doit être en mesure de « simuler » ces trois étapes. Le concepteur de cet objet devra ainsi le construire de manière à ce qu’il soit capable de participer au processus interactif avec un humain. La question est donc : comment « construit-on » cette capacité interactive dans un objet ?

    Revenons au cas du « jeu vidéo », que nous pouvons définir comme un jeu se pratiquant sur support informatique ou assimilé. Nous pourrions alors supposer que la capacité interactive d’un jeu vidéo provient directement de son support, l’ordinateur. Pour autant, le jeu existe également sous d’autres formes, et même sans ordinateur il n’en reste pas moins interactif, en tout cas selon la définition donnée par Crawford. Afin de pouvoir analyser la façon dont des concepteurs créent la capacité interactive des jeux, il nous semble donc pertinent d’essayer au préalable de distinguer l’interactivité propre à l’ordinateur de celle propre au jeu.

    D’après Juul (2005), un « jeu » peut être définit comme un système à état variable : « Au sens littéral, un jeu est une machine à état variable : un jeu est une machine qui peut être dans différents états, qui peut répondre de façon différente à la même entrée, il possède des fonctions d’entrée et de sortie et des définitions spécifiant les transitions entre les différents états. […] Quand vous jouez à un jeu, vous interagissez avec la machine à état variable qu’est le jeu. »[3] [p.60]

    Rappelons que, selon Salen & Zimmerman (2003), un système se définit comme : « un ensemble d’éléments mis en relation de manière à former un tout plus complexe »[4] [p.55]

    Partant de là, un objet « jeu » peut s’appuyer sur plusieurs types de supports : cartes (jeu de cartes), plateau (jeu de société), ordinateur (jeu vidéo), lois de la physique (sport)… Comme l’explique Juul (2005), il n’existe aucun support particulier qui définisse le jeu en tant qu’objet. Cependant, un jeu étant définit comme un système à état variable, tout support destiné au jeu « matérialise » ce dernier par deux aspects :

    –       Une capacité de calcul permettant d’appliquer les règles du jeu en réponse aux actions du joueur.

    –       Une capacité à retenir l’état actuel du jeu, en mémorisant l’état de chacun des éléments qui composent le système.

    Dans le cas des jeux de cartes, les cartes servent à retenir l’état actuel du jeu pendant que le cerveau humain se charge d’appliquer les règles. Dans le cas des sports, les lois de la physique et le cerveau de l’arbitre permettent d’appliquer les règles, tandis que des objets comme les compteurs de score ou les joueurs eux-mêmes permettent de mémoriser l’état courant du jeu. Vient ensuite le cas du jeu vidéo, pour lequel le processeur de l’ordinateur permet d’appliquer les règles tandis que la mémoire de cette même machine permet de conserver l’état actuel du jeu. A partir de ces réflexions, Juul propose de différencier l’interactivité du jeu de celles du support de jeu.

    Un autre exemple abondant dans le même sens nous vient des jeux existants sur plusieurs supports, à l’image des premiers jeux vidéo (Djaouti, 2010), qui étaient des adaptations de jeux de plateau au support informatique :

    –       Les échecs se trouvent adapté sur le Manchester Mark I par Prinz en 1951.

    –       Le jeu de Nim arrive sur ordinateur avec le NIMROD, conçu par Bennet en 1951.

    –       Le morpion est adapté sur EDSAC par Douglas 1952 à travers son jeu OXO.

    –       Les dames s’adaptent au support informatique à travers deux programmes de Strachey, tout d’abord en 1951 pour le Pilot Ace puis en 1952 pour le Manchester Mark I.

    Lors de la transposition de ces jeux du support plateau au support informatique, les règles du jeu ont été conservées, seuls le « support », et donc la façon dont les règles sont appliqués, a changé. La mémoire et le processeur de l’ordinateur remplacent le plateau de jeu et le cerveau humain, mais les règles de jeu restent les mêmes.

    Nous pourrions alors proposer la distinction suivante :

    –       L’interactivité ludique est incarnée par les règles de jeu.

    –       L’interactivité du support est incarnée par la manière dont sont appliquées les règles du jeu.

    Nous pouvons pousser ce raisonnement en nous focalisant sur la manière dont le support informatique supporte l’interactivité ludique. D’une manière générale, un ordinateur est une machine qu’il est possible de programmer, afin qu’elle produise un résultat suite à des informations entrées par un utilisateur. Pour programmer cette machine, un concepteur va s’appuyer sur un langage de programmation. Il s’agit tout simplement d’une langue (avec ses règles de grammaire et son vocabulaire) que l’ordinateur va être capable d’interpréter, et qui permettent donc au concepteur de donner des ordres à la machine. Si de très nombreux langages existent, ils découlent néanmoins d’un nombre relativement restreint de « paradigmes de programmation informatique », comme détaillé par Van Roy & Haridi  (2004).

    Nous ne manquons pas de remarquer une certaine similitude entre le paradigme de programmation dit « impératif » (structuré autour de la logique « SI condition ALORS action ») et la manière dont sont rédigées les règles de jeu utilisant les support de types plateau ou cartes. Par exemple, pour le cas du morpion, la condition de victoire sera explicitement décrite comme « si un joueur aligne trois symboles en ligne droite ou en diagonale, alors il gagne ». Un concepteur désirant transposer ce jeu sur support informatique avec un langage de programmation respectant le paradigme « impératif » verra donc sa tâche grandement facilitée par la proximité entre la structure de ce langage et la manière dont se présentent les règles du morpion. Cette observation mériterait d’être développée tant elle semble s’appliquer à un grand nombre de jeux, mais là n’est pas le propos de cet article.

    Nous retiendrons donc pour l’instant qu’il existe un outil, le langage de programmation, qui permet de contrôler la manière dont un ordinateur se comportera une fois placé en situation d’interactivité avec un humain. Mais cet outil ne se limite pas à la création de jeux, car il permet également de créer des applications utilitaires (traitement de textes, tableur, système de calcul balistique…). De même, si certains langages de programmation semblent faciliter la programmation d’ordinateurs à des fins ludiques, la retranscription des règles d’un jeu ne se limite pas à ce seul support. Pour la suite de cet article, nous proposons donc de distinguer deux formes « d’interactivité » :

    –       L’interactivité ludique, incarnée par les règles d’un jeu, sans distinction de support.

