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  • Imaginations vidéoludiques et possibilités d’être-dans-le-monde-virtuel

    Imaginations vidéoludiques et possibilités d’être-dans-le-monde-virtuel

    imaginaire

    Depuis plus de quarante ans que nous parlons de « jeux vidéo » le syntagme semble toujours et encore insuffisant pour rendre compte de ce qu’il en est de l’expérience qui procède. Cela ne dit pas tout. Tout du moins, cela ne dit pas tout ce qu’il possible de prendre en compte pour savoir de quoi il retourne de pouvoir dire que l’on « joue à un jeu vidéo ». D’ailleurs savons-nous véritablement de quoi « jouer » est le verbe, ontologiquement parlant ?

    Car, s’il est simplement référentiel de s’en tenir aux définitions d’un Caillois ou d’un Huizinga pour faire en sorte que jouer aille de soi, en ne méritant plus d’être questionné quant à son appropriation par un joueur et ce, jusqu’à n’être défini que comme ce qui se passe nécessairement dans tout jeu, alors n’oublions-nous pas de penser ce à partir de quoi se fonde essentiellement toute volonté de jouer ?

    Au risque de voir le jeu s’énoncer comme simple expédient logique convenant aux faits qui s’imposent comme étant d’ordre ludique. Pour autant qu’il s’agisse ainsi de jouer sans jouer, au sens de faire quelque chose de rationnellement justifié au sein d’un jeu se déterminant comme game, à savoir comme un ensemble de règles conditionnant ce qu’il faut faire pour gagner. Or, à travers cet arraisonnement du jeu à son ombre tant structurelle que positiviste, l’essence même du jeu semble perdue, oubliée en deçà de son propre simulacre dont le serious game est la preuve flagrante.

    Cependant, parce que nous sommes joueurs, nous savons que nous avons à rétrocéder au jeu son essence, antécédemment à son recouvrement méthodique au travers de discours au jeu vide. Au sens où il ne saurait être écarté ni même différé que le jeu, par essence, relève d’un « excès » s’excédant en des situations s’ouvrant au-devant de possibilités se présentant comme jouables. Jouer n’aurait ainsi tout d’abord de sens qu’en étant à contresens de ce qui se voudrait d’avance en une situation donné. Attendu que cette opposition se fait entendre jusque dans cette citation d’un texte inédit de Georges Bataille par Derrida :

    « Le jeu n’est rien sinon un défi ouvert et sans réserve à ce qui s’oppose au jeu. »[1]

    De sorte qu’il soit ainsi question d’une « dépense » possiblement sans fin et sans fond du sens, à travers laquelle se déroberait le présent qui, dans l’instantanéité d’une singularité, se prêterait alors au jeu.

    A cet égard, ne voyons-nous pas déjà poindre le rôle de l’imagination quant à cette possibilité de pouvoir excéder l’allant de soi et le convenu d’avance s’imposant par défaut en toute situation, jeux vidéo inclus ? Ainsi, quand Kant parle de libre-jeu de l’imagination face à l’objet beau qui, en raison, ou plutôt en déraison de son inconcevable singularité, ne saurait être déterminé en un jugement objectif, n’entendons-nous pas la forme essentielle d’un jeu se jouant à dessein d’un rapport aux chose se libérant de toute construction objective antérieure ?

    Nous comprenons donc qu’en interrogeant l’expérience propre aux jeux vidéo, nous ne saurions éluder la question de l’imagination et la manière dont cette faculté découvre l’autrement possible de ce qui se penser à l’envers de leurs réalités virtuelles. Ainsi, que l’imagination ait consubstantiellement à voir avec le jeu semble indiquer le point de départ suffisant pour penser et repenser ce qui s’implique d’imagination dans les jeux vidéo, dès lors que cette imagination se distingue « noématiquement », pour ainsi dire, en autant d’imaginaires qu’il y a de joueurs.

    Et en ayant ainsi à mettre au jour ce qui se donne à imaginer aux joueurs au cours de l’expérience qu’ils font des jeux vidéo, nous tâcherons de remonter aussi loin que possible quant à cette appropriation du virtuel et ce, jusque dans son fond de pensée possible. Car, si nous décidons de parler de virtuel plutôt que de numérique, c’est bien parce que les jeux vidéo, à rebours d’autres produits et objets issus de l’informatique, relèvent phénoménologiquement d’une présence au milieu de laquelle les nombres qui les font fonctionner s’effacent en laissant place à quelque chose qui, schématiquement, se nomme en tant qu’étant (ou existant) virtuel. Si tant est que ce soit là tout le paradoxe du mode d’existence des jeux vidéo, tel qu’il mérite d’être questionné à hauteur de l’imagination qui permet de s’approprier la possibilité d’un sens n’ayant rien à voir avec le numérique à proprement parler.

    Et parce qu’il nous faudra définir ce champ imaginaire s’ouvrant au cours de l’expérience vidéoludique, nous pouvons déjà supposer que toute cette réflexion tendra vers l’éclaircissement d’un rapport s’entretenant entre le joueur et le virtuel d’un jeu vidéo, pour lequel il pourra possiblement être question d’« être-dans-le-monde-virtuel ». Au sens où le virtuel, étant ce qu’il est dans la mise en œuvre de sa présence, révèlerait le joueur à sa propre ipséité dès lors qu’il se projetterait de lui-même vers les possibilités d’un monde virtuel à travers lequel se dimensionne sa propre présence dans un jeu vidéo. C’est pourquoi nous aurons notamment à méditer sur l’incontournable texte de Heidegger intitulé Vom Wesen des Grundes, dans lequel il est écrit :

    « “Produire-devant-soi-même” le monde, c’est pour [le Dasein], pro-jeter originairement ses propres possibilités, en ce sens que, étant au milieu de l’existant, il pourra soutenir un rapport avec celui-ci. Mais de même que ce projet du monde n’appréhende pas expressément ce qui est pro-jeté, de même aussi il équivaut à esquisser par-delà l’existant le monde ainsi pro-jeté. Seule cette esquisse préalable par-delà l’existant rend possible qu’un existant se manifeste comme tel. »[2]

    Attendu que cette possibilité d’être-dans-le-monde-virtuel permettra de remettre en ordre ce qui s’entend communément sous la notion d’« immersion », dans la spécificité de sa compréhension vidéoludique.

    Positionnement scientifique :

    Rattaché à l’école doctorale d’Arts plastiques, esthétique et sciences de l’art de Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED 279), Olivier Robert questionne pose les jeux vidéo en question d’une phénoménologie pour laquelle leur expérience permet de rendre compte des possibilités de sens propres au fait de « jouer aux jeux vidéo ». A cet égard, ces recherches s’inspirent tout particulièrement de la phénoménologie heideggérienne, à la lecture de laquelle les jeux vidéo et le virtuel se découvrent une inépuisable paradoxalité quant à leurs conditions de production technique et le jeu, au sens large, dont ils procèdent malgré tout.

     

     


    [1] « L’économie générale » in Derrida, Jacques. L’écriture et la différence. Paris: Editions du Seuil, 1967, P. 403

    [2] Heidegger, Martin. Questions I et II. Paris: Gallimard, 1968, p. 135

  • Les jeux vidéo, utopies contemporaines ?

    Les jeux vidéo, utopies contemporaines ?

    imaginaire

    Actuellement inextricables de la sphère sociale, les jeux vidéo viennent supporter et diffuser des valeurs hypermodernes dont l’hypercapitalisme, indélogeable de nos modes d’existences et de nos manières de penser. Ceux-ci véhiculent des idéologies au même titre que les autres médias et œuvres contemporaines.

    Mais leur particularité vient du fait que les jeux vidéo canalisent toutes les critiques et soupçons d’une culture populaire industrielle. Il devient alors difficile de poser une critique scientifique construite et de l’explorer dans toute sa complexité.

    Il y a pourtant une nécessité à développer dans la recherche et le game design une pensée critique des valeurs et représentations présentes par les jeux vidéo, comme elle est développée ailleurs en Études Culturelles.

    Il nous semble pertinent d’interroger et de nous approprier le concept d’utopie comme un outil pour la création vidéoludique, en explorant notamment une rencontre naissance du jeu vidéo avec la sphère artistique et politique : nous proposons, au travers du mouvement du game art et de l’artgame, de prendre comme premier exemple la performance « Freedom » d’Eva et Mattes Franco.

    Archéologie de l’utopie : constat sur notre société contemporaine

    Les définitions de l’utopie varient suivant la position de pouvoir qu’occupe celui qui l’emploie[i]. Ainsi elle ouvre une controverse politique entre ceux qui désirent le changement vers une société meilleure, ceux qui veulent conserver la société telle qu’elle est, et ceux qui ne croient plus au changement.

    Si depuis l’Antiquité, jusqu’à leur essor au 16ième siècle, les utopies ont un rôle socio-politique présentant une alternative aux pouvoirs en place, dans notre société hypermoderne, nous sommes face à une rupture. L’utopie devient polémique, à la fois soupçonnée d’être l’instrument du pouvoir menant à de possibles dérives totalitaires, et à la fois décriée comme un projet creux et risible.

    Pourtant, en modifiant notre réalité par un effet de contrastes [Jameson, 2007], l’utopie est un moyen de faire apparaître notre société sous un angle nouveau. Elle devient un outil critique dont l’énergie est l’imagination : elle incarne des « lieux autres » révélateurs et expressifs, des « hétérotopies » [Foucault, 1966]. L’hétérotopie entre dans la boîte à outils critiques que nous propose Michel Foucault dans le concept de dispositif sociotechnique, qui nous sert à construire cet article.

    Les jeux vidéo à la lumière de l’utopie : des hétéropies émancipatrices

    Ainsi nous préférons les dystopies fictionnelles, retraçant avec relief les effets les plus néfastes des mécaniques de notre société hypermoderne [Lipovetsky, 2008]. La société de demain ne laisse se dessiner qu’un horizon pessimiste, et souligne fondamentalement notre incapacité à penser une société meilleure hors de l’idéologie actuelle.

    Partons de la performance « Freedom »[1] des artistes Eva et Mattes Franco : elle met en scène une expérience de jeu dans Counter Strike [Valve, 2000] où les artistes expriment aux joueurs leur refus de tuer et leur incompréhension face à cette guerre qui se joue. La rupture du contrat de communication fictionnelle met la violence au niveau de la technique qui contraint les actions dans l’image. Face aux intonations vraies, tout semble faux, du déplacement jusqu’à la communication ; sans le joueur et sa volonté de croire dans la fiction proposée, le système de jeu apparaît, et déconstruit notre regard sur la réalité virtuelle.

    Nous sommes devant un espace hétérotopique, miroir déformé de notre société. Espace de compensation, Counter Strike se dévoile non plus comme une illusion mais comme un moyen de saisir la violence d’une guerre avant de reprendre sa respiration et de se rappeler que « ce n’est qu’un jeu » !

    L’utopie apparaît comme un concept essentiel à l’émergence de nouvelles valeurs.

    Il pourrait bien être utile de le ranger dans la boite à outils du game designer afin d’offrir enfin des jeux vidéo porteurs d’un projet émancipateur.

    L’utopie ouvre un nouveau paradigme esthétique et politique qui n’est pas une représentation réaliste d’une autre société, mais une ouverture, un espace virtuel, contenant de nouvelles idées et la volonté de créer une société meilleure.

    Publications

    « Les jeux sur Facebook : quelques paradoxes du gratuit et du convivial »

    Valérie Arrault et Emmanuelle Jacques, Les jeux vidéo, Quand jouer, c’est communiquer, Hermès, La Revue, 2012, CNRS Editions, Coordonné par Jean-Paul Lafrance et Nicolas Oliveri, supervisé par Éric Dacheux.

    « Quels usages pour les jeux vidéo sociaux sur Facebook ? »

    Colloque les « Usages des médias sociaux : enjeux éthiques et politiques », Organisé par le LabCMO dans le cadre du Congrès de l’ACFAS, Sherbrooke (Québec, Canada), mai 2011.

    Le Plaisir de Jouer ensemble, Joueurs casuals et interfaces gestuelles de la Wii

    Emmanuelle Jacques, L’Harmattan, collection communication et civilisation, 2011

    « Au cœur de l’action motrice : l’information »

    17ème congrès de la Société française des sciences de l’information et de la communication, Dijon, 23 – 26 juin 2010

    « Les joueurs occasionnels et l’expérience-joueur »

    L’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF), Namur, 19-20 mai 2010

    « Les usages sociocognitifs de la Wii : Les relations entre avatars et joueurs »

    Congrès international IHM 2008, Metz

    « Les interfaces utilisateurs »

    CCA Annual Conference 2008, Vancouver

    « Les usages des jeux vidéo, La mimésis sociale »

    Congrès de l’association internationale des sociologues de langues françaises 2008, Istanbul

    « La conception numérique, entre espace intime et monstration, à la recherche des intelligences collectives »

    Actes du colloque RIC 2006, édition L’école des Mines, Paris

     

    Positionnement scientifique, méthode appliquée, terrain d’expérimentation…

    Cet article s’inscrit dans le positionnement du laboratoire IRIEC (Institut de Recherche Intersites Etudes Culturelles) dans la composante ECART (Etudes Culturelles des Arts et Technologie). La spécificité de cette composante se fonde sur une utilisation d’une méthodologie auto-poïétique, soit sur l’interaction entre la pratique plastique et la pratique théorique. Son inscription dans les études culturelles tourne autour de trois axes majeurs :

    –       analyse du support (ici en l’occurrence l’analyse de jeux vidéo issus de l’industrie et du courant game art, artgame ou encore indépendant)

    –       prisme des représentations véhiculées,

    –       intention de l’auteur et réception du joueur.

    Nous utilisons à la fois une méthodologie et des outils issus de la Théorie Critique de l’Ecole de Francfort et de la sphère vidéoludique. La discipline sociocritique née à Montpellier III permet une analyse des tensions sociales qui s’inscrivent dans les œuvres artistiques et vidéoludiques, à l’issue ou à l’insu de ses créateurs. Les théories et pratiques du game design ainsi que la sociologie des usages et des innovations permettent d’apporter un regard à la fois distancié et intérieur au processus de conception des jeux vidéo, trouvant une réelle portée au travers de la mise en place d’outils pour la création de projets vidéoludiques.

    Références bibliographiques

    ABENSOUR Miguel, « L’utopie une nécessaire technique du réveil dans L’atlas des utopies », Le Monde, Hors-série, 2012

    FOUCAULT Michel, Dits et écrits 1984, Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement Continuité, n°5, octobre 1984, pp.46-49

    « Le Corps utopique », « Les hétérotopies » (Conférence de 1966), Paris, éditions Lignes, 2009

    JAMESON Frederic, Archéologie du futur, Un désir nommé utopie, Paris, Max Milo, 2007

    JENKINS Henry, « Game Design as narrative architecture », Pat Harrington and Noah Frup-Waldrop, Eds., First Person, Cambridge, MIT Press, 2002

    LIPOVETSKY Gilles, SEROY Jean, La « culture-monde », Réponse à une société désorientée, Paris, Odile Jacob, 2008

    RICOEUR Paul, L’idéologie et l’utopie, Paris, Point Essais, 2005

    RIOT-SARCEY Michèle, Dictionnaire des utopies, Paris, Larousse, 2008



    [1] Nous travaillerons également sur un exemple d’artgame, « Chain World » réalisé par le game designer Jason Rohrer pour le GDC « Games which could become a religion » : ce jeu est une expérience singulière et unique (le joueur ne peut jouer qu’une fois avant de le transmettre à une autre personne) axé sur la création d’un monde commun dont les valeurs et les représentations se basent autour de la transmission et de la découverte d’un univers forgé par d’autres.



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  • L’imaginaire au croisement de l’innovation d’applications numériques interactives pour favoriser l’apprentissage

    L’imaginaire au croisement de l’innovation d’applications numériques interactives pour favoriser l’apprentissage

    imaginaire
    Face à la propagation du numérique dans l’enseignement, les méthodes d’apprentissages sont soumises à une rude évolution. L’enseignant doit s’adapter en fonction de la génération actuelle mais aussi des mœurs.

    Les élèves et étudiants actuels utilisent fréquemment le numérique non pas dans un but formateur mais plutôt récréatif. Ils utilisent régulièrement les réseaux sociaux pour communiquer entre eux et sont demandeurs d’interactivité. Ils ont besoin de contrôler le contenu, de se l’approprier.

    Face à ces nouvelles habitudes de l’individu, l’enseignant doit donc s’adapter, faire en sorte de motiver sa classe avec du contenu numérique, tout en continuant son cours. Les enseignants sont amenés à utiliser des manuels scolaires numériques, des tableaux blancs interactifs, à varier le contenu de leurs cours en apportant des suppléments vidéos, des animations graphiques ou encore des images interactives.