    –       L’interactivité informatique, qui découle de la programmation d’un ordinateur pour accomplir une tâche spécifique grâce à un langage dédié.

    Dans les deux cas nous avons là des approches permettant d’intégrer le processus d’interactivité décrit par Crawford : les règles de jeux dictent à une large variété de « supports » une manière simuler les phases d’écoute/réflexion/parole. Le langage de programmation permet d’en faire de même pour le seul support informatique.

    Dans le cas d’un jeu vidéo, les règles de jeu seront écrites par le biais d’un langage informatique, mélangeant donc ces deux formes d’interactivité en une seule forme « d’interactivité vidéoludique », qui ne permet plus de distinguer ses deux composantes.

    Pour la suite de cet article, nous allons nous focaliser uniquement sur « l’interactivité ludique », et plus précisément sur la manière de concevoir cette forme d’interactivité. Le fait de concevoir l’interactivité ludique, et donc de créer un jeu, est qualifié par le nom « Game Design ».

    Le Game Design : concevoir l’interactivité ludique

    Salen et Zimmerman (2003) définissent le Game Design comme : « le processus par lequel un concepteur crée un jeu, destiné à être utilisé par un joueur, afin que naisse une expérience de jeu »[5] [p.80]

    Si le Game Design est un processus, une des définitions de « processus » est « une série d’étapes permettant d’aboutir à un résultat »[6]. D’après la définition de Salen & Zimmerman, le « résultat » de ce processus est un jeu. La question porte donc sur la nature de la « série d’étapes » permettant de créer un tel objet. Existe-t-il une « série d’étapes » universelle permettant de concevoir un jeu ? Si oui, quelle est-elle ?

    Afin d’essayer d’apporter une réponse à cette question, nous proposons d’analyser un corpus de textes expliquant ce qu’est le « Game Design », ou expliquant tout simplement comment se crée un jeu. Selon Albinet (2010), la formalisation du processus de Game Design à travers des manuels et autres types de textes est relativement récente par rapport à l’histoire du jeu vidéo. Si l’histoire commerciale du jeu vidéo remonte aux débuts des années 1970, Albinet relève l’émergence du « Game Design » comme thème de théorisation à partir des années 2000. Bien que visiblement initiées dans le secteur du jeu vidéo, ces discussions portent sur l’interactivité ludique en général et non pas seulement sur l’interactivité vidéoludique. En effet, si certains ouvrages et théories se bornent au jeu vidéo, nombre d’entre eux traitent de tout types de jeux, sans distinction de support.

    Suite du travail de recherche et docuemnt complet avec visuels sur http://www.ludoscience.com/FR/diffusion/510-methodologies-de-Game-Design.html

     

    Communication du Colloque Scientifique Ludovia 2010 par Damien DJAOUTI, Julian ALVAREZ, Jean-Pierre JESSEL – IRIT – Université Toulouse III – Paul Sabatier n°27 (Informatique)


    [1] Retrouvé le 12-03-10 sur http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/interactivite/

    [2] “A cyclic process in which two active agents alternately (and metaphorically) listen, think, and speak.”

    [3] “In a litteral sense, a game is a state machine: A game is a machine that can be in different states, it responds differently to the same input at different times, it contains input and output functions and definitions of what state and what input will lead to what following state.[…] When you play a game, you are interacting with the state machine that is the game.”

    [4] “A system is a set of parts that interrelate to form a complex whole”

    [5] “Game design is the process by which a game designer creates a game, to be encountered by a player, from which meaningful play emerges”

    [6] “A series of events to produce a result.” Retrouvé le 20 Mai 20 2010 sur http://en.wiktionary.org/wiki/process

  • Formation à distance : augmenter l’interactivité pour diminuer la distance ?

    Formation à distance : augmenter l’interactivité pour diminuer la distance ?

    Peut-on réellement prétendre qu’en contexte de formation à distance (FAD) l’interactivité brise la distance ? En théorie, une démarche de conception de FAD axée à la fois sur le respect de critères ergonomiques, sur des stratégies et des outils stimulant l’activité des apprenants et la communication entre acteurs du dispositif va dans ce sens. Encore faut-il la mettre concrètement en oeuvre. Cet article traite de l’interactivité comme solution aux diverses contraintes rencontrées par les apprenants en situation de FAD. Les auteurs alimentent leurs réflexions à partir de champs disciplinaires variés tels que l’ergonomie des interfaces homme-machine et la psychopédagogie. Dans chacun de ces champs, ils répertorient quelques bonnes pratiques pour la conception d’un dispositif de FAD « interactive ».

    Introduction

    Les stratégies de maintien et de renforcement de la motivation des apprenants sont au centre de la réflexion dans le domaine particulier de la formation à distance (FAD). Le taux d’abandon, « souvent de l’ordre du deux tiers » (Glikman, 2002) parfois plus (70 %, selon le MU News Bureau, 2008 ; 80% selon le MIT, 2001), témoigne d’un problème qui s’accentue en l’absence de motivation extrinsèque.

    S’il n’est pas possible de tracer un lien direct entre démotivation et abandon, il est très probable que la qualité du dispositif mis en place exerce une influence sur la satisfaction de l’apprenant. Keller et Suzuki (2004) constatent que « les concepteurs (…) ne peuvent pas contrôler la motivation des apprenants, mais d’autre part, ils ne peuvent éviter de l’influencer, que ce soit positivement ou négativement ». Deschênes et Maltais (2006) assurent qu’une formation de qualité et un soutien à la réussite peuvent être atteints en FAD en diminuant les contraintes dues à la distance. C’est pourquoi nous accordons un soin particulier, d’une part à la conception de l’interface au niveau ergonomique et, d’autre part, à la scénarisation pédagogique afin de maximiser l’interactivité entre le système et ses utilisateurs.