    Entre les pro-numérique et les réfractaires, les usages et les retours concernant les TIC dans l’apprentissage sont encore contrastés. Certains sont convaincus de l’augmentation de la motivation et de l’apprentissage, d’autres mettent en avant le fait que l’on accentue le zapping tout en diminuant les capacités de travail et de concentration.

    Les tenants du numérique utilisent ce nouveau contenu pour motiver l’élève et lui apporter des informations supplémentaires. De nombreuses études soulignent l’impact positif des TIC sur la motivation et l’engagement des apprenants facilitant ainsi l’apprentissage (Schnotz & Lowe, 2008 ; Becker, 2000). Utiliser du contenu numérique augmente la motivation de l’élève à apprendre et rend le cours plus intéressant et évocateur (Goldstone & Son, 2005 ; Heim, 2000). Aussi, les élèves peuvent progresser à leur rythme et commettre des erreurs sans se sentir coupable (Giardina, 1992).

    Pour motiver les élèves, les enseignants utilisent de plus en plus du contenu interactif. L’interactivité possède de nombreux avantages au niveau de la motivation et de l’apprentissage. L’apprentissage serait favorisé dans la mesure où le contenu numérique s’adapte aux différences individuelles de l’élève, en respectant son rythme de perception, de compréhension et d’assimilation (Bloom, 1986).

    Cette nouvelle génération a besoin d’interactivité pour fonctionner et apprendre. Le fait de maîtriser les illustrations interactives ou encore la vidéo, de pouvoir gérer le temps (faire marche arrière, ajouter les éléments au moment souhaité, revenir à un passage qu’il n’a pas compris…) favorise ainsi la motivation et l’apprentissage.

    Cependant, il est important de connaître les différents types d’interactivités (fonctionnelle, intentionnelle), de comprendre les différents modes d’interactivités (réactif, proactif, mutuel et interpersonnel), qu’à chaque mode correspond un savoir (savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir) et un niveau d’interaction. Savoir différencier ces différentes interactivités permettrait de bien choisir son document numérique et de pouvoir bénéficier de  meilleurs résultats de la part des élèves.

    Les enseignants peuvent compléter leurs cours avec du contenu numérique (vidéo, animation, audio…), un dispositif numérique (livre interactif, serious games, tablette tactile interactive…), une application numérique (Système d’Information Géographique, salle virtuelle des marchés pour la banque…), mais aussi avec un outil numérique interactif (oscilloscope, voltmètre…).  Une enquête de terrain auprès des enseignants-chercheurs de l’Université de Limoges permettra de découvrir les technologies numériques utilisées lors des cours. Les nouveautés permettant d’enrichir le monde de l’enseignement seront aussi présentées.

    La question est alors de savoir s’il faut former les enseignants au numérique, ou leur proposer régulièrement des ateliers pour les tenir informer des nouveautés. Plusieurs propositions sont envisageables comme ajouter une unité d’enseignement aux technologies numériques dans le cadre du master enseignement (autre que le C2i et C2i2e).

    Réunir les enseignants du secondaire et de l’Université permettrait d’échanger sur les technologies numériques utilisées mais aussi de favoriser de nouveaux apprentissages. Aussi, il semble nécessaire de proposer aux enseignants des ateliers sur l’apprentissage multimédia (qui diffère de l’apprentissage classique) pour comprendre comme l’élève apprend avec les ressources numériques, comment éviter les surcharges cognitives et comment utiliser les ressources numériques.

     

    Note de positionnement scientifique

    Section scientifique de rattachement : 71ème section. Sciences de l’Information et de la Communication

    Méthode appliquée : Pour découvrir les technologies numériques utilisées par les enseignants-chercheurs de l’Université de Limoges, deux méthodes seront appliquées :

    Une enquête quantitative pour recenser et découvrir les contenus numériques, les dispositifs, applications et outils numériques qui sont utilisés dans les cours. Tout enseignant de l’Université pourra ainsi répondre à cette enquête qui sera disponible en ligne.

    q  Après analyse des résultats et sélection des outils, applications et/ou dispositifs numériques utilisés à l’Université, un entretien aura lieu avec les enseignants. L’entretien permettra de voir et de comprendre comment sont utilisées ces technologies numériques mais aussi de découvrir les nouveautés permettant d’enrichir le monde de l’enseignement.

    Terrain d’expérimentation

    Le terrain d’expérimentation sera les enseignants de l’Université de Limoges. Les composantes de l’Université de Limoges basées également dans d’autres villes du Limousin (Brive, Tulle, Egletons, Meymac, Ahun, La Souterraine, Guéret et Neuvic d’Ussel) participeront également à l’enquête et aux entretiens.

    Bibliographie

    Chandler P., Sweller J., Cognitive Load Theory and the Format of Instruction. Cognition and Instruction. 8(4), 2001, 293-332.

    Depover Christian, Karsenti Thierry, Komis Vassilis. 2007. Enseigner avec les technologies: favoriser les apprentissages, développer des compétences. Presses de l’Université de Quebec, 264 p.

    Giardina M ., L’interactivité, le multimédia et l’apprentissage. L’Harmattan. 1999, 242p.

    Lebrun M. & Vigano R., – « Des multimédias pour l’éducation : de l’interactivité fonctionnelle à l’interactivité relationnelle » in Les cahiers de la recherche en éducation, Université de Sherbrooke (Canada), vol 2, no3, Sherbrooke, 1996b.

    Lebrun M.  De Ketele, J.M. Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre : quelle place pour les TIC dans l’éducation ? De Boeck Supérieur, 2007, 216p

    Lombardo E, Bertacchini Y, Malbos E. De l’interaction dans une relation pédagogique à l’interactivité en situation d’apprentissage des théories aux implications pour l’enseignement.  p. 15

    Mayer Richard E., Heiser Julie, Lonn Steve. 2001. Cognitive Constraints on Multimedia Learning: When Presenting More Material Results in Less Understanding. Journal of Educational Psychology. vol. 93, n°1, p.187-198.

    Mayer Richard E. 2005. The Cambridge handbook of multimedia learning. Cambridge University Press, 680p.

    Paquelin D., L’appropriation des dispositifs numériques de formation : du prescrit aux usages.

    SWELLER, John. 1994. Cognitive load theory, learning difficulty and instructional design. Learning and Instruction, 4, 295-312.

    TRICOT André. 2007. Apprentissages et documents numériques. Belin, p.277

     

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  • Le Gamepode d’eXistenZ : une lecture de la machine lacanienne de production du (a)

    Le Gamepode d’eXistenZ : une lecture de la machine lacanienne de production du (a)

    imaginaireNous parlons de lecture de la machine lacanienne à propos du film eXistenZ de Cronenberg, puisqu’il permet  de comprendre le rapport entre la théorie lacanienne de la machine et les mondes persistants nous est apparu. Ces derniers sont des mondes numériques, reposant sur le web 2.0 tel que Second Life, qui persistent à l’arrêt de son utilisation par l’internaute.

    Le titre du texte de Baudelaire résonne immédiatement face à la notion de deuxième vie hors de notre monde :  Anywhere out of the world. N’importe où car « cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre. » Tout cela ne tenant qu’à une question de place.

    Tous pensant qu’il y a un à-côté, un « +1 ». Déployant ainsi une logique des places à travers le fantasme de la place plus une. Un ailleurs, nous renvoyant à la notion de fenêtre, qui permet par la défenestration, de traverser le fantasme, d’être Any where out of this world. Tension vers l’incorporel, qui à l’aune des théories du virtuel, faisant de ce dernier l’apanage de la dématérialisation, nous invoque à faire ici un lien avec les mondes numériques.

    Victor Tausk dans son texte, De la genèse de « l’appareil à influencer » au cours de la schizophrénie, dit que « souvent le malade [schizophrène] est relié à l’appareil [à influencer] par des fils invisibles conduisant à son lit… » Comment alors ne pas s’interroger sur l’ombicable ? Cablage de branchement ombilical de l’homme à la machine vivante qu’est le Gamepode dans le film eXistenZ de Cronenberg. Où les personnages se connectent à un autre monde persistant, en se branchant au niveau du biopore par un câble organique ressemblant à un cordon ombilical allant jusqu’au Gamepode, sorte de placenta sur lequel ils apposent les mains pour sentir ses mouvements.

    Ce film de David Cronenberg, ayant pour particularité que le scénario fut directement écrit pour le cinéma, porte a priori le titre eXistenZ. Seulement la trame narrative du film fait, que nous ne pouvons pas déterminer si le film est eXistenZ ou transCendenZ, la fin du film va virtualisant ce qui était la réalité, comme nous le montre la dernière phrase du film « Dites-moi la vérité, nous sommes encore dans le jeu ? » Affirmant la spécificité du processus de virtualisation, comme dirait Žižek, de produire l’instant où la réalité s’avoue comme étant elle-même virtuellei.

    Notre objet sera donc de vous montrer comment dans ce film, Cronenberg déploie une notion du virtuel propre à la psychanalyse. Celle que Lacan a développé dans sa théorie de la machine, qui est une lecture critique de la pensée cybernétique, ouvrant à une véritable épistémologie de l’informatique.

    Positionnement scientifique
    A la fois artiste et psychanalyste, mes travaux s’ancrent dans la section 72, Epistémologie et philosophie des techniques. Que ce soit sur le plan artistique ou psychanalytique, mes recherches tendent à interroger la notion de machine. Cet article est donc à la croisée entre l’esthétique et l’épistémologie.

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  • Illusions du numérique

    Illusions du numérique

    imaginaire
    Cette communication a pour objet de parler de l’imaginaire du numérique à partir d’œuvres qui n’utilisent pas les nouvelles technologies, plus particulièrement celles présentées lors du festival EXIT 2012 à la maison des arts à Créteil.

    L’exposition, intitulée Low Tech, réunissait des artistes qui partageaient cette approche minimale et qui, pour certains d’entre eux, construisaient l’efficacité de leurs œuvres sur ce que l’on pourrait qualifier d’ « apparence numérique ». En analysant comment fonctionnent leurs œuvres, il sera non seulement possible de décrire certaines des grandes lignes de ce qui constitue aujourd’hui l’imaginaire des arts numériques, mais encore de décoder ce sur quoi il s’appuie, et encore en quoi cet imaginaire a pu produire un « conditionnement du spectateur » qui contribue à asseoir des mythes du numérique. On verra alors comment la complexification des techniques et des technologies s’accompagne de leur incorporation comme « raccourcis conceptuels ».

    Il faudra tout d’abord s’intéresser aux œuvres qui, bien qu’élaborées avec des procédés analogiques, déploient une esthétique numérique si convaincante qu’elle trompe parfois jusqu’au spectateur averti.

    On vérifiera alors à quel point l’interprétation de l’œuvre est conditionnée par les connaissances esthétiques de celui qui l’apprécie (ce qui est une extension de la célèbre phrase de Duchamp : « c’est le regardeur qui fait le tableau »), mais aussi que sa culture l’incline à informer d’autres situations dans lesquelles il se trouve avec le filtre de l’esthétique, comme lorsqu’on admire la nature en l’élevant au rang de paysage (Moineau : 2013).

    On notera ensuite que les œuvres présentées dans l’exposition Low Tech ne peuvent tirer partie d’un « imaginaire du numérique » que dans la mesure où celui-ci, institué et popularisé par l’art numérique, est désormais largement partagé – au point d’être souvent décodé de manière automatique. Pour autant, loin de dissimuler leur dimension bricolée, on verra que ces œuvres exposent au contraire leur mode de fonctionnement, ce que conduit à montrer comment les technologies sont pensées, et promues.

    Grâce à ces œuvres « minimales », on peut effectivement observer les artifices des technologies et constater à quel point leur effet relève d’une esbroufe – « fascination de la technique », disait Bernard Teyssèdre. Et même si cet illusionisme de la toute puissance de l’invention humaine est ancien (penser, par exemple, au faux automate appelé le « turc mécanique »), il n’en conserve pas moins sa force de persuasion, sur lequel jouent les œuvres « low tech ».

    Leur pouvoir heuristique tient justement à leur simplicité et à leur usage volontairement ostentatoire du deus ex machina. Elles en déploient toute l’ingéniosité, distinguant ainsi chacune des techniques mises en œuvre, étapes généralement indiscernables parce que condensées dans des raccourcis technologiques ». Prises à part, elles ne semblent en rien « nouvelles », mais c’est leur réunion en un seul « traité des arts » (Pelé : 2008) qui explique que certains (optimistes) aient pu y voir une « rupture » (Couchot & Hillaire : 2003).

    Finalement, on pourra dire que si ces œuvres « simulent » de l’art numérique, ce n’est pas tant dans le sens usuel de ce mot (qui le fait confondre avec « simulacre ») que dans son sens savant : construction de dispositifs qui ont recours aux mécanismes qu’ils simulent et qui, par leur transposition dans un univers sensible familier, permettent d’en faire comprendre le fonctionnement – comme le fait un simulateur de vol pour le pilotage d’un avion.

    Pour conclure, il s’agira de montrer à quel point ces œuvres ne pouvaient être conçues sans un « imaginaire du numérique », non seulement parce qu’il les nourrit, mais aussi parce qu’il leur fournit des méthodes – ne serait-ce que dans l’économie de moyens propre au DIY (Do It Yourself) et aux réseaux collaboratifs…

    Positionnement scientifique

    Cette communication s’inscrit dans la section (universitaire) 18 (esthétique de la création contemporaine).

    Elle se concentrera son propos sur l’analyse d’ouvres présentées dans l’exposition Low Tech, lors du festival Exit 2012, à la maison des arts à Créteil.

    Elle s’appuiera également sur des textes théoriques (Couchot & Hillaire, Boissier, de Méredieu,  Teyssèdre, Pelé…) ayant contribué à l’écriture d’une thèse d’esthétique : « L’art numérique », un nouveau mouvement dans le monde de l’art contemporain.

    Elle tirera également partie de ma pratique artistique et de mon expérience du monde de l’art contemporain.

    Biliographie relative au résumé de la communication

    Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981.

    Edmond Couchot et Norbert Hillaire, L’art numérique : comment la technologie vient au monde de l’art, Paris, Flammarion, 2003.

    Jean-Claude Moineau, Pour une critique de la raison paysagère, dans l’ouvrage L’observatoire du paysage d’Edouard Sautai, Les Lilas, Khiasma, 2013.

    Gérard Pelé, Inesthétiques Musicales au XXe siècle, Paris, Éditions L’Harmattan, 2008.

    Bernard Teyssèdre, Ars ex machina. L’art logiciel / visuel à combinatoire automatisée. Ses exploits, ses mythes, dans l’ouvrage collectif, L’ordinateur et les arts visuels, dossiers Arts plastiques n°1, PARIS, Éditions CERAP & Centre Pompidou, 1977.

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  • Étudier l’imaginaire des avatars en ligne grâce à une installation art-science : le cas IS

    Étudier l’imaginaire des avatars en ligne grâce à une installation art-science : le cas IS

    imaginaire
    Que se passe-t-il quand une installation interactive convie des avatars et de simples êtres humains pour induire reconnaissance et compréhension mutuelles ? Peut-on espérer que l’imaginaire d’une nouveauté technologique, en l’occurrence l’avatar, soit ainsi mise en évidence ?

    L’installation IS a tenté cette expérience auprès d’un large public. Le propos de cette communication est d’expliciter ce dispositif inhabituel et facile d’accès, pour présenter les premiers résultats obtenus. De la sorte,  il sera possible de comprendre comment l’imaginaire s’exprime grâce à la singularité des rapports intersubjectifs impliquant des avatars, dans un contexte artistique et scientifique contrôlé.

    1. UN DISPOSITIF DE COMMUNICATION ENTRE LES MONDES ET LES ÉCRANS

    Présentée au CentQuatre, centre culturel parisien, à l’occasion d’un festival technologique, IS est une installation interactive[1] multi-utilisateurs au fonctionnement simple. Elle construit un dispositif de communication reliant de façon originale notre monde physique et un univers en ligne afin de mettre en présence avatars 3D et êtres humains. Elle a permis au public d’expérimenter une situation d’interaction inédite : rencontrer directement des avatars sans avoir besoin d’en utiliser un soi-même. Comment ? Les visiteurs du lieu culturel étaient filmés par une webcam dont le flux vidéo était retransmis en temps réel dans un espace 3D, sur la plateforme Second Life.