    Dans cet article, nous nous focaliserons sur des moyens « interactifs » assez aisés à mettre en œuvre et inspirés par des théories issues de champs disciplinaires différents. Nous en évoquerons un certain nombre en les rapportant au projet visaTICE. Nous faisons l’hypothèse qu’un dispositif de FAD « interactif » contribue à diminuer la distance, à entretenir de manière constante la motivation de l’apprenant, et par là, à lutter efficacement contre le phénomène d’abandon.

    1      Problématique

    Le projet visaTICE, soutenu par le ministère de l’éducation de la Communauté française de Belgique (CfB), vise à certifier les élèves en fin d’enseignement secondaire (fin de Lycée en France) à propos de leur maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC). Il met en place un dispositif de FAD qui nécessite de prendre en compte la motivation des apprenants, et cela, pour de multiples raisons :

    – l’inscription à cette formation ne revêt (actuellement) aucun caractère obligatoire ;

    – elle est censée pallier l’absence d’un enseignement obligatoire des TIC en CfB ;

    – aucun encadrement des élèves dans le cadre du projet n’est actuellement organisé (même si celui-ci le prévoit) ;

    – son corpus touche à des savoirs (au sens large) à propos desquels les élèves ont des représentations erronées ;

    – les représentations qu’ont les élèves et leurs enseignants de leur propre maîtrise de ces savoirs sont généralement excessives, dans un sens ou dans l’autre ;

    – certaines idées reçues et largement répandues à propos de ce qui doit être appris et maîtrisé en matière d’usage des TIC doivent être revues.

    Ce contexte nous a conduit à prendre en compte les nombreux ingrédients nécessaires à la construction, chez l’apprenant, d’une motivation solide et plus difficilement altérable. Nous présenterons ici, plus spécifiquement, l’interactivité comme une solution aux diverses contraintes rencontrées par l’apprenant en situation de FAD. Les éléments sur lesquels nous avons porté notre attention trouvent leurs sources dans des théories très variées et sont donc de natures très diverses. Cet article s’applique à les répertorier comme règles de bonnes pratiques pour la réalisation d’une FAD « interactive », quels que soient les savoirs enseignés.

    Notre réflexion s’appuie sur les six distances identifiées par Jacquinot (1993). Elle s’inspire de champs disciplinaires variés tels que l’ergonomie des interfaces homme-machine (IHM) et la psychopédagogie, et retire de chaque distance un lot de considérations sur la manière de motiver, de maintenir l’attention, d’inciter, etc. Dans le contexte très concret de la mise en place du dispositif d’une formation (et non d’un dispositif de formation), il est intéressant d’en prendre en compte le plus grand nombre.

    2      Interactions/interactivité

    Afin de définir de manière spécifique ce que signifient pour nous les termes interactions et interactivité, nous allons commenter brièvement une croyance à leurs sujets.

    Parce qu’elles font partie intégrante de l’enseignement en présentiel (face à face), les interactions (verbales) professeur-apprenant et apprenant-apprenant sont supposées nécessaires pour que l’apprentissage se réalise (Thorpe, 2002). Ohl (2001) écrit que l’on postule souvent que l’interaction est essentielle en éducation et que toute interaction peut avoir des effets positifs. Elle affecterait la satisfaction, la performance et les résultats. En conséquence, une FAD se devrait de proposer ce type d’interactions.

    Ceci doit toutefois être nuancé. Si certains apprentissages peuvent effectivement bénéficier des interactions avec les pairs ou d’autres personnes, il est abusif d’affirmer que toute situation d’apprentissage doit nécessairement contenir un minimum d’interactions avec un tiers pour que l’apprenant construise des connaissances ou se développe personnellement. Au sujet de l’interaction professeur-apprenant, Mœglin écrit : « Quant à la présence du « tiers formant » (enseignant ou tuteur), longtemps tenue pour le critère par excellence de la formation, les observations et analyses (…) montrent qu’elle n’est plus indispensable, du moins dans sa forme actuelle » (Moeglin, 1998 : 7).

    Il est donc important de cesser de croire que les interactions humaines (professeur-apprenant ou apprenant-apprenant) sont  une des conditions nécessaires pour qu’il y ait apprentissage. Cela reste cependant vrai s’il est question de l’interaction apprenant-contenu.

    Partant de ces réflexions et des types d’interaction identifiés par Moore (1977), à savoir apprenant-contenu, apprenant-pairs (apprenant-apprenant) et apprenant-professeur, on peut définir l’interaction comme une action/communication réciproque entre deux pôles. Dans un contexte de FAD, l’interaction apprenant-machine (interaction homme-machine ou IHM) est également à considérer.

    De plus, à l’heure actuelle, les technologies de la communication offrent diverses possibilités d’interactions qui peuvent parfaitement remplir le rôle important attribué aux échanges et aux partages avec l’autre (Mugny, 1985 ; Doise & Mugny, 1981 ; Lewis, 1998) dans la négociation et la (co-)construction des connaissances (Deaudelin & Nault, 2003). En outre, selon Maurin (2004), certains aspects d’une relation pédagogique peuvent être facilités par la communication asynchrone parce que l’éloignement physique « peut quelquefois empêcher, (…), que la relation entre eux ne soit exclusive ou fusionnelle » (Maurin, 2004 : 185).

    Si, à l’origine, le concept d’interactivité était bien souvent restreint au champ très spécifique de l’IHM, les stratégies présentées ici reposeront, quant à elles, sur une IHM, sur une médiation humaine, ou encore sur la relation entre l’apprenant et son objet d’apprentissage. Pour nous, l’interactivité recouvre l’ensemble de ces interactions.

    3      Vaincre les distances en FAD

    Le concept de distance évoqué dans l’expression « formation à distance » ecomprend de multiples facettes. En effet, Jacquinot (1993) identifie six distances qui peuvent entraîner des contraintes individuelles chez les apprenants en situation de FAD : les distances spatiale, temporelle, technologique, pédagogique, psychosociale et socio-économique. Dès lors, il convient de clarifier succinctement ces distances et de répertorier, pour chacune d’elles, des moyens « interactifs » pour y remédier.