    Ils devenaient ainsi visibles pour ses habitants numériques. Le public assistait donc à la réunion de personnages 3D à l’écran, tout en voyant sa propre image filmée et retransmise sur l’écran. D’où la possibilité d’une communication gestuelle expressive à base de signes et de mimiques. De plus, une console de messagerie instantanée externe et dédiée (avec un clavier et un second écran) servait au dialogue entre les avatars présents sur la Sim [2] et les humains. De la sorte, le visiteur se trouvait confronté à des avatars se disant issus d’univers tels que Second Life, WoW ou Eve Online. Ces protagonistes avaient accepté de parler en leur nom propre, en tant que sujet constitué par l’historique de leur vie numérique en ligne.

    D’un point de vue théorique, IS se définit à la fois comme une œuvre esthétique et comme un moyen d’étude. Cette proposition constitue donc une recherche-création, ici appliquée aux sciences de l’information et de la communication. Elle a pour ambition de générer et analyser des rapports transfigurés avec les avatars pour mettre en évidence les imaginaires des publics et des utilisateurs. Le dispositif lui-même a construit un terrain d’étude pour observer les comportements singuliers qu’il favorisait. En parallèle, pour servir de référence, une enquête en ligne a servi à interroger les relations habituelles que les joueurs/utilisateurs entretiennent avec leur(s) avatar(s) 3D.

    2. DE LA DIVERSITÉ IDENTITAIRE DES AVATARS

    IS s’est concentré sur la catégorie des avatars représentant des créatures simulées et douées de comportements, qui sont réputées susciter une émergence identitaire forte. Le contexte des univers 3D persistants et multi-utilisateurs [4] forge parfois une personnalité complexe et sociale particulière qui s’autonomise par rapport à celle du joueur. Pour convier plusieurs de ces individualités numériques, un “appel à avatars” a été lancé sur Internet, qui s’adressait aux avatars eux-mêmes, non à leur opérateur. Il a permis de rassembler des profils distincts, correspondant à plusieurs critères combinables :

    –        Identité imaginaire (distincte de la vie de leur créateur) versus extension virtuelle de l’utilisateur portant la marque de sa personnalité ;

    –        Avatar natif de Second Life versus « métavatars » (ou méta-avatar, c’est-à-dire des avatars d’avatar) issus d’autres univers interactifs et venus endosser un nouveau corps synthétique sur ce métavers pour l’occasion.

    Pour les faire participer à IS, il a fallu élaborer une narration cohérente avec leur fiction initiale.

    3. RÉSONANCE D’UN IMAGINAIRE EN ACTE ET EN PAROLES

    Toutes ces personnalités numériques ayant accepté de s’impliquer dans IS ont surpris les visiteurs du Centquatre. Les « humains » se demandaient s’ils avaient affaire à des intelligences artificielles (bot), à des pseudo-individualités ou encore, à des acteurs s’amusant de leur incrédulité. La mise en scène et en écran des altérités constituées a brouillé les frontières entre fiction et réalité. Il en a résulté des réactions diverses : de l’impolitesse ouverte des visiteurs à l’égard des avatars, à de longs échanges philosophiques, poétiques ou humoristiques, en passant par des conversations plus banales ou conventionnelles.

    L’analyse des conversations enregistrées servira de base à la présentation des résultats. Elle mettra en évidence toutes ces variantes, pour aider à comprendre les interférences et résonances apparaissant entre deux ordres de réalité distincts, le monde biophysique et le monde vidéoludique interactif. Il en résultera une réflexion sur les schèmes interprétatifs et les bases d’inférence mobilisés par les visiteurs, autre façon de qualifier concrètement les imaginaires actifs dans les esprits et comportements de nos contemporains.

    Notes :

    [1]    Hébergement sur Second Life : La Bibliothèque Francophone du Metaverse

    [2]    Terme établi pour désigner une recherche-action, qui consiste en une méthode de recherche scientifique fondée par Kurt Lewin, dont le terrain d’action et de prospection est celui de l’expérimentation artistique.

    [3]    Il s’agit soit de métavers tel que Second Life ou OpenSim, soit de MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Games).

    NOTE DE POSITIONNEMENT SCIENTIFIQUE

    Ce travail relève des Sciences de l’Information et de la Communication dans la continuité d’une réflexion théorique traitant d’une part des rapports entre interactions et interactivités, d’autre part des avatars numériques en ligne de nature cybernétique. La méthode employée est celle de la recherche-création expérimentale, qui autorise et justifie la mise au point d’un dispositif interactif en co-design avec des artistes reconnus. Il s’agit donc d’une recherche appliquée mettant en œuvre un certain nombre d’hypothèses, par exemple le fait que la relation entre l’utilisateur et l’avatar est masquée par la prégnance de l’interaction frontale avec le personnage de synthèse, ou les effets de la vidéo qui instaure une relation spéculaire créant un spectacle pour soi-même et pour autrui. Dans le contexte de l’étude des imaginaires, cette méthode créative s’appuie sur l’ethnométhodologie et sur les travaux en proxémiques, en communication non-verbale et en sémio-linguistique.

    Le traitement des dialogues entre humains et avatars relève de l’analyse conversationnelle et de la sémantique. Le traitement des réponses au sondage en ligne s’est déroulé lui selon les méthodes qualitatives, en raison des particularités des questionnaires en ligne et de l’insuffisance de représentativité de l’échantillon.

     BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

    AMATO Etienne Armand [2003], « Une immersion participante dans l’univers fantasmagorique et persistant d’un jeu vidéo de rôle en réseau. De quelques ethnométhodes et technométhodes rapportées de Dark Age of Camelot » DESS Ethnométhodologie et Informatique, Université Paris-VIII
    AMATO Etienne Armand, [2005], « Approche structurelle et compréhensive du jeu en ligne massif et persistant », , in CLEMENT J., SALEH I. (dir.), Créer, jouer, échanger : expériences de réseaux, Acte du colloque H2PTM’05, Lavoisier, p.180-195.
    AMIEL Philippe, [2004], Ethnométhodologie Appliquée. Eléments de sociologie praxéologique, Saint-Denis, Presse du LEMA, Université Paris 8, 186 p.
    AURAY Nicolas, [2003], « L’engagement des joueurs en ligne. Ethnographie d’une sociabilité distanciée et restreinte. », p. 83-100, in Les jeux en ligne, Les Cahiers du numérique, vol. 4, n°2, Paris, Lavoisier, 207 p. http://egsh.enst.fr/auray/AURAY%20CHN%202003.pdf [lu le 11/03/2006]
    CAILLOIS Roger, [1958], Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Folio, Paris, 1992, 374 p.
    CHERVY Gilles [2003], Jeux de rôle en ligne massivement multijoueur : réellement virtuels ou virtuellement réels ? Mémoire de DESS Ethnométhodologie et Informatique, Université Paris-VIII.
    FOO Chek Yang & KOIVISTO Elina M. I., [2004] « Defining grief play in MMORPGs : player and developer perceptions », p. 245-250 in Proceedings of the 2004 ACM SIGCHI International Conference on Advances in computer entertainment technology, Sage, 365p. Voir http://portal.acm.org/citation.cfm ?id=1067343.1067375 [lu le 09/03/2006]
    GAON Thomas, [2002], Les aventures high-tech de JAULIN au pays virtuel du Roi Arthur : Appropriation et socialité dans un MMORPG, mémoire de DESS « Ethnométhodologie et Informatique », Université Paris-VII.
    GARFINKEL Harold, [1963], « A conception of, and experiments with “trust” as a condition of stable concerted actions ! », in OJ Harvey (ed), Motivation and social interaction, New York, Ronald Press, p. 187-238
    GARFINKEL Harold, [1967], Studies in Ethnométhodology, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 287 p. (depuis disponible la rédaction de cet article, disponible en français : GARFINKEL Harold, Recherches en ethnométhodologie, Puf, 2007)
    GARFINKEL Harold, LYNCH Michael, LIVINGSTON Eric, [1985], « The work of discovering science construed with materials from the optically discovered pulsar », in Sociétés n°5, Revue des Sciences Humaines et Sociales, Masson, p. 11-16.
    GARFINKEL Harold, ; WIEDERD. Lawrence. [1992], « Two incommensurable, asymmetrically alternate technologies of social analysis », In Graham Watson & Robert M. Seiler (Eds.), Text in context : studies in ethnomethodology, Newbury Park, Sage, p.175-206.
    GARFINKEL Harold, ; RAWLS Anne W., Ethnomethodology’s program : Working out Durkheim’s aphorism, Lanham, Rowman & Littlefield. Publishers, 320 p.
    GIDDENS Anthony, [1984] La constitution de la société : éléments de la théorie de la structuration 1987, Paris, PUF, p. 33.
    HAVEPaul ten [2002] « The Notion of Member is the Heart of the Matter : On the Role of Membership Knowledge in Ethnomethodological Inquiry », in : Forum : Qualitative Social Research [On-line Journal], 3(3). Disponible à : http://www.qualitative-research.net/fqs-texte/3-02/3-02tenhave-e.pdf [lu le 09/03/2006].
    HERITAGE John, [1991] « L’ethnométhodologie : une approche procédurale de l’action et de la communication », Réseaux, n°50, Paris, Hermès Science publications, p. 89-130. Article disponible à http://www.enssib.fr/autres-sites/reseaux-cnet/50/05-herit.pdf [lu le 20/03/2006]
    KILBORNE Yann, [2006], L’expérience documentaire. Enquête ethnométhodologique auprès d’un quatuor de cinéastes documentaristes. Saint-Denis, Presses du Lema, coll. Phénoménologie du social, Université Paris-VIII (à paraître).
    LAPASSADE Georges, [1986], « Compétence impliquée et science spécifique d’un état de conscience », Pratiques de formation n°11-12, éditions du Département Formation permanente, Université Paris-VIII, p.127-132.
    LAPASSADE Georges, [2002], L’observation participante ; Enquêtes et interventions, fascicule interne, Université Paris 8. http://www.ai.univ-paris8.fr/corpus/lapassade/ethngr1.htm [lu le 09/03/2006]
    LARGIER Alexandre, [2003], « La guilde dorée : une organisation de joueurs en ligne », in Les jeux en ligne, Les Cahiers du numérique, vol. 4, n°2, Paris, Lavoisier, p. 149-168
    LECERF Yves, [1986], « La négation de tout enjeu ? L’indifférence : Indifférence ethnométhodologique, refus de l’induction, sociologies sans induction », Pratiques de formationn°11-12, éditions du Département Formation permanente, Université Paris-VIII, p.45-48.
    LIN Holin et SUN Chuen-Tsai, [2005], « The ‘White-eyed’ Player Culture : Grief Play and Construction of Deviance in MMORPGs, in Changing Views : Worlds in Play ». DigitalGames Research Association Conference Proceedings, June,. (CD-ROM). Vancouver, British Columbia, 2005. http://www.gamesconference.org/digra2005/viewabstract.php ?id=197 [lu le 09/03/2006]
    TROM Danny, [2001], « L’enquête de terrain en sciences sociales » in BENOIST J., KARSENTY B., (Dir), Phénoménologie et sociologie, Paris, PUF, 253 p.
    VIAL Michel, [2001] « Une méthode de recherche pour l’Ethnos », Les Sciences de l’éducation En question, Recueil des cahiers de 2001, Cahier n°36, Département des Sciences de l’éducation de l’Université de Provence, Aix-Marseille I, p121-164. Disponible à l’adresse suivante : http://lambesc.educaix.com/enseignantS/vial/pdf/Vialcahier36.pdf [lu le 09/03/2006]
    WIEDER DLawrence, [1988 (1974)], Language and social reality : the case of telling the convict code, University Press of America, 1988, 236 p.



    [1] Les informations sur l’œuvre ont volontairement été occultées dans le cadre d’une soumission d’article anonymisée.

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  • Muséomix ou les imaginaires de la culture numérique appliqués au musée

    Muséomix ou les imaginaires de la culture numérique appliqués au musée

    imaginaire
    Muséomix[1] est un évènement créé indépendamment de toute initiative institutionnelle sur l’initiative de personnes privées, d’une agence de communication muséale, du « centre d’innovation du Département du Rhône[2] » et d’une société porteuse du projet. Muséomix se définit comme suit :

    « Museomix ?= 1 musée + 3 jours + 150 participants sur place (codeurs, bidouilleurs, médiateurs culturels, créateurs, conservateurs, designers, amateurs de culture…) et des participants en ligne réunis en 10 équipes + co-création = 10 prototypes de médiation culturelle et de nouvelles expériences dans un musée = un musée ouvert, vivant et en lien avec ses visiteurs-acteurs »[3]

    Deux éditions ont déjà eu lieu, aux Arts Décoratifs de Paris (2011) et au musée gallo-romain de Fourvière à Lyon (2012) tandis que de nouvelles éditions sont en préparation pour 2013. La méthodologie proposée par les organisateurs allie une manière de faire caractéristique des fab labs [4](matériel nécessaire présent sur place, outils numériques, prototypage rapide, DIY) et des valeurs propres à l’imaginaire de la culture numérique (non hiérarchisation des participants, échanges libres, participation de tous, travail par « briques » c’est-à-dire par adjonction de compétences diverses bien identifiées).

    À partir d’une observation participante lors de la première édition et des résultats d’une enquête auprès des participants pour la deuxième, nous montrerons dans un premier temps comment les imaginaires de la culture numérique tentent d’être appliqués au musée dans une perspective annoncée d’innovation et de renouvellement des institutions confrontées aux nouveaux usages (numériques ou non) des publics.

    L’idée de faire participer les publics au musée est affirmée avec force avec le mouvement des nouvelles muséologies débuté dans les années 1970[5]  mais elle prend ici une autre forme, moins engagée politiquement et plus axée sur le faire et/ou sur l’expérience du visiteur.

    Dans un deuxième temps, nous verrons comment les intentions et les attentes des participants sont en réalité plus tournées vers l’événement lui-même et le fait de vivre une expérience personnelle forte, centrée sur la rencontre avec les autres et la fabrication d’un dispositif. En cela, ils interrogent beaucoup plus les manières de penser le travail et les modalités d’une multidisciplinarité, source de l’élargissement des savoirs, qu’une innovation technique ou de médiation culturelle. De ce fait, le renouvellement muséal par les nouvelles technologies et les imaginaires de la culture numérique semble un horizon enthousiasmant pour les participants sans que des modalités très précises ne soient imaginées.

    Méthodologie

    –        Observation participante au sein d’une équipe lors des trois jours (10h par jour) pour l’édition n°1 de Muséomix aux Arts Décoratifs de Paris (11, 12 et 13 novembre 2011). Prise de note ethnographique. Angles d’approche : modalités de travail en équipe, prise de pouvoir au sein d’un groupe, place des technologies dans la réflexion, répartition des tâches, place du public dans la réflexion.

    –        Enquête en ligne proposée la semaine suivant l’évènement auprès des participants de l’édition de 2012. Le questionnaire s’intéresse à la motivation des participants, à ce qu’ils ont le plus et le moins aimé et aux améliorations qu’ils proposeraient pour une prochaine édition. Des focus spécifiques se sont concentrés sur le processus participatif, les prototypes et la rencontre avec le public. Quelques questions biographiques ont également été posées (sexe, âge, lieu de résidence, rôle occupé lors de Muséomix). L’enquête a permis de réunir l’avis de 97 personnes sur les quelques 160 participants, soit plus de la moitié des participants.

    –        Analyse des « lettres de motivation » des personnes voulant participer à Muséomix 2 (environ 160).

    Bibliographie sélective

    –        « Passionnés, fans et amateurs », Réseaux, n° 153, 2009/1.

    –        CARDON Dominique, La démocratie Internet.  Promesses et limites, Seuil, 2010.

    –        CHAUMIER Serge (dir.), Expoland. Ce que le parc fait au musée. Ambivalence des formes de l’exposition, , Ed. Complicités, 2011

    –        EIDELMAN Jacqueline, ROUSTAN Mélanie, GOLDSTEIN Bernadette, La Place des publics. De l’usage des études et recherches par les musée, La Documentation française, 2008.

    –        FLICHY Patrice, Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Seuil, 2010.

    –        FLICHY Patrice, L’imaginaire d’Internet, La Découverte, 2001.

    Publications :

    –        COUILLARD Noémie, « Les concours photographiques ou les ambiguïtés de la participation des visiteurs. », In Serge CHAUMIER et al. (dir.), Visiteurs photographes au musée, La documentation Française, 2013, pp 239-250.

    –        COUILLARD Noémie, NOUVELLON Maylis, « À la rencontre des adolescents en ligne ? L’enjeu du numérique pour la médiation culturelle », les cahiers de l’INJEP, 2013 (en cours).

    –        SCHAFER Valérie, THIERRY Benjamin et COUILLARD Noémie, « Les musées, acteurs sur le Web », in La Lettre de l’OCIM, n°142, juillet-aout 2012, pp 5-14.



    [1] http://www.museomix.com/

    [2] http://www.erasme.org/#erasme

    [3] « Présentation de Muséomix », dossier de subvention, documentation interne du Département de la politique des publics, ministère de la Culture et de la Communication.

    [4] GERSHENFELD N., Fab: The Coming Revolution on Your Desktop-from Personal Computers to Personal Fabrication, New York : Basic Books, 2007.

    [5] MEUNIER, A. et V. Soulier, « Préfiguration du concept de muséologie citoyenne », In J.-F. CARDIN, et al. (dir.), Histoire, musées et éducation à la citoyenneté, Québec : Éditions Multimondes, no 9, 2010, pp 309-330.

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  • La morale individualiste chez les cyber-hacktivistes

    La morale individualiste chez les cyber-hacktivistes

    imaginaireL’univers foisonnant, riche mais aussi complexe et divers des hackers et plus précisément des cyber-hacktivistes manque à l’heure actuelle d’études, de réflexions et d’hypothèses généralistes à son sujet. Cette communication se propose d’être l’une d’entre elles et nous l’espérons permettra d’ouvrir la réflexion à ce sujet.

    Notre proposition est celle d’une analyse par le prisme de la morale individualiste, voire même d’une conception politique du monde sur ce fondement.

    Notre hypothèse fait suite à une étude réalisée dans le cadre d’un stage à l’État-major des armées et visant à une meilleure compréhension de ce milieu.

    Les cyber-hacktivistes se définissent principalement par leur action, leur pratique. Le cyber-hacktiviste est celui qui utilise les nouvelles technologies et en fait son sujet de militance.

    Après différents entretiens d’acteurs du mouvement, recueils d’informations et participations à des rencontres, nous avons choisi de nous concentrer particulièrement sur la culture de cet univers et plus précisément sur les valeurs et les pratiques qui en découlent. Il faut ici prendre le sens de culture comme ce qui est commun à un groupe d’individus et « comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.[1] »

    Cette culture nous est apparue multiple, éclatée voire éparse. Néanmoins nous avons pu postuler un double facteur d’analyse.

    Celui d’un individualisme égocentré et d’une des-institutionnalisation des acteurs au moins envers les autorités classiques, que sont par exemple l’État, les partis politiques, les syndicats, les religions,… Avec comme conséquence ce que nous avons alors appelé le basculement d’une morale vers une l’éthique. Nous retrouvons ainsi une subjectivité exacerbée et un recentrage sur l’individu et ses valeurs personnelles. Dans cette appréciation, la morale est comprise comme généralement rattachée à une tradition historique et extérieure à l’individu. Alors que l’éthique serait personnelle et parfois matérialiste visant la recherche d’un bonheur pour tous.

    Mais il nous apparaît désormais que nous avons plus affaire à un basculement d’une morale holiste ou sociale vers une morale individualiste et donc recentrée sur l’individu. Les fondements de cette pensée, que nous retrouvons dans « l’éthique Hacker » de Steven Levy ou le « Manifeste crypto-anarchiste » de Timothy C. May, mettent en avant les capacités personnelles de l’individu. La culture du do-it est clairement une culture méritocratique et entrepreneuriale (au sens de créer quelque chose). En basculant sur l’individu, toute cette culture renforce par ailleurs la subjectivité et le relativisme.

    Dans de nombreux discours, se retrouvent à la fois une promotion de la liberté de l’individu et une conception politique du monde à travers son propre regard. C’est ce que nous avons appelé un universalisme du moi. L’individu est au centre de tout. Par ailleurs il doit agir avec raison tout en mettant au centre de ses préoccupations l’outil technologie, passion partagée par toute la communauté cyber-hacktiviste. Il s’agit d’une combinaison étonnante entre un cartésianisme et un hédonisme technophile.

    Nous rapprocherions clairement plus l’éthique Hacker, telle qu’elle se définit dans cet espace, du mouvement libertarien plutôt qu’anarchiste. Il n’y a par exemple aucun rejet de la propriété privée ou de l’État en soi.

    Cette perception est bien celle de leur cadre cognitif, leur façon de concevoir le monde tel qu’il devrait être. Cette hypothèse permet alors de comprendre beaucoup plus aisément les passerelles éventuelles avec l’univers marchand et les combats menés, notamment en Égypte ou en Syrie récemment via l’opération OpSyria de Telecomix.

    De même cela n’empêche pas l’existence de solidarité ou de relations sociales mais définit sur quel fondement elles sont alors basées.

    L’hypothèse de travail que nous avons développée permet donc d’opérer un parallèle entre deux mouvements, celui des cyber-hacktivistes et celui des libertariens. Ils conjuguent en effet cette morale individualiste que nous évoquions. Ce parallèle culturel au sens gramscien cette fois est donc à questionner. Nous espérons donc avoir l’opportunité de pouvoir l’approfondir dans de plus amples enquêtes empiriques et une vérification de certains postulats.

    Section scientifique de rattachement : Science Politique

    Il s’agit d’une hypothèse issue d’une enquête effectuée entre Mai 2012 et Juillet 2012. Par le biais d’observations, d’une série de cinq entretiens et d’une utilisation des informations publiées par les cyber-hacktivistes eux-mêmes comprenant des vidéos de conférence, des textes et des enregistrements audios. J’avais effectué une enquête pour tenter de décrire et comprendre l’univers du cyber-hacktivisme. L’objectif était à la fois de comprendre ses évolutions futures mais aussi ses principes fondateurs notamment culturellement, c’est-à-dire les valeurs et philosophies structurant cet univers. L’hypothèse survenue après cette étude se fonde sur une réflexion théorique comparant le mouvement libertarien et le mouvement hacker et analysant ce dernier par le prisme du premier. Il apparaît en effet de profondes similitudes entre les courants de pensée.

     

    l    CARÉ Sébastien, La pensée libertarienne : Genèse, fondements et horizons d’une utopie libérale, 2009, PUF

    l    C. MAY Timothy, Manifeste Crypto-Anarchiste, http://www.activism.net/cypherpunk/crypto-anarchy.html

    l    COLEMAN E. Gabriella, Coding Freedom: The Ethics and Aesthetics of Hacking, 2013, Princeton University Press

    l    HIMANEN Pekka, L’Ethique Hacker et l’Esprit de l’ère de l’information, 2001, Exils

    l    LAURENT Alain et VALENTIN Vincent, Les penseurs libéraux, 2012, Belles Lettres

    l    LEVY Steven, Hackers: Heroes of the Computer Revolution, 2002, Penguin, réédition, première édition 1984

    l     STALLMAN Richard, « On hacking », 2002, http://stallman.org/articles/on-hacking.html



    [1]   Définition de l’UNESCO de la culture, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 août 1982.

  • L’imaginaire, entre technique, pratiques et usages

    L’imaginaire, entre technique, pratiques et usages

    imaginaire

    Les substrats physiques et linguistiques des ordinateurs et des réseaux semblent n’obéir qu’à des concepts de logique et de physique appliquée. Les langages informatiques ne recèlent pas explicitement de créativité et le vocabulaire de l’électronique n’enjoint pas aux débordements oniriques. Pourtant, les concepteurs parlent d’intuition, de création et d’imagination ; autant de phénomènes qui seraient à l’œuvre jusque dans les métaphores cognitives (Von Neuman, 1957) qui furent à l’origine de la naissance des machines numériques.

    La pensée mécaniste fournit, dès lors, un mode de représentation du monde en empruntant des termes comme « émetteur » et « récepteur » (Shannon, 1949) associés au « temps des ingénieurs » (Escarpit, 1995 p. 23) pour décrire les communications humaines. Il s’agit déjà d’un imaginaire où des théories et des modes interprétatifs issus d’un champ traversent les disciplines et s’insinuent dans les représentations collectives sous formes de mots, d’outils et de schémas utilisables pour décrire des pans de réalité.

    Ainsi, la dénomination française du mot ordinateur fut proposée en référence à Saint Augustin pour qui l’ordinator était « Dieu qui met de l’ordre dans le monde » (Peret, 1954). L’ordre et le classement ne sont pas étrangers aux paradigmes informatiques.