    Généralement, la distance spatiale renvoie au fait qu’une personne ne peut se déplacer pour suivre une formation. La FAD permet l’apprentissage n’importe où en fournissant les ressources nécessaires pour soutenir la démarche de l’apprenant qui veut se former. Dans le milieu éducatif, le « blended learning » semble être préféré au « tout à distance ». Des rencontres en présentiel entre les élèves et l’enseignant/tuteur/animateur sont alors organisées (périodiquement ou occasionnellement, au démarrage par exemple) pour permettre aux différents acteurs d’établir un lien social. Cependant, de nombreuses études ont montré que le taux de participation à ce genre de regroupements, même obligatoires, avait tendance à diminuer avec le temps. L’important semble surtout d’introduire l’apprenant dans la dynamique du dispositif de formation, les outils technologiques actuels permettant par ailleurs de soutenir la dimension sociale de l’apprentissage, par exemple au cours d’échanges de messages électroniques, que ce soit sous forme de courriels, de chats, de forums ou encore via la tenue de vidéoconférences.

    La distance temporelle rappelle la difficulté de regrouper des étudiants à un moment précis (lorsqu’aucune plage horaire n’est prévue à cette fin). La FAD offre la liberté de choisir le moment et le rythme de son apprentissage. Si le « blended learning » peut diminuer la distance spatiale, il maintient une forte contrainte temporelle qui va souvent à l’encontre de ce à quoi s’attendent les acteurs de FAD. La distance temporelle se fait également ressentir au niveau des services d’aide (technologique et pédagogique) offerts par le dispositif. Depover affirme que la réponse d’un tuteur à une demande d’étudiant ne devrait pas dépasser « 24 heures pour ne pas rompre la dynamique du dialogue pédagogique » (2000 : 157). Cette recommandation peut être nuancée en disant qu’il importe que l’apprenant soit prévenu des rythme et délais auxquels il peut s’attendre à recevoir une réponse de son tuteur. Ce point devrait en effet faire partie d’un contrat entre les deux parties. Certaines aides peuvent également être accessibles en ligne à tout moment, telles qu’une liste de questions fréquemment posées (FAQ), des informations générales sur le dispositif, etc.

    La distance technologique évoque, évidemment, la disponibilité matérielle d’une technologie, mais porte surtout sur la manière dont on l’utilise. Glikman (2002) écrit que le recours au TIC exige trois types d’apprentissage : le contenu de la formation, le fonctionnement de l’outil ainsi que l’utilisation de ce dernier dans un but d’apprentissage et d’échanges en relation avec la formation. Par ailleurs, toute perte de temps à régler des problèmes liés à l’utilisation des TIC est susceptible d’engendrer des frustrations importantes chez les apprenants, voire de provoquer leur abandon. C’es pourquoi un mécanisme de préformation et d’encadrement doit être prévu (cfr. Section 4.2) Cependant, les TIC offrent des possibilités réelles d’interaction via l’usage de logiciels tels que le courrier électronique, les forums et autres outils de communication synchrone ou asynchrone, les navigateurs de recherche, etc. Les choix des concepteurs prennent ici toute leur importance.

    Par distance pédagogique, on entend celle qui sépare les représentations des concepteurs à propos de la manière d’apprendre et celles de l’apprenant quant à sa manière d’y parvenir. En FAD, l’apprenant peut se sentir forcé d’adopter les stratégies d’apprentissage conséquentes aux choix pédagogiques faits par les concepteurs dans les différentes tâches proposées. C’est « surtout en fonction de la tâche demandée qu’ils (les apprenants) adopteront une stratégie d’apprentissage plutôt qu’une autre » (Denis, 2003 : 36). Il importe donc de lui proposer des activités relevant de divers paradigmes d’apprentissage/enseignement (Leclercq & Denis, 1998), de lui offrir une certaine liberté et de l’autonomie, d’encourager sa créativité et de favoriser la construction des connaissances qu’il pourra facilement transférer à d’autres situations.

    Les distances psychosociale et socio-économique ne seront pas discutées dans cet article vu leur peu de pertinence dans le contexte du projet visaTICE.
    4 visaTICE, ilustration d’un dispositif interactif

    4.1      Le dispositif

    La production du dispositif visaTICE a demandé l’écriture d’un cahier des charges précis, reprenant entre autres, des étapes telles que la définition des objectifs en termes d’apprentissage, les options méthodologiques, la dimension interactionnelle, la pertinence du choix des média et la séquenciation du contenu. Ce dernier prend sa source dans une réflexion sur la didactique des TIC qui promeut l’identification d’invariants du traitement de l’information, à savoir les concepts et principes organisateurs qui gouvernent les TIC. Cette approche vise à rendre l’apprenant autonome dans sa démarche d’apprentissage de nouveaux progiciels (Vandeput, 2003 ; 2004 ; 2006 ; Vandeput & Colinet, 2007 ; Poisseroux et al., 2009).

    Le dispositif simule une situation d’enseignement présentiel en s’articulant autour d’un document de référence pour l’apprenant : le livre. Celui-ci, à l’instar de tous les livres de cours, est divisé en chapitres. Chaque chapitre contient généralement une mise en situation, une série d’activités, une synthèse et une évaluation. Des réflexions théoriques, des exercices supplémentaires et des lectures pour aller plus loin sont parfois proposés. Il est donc conçu pour que les apprenants l’exploitent seuls, ce qui, comme nous allons le décrire, n’exclut pas des interactions.

    L’accent est mis sur la diversité de la présentation et de l’accès à l’information (hypertextes, hypermédia), laissant à l’utilisateur une certaine liberté (multiplicité des choix de navigation). De plus, les concepteurs ont respecté les règles ergonomiques (Bastien et Scapin, 1993) afin d’éviter tout problème d’utilisabilité de l’interface. Nous développerons brièvement ce point en section 4.4.

    4.2      Un mécanisme de préformation

    4.2.1        Divers acteurs à former

    Différents acteurs interviennent dans le dispositif, et, plus particulièrement, au niveau du processus d’enseignement-apprentissage proprement dit. Parmi eux, on trouve les étudiants inscrits au dernier cycle de l’enseignement secondaire et des enseignants qui se sont portés volontaires pour implémenter le dispositif de FAD. Ils vont jouer un rôle de personne-ressource ou de « coach » vis-à-vis des élèves. Autrement dit, ils seront en première ligne pour les introduire dans le dispositif visaTICE, répondre à leurs questions (via des forums ou lorsqu’ils rencontrent ces élèves) et les (re)motiver tout au long de leur parcours d’apprentissage.

    Leurs rôles sont assimilables à ceux d’un tuteur ou d’un animateur local (Denis, 2001) et sont précisés lors d’une session de formation. Ceux que l’on nomme par ailleurs « tuteurs » sont des membres de l’équipe de conception visaTICE. Ils ont principalement pour fonction de répondre aux questions que les « coaches » n’ont pas pu traiter.

    4.2.2        Familiarisation avec le dispositif aux niveaux technologique et pédagogique

    Parmi les piliers d’un dispositif d’autoformation, Carré et Pearn (1992) épinglent un mécanisme de préformation des apprenants. C’est une préparation à l’entrée dans l’autoformation, ce processus où l’apprenant va devoir se prendre en charge alors que, dans les situations de formation qu’il a connues antérieurement, il a généralement été fort guidé par ses professeurs. On y présente la formation, ses ressources humaines et matérielles, les conditions de réalisation (rôles des apprenants, des personnes-ressources et des tuteurs). C’est notamment une première occasion de se familiariser avec la plateforme de cours à distance (interface, livre et types d’activités, forums…). Cette étape est un facteur de succès qui a été mis en évidence dans la plupart des environnements de FAD (Daele & Docq, 2002 ; Denis & Piette, 2003 ; Denis & Vandeput, 2004).

    Dans notre cas, ce mécanisme de découverte de l’environnement de FAD concerne aussi bien les personnes-ressources (enseignants « coaches ») que les élèves. Avant d’assurer le suivi des élèves, les « coaches » auront également l’occasion de se familiariser avec la philosophie du projet (maîtrise de TIC reposant sur approche didactique axée sur des invariants du traitement de l’information).

    4.3      Stratégies psychopédagogiques

    Penchons-nous plus précisément sur les stratégies psychopédagogiques susceptibles d’augmenter l’interactivité dans un dispositif de FAD. Celle-ci consiste tantôt en des interactions entre humains par l’intermédiaire du système, tantôt en une interaction de type homme-machine. Toutes ont pour but de maintenir la motivation de l’apprenant.

    4.3.1        Interactions entre humains

    L’interactivité humaine se retrouve à travers trois modes de communication, à savoir les emails, les forums et les rencontres en présentiel. Quel que soit le mode de communication employé, l’important est de réagir rapidement et régulièrement aux demandes, mais surtout de les stimuler. Un apprenant en difficulté a la possibilité de correspondre par email avec un « coach » ou un tuteur. Il peut également interagir via les forums avec d’autres apprenants. Rappelons qu’il a aussi la possibilité de rencontrer une personne-ressource au sein de son établissement scolaire.

    L’ensemble de ces interactions va maintenir une dimension sociale au sein de visaTICE, apportant ainsi une solution à la distance spatiale qui peut être ressentie par les apprenants en situation de FAD. Distance diminuée également si l’apprenant a le sentiment d’une aide personnalisée, correspondant à ses besoins particuliers.

    Par la même occasion, la distance temporelle peut également être réduite par un tutorat « proactif et réactif ». Dès lors, le rôle du tuteur à distance doit faire l’objet d’une réflexion poussée quant au profil d’intervention qu’il devrait adopter dans ce dispositif (Denis, 2003).

    4.3.2        Interactions homme-machine

    Dans le projet visaTICE, on ne peut guère compter sur une quelconque motivation extrinsèque des apprenants, sur une pression externe provenant de l’environnement ou un contrôle autre que le sien de la valeur qu’il perçoit des activités. Par conséquent, la première préoccupation est d’inciter les apprenants à s’engager dans la formation et à devenir autonomes. Un dispositif favorisant l’autonomie procure un niveau de satisfaction élevé auprès des apprenants, composante importante de la motivation. Or, Ohl (2001) écrit que l’autonomie n’est possible que s’il y a interaction.

    Dès le départ, une mise en situation amène les apprenants à se rendre compte des représentations erronées qu’ils ont à propos des TIC et sur l’importance d’une bonne maîtrise de ces dernières pour leur futur. Justifier le choix des concepteurs en décrivant la nature, les consignes et l’utilité de chaque activité va permettre à l’élève d’attribuer une certaine valeur à la tâche proposée (Viau, 2003).

    Afin d’éviter toute distance pédagogique, l’apprenant jouit d’une certaine liberté au sein du dispositif. Il est seul responsable de son apprentissage et se voit offrir la possibilité d’effectuer des choix tant sur le plan du contenu, des démarches que des interactions. Il peut, à tout moment, quitter « le livre » pour accéder aux activités qu’il souhaite refaire. Il garde la liberté d’effectuer ou non les exercices, de faire des lectures supplémentaires. Sa créativité est encouragée à travers des activités où il est appelé à mettre au point sa propre stratégie de résolution d’un problème. Dès qu’il y est arrivé, il peut confronter sa démarche à celle proposée dans le dispositif. Il construit ses connaissances et est amené à les adapter selon les situations rencontrées.

    L’apprenant est donc mis en confiance (Keller, 1987) non seulement par la liberté dont il dispose, mais aussi par les services d’aide qui lui sont accessibles. Il peut en effet s’adresser à des co-apprenants ou à un tuteur (cfr. section 4.2.2). Il dispose également d’informations générales sur l’utilisation efficace du dispositif. Dans visaTICE, un système de FAQ sera envisagé par la suite pour alléger le travail du tuteur, bien que ce type de programmes interactifs automatisés ne constituent pas un soutien personnalisé pour l’apprenant (Thorpe, 2002).

    Une autre stratégie repose sur la dimension ludique de l’apprentissage. L’attention (Keller, 1987) des apprenants est soutenue par l’utilisation de supports variés (photographies, vidéos, illustrations, animations). Des microdéfis sont proposés, demandant à l’apprenant de faire des associations entre les différents concepts et principes vus. Le langage des activités est adapté au public. On y fait référence à des habitudes spécifiques (par exemple, l’envoi de SMS). L’humour y est aussi présent. Les apprenants ont, par ailleurs, la possibilité, à partir de ces défis, de traiter les contenus de manière personnelle. En outre, visaTICE les invite à sortir du dispositif pour réaliser des activités au sein même de leur logiciel (traitement de texte, tableur, etc.) favori, d’enregistrer leur travail. Cette stratégie prend appui sur les théories de pédagogie interactive (Béguin, citée Lombardo et al., 2006) et vise à réduire, entre autres, la distance spatiale. L’apprenant a le sentiment d’être dans un univers qui lui convient.

    4.4      Stratégies ergonomiques

    L’importance des interfaces homme-machine dans le succès des applications, et en particulier, des applications liées à l’apprentissage et l’enseignement fait que la conception d’interfaces homme-machine ergonomiques s’est aujourd’hui élevée au rang de discipline. Les qualités d’une interface peuvent être source de motivation alors que ses défauts sont susceptibles de provoquer lassitude, découragement et donc, démotivation.

    Pour réduire la distance technologique et, dès lors, faciliter la prise en main du dispositif par l’apprenant, nous nous basons sur les critères ergonomiques de Bastien et Scapin (1993). Ceux-ci proposent huit critères standardisés, subdivisés pour donner un total de dix-huit critères. Nous ne reprenons ici que ceux qui sont les plus significatifs dans le cadre de visaTICE et nous négligeons ceux qui sont plus directement liés aux interfaces des logiciels dont le système de commandes est généralement plus complexe et utilise, par exemple, de nombreuses boites de dialogue.

    Le critère de guidage, plutôt fondamental dans un dispositif d’apprentissage, est celui qui fait l’objet de la plus grande attention. L’apprenant est conseillé, orienté et informé lors de ses interactions avec le dispositif. Parmi ses sous-critères, l’incitation est clairement présente par les nombreux liens du sommaire du cours et des boutons, tous assortis d’un texte qui indique, de manière non équivoque, l’action associée (réponse, retour au livre, commencer, etc.). La lisibilité est liée à l’usage d’une police de caractères large et sans empattement, spécifique à l’affichage sur un écran. La feuille de style très détaillée dans laquelle elle est définie, contient également la définition de styles spécifiques pour les objets d’interaction, ce qui contribue à renforcer les critères de groupement/distinction des items par le format et la localisation.

    La charge de travail est minimale favorisant (et facilitant) le dialogue homme-machine. On ne peut pas parler de densité informationnelle dès lors que tous les éléments de la plateforme originale n’ayant aucune utilité directe ont été occultés de l’interface.

    L’adaptabilité se manifeste à travers la prise en compte de l’expérience de l’utilisateur. Celui-ci peut éviter toute une série d’étapes qui ne sont plus nécessaires quand son expérience d’usage de la plateforme est suffisante. En particulier, la lecture des informations concernant l’usage du dispositif est optionnelle.

    L’homogénéité et la cohérence sont intimement liées à l’usage d’une feuille de style très détaillée et bien structurée. L’univers dans lequel l’utilisateur évolue contient de nombreux éléments qui sont peu variables dans leur forme, ce qui contribue à son confort.

    La manière dont les références sont faites aux actions (un texte significatif sur les boutons ou des liens textuels simples) ne met jamais en défaut la signifiance des codes et dénominations.

    En bref, une importante prise en compte critères d’ergonomie fait que la multiplicité des détails contribue au confort de l’apprenant, lui permettant de se concentrer sur le cours, sans devoir consacrer d’énergie à comprendre l’interface et sans subir de charge mentale à ce niveau.

    5      Conclusion et perspectives

    L’entretien de la motivation de l’apprenant est un vrai challenge pour l’enseignant, que ce soit dans un dispositif de formation traditionnel ou dans un dispositif de FAD. L’enseignant en présence dispose toutefois d’un avantage incontestable sur le « formateur à distance ». Ses modes d’intervention sont adaptables à souhait et résultent d’une interprétation quasi immédiate de ce qui se passe dans l’environnement de l’apprenant.

    À distance, cet énorme avantage est quasiment réduit à néant. Le challenge est toujours présent et beaucoup plus difficile à relever. Le « formateur à distance » possède toutefois d’autres atouts. D’abord, il ne correspond pas nécessairement à une seule personne physique. La charge et les rôles peuvent donc être répartis. Dans le scénario pédagogique en ligne, la plupart des interventions sont programmées, ce qui a la triste conséquence de les figer, mais aussi l’avantage de pouvoir les « rejouer » dans des contextes semblables. La tâche est donc d’une tout autre ampleur. En conséquence, le concepteur se doit d’utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition pour entretenir la motivation des apprenants. Et ces moyens sont nombreux.

    Dans cet article, l’interactivité a été envisagée comme une solution aux contraintes de distances, telles que définies par Jacquinot (1993). Cette hypothèse nous a amenés à considérer des éléments théoriques de natures diverses et à les répertorier comme règles de bonnes pratiques pour la conception et la mise en place d’une FAD « interactive », quel qu’en soit le contenu. L’interactivité a, dès lors, été examinée sous l’angle de plusieurs disciplines et principalement, celui de la psychopédagogie et celui de l’ergonomie des interfaces homme-machine. Nous ne nions pas que des investigations soient également possibles dans d’autres champs disciplinaires tels que, par exemple, la psychologie cognitive. Nous avons essayé de montrer qu’un dispositif « interactif » peut être vu comme la résultante des efforts menés dans chacune des disciplines.

    Les stratégies psychopédagogiques ont illustré la mise en place d’interactions, que ce soit entre humains (par l’intermédiaire du système) ou de type homme-machine. Nous avons aussi montré en quoi et comment le respect de critères ergonomiques dans la conception des interfaces pouvait contribuer à augmenter le dialogue entre l’apprenant et le système.

    L’ensemble des réflexions décrites ici est immédiatement transposable à la conception d’autres dispositifs de formation en ligne. Il a fait l’objet de validations auprès d’étudiants universitaires afin d’obtenir un feedback, notamment en ce qui concerne les aspects motivationnels, ainsi que les points forts et faibles du dispositif visaTICE (Vandeput et Henry, 2010). La rédaction de tous les modules de cours n’est pas encore complètement terminée, mais il n’est pas indispensable qu’elle le soit pour démarrer le projet en contexte scolaire « réel ». Ainsi, le dispositif visaTICE sera très prochainement mis en œuvre dans des écoles-pilotes volontaires. Cette phase d’expérimentation permettra des aménagements et une régulation qui ne pourraient être mis en place sinon, mais aussi de vérifier si l’objectif est atteint. Outre des questionnaires d’évaluation et des entretiens auprès du public-cible, il serait intéressant d’utiliser des outils statistiques pour connaître, dans un objectif de mise à jour, les pages les plus vues, les plus lues et les oubliées. Nous pourrons constater par exemple si les apprenants utilisent ou pas les interactions proposées et, le cas échéant, guider nos efforts vers une interactivité mieux adaptée à leurs besoins.

    Communication Scientifique Ludovia 2011 par  Julie HENRY, Étienne VANDEPUT & Brigitte DENIS – CRIFA Université de Liège (ULg)

    http://www.crifa.ulg.ac.be/

  • Les avancées du plan numérique à l’université : La Cé exige plus de justices

    Pour la Confédération étudiante, ce  bilan positif  (avec le nombre de bornes wifi dans les universités qui double en un an, passant de 10.000 à 20.000 et  le volume de cours disponibles en podcasts à 30.000heures en 2010), masque les inégalités que les étudiants vivent face à l’accès au numérique.

    Ces inégalités sont de trois ordres :
    1)    Un écart trop important entre différentes Universités
    En effet si la couverture wifi est plutôt bonne dans les Universités (hormis quelques problèmes de connexion), l’accès aux cours en ligne en version écrite comme en podcasts reste très inégalement répartie pour les étudiants. Pour ce qui concerne les podcasts par exemple, la moitié des 30 000 heures sont produites par seulement 3 Universités (Paris 10, Paris 5 et Poitiers) ce qui fait une production annuelle  moyenne de 5000heure pour les 3 contre 180heures pour le reste

    2)    Le non prise en compte des résidences étudiantes dans le plan numérique.
    La réussite de l’étudiant est certe liée à la qualité de ses cours, mais elle est aussi fortement liée à leurs conditions de vie. Dans les résidences étudiantes, l’accès à internet est très inégalement réparti dans le territoire. Dans beaucoup d’académies, l’accès à internet est payant et cela peux aller jusqu’à 20 euro  par mois. Ainsi on a par exemple : Dans les résidences étudiantes d’Aix-Marseille (8 à 20 euro par mois),  Lyon (6euro), la Rochelle (5euro).  Au vues des étudiants  qui habitent dans ces résidences (étudiants boursiers ou étudiants internationaux), le wifi payant constitue un frein à leur accès à la connaissance.

    3)    L’insuffisance du matériel informatique.
    L’accès au wifi dans les Universités ne peut pas résoudre à lui seul le  problème de l’accès au numérique.  Les salles informatiques des universités françaises sont souvent dotées de peu d’ordinateurs et rares sont les universités qui mettent à la disposition des étudiants des ordinateurs portables. Ainsi, pour avoir accès à internet il faut d’abord posséder son propre ordinateur ou bien avoir beaucoup de temps et de patience pour accéder à la salle info.

    Pour la confédération étudiante, il est urgent de prendre en compte la situation sociale, les conditions de vie et d’études des étudiants dans le « Plan numérique à l’Université » ainsi les étudiants demandent :
    –    La généralisation de la mise en ligne des cours  sur tous supports afin de mieux prendre en compte la situation réelle des étudiants, notamment ceux qui en plus de leurs études travaillent (40% des étudiants)
    –    La mise en place de salles informatiques équipées dans toutes les résidences étudiantes et l’accès gratuit  au wifi dans toutes les résidences.
    –    La mise en place de matériels informatiques gratuites ou d’un chèque numérique qui permettra à chaque étudiant d’accéder à un ordinateur.

    Nous demandons à la ministre de mieux impliquer les étudiants dans la réflexion sur leurs formations et leur vie d’étudiants : c’est l’un des objectifs fixés par le plan numérique.

    Source : La Cé par email le 09/09/10

  • FUTURE GAME ON – Conférence Européenne sur la recherche et développement du jeu vidéo : Appel à Communications

    Future Game On proposera un ensemble de conférences de haut niveau à destination des professionnels du privé et universitaires du secteur. En présentant leurs avancées logicielles et matérielles ainsi que leurs nouvelles pratiques, les acteurs de l’industrie auront une occasion unique de faire le point sur les dernières innovations liées au jeu vidéo. Les thèmes abordés seront aussi variés que les technologies de rendu, la géolocalisation, l’Intelligence Artificielle, l’interactivité, le game design, ou encore les outils sociaux, de production ou de management. Les domaines d’application sont aussi bien les terminaux mobiles que fixes, le Web ou les réseaux sociaux, les applications orientées sur l’usage ou la plateforme.

    Les contenus de conférence de Future Game On feront l’objet d’une publication internationale en partenariat avec ACM SIGGRAPH. Ce journal sera une véritable vitrine du savoir-faire européen en matière de contenus interactifs.

    Future Game On est donc un rendez-vous professionnel majeur qui permettra pour la première fois un échange technique de haut niveau entre professionnels et académiques européens.

    APPEL A COMMUNICATIONS 2010

    Future Game On invite les professionnels du privé et universitaires à soumettre leurs propositions de travaux et conférences dès aujourd’hui et jusqu’au 22 juin sur le site officiel de l’événement : www.futuregameon.com . Les modèles et plannings de soumission sont disponibles en ligne.
    Pour toute question ou détail sur les conditions de participation, n’hésitez pas à contacter :
    Richard Duport
    Tel: +33 (0) 1.40.41.11.60
    Email: richard.duport@capdigital.com

    Future Game On 2010 est organisé par les pôles de compétitivité Cap Digital et Imaginove, en collaboration avec Capital Games (association du jeu vidéo de Paris et l’Île-de-France), en coopération avec ACM SIGGRAPH. Il aura lieu en parallèle du plus grand événement français : le Festival du Jeu Vidéo.

    Retrouvez l’actualité de Future Game On sur www.futuregameon.com

  • Ludovia 2010 : Appel à communications scientifiques

    Ainsi la première édition du Colloque en 2005 fut intitulée « approches croisées de la création de logiciels et dispositifs numériques ludo-éducatifs ». Nous avons ensuite abordé les questions de l’immersion en 2006, de la convivialité en 2007, le « faire soi-même » 2008, « espace(s) et mémoire(s) » en 2009.

    Pour l’édition 2010 nous proposons à la réflexion le thème : Interactivité / interactions Enjeux relationnels
    Si l’interactivité est une notion récente  étroitement liée aux systèmes informatiques, celle d’interaction est utilisée dès le XIXème siècle pour qualifier dans divers domaines scientifiques « l’action réciproque de deux ou plusieurs objets, de deux ou plusieurs phénomènes » . Peut-on qualifier d’interaction la relation d’un homme avec une machine ? C’est en tout cas ce à quoi les pratiques avec les nouvelles technologies ambitionnent : les principes de participation et de collaboration liées à la transformation sont prioritaires pour définir le rapport actuel entre homme et machine.
    Alors que les premiers ordinateurs n’étaient que des instruments de calcul au service d’applications professionnelles, l’apparition des interfaces graphiques dans les années 1980 a modifié la relation de l’homme à la machine au travers d’usages qui se sont élargis progressivement à toutes les couches sociales dans le cadre d’activités culturelles, de loisir, etc. L’interactivité est devenue l’affaire de tous au quotidien – le modèle orienté utilisateur a remplacé le précédent modèle rationaliste.

    Le concept d’interactivité a été largement discuté dans les années 1990 : marque t-il une réelle rupture relationnelle ? La relation à la machine est-elle une simple réactivité ou s’agit-il d’une relation dialogique ? Ces questions paraissent aujourd’hui périmées et de nouvelles problématiques se posent avec l’évolution du design des interfaces qui se rapprochent de nos corps (la Wii) ou développent la dimension affective (le lapin communicant Nabaztag).

    Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, la relation s’est enrichie et complexifiée avec la connexion des machines sur Internet. Dès lors, il n’est plus question seulement de la relation d’un homme à une machine, mais de relations entre les hommes médiées par des ordinateurs qui engagent vers de nouvelles formes de relations intersubjectives. De ce fait, le concept d’interaction est réintroduit dans sons sens sociologique ou psychologique, interactions sociales, « ensemble de dynamiques engagées au cours d’un procès de communication intersubjective qui entraînent des effets réels réciproques sur les partenaires de la relation d’échange » , qui désormais se développent par l’intermédiaire non seulement des micro-ordinateurs mais de toute sorte de dispositifs électroniques qui envahissent nos vies tels que ceux proposés par la téléphonie mobile.

    Ainsi le rapport à la machine s’insinue t-il toujours davantage comme médiation dans les modalités de nos rapports humains. Les interfaces avec leurs caractéristiques tant matérielles que logicielles influent sur nos rapports sociaux, modèlent nos comportements et façonnent nos modes de vie.
    Les débats des années 1980/1990 sur la relation homme/machine se voient donc réactivés dans les nouvelles conditions d’une informatique connective et conduisent à reconsidérer les enjeux relationnels.
    A la lumière de ces évolutions, nous souhaitons ouvrir la discussion afin de préciser le sens des termes d’interactivité et d’interaction en les confrontant aux usages actuels.

    Ludovia 2010 aura le souci de définir ou redéfinir les notions d’interactivité et d’interaction qui ne recouvrent pas forcément les mêmes réalités dans toutes les disciplines scientifiques. Dans le cadre interdisciplinaire qui est le nôtre, les communicants s’attacheront à définir la spécificité de leurs approches, et expliciteront leurs méthodes au regard de ces questions. La notion d’enjeux relationnels s’entendra autant dans le sens des relations interfaces/usagers que dans celui de la relation interactivité/interaction.

    Parmi les questions qui pourront être traitées, nous suggérons aux auteurs le développement des pistes telles que (liste non exhaustive) :
    –    le concept d’interactivité, largement galvaudé, peut-il encore avoir une pertinence scientifique ?
    –    l’interactivité brise t-elle réellement la distance dans nos interactions ?
    –    quelles sont les modalités de l’appropriation interactive et sur quels apports cognitifs débouchent-elles?
    –    en quoi les machines améliorent-elles les relations humaines (ou les appauvrissent-elles) ?
    –    quel est l’impact de l’interactivité sur nos interactions ?
    –    l’évolution des interfaces modifie t-elle notre perception des machines ?
    –    l’évolution des interfaces modifie t-elle nos rapports sociaux ?
    –    quels sont les modèles culturels véhiculés par les interfaces ?

    Ces problématiques pourront être confrontées à de multiples usages, applications, dispositifs logiciels, notamment :
    –    le domaine des jeux vidéos ;
    –    les logiciels éducatifs ;
    –    la téléphonie mobile ;
    –    les réseaux sociaux et les applications du web 2.0 ;
    –    le web design ;
    –    l’art numérique…

    Conformément à la logique du dialogue interdisciplinaire qui prévaut dans les Colloques Ludovia, nous invitons les chercheurs en Sciences Humaines et Sociales de toutes disciplines ainsi que les chercheurs en Sciences de l’Ingénieur, à soumettre leurs propositions de communications.

    Plus d’informations sur http://www.ludovia.org/2010/