    Pourtant, les espaces virtuels, les jeux, les œuvres artistiques et l’ensemble des créations numériques font explicitement appel à autre chose qu’au calcul et l’ordonnancement. Une débauche de créativité et d’affranchissement des règles est même revendiquée tant par les utilisateurs finaux que par les concepteurs. L’avènement d’Internet et le foisonnement des échanges sur les sites socio-numériques, le courriel, les forums et les blogs semblent relever d’un éclatement, voire d’un chaos.

    Ne parle t-on pas de ce Web qui, échappant à tout contrôle, serait livré, en toute incompétence des pouvoirs politiques, à l’emprise des activités souterraines de groupes mercantiles et de nébuleuses mal intentionnées ? En outre, qui peut aujourd’hui décrire les médiations qui permettent la réception d’un mail ?

    L’ordre initial serait perdu ou caché dans les arcanes du Web et les couches logicielles qui forment un palimpseste numérique dans les systèmes d’exploitation, les exécutables et les serveurs. Des cercles d’initiés, formés par des personnes ayant arpenté le chemin de l’apprentissage de la programmation et des langages, détiendraient des parcelles de ce savoir tandis que des mythes de l’origine (dans un garage) sont disséminés sur la toile. La connaissance est à la disposition de tous, mais il faut être initié pour la recevoir.

    Ainsi, un ordre originel se cache derrière l’apparence de chaos de la profusion créative et des fioritures esthétiques. L’aridité des lignes de code, dans lesquelles est traduite l’intégralité des réalisations numériques, aussi esthétiques et artistiques soient-elles, reste dissimulée aux yeux du néophyte, qui est une manière courtoise de décrire un profane qui ne connaitrait pas la symbolique du nombre « 42 » (Adams, 1979).

    Ceux qui souhaitent partager ces savoirs ont créé les premières communautés virtuelles (Rheingold, 1993) avec un modérateur, des participants et un imaginaire partiellement puisé dans les œuvres de fiction de la fin du XIXe et du XXe siècle. Certains textes sont considérés comme fondateurs ou « cultes ». Ce sont des références telles que « le problème de Turing » (Harrison, Minsky, 1998), « Star Trek » (Roddenberry, 1964), et la majorité des longs romans de type médiéval fantastique comme « Le seigneur des anneaux » (Tolkien, 1973).

    Ces œuvres épiques puisent à l’aune de croyances anciennes et d’habitus machiniques habités par des intentions de natures humaines. Elles fonctionnent comme des arkés, des moules à partir desquels de nouvelles images peuvent se développer. Elles peuvent être interprétées, au même titre que les traces qu’elles ont laissées dans les mythèmes informatiques au regard de structures anthropologies de l’imaginaire.

    Le structuralisme, avec sa perspective humaniste, souligne le caractère « programmé » du vivant, par ses gènes, ce qui se manifeste dans des « universaux de comportements » (Eibl Ebesfeldt, 1973) et par la culture et le mythe, qui sont des formes de modernité (Levi-Strauss, 1962).

    Cette généralisation autorise l’élargissement le périmètre de la recherche à des communautés plus accessibles afin d’explorer avec elles les traces d’imaginaire parmi leurs ressortissants. Aussi, nous évoquerons les phases de prospection, de ritualisation, de découverte, de prise de rôle puis de déclin dans ces espaces privilégiés qui, opposent le petit dedans au grand dehors, la communauté à la société, le partage et l’échange semi-oral du courriel et du texto à la commercialisation et à la médiation de masse. Internet y est décrit comme une « source de hasards » en référence au choix d’un forum plutôt que d’un autre.

    Des mots forts associés à de la synchronicité (Jung, 1888) ont été entendus, tout comme des propos sur l’éthique, l’ambivalence et des références à une grande idée de liberté empreinte de nostalgie. Le vécu de la technologie est habité par des imaginaires et leur analyse fournit un champ d’investigation fécond.

    Aussi, les lieux virtuels sont-ils des domaines capables d’enracinements même si ce sont des espaces vécus au présent. Il y a 20 ans, l’inventeur de l’expression « communauté virtuelle » assurait déjà que « d’emblée », il ressentit le Well « comme une vraie communauté parce qu’il était également lié à sa vie de tous les jours ». L’imaginaire technique n’est pas constitué des seules supputations sur « l’existence d’objets que l’individu peut entrevoir aujourd’hui mais dont il ne disposera que « demain » (Gobert, 2000, p. 26). Il questionne particulièrement les pratiques et les usages car ce qui alimente les croyances est avant tout de l’ordre du ressenti, du sentiment et des représentations.

    « Tout un délire traverse le social » (Durand G., 1993) dès lors qu’il s’agit de technologies.

    Ainsi, le raisonnement rationnel ne suffit plus à fournir un cadre à ce qui, par la multiplication des fonctionnalités et le nombre d’utilisateurs dont chacun actualise sa propre consocréation (Gobert, 2008), ses formes de présence (Turkle 1995) et ses imaginaires, relève du registre de la complexité.

     

    C’est pourquoi cette communication évoquera dans un premier temps la tension qui met en dialectique les formes mécanistes de la technique et les fluctuations du vécu et des imaginaires qui lui sont associées. Après un rappel définitionnel sur l’imaginaire et les ancrages théoriques sur les textes classiques (Durand, Morin, Thomas, Jung), le propos soulignera le rôle de l’imaginaire dans les pratiques et usages des nouvelles technologies, et cela plus particulièrement dans le contexte sensible de l’apprentissage instrumenté par des dispositifs numériques.

    Les éléments seront appuyés par l’observation participante et des entretiens semi-directifs effectués avec deux populations d’apprenants aux caractéristiques très différentes. Les résultats mettent en lumière l’actualité des travaux de Gilbert Durand et l’importante d’un imaginaire compris comme un « un système dynamique organisateur des images ». Ainsi, Crede mihi, plus est quam quo videatur imago (Ovide, Héroïdes, 13, 53) « Crois moi, l’image, c’est plus qu’une image ».

     

    Bibliographie indicative

    Adams D. (1982), Guide du voyageur intergalactique, Paris : Denoël, Série H2G2, trad. J. Bonnefoy, ed. orig. 1979.

    Aristote (2008), Métaphysiques, Paris : Garnier Flammarion, éd. orig 4e sicèle av. J.-C.

    Durand G. (1993), Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Dunod.

    Eibl Ebesfeldt I. (1973), L’homme programmé, Paris : Flammarion.

    Escarpit R. (1995), L’information et la communication, Paris : Hachette.

    Flichy P. (2005), « La place de l’imaginaire dans l’action, le cas d’Internet », Réseaux, Paris : La découverte, n° 109, pp. 52 à 73.

    Gobert T. (2000), Qualification des interactions observables entre l’homme et les machines numériques dotées d’interfaces à modalités sensibles, Lille : Septentrion, éd. 2003.

    Gobert T. (2008) « Consommer pour créer, créer en consommant, la consocréation », Do it yourself, Ax les Thermes : Ludovia 2008, du 27 au 29 août 2008

    Harrison H., Minsky M. (1998), Le problème de Turing, Paris : Le Livre de Poche, trad. Sigaud B., éd. orig. 1992.

    Jung C.-G. (1929), Synchronicité et Paracelsica & Jung C.-G., Kerényi C. (1958) Introduction à l’essence de la mythologie, Lausane : PBB.

    Levi-Strauss C. (1962), La Pensée Sauvage, Paris : Plon, 1962.

    Ovide (2005), L’Héroïde, Paris : Belles Lettres, trad. Bornecque H., orig. 29 et 19 av. J.-C.

    Ovide (2012), l’Enéide, chant I, Paris : Albin Michel, trad. Vyen P., orig. 29 et 19 av. J.-C.

    Perret, 1955, Que diriez-vous du mot ordinateur ? Lettre du 16 avril 1955.

    Rheingold H. (1993), The virtual community, Homesteading on the Electronic Frontier, Addison-Wesley, trad. Lumbroso L., http://www.well.com/~hlr/texts/VCFRIntro.html

    Roddenberry G., (1964), Star Trek 1, first draft, http://leethomson.myzen.co.uk/, 16 pp.

    Thomas J. (1998), Introduction aux méthodologies de l’imaginaire, Elipses,

    Tolkien J.-R.-R. (1973), Le seigneur des anneaux, Paris : Bourgeois, trad. Francis Ledoux, ed. orig. 1955

    Von Neumann J. (1957), L’ordinateur et le cerveau, Paris : Flammarion, trad. Pignon D., ed. orig. 1958.

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici