Catégorie : recherche

  • L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    imaginaireNotre communication s’inscrit dans l’axe de l’art numérique.

    Notre recherche pluridisciplinaire (histoire de l’art et anthropologie des techniques)  touche aux pratiques photographiques numériques lorsqu’elles simulent des aspects caractéristiques de la photographie argentique (grains photographiques, vieillissement des couleurs, marge blanche).

    Nous questionnerons plus spécifiquement ici les  imaginaires produits  dans le cadre d’une pratique photographique numérique au travers de photographies mais aussi des discours sur ces photographies et/ou la photographie numérique.

    En effet, dans le contexte d’une réflexion sur la relation entre l’imaginaire et la technique numérique photographique au travers d’œuvres, il nous semble indispensable d’analyser à la fois le processus numérique en tant que système machinique ainsi que les discours sur ce système car « La chambre noire se définit comme un agencement, au sens où l’entend Gilles Deleuze : elle « est à la fois, et inséparablement, d’une part agencement machinique et d’autre part agencement d’énonciation » « (Crary,1994 : 59‑50).

    C’est à  partir d’une approche moderniste de la technique photographique (Moholy-Nagy 1993) qui trouve un prolongement avec Flusser (1996) que nous définirons dans cette communication deux types de relation  entre l’imaginaire et la technique photographique numérique.

    Le premier repose sur un imaginaire de la technique qui est le résultat d’une recherche sur la technique où l’artiste traque les « marges d’indétermination » (Simondon, 1989) de l’appareil photo numérique. De cet imaginaire peut alors surgir de nouvelles potentialités, proposant d’autres usages qui dépassent la programmatique prévue par l’appareil photo. Le second type consiste davantage en l’utilisation de la technique pour produire un imaginaire photographique qui se fait tantôt critique de certains aspects du monde contemporain (prédominance d’une approche quantitative du monde, par exemple),  tantôt critique des conséquences de la technique numérique dans le  champ de la photographie (omniprésence des appareils photographiques et pollution de notre environnement visuel).

    Au travers de multiples exemples, nous soulignerons deux aspects. Premièrement, la majorité des productions artistiques sont de l’ordre de la seconde typologie. Ensuite,  les imaginaires construits ne sont pas réellement lié à la nature de la technique photographique numérique car ils sont basés sur des possibilités techniques qui existaient déjà via la photographie analogique (photomontage illusionniste ou surréaliste, retouche).

    En quoi les imaginaires sont-ils donc attachés à la technique numérique ?

    Bibliographie :
    Guedj, Romain, « Le je(u) des possibles », in Denis Bernard. Écarts, éclairs et corps : nouvelle étreinte photographique. Lyon: Fage éditions, 2010, 154-161.
    Guedj, Romain, « Les vues panoramiques de Jean Giletta », in Jean-Paul Potron, Jean Gilletta photographe de la riviera, Gilletta-Nice Matin, Nice, 2007, p.52-57
    Guedj, Romain, « La plaque albuminée sur verre, une identité perdue », Diplôme d’Études Approfondies, Centre d’Histoire et des Techniques du CNAM, 2006.

    Note de positionnement scientifique :
    Je suis actuellement doctorant dans le département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, Montréal QC, Canada (section sociologie de la culture).
    Cette communication est élaborée à partir d’une recension de sources écrites publiées et à partir de photographies exposées et/ou publiées.

    Références :
    Barboza, Pierre. Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l’histoire des images. 1 vol. Champs visuels. Paris: l’Harmattan, 1996.
    Batchen, Geoffrey. « Phantasm: Digital Imaging and the Death of Photography ». In Art and electronic media, par Edward A Shanken, 209‑211. London: Phaidon Press, 2009.
    Crary, Jonathan. L’art De L’observateur: Vision Et Modernité Au XIXe Siècle. Rayon photo. Nîmes: Éditions Jacqueline Chambon, 1994.
    Huyghe, Pierre-Damien (sous la direction de). L’art au temps des appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.
    Flusser, Vilém. Pour une philosophie de la photographie. Traduit par Jean
    Mouchard. 1 vol. Saulxures, France: Circé, 1996.
    Lister, Martin. « Photography in the Age of Electronic Imaging ». In Photography: A Critical Introduction, 295‑336. Routledge. London, 2004.
    Manovich, L. « The paradoxes of digital photography ». Photography after photography (1995): 57–65.
    ————–. The language of new media. Cambridge, MassMIT Press, 2001.
    Mitchell, William J. The reconfigured eye : visual truth in the post-photographic era. 1 vol. Cambridge (Mass.) ; London: MIT Press, 1992.
    Moholy-Nagy, László, et Dominique Baqué. 1993. Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie. Traduit par Catherine Wermester, Jean Kempf, et G. Daltez. Rayon photo. Nîmes: J. Chambon.
    Ritchin, Fred. After photography. New York, NY: WWNorton & company, 2010.
    Simondon, Gilbert. Du mode d’existence des objets techniques. R.E.S. L’Invention philosophique. [Paris]: Aubier, 1989.
    Wolf, Sylvia. The digital eye : photographic art in the electronic age. Munich: Prestel ; Seattle, WA, 2010.
    L’art Au Temps Des Appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.

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  • Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    imaginaireIl s’agira d’examiner dans quelle mesure le rapport que l’institution scolaire entretient avec les fictions numériques  est le prolongement du statut de l’imagination dans cette institution.

    En effet, les rapports ambigus qu’entretient la sphère éducative avec la question de l’imagination- plus spécifiquement l’imagination dans le cadre de la fiction littéraire- sont bien connus dans les recherches historiques sur la littérature de jeunesse. En France, prime une conception rationaliste de l’éducation dont  une des origines philosophiques est une certaine interprétation pédagogique du kantisme, défendue entre autres par Piaget.

    Ce qu’a retenu l’institution scolaire de la Critique de la raison pure est que l’imagination a un rôle déterminant dans l’acte de la connaissance en ce qu’elle produit les images nécessaires – les schèmes – pour que les données sensibles viennent se ranger sous les catégories de l’entendement. En revanche, ce que cette même institution a oblitéré, bridé du kantisme est l’imagination en tant que faculté débridée, libre créatrice d’images, constituant un imaginaire absolument nécessaire et décisif à la formation d’une personne. Cette oblitération se retrouve tout au long du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle.

    Les contes merveilleux n’ont ainsi aucune légitimité scolaire, leur part imaginaire est considérée comme dangereuse, pervertissante (Nière Chevrel, 2009), et ils ne sont pas plus conseillés en tant que lecture privée. Duborgel, dans Imaginaire et pédagogie a mis en évidence le rôle des images dans cette méfiance. Cela explique sans doute en partie pourquoi le cinéma et  la bande dessinée  tardent à se légitimer à l’école. Enfin, il nous semble que la dimension économique est un autre facteur de méfiance : la sphère éducative rejette tout lien trop explicite avec l’industrie.

    Dès lors, le rapport que l’institution scolaire entretient avec le  numérique est extrêmement ambigu, en ce qu’il cumule place des images, dimension industrielle et rôle de l’imagination.

    Tant qu’il est un outil permettant d’améliorer des performances « techniques » (gagner en rapidité, alléger les cartables…) il est accepté, mais si on l’associe au pouvoir de l’imagination, il devient inquiétant : cela rejoint donc la question de la fiction, et  la peur de l’identification qu’elle générerait dans de jeunes esprits.

    Pourtant, dans le même temps, depuis les années 1970/80 l’institution scolaire, du fait de la massification, considère qu’elle doit tenir compte des pratiques extra scolaires, qui, actuellement, sont fortement liées au numérique, et plus spécifiquement  aux pratiques  vidéoludiques…

    Dès lors elle accepte un certain imaginaire du numérique, notamment vidéoludique, mais en le bridant, en le scolarisant, de même qu’elle a scolarisé la fiction littéraire par le bais d’exercices qui ne permettaient pas à l’identification de se mettre en place (extraits, morceaux choisis…)

    Cet imaginaire bridé du numérique est manifeste dans l’absence d’imagination dont font preuve les concepteurs de serious games scolaires, ou de manuels numériques, parce qu’ils ont une représentation de la discipline, de l’outil, des apprentissages assez passéistes.

    Bibliographie indicative

    BANTIGNY, Ludivine, « Les deux écoles. Culture scolaire, culture de jeunes : genèse et troubles d’une rencontre (1960-1980) », Revue française de pédagogie, n° 163, 2008, p. 15-25.

    CHARTIER Anne-Marie, et HEBRARD Jean, Discours sur la lecture (1880-2000), Paris, Fayard-BPI, (2e édition, revue et augmentée), 2000.

    DUBORGEL, Bruno, Imaginaire et pédagogie, Le sourire qui mord, 1983.

    KANT, Emmanuel, Critique de la Raison pure, 1788. Traité de pédagogie, 1798

    NIERES-CHEVREL, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier jeunesse, 2009.

    Les manuels scolaires : situation et perspectives, Rapport à monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2012 [cache.media.education.gouv.fr/file/2012/07/3/Rapport-IGEN-2012-036-Les-manuels-scolaires-situation-et-perspectives_225073.pdf]

    Manuel numérique : dossier (2011). Paris : France. Ministère de l’Éducation nationale. 

    [http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/manuel]

     publications récentes de Laetitia Perret

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond-Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

    « De la légitimation à la patrimonialisation :  destinée scolaire des fictions enfantines, du conte au jeu vidéo», en collaboration avec Emilie Rémond, Champion , 2014, 13èmes rencontres des chercheurs en didactique de la littérature: École et patrimoines littéraires  quelles tensions, quels usages aujourd’hui ? Université de Cergy-Pontoise (site de Gennevilliers) les 29, 30 et 31 mars 2012

    «  Clara et Noé, une articulation problématique entre jeu et apprentissage en sciences expérimentales », écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Argos, SCEREN-CRDP académie de Créteil, décembre  2012

    Dernières publications de Pierre J. Truchot en ce domaine 

     Serious games/art games : un (bon) mélange des arts, in Argos, décembre 2012, n° 50.

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

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  • L’imaginaire des TIC en questions

    L’imaginaire des TIC en questions

    imaginaire

    Comme le souligne avec finesse L. Sfez, « Il y aurait ainsi une collection d’imaginaires particuliers propres à des métiers, professions ou vocation : un imaginaire bâtisseur, un imaginaire des techniques de pointe, un imaginaire de la technique (sans pointe), un imaginaire social (encore plus vaste), un imaginaire de la Renaissance, etc. Le terme ennoblit la chose, il porte la technique au rang même de l’Art, avec un grand A, auquel on réfère généralement ce qui appartient à l’imagination, à la création (…). Dire [que la technique] a un imaginaire, c’est la doter d’un réservoir quasi inépuisable de figures (…) » (Voir Sfez L., Technique et idéologie, Le Seuil, Paris, 2002.p. 33-34).

    L. Sfez, s’il accepte semble-t-il les imaginaires socio-anthropologiques, n’est guère enthousiasmé par la notion d’imaginaire des techniques, mérite-t-elle vraiment un tel opprobre ?

    Nous voudrions dresser, dans cette communication, une sorte de bilan critique de l’usage de la notion d’imaginaire en sociologie de la technique et singulièrement des TIC à travers une série de questions qui, toutes, convergent vers cette thèse : l’imaginaire des TIC est construit pour rassurer. Cependant, cet imaginaire ne rassure pas en ouvrant la discussion mais en la fermant. Qui plus est, bizarrement ou paradoxalement, on cherche à se rassurer avec une notion qui n’est pas forcément stable…

    nous commencerons par un petit détour, afin de nous assurer que notre perception n’est pas le fruit d’un biais introduit par l’usage de la notion en sociologie des techniques (première question), puis nous interrogerons son usage en sociologie des TIC et nous en montrerons les limites (à travers les quatre autres questions), avant de revenir sur d’éventuelles alternatives (avec l’avant dernière question) et de conclure sur l’existence d’un imaginaire de l‘imaginaire (conclusion).

    • L’imaginaire (en général) : une notion dure ou une notion molle, soumise à des dérapages incontrôlés ?

    La notion d’imaginaire est-elle « stable », stabilisée et stabilisante ? Nous prendrons tout d’abord deux exemples, loin de la sociologie : un historien (G. Duby) et un philosophe (J. Brun). L’un a publié un livre devenu célèbre, les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme (Gallimard, 1978), l’autre un livre de philosophie de la technique (le rêve et la machine, la Table Ronde, 1992). L’un est loin de nos préoccupations, l’autre s’en rapproche.

    Or dans les deux cas, il est possible de montrer que la notion d’imaginaire (ou ses substituts, rêves et mythes) ne renforce pas le raisonnement, mais tout au contraire soit introduit une notion inutile, une sorte de leurre, soit introduit des dérapages.

    • L’imaginaire des TIC : l’imaginaire est-il une question ou une réponse ?  

    Tout discours qui porte sur les TIC relève-t-il de l’imaginaire ? Certains semblent le penser, là encore en ne laissant pas la place à d’autres qualifications…ce qui est pour le moins discutable et que nous voudrions discuter. Nous montrerons que cette notion, loin d’offrir un cadre d’intelligibilité des TIC susceptible de construire l’enquête, est utilisée comme une sorte de réponse a priori : si il y a innovation, alors le discours porteur de cette innovation est a priori un imaginaire, par position en quelque sorte, sans autre inventaire.

    La notion d’imaginaire ne sert pas à penser les TIC dans leur spécificité à l’aide de catégories nouvelles adaptées. Autrement dit, elle sert moins à comprendre qu’à rassurer le sociologue : car, avec cette notion il pense détenir un outil efficace d’arraisonnement de ce qui échappe largement à sa culture, à savoir la technique. A coté de l’usage, l’imaginaire permet de parler de la technique sans s’affronter véritablement à la technique, puisqu’il est question de ses représentations sociales.

    • L’imaginaire des TIC : de quoi s’agit-il, de quoi parle-t-on ? Utopie, mythe ou idéologie ?

    On emploie beaucoup le mot de mythe aujourd’hui…comme pour dire que notre société, comme toutes les autres, possède ses propres mythes, qu’elle n’est pas si différente…mais n’est-ce pas également une manière d’éviter de penser cette différence ? Non pour la construire comme une rupture radicale, mais pour souligner ce qui continue et ce qui se transforme…y compris dans les représentations sociales.

    On mobilise également beaucoup la notion d’utopie (Breton, Philippe, L’utopie de la communication, La découverte, 1992), pour, là encore, se rassurer et se dire que l’utopie a encore sa place dans notre société, que nous ne sommes pas tant que cela dans une société du vide (Yves Barel, La société du vide, Le seuil, 1984). Enfin, lorsque l’on emploie la notion d’idéologie, c’est dans une définition douce, « soft » d’outil d’intégration à un groupe (pour l’usage de ces notions, cf. Patrice Flichy, L’imaginaire d’internet, la découverte, 2001). La notion d’imaginaire est alors porteuse d’espoir(s) et rassure là aussi.

    • L’imaginaire des TIC : à quoi sert la notion d’imaginaire ?

    Si tout discours social sur la technique relève de l’imaginaire, la question de la qualification même de ce discours ne se pose plus ; il renvoie à du connu et la technique, elle-même, n’est plus étrangère, comme le pensent les sociologues qui traquent volontiers le déterminisme technique, mais redevable d’un imaginaire, comme n’importe quelle autre activité sociale. Normalisation sociale rassurante de la technique.

    Quelle relation la technique entretient-elle avec la culture ? Est-elle le véhicule logistique du symbolique comme le pense R. Debray (Cours de médiologie générale, Gallimard, Paris, 1991) ou est-elle l’Autre de la culture comme l’affirme le philosophe G. Hottois (Le signe et la technique, Aubier, 1984) ? L’imaginaire renverse la question, puisqu’il ne s’interroge pas sur ce que la technique fait à la culture, mais travaille sur ce que la culture fait à la technique. Car l’imaginaire récupère et réintègre la technique dans la culture. Normalisation anthropologique, rassurante là encore,  de la technique.

    • L’imaginaire des TIC : un discours critique ?  

    L’imaginaire porte un discours qui, en définitive, permet de justifier la nécessité du développement des TIC. Car il justifie les pratiques et comportements des acteurs : en effet, si telle ou telle proposition, position ou décision, relève de l’imaginaire, alors c’est le droit de celui qui la profère de la tenir, au nom de quoi le critiquer ?

    Dès lors, cet imaginaire fonctionne à la fois comme une machine à entériner et quelque part à légitimer ces représentations et ces actions. L’imaginaire devient alors une machine discursive à récuser la posture critique. Sous son couvert, la technique qui fait l’objet d’une simple opération de marketing politique (comme lorsqu’A. Gore a enrôlé les TIC dans son programme d’autoroutes de l’information par exemple) devient, abusivement, de l’imaginaire. Sous son couvert la technique ne pose pas question à la société, et notamment pas de questions politiques (sur les libertés, l’espace public etc.).

    • L’imaginaire : existe-t-il des alternatives ?

    Selon L. Sfez (op cit) les TIC sont munies d’une imagerie, qui n’est pas un imaginaire, car il lui manque une véritable cohérence symbolique ; cette imagerie participe à l’imposition d’une idéologie de la technique qui permet de la naturaliser.

    Les représentations sociales sont portées par ce que j’appelle un macro-techno-discours (un MTD). J’ai proposé la notion d’impensé informatique (Robert 2012, les éditions des archives contemporaines) pour rendre compte du fonctionnement du discours ( le macro-techno-discours) que notre société se propose elle-même sur sa propre informatique (et ses TIC) ; mais cette qualification n’est pas un a priori, elle fait l’objet d’une enquête qui montre (ou non) qu’il s’agit bien de la logique de l’impensé, caractérisée par certaines opérations et stratégies repérables ou non dans les discours.

    La prise en compte de cet impensé incite le chercheur à faire des propositions pour penser les TIC, mais à travers un jeu de catégories qui ne sont ni celles de la techniques ni celles de la sociologie (tout en leur restant compatible) (Cf. Pascal Robert, Mnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Hermès, 2010). Ce que ne permet pas la notion d’imaginaire.

    • Conclusion : un imaginaire de l’imaginaire ?

    Notre société a manifestement besoin d’une telle notion pour se rassurer. Il s‘agit, dés lors, d’en faire la sociologie et non de l’entériner comme outil à vocation scientifique. Or, certains sociologues, proches peut être de grands groupes de télécommunications, n’hésitent pas à la promouvoir comme baguette magique du décryptage de nos TIC. Voilà une approche qui, dans sa facilité même, et parce qu’elle rassure, est susceptible d’intéresser les journalistes. Autrement dit, notre société a développé un véritable imaginaire de l’imaginaire comme substitut (partiel) aux grands récits ; démarche qui porte l’idéologie de la communication au lieu de la critiquer.

    Pascal robert est professeur en sciences de l’information et de la communication à l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), Université de Lyon, membre du laboratoire Elico EA 4147.

    Publications et communications récentes (2011-2012)

    Livres :

    L’impensé informatique, critique du mode d’existence idéologique des TIC, volume 1, les années 70-80, éditions des archives contemporaines, Paris, 2012.

    Chapitre d’ouvrage :

    « Esquisse d’une archéologie de l’informatique communicante », projet d’une histoire du logiciel libre, Editions Framabook, à paraître.

    Communication à des colloques :

    « Pour une « culture du numérique », colloque de la SFSIC 2012, Rennes, Juin 2012.

    En collaboration avec N. Pinède, « Le document numérique : un nouvel équipement politique de la mémoire sociale ? », colloque international Cossi 2012, Poitiers, 19 et 20 juin 2012.

    « Critique de la « gestionnarisation », colloque international EUTIC 2011, Transformation des organisations : évolution des problématiques et mutations fonctionnelles, Bruxelles, 23-25 novembre 2011.

    « Les revues de micro-informatique sont-elles porteuses d’une « culture technique » de l’informatique ? Une approche socio-sémiotique », colloque international de Strasbourg sur « Les cultures des sciences en Europe, Volet 2 : dispositifs, publics acteurs et institutions », Strasbourg, 13-15 octobre 2011.

    Articles :

    « Pour une anthropologie du virtuel, Virtuel, jeux vidéo et paradoxe de la simultanéité », MEI, N°37, L’Harmattan, Paris, à paraitre.

    Positionnement scientifique

    • Section scientifique de rattachement : sciences de l’information et de la communication (71°section).
    • Ma proposition de communication se veut un bilan critique d’une démarche, sous forme de questions. En ce sens, le vocabulaire issue des sciences dites « dures » est quelque peu décalé : la « méthode » consiste ici à critiquer une position en en montrant les a priori cachés et les conséquences politiques masquées ; le « terrain » correspond au corpus d’auteurs critiqués (P. Flichy, P. Breton etc.)
    • Références : elles sont indiquées dans le corps du texte.Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici
  • Distorsion et réappropriation : le jeu vidéo comme imaginaire de l’activité

    Distorsion et réappropriation : le jeu vidéo comme imaginaire de l’activité

    imaginaire

    Que désigne-t-on sous le terme d’imaginaire vidéoludique ? S’agit-il d’évoquer l’ensemble des représentations véhiculées par le corps social à l’endroit du jeu vidéo et de ses pratiques ? Parle-t-on plutôt des différents mondes et thématiques imaginaires traités par le médium vidéoludique ? Ou renvoie-t-on plutôt à la gamme des expériences vidéoludiques possibles, qu’elles soient présentement imaginées ou qu’elles restent à imaginer ?

    Au-delà de la pluralité d’acceptions que peut recouvrir cette notion, on émettra le postulat suivant :

    l’imaginaire vidéoludique, c’est d’abord une certaine image que le joueur se fait de sa propre activité.

    La vérification de cette hypothèse passera par une explicitation de la nature de cette image, de sa structure et de son mode de constitution. Pour ce faire, nous commencerons par examiner  le type de relation qui noue le joueur à son jeu.

    On montrera comment ce caractère relationnel est conditionné par les propriétés formelles de l’objet-jeu, mais aussi par le type de rapport que suppose toute posture ludique. il s’agira ensuite d’étudier la teneur même de l’activité vidéoludique. En d’autres termes, il s’agira de répondre à cette question : qu’est-ce que fait le joueur, lorsqu’il joue ? Nous adopterons ici une méthode de style phénoménologique.

    Notre réflexion partira d’un examen de l’activité ludique entendue comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Que fait un joueur pour jouer ? Il appuie sur la croix directionnelle, déplace la souris, maintient une touche enclenchée. En quoi cette activité pourrait-elle alimenter un vécu riche de sens et consécutivement, nourrir un imaginaire prétendument dense ?

    L’imaginaire vidéoludique se caractériserait-il par son éminente pauvreté ? Si l’on demande à un joueur ce qu’il fait dans un jeu, on peut douter que celui-ci la décrive comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Celui-ci parlera plutôt des actions de haute voltige qu’il a pu réaliser, des ordres qu’il a pu donner ou encore des étendues qu’il a pu parcourir.  La juxtaposition de ces deux descriptions fait ressortir l’existence d’un différentiel entre deux régimes d’action, lesquels viennent pourtant définir en propre ce qu’est jouer. Il s’agira d’élucider la nature de ce différentiel entre action effective (j’appuie sur un bouton) et forme de l’action (je vois mon personnage sauter), et de voir comment cette disjonction altère le vécu du joueur, dans son contenu comme dans son mode d’écoulement.

    Cette tâche supposera qu’on s’enquiert prioritairement du sens que le joueur assigne à son activité, en tant qu’activité traversée par une disjonction. Quel sens assigne-t-il à l’action effective qu’il réalise, compte tenu de la forme que prend cette action à l’écran ? Jusqu’à quel point le joueur considère-t-il l’activité visible à l’écran comme étant significative de son action effective ?

    L’analyse des présupposés qui sous-tendent ces questions nous amènera à spécifier ce que ce différentiel recouvre. On montrera ainsi que la différence entre action effective et forme de l’action ne relève pas d’une logique d’amplification, qu’une action effective peut se traduire à l’écran de fort différentes manières, et que cela n’est jamais seulement fonction de ce que le joueur a fait, mais des choix de design pris par le concepteur.

    Plus encore, on montrera que la possibilité même de ce choix de design résulte d’un autre type de différence, non plus entre une action et son mode de manifestation, mais entre un geste et sa traduction dans un environnement numérique. Il s’agira de cerner les implications sous-jacentes à cette disjonction de nature très particulière, à fortiori lorsqu’elle n’est pas manifeste. Enfin, on verra comment cette détermination technique ouvre à la possibilité de voir certaines actions prendre des formes non-anticipées, que cela résulte des propriétés émergentes du système ou d’une erreur de programmation.

    Au terme de cette étude, nous serons alors en mesure de montrer en quoi le joueur est nécessairement affecté par ce différentiel et l’effet de distorsion qu’il produit.

    Le joueur, lorsqu’il joue, doit toujours négocier avec ce différentiel et décider si oui ou non, il considère la forme que prend son action comme relevant de son agir propre.

    C’est en prenant en compte cet élément qu’on pourra caractériser le type d’image qu’un joueur peut se faire de sa propre activité et consécutivement, le type d’imaginaire qui en découle.

    Communications publiques (sélection)

     28/01/2013           Communication « Le transmédia comme approche circulatoire », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Transmédia : quelles traversées des écrans ?»

    16/06/2012           Communication « Paramètres de la variation ludique », Games Studies ? A la française ! « Pouvoirs des jeux vidéo », organisé par l’OMNSH.

    05/06/2012           Communication « Autorisation, usage et transmission du pouvoir-jouer », dans le cadre du  colloque « Pouvoirs des jeux vidéo », Lausanne, Suisse.

    09/02/2012           Communication « L’Imaginaire des jeux vidéo », dans le cadre du Séminaire Imaginaire – Technologie, organisé par l’ESAD et l’Institut Télécom

    23/01/2012           Communication « Interfaçage et jeu vidéo : les triangulations avatars/écrans/joueurs », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Images, interfaçages et corps ».

    Note de positionnement scientifique

    Notre section scientifique de rattachement est la section 17 du CNU.

    Notre méthode mobilise deux approches distinctes et complémentaires. Elle s’inscrit d’une part dans une démarche phénoménologique, et se déploie selon un mode de questionnement d’inspiration heideggérienne. Par ailleurs, nous adossons à cette approche phénoménologique un mode d’analyse de type ludologique, avec pour volonté de traiter la question du jeu sous l’angle de la systémique.

    Références

    Bachimont, Le sens de la technique : le numérique et le calcul, Les Belles Lettres, 2010

    Heidegger, Etre et Temps, Paris, Gallimard, 1986

    Juul Jesper, The Art of Failure, The MIT Press, 2013

    Järvinen Aki, Games without frontiers, VDM Verlag, 2009

    Katie Salen, Eric Zimmerman, Rules of Play, The MIT Press, 2003

    Manola Antonioli, Jean-Hugues Barthélémy, Elena Bovo et al., Phénoménologie et technique(s), le cercle herméneutique, 2008

     

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

  • Le Play Research Lab de Valenciennes présenté par Julian Alvarez

    Le Play Research Lab de Valenciennes présenté par Julian Alvarez

    Ce positionnement a pour but d’apporter des éléments de réponses sur l’emploi du jeu dans les domaines de la prévention, de la formation, de l’éducation, de l’apprentissage, de la thérapie, de la communication, de la sécurité, du recrutement, du management, de la culture, de la collecte de données, etc.

    le laboratoire pRl vise ainsi à conseiller les décideurs publics et privés, à accompagner les porteurs de projets convoquant du ludique, à sensibiliser le grand public sur les enjeux liés au jeu et à partager ses travaux avec la communauté scientifique. C’est dans cet esprit que le PRL porte les “e-virtuoses”.

    le pRl a ouvert ses portes en 2013 à Valenciennes aux ateliers numériques et sera dès 2014 implanté dans la serre numérique sur les Rives Créatives de L’Escaut à Valenciennes.

    Docteur en sciences de l’information et de la communication, Julian Alavarez a obtenu sa thèse en 2007 à l’université de toulouse 2. Il est également professeur des universités à temps partiel de Lille 1 au département des Sciences de l’Education au sein du laboratoire le CIREL depuis 2012. Sa spécialité sont les tICE et notamment le Serious game. Les travaux de recherche menés sont axés sur la typologie des Serious games, leur conception et le déploiement dans le milieu de la formation, de la santé et du marketing. En parallèle, Julian dispense des cours en gestion de projets, conception et développement de Serious games à Supinfogame Rubika de Valenciennes et à l’Université Lille 1 et toulouse III. A ce jour, Julian a été impliqué dans la conception et le développement de plus de 150 Advergames (jeux publicitaires), Edugames (jeux ludo-éducatifs) et Casual games (petits jeux vidéo), réalisations faites notamment pour le compte des éditions Milan, Dupuis, tF1, La cité de l’espace, CNES, CNRS, l’ENAC, l’Académie de toulouse et orange Labs. Julian totalise plus de 4000 heures d’enseignement équivalent tD dans le domaine des tIC depuis 1995. Julian compte à son actif près de 50 publications scientifiques, études et ouvrages portant sur les Serious games.

  • Les étudiants ne sont pas des mutants !

    Les étudiants ne sont pas des mutants !

    cyborg
    Cela vaut aussi pour les étudiants qui ne sont pas les mutants numériques que l’on se laisse aller à imaginer parfois, lorsqu’on les assimile à des « agents » d’une révolution sociétale à l’œuvre.

    Cela semble évident… Et pourtant, nous sommes imprégnés depuis une dizaine d’années maintenant des discours sur la faillite du système scolaire qui échouerait à intégrer les technologies numériques et sur l’écart grandissant entre la société et l’école, qui contribuerait à expliquer le décrochage dans le secondaire et l’échec en premier cycle… !

    Au fondement de ces discours, on retrouve toutes les analyses sur cette génération d’abord dite Y (parce qu’elle succédait à la génération X, qui elle même suivait la génération W), maintenant couramment nommée C parce qu’elle Crée, Communique et Collabore.

    Les premiers travaux sont américains et remontent à la fin des années 1990. Certains ont connu – et connaissent encore – une fortune réelle, bien au-delà des frontières imposées par l’Atlantique ; ceux de Mark Prensky en particulier avec son incontournable formule opposant digital natives (les natifs du numérique) et digital immigrants (les migrants du numérique).

    Tous ces travaux s’appuient sur une argumentation binaire distinguant les pratiques (naturelles) de ceux nés dans les années 1980 et après, des pratiques adoptées (ou non) par ceux plus âgés qui n’ont pas été exposés aux technologies numériques dès leur naissance.

    Peu questionnée de prime abord, cette argumentation générationnelle est aujourd’hui soumise à l’examen de nombreuses études empiriques, dont nous allons tenter de rendre compte ici brièvement.

    Les étudiants sont-ils techno-compétents parce qu’ils utilisent beaucoup les TIC ?

    La réponse est facile, c’est non.
    Plusieurs éléments d’explication sont avancés. D’abord, les usages développés par les jeunes sont essentiellement de nature récréative : ils utilisent les TIC pour communiquer avec leurs proches (familles et pairs) et plus occasionnellement pour approfondir leurs centres d’intérêt ; les garçons jouent en ligne, les filles investissent davantage les réseaux sociaux.

    D’autres facteurs que le genre battent en brèche ces représentations d’une génération homogène : l’âge bien évidemment, car les lycéens, les néo-étudiants et les étudiants de 3e cycle ont des pratiques de loisirs différenciées, et aussi l’environnement culturel, car les jeunes Québécois sont de faibles consommateurs de SMS comparés aux Américains, tandis que les Français sont plus amateurs de blog que leurs homologues européens.

    Ces usages récréatifs sont quantitativement plus importants que les usages académiques et augmentent plus vite, grâce notamment à l’essor des équipements mobiles et à la convergence entre téléphonie et réseaux sociaux.

    Mais ces usages sont ceux du temps libre et nombre de lycéens et d’étudiants ne souscrivent pas à l’idée que l’institution doit les solliciter dans ces espaces « extimes » qui sont les leurs.

    Quoi qu’il en soit, la quantité ne fait pas non plus la qualité. L’observation met au jour des pratiques souvent peu spectaculaires. Une minorité d’étudiants développe des usages avancés et se montre pro-active dans l’adoption de nouvelles technologies ; elle joue finalement un rôle de prescripteur en œuvrant à la régénération des normes sociales. Mais la majorité reste silencieuse : il y a plus de followers que de leaders

    La plupart des typologies montre qu’un étudiant sur deux a des usages vraiment basiques, qui relèvent essentiellement de la réception : dans sa boîte à outils, on trouve Google, Facebook, YouTube et Wikipedia, point final ! Les usages impliquant une production, même mineure, sont rares ; les routines sont parfois profondément ancrées et s’apparentent plus à un appauvrissement du social qu’à une augmentation des possibilités humaines ; Jean-Michel Besnier parle d’« homme simplifié ».

    Autrement dit, les potentiels d’usage accentuent les inégalités : ce n’est pas tant l’existence de telle ou telle technologie qui impacte les valeurs et les attitudes que ces dernières qui influencent son usage.

    La différence se fait moins sur le fait d’être équipé ou pas : les étudiants sont de plus en plus nombreux à posséder un ordinateur portable par exemple. La fracture numérique s’est donc déplacée, elle n’a pas disparu.
    Les inégalités résident désormais davantage dans la nature et la qualité des équipements et dans l’amplitude et l’intensité des usages. On ne naît donc pas agile avec les technologies, on peut le devenir… ou pas.

    Les étudiants sont-ils critiques vis-à-vis des enseignants qui utilisent peu les TIC dans leurs cours ?

    La question paraît d’emblée moins évidente, mais là encore, il convient de répondre par la négative. Toutes les recherches empiriques montrent une préférence constante des étudiants pour un usage modéré des technologies numériques. Ils sont généralement satisfaits des fonctionnalités de communication et d’accès aux ressources fournies par les plateformes pédagogiques, et plébiscitent sans ambiguïté le côté « pratique ».

    Mais une technologie n’est pas identifiée comme un besoin pour les études et il n’y a pas de demande naturelle des étudiants pour plus de web 2.0, plus de blog, plus de wiki, plus de mondes virtuels, etc. En fait, ils imaginent difficilement des configurations différentes de celles qu’ils ont toujours connues, surtout au début de leurs études supérieures.

    Ainsi, ils ne souhaitent pas que les cours à distance, perçus comme adaptés aux apprentissages solitaires, remplacent les cours en présence, ni que les cours magistraux soient supprimés. Ils sont en revanche demandeurs de ressources à utiliser en autonomie et de méthodes pour être plus efficaces dans leur travail. Ils sont critiques, non pas quand les enseignants n’utilisent pas les TIC, mais quand ils les utilisent mal… et trouvent que ces derniers ont souvent une vision trop partielle des dispositifs numériques.

    En définitive, la technologie ne garantit pas la qualité d’un cours à leurs yeux, son adoption doit être évidente ou ne pas être… La qualité est donc ailleurs : dans la cohérence du cours (et des cours) et dans l’expérience vécue en cours, en particulier dans la communication avec les enseignants et entre pairs.

    Bien qu’ils tendent (et que nous tendions aussi) à surestimer leurs compétences, cette « présomption de compétences » évoquée par Michel Serres doit être relativisée. Les difficultés se cristallisent souvent autour de deux points : on observe des lacunes importantes pour tout ce qui concerne l’évaluation de l’information (effet « vu dans Google ») et une appréhension superficielle des questions de plagiat, de droit d’auteur et d’identité numérique.

    Mais les pratiques d’études n’ont pas évolué radicalement ces dernières années : le temps consacré aux études en dehors des cours reste faible, même si les technologies induisent un investissement plus chronophage.

    Les étudiants prennent par ailleurs assez peu d’initiatives : ils étudient comme on leur dit qu’il convient d’étudier : la dépendance à la consigne est démontrée dans plusieurs travaux et il est désormais tout-à-fait prouvé qu’ils ne savent pas spontanément tirer profit des opportunités en termes de flexibilité (temps) et de mobilité (espace).

    Autrement dit, les pratiques d’études sont largement conditionnées par les exigences académiques. La question du poids de la discipline mériterait sans doute d’être creusée.

    Parallèlement, aucune recherche ne met de façon probante en évidence l’apparition de nouveaux styles d’apprentissage. Les processus cognitifs ne semblent pas encore profondément impactés, même si les stimulations extérieures modifient effectivement l’activité des zones du cerveau.

    Les travaux sur la mémoire montrent que les étudiants se souviennent désormais plus aisément du « où et quand » ils ont accédé à telle information, plutôt que de l’information elle-même. Mais leur mémoire de travail reste limitée : le multitâche est opérant quand les tâches ne sont pas réellement en concurrence, c’est-à-dire dans une configuration où des tâches mineures sont juxtaposées à une tâche majeure.

    On observe également un affaiblissement de l’intelligence verbale au profit de formes d’intelligence plus visuo-spatiale. Mais les cerveaux de nos étudiants n’ont pas muté dans les dix dernières années… Il suffit, pour s’en convaincre, d’analyser les pratiques numériques de lecture et d’écriture. La prise de notes reste une difficulté majeure en première année et peu d’étudiants utilisent leur ordinateur portable.

    De même, la lecture sur écran, plus exigeante car elle oblige à être sélectif, à choisir son chemin via les hypertextes, à exercer son esprit critique, n’est pas innée. La littératie numérique n’est pas un prérequis : c’est un objectif à atteindre.

    Quels enseignements tirer de ces travaux ?

    Remettre en cause l’existence de cette génération internet, c’est réintroduire de la complexité là où on se contentait jusqu’alors de réifier les pratiques numériques et d’opposer celles des étudiants à celles des enseignants. Mais ces décalages de représentations ne sont pas irréversibles, ils sont d’ailleurs beaucoup moins marqués dans les pays d’Europe du Nord et en Allemagne, que dans les pays du Sud de l’Europe.

    Et les étudiants ne sont pas fermés au changement, comme l’a montré une enquête récente de la CRÉPUQ : ils réagissent positivement quand le cours offre des défis intellectuels intéressants, quand les exposés magistraux sont utilisés à bon escient, quand les ressources proposées sont pertinentes, quand l’évaluation fait sens par rapport aux savoirs et aux compétences sollicités pendant le cours, etc.

    Pour faire évoluer sa pratique pédagogique, il ne s’agit pas de s’interroger sur comment utiliser telle ou telle technologie, il s’agit bien de faire bouger ses représentations : cesser de raisonner en termes de déficit et s’affranchir des discours communs sur la génération internet qui, s’ils peuvent permettre de penser l’avenir (en fait on n’en sait rien), sont inopérants pour nous aider à comprendre et à agir dans le présent.

    Non, les étudiants ne sont pas naturellement agiles avec les technologies numériques !

    Oui, les enseignants peuvent (re)prendre le contrôle en misant sur la pédagogie.

    Il n’y a pas d’urgence à changer radicalement de pédagogie ; mais l’institution se doit de fournir aux enseignants un cadre structurant propice pour qu’ils renforcent leurs capacités (empowerment) individuellement et collectivement. Et les enseignants se doivent, non pas de transmettre un savoir, car d’un certaine façon, avec l’internet, il est déjà transmis, comme le dit si bien Michel Serres ; il leur revient en revanche de créer les conditions favorables à l’apprentissage et d’orchestrer ces opportunités.

    Source : Par Laure Endrizzi, Chargée d’étude et de recherche au service Veille et Analyses, Institut français de l’Éducation (ENS de Lyon)

    Lien article : www.unisciel.fr/les-etudiants-ne-sont-pas-des-mutants/

     

  • e-virtuoses 2013 » : Awards et colloque scientifique, une co-présidence de prestige !

    e-virtuoses 2013 » : Awards et colloque scientifique, une co-présidence de prestige !

    e-virtuoses : Le rendez-vous européen des jeux sérieux
    Chris Crawford et les membres du jury devront également donner leur avis sur deux nouvelles catégories : le Serious Gaming et la Gamification, récompensées pour la première fois en France. Les « e-virtuoses » entendent ainsi illustrer la richesse des dispositifs et procédés ludiques que recensent désormais l’industrie et la recherche.

    Le colloque scientifique des « e-virtuoses » sera présidé quant à lui par le professeur Gilles Brougère de l’université Paris 13 qui succèdera au professeur Pamela Kato. Après avoir introduit ses travaux dans le domaine du jeu dédié à l’éducation, Gilles Brougère a pour mission de jouer le rôle de grand témoin. Il s’agit, à l’issue du colloque, de produire une synthèse conclusive de toutes les interventions pour en extraire une tendance forte. C’est un jeu intellectuel complexe, nécessaire pour évaluer si le colloque a permis d’apporter une contribution significative à la communauté des chercheurs s’intéressant à la ludologie.

    Portrait de Chris CRAWFORD, président des « e-virtuoses awards » 2013
    Game designer américain de renom : d’Atari au Serious game 

    Chris Crawford est une figure importante de l’industrie vidéoludique. Il est l’un des premiers acteurs à avoir adopté une démarche de réflexion sur le jeu vidéo. Game designer américain de son métier, il crée de nombreux jeux chez Atari pendant les années 80, dont le plus connu est Balance of Power (1985). Il écrit en 1982 « The Art of Computer Game Design », sans doute le premier ouvrage de Game Design dédié au jeu vidéo.  Il co-fonde la « Game Developer Conference » (GDC) qui, d’une petite réunion entre game designers chez lui dans son salon, est devenue aujourd’hui la référence mondiale des professionnels du jeu vidéo.

    Ludographie de Chris Crawford : Energy Czar (1981), Scram (1981), Eastern Front (1981), Legionnaire (1982), Gossip (1983), Excalibur (1983), Balance of Power (1985), Trust & Betrayal (1987), Balance of Power II, Guns & Butter (1989), Balance of the Planet (1990), Patton Strikes Back (1991).

    Portrait de Gilles Brougère, président du Colloque scientifique
    Gilles Brougère est professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris 13, directeur d’EXPERICE, et responsable de la spécialité Loisir, Jeu, Education du Master EFIS. Gilles Brougère développe des travaux de recherche sur le jouet, la culture enfantine de masse, les relations entre jeu et éducation, l’éducation préscolaire comparée et les apprentissages en situation informelle. Après des études et une agrégation de philosophie, il a obtenu un doctorat en ethnologie à Paris 7, un doctorat d’état des Lettres et Sciences humaines à Paris 5, en 1993. Ses travaux de recherche portent notamment sur les relations entre jeu et éducation qui le conduisent à confronter sur cette question différents systèmes préscolaires dans le monde. Il s’intéresse également, à travers le jeu, le loisir (par exemple le tourisme) et au-delà, aux situations d’apprentissage informel. Gilles Brougère s’interroge ainsi sur le modèle de l’école en France, notamment sur la place que peut y occuper le jeu.

    Principales publications de Gilles Brougère : Le jouet, valeurs et paradoxes d’un petit objet secret, Paris (1992), Jeu et éducation (1995), Jouets et compagnie (2003), Jouer, apprendre (2005), La ronde des jeux et des jouets (2008), Apprendre de la vie quotidienne (2009).

    Plus d’informations à cette adresse :
    http://www.e-virtuoses.net/fr/awards.html

  • Des images pour les humanités digitales

    Des images pour les humanités digitales

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    Ces journées d’études seront l’occasion de réfléchir, partager et analyser les problématiques scientifiques et socio économiques liées aux humanités digitales. 2 jours de conférences et de symposiums permettront de croiser les regards entre acteurs publics et privés, chercheurs, experts et professionnels.

    Les 7 conférences plénières aborderont des thématiques transversales sous un angle transdisciplinaire de niveau international : les humanités digitales en France et leur organisation et les dynamiques internationales des humanités digitales.

    Partant de projets contextualisées à différents secteurs (3D, méthodes visuelles, indexation des vidéos, création de logiciels d’analyse filmique), ces contributions reviendront sur les apports des images dans les Humanités Digitales et services numériques, questionnant les méthodes et outils mobilisés dans le cadre du projet d’Institut des Humanités Digitales de Bordeaux.

    Plus d’infos :
    Consulter programme www.msha.fr/ihdb/je2013
    Pour s’inscrire www.msha.fr/ihdb/je2013/index.php/inscription

  • e-virtuoses : Les chercheurs passent au crible le jeu vidéo destiné à soigner, communiquer et former

    e-virtuoses : Les chercheurs passent au crible le jeu vidéo destiné à soigner, communiquer et former

    Dans un contexte économique en panne, le marché du jeu vidéo maintient une santé insolente. Cette industrie ne se contente plus de divertir et investit les marchés de la santé, de la formation, de l’éducation, de la publicité, de la défense, de la sécurité, de la politique, de la culture…

    Le jeu vidéo et par extension le game design, constituent des vecteurs d’innovations. Preuve en est, la CCI Grand Hainaut ouvre depuis début janvier une cellule R&D dédiée à la ludologie (étude scientifique des jeux et de leurs usages).

    En parallèle, elle organise les 4 et 5 juin prochains, pour la 2ème année consécutive, le colloque scientifique international e-virtuoses qui regroupe tous les experts et chercheurs du domaine pour faire progresser les théories et les innovations dans ce domaine.

    Les e-virtuoses se focalisent sur la question de l’évaluation du jeu et par le jeu

    « Le jeu peut-il être évalué ? Peut-on évaluer par le jeu ? Pour qui souhaiterait se lancer dans une telle partie, la prudence est de mise : les règles établies pourront être appelées à changer pour espérer gagner. Quant à ceux qui préfèrent rester hors jeu, sont-ils nécessairement perdants ? Pour trouver des éléments de réponses à ces questions, il convient encore de découvrir et d’avancer moult pions sur l’échiquier sans fin de la découverte scientifique. C’est dans cet esprit que se lance la 2ème manche du colloque international des e-virtuoses dédiés à la ludologie et ses usages instrumentalisés » détaille, Julian Alvarez, responsable de la cellule R&D Ludologie de la CCI Grand Hainaut et enseignant-chercheur au laboratoire CIREL de Lille 1.

    Listes des principaux chercheurs internationaux qui soutiennent le colloque scientifique des e-virtuoses

     

    Serge Agostinelli (Université de Marseille, France)
    Julian Alvarez (Cellule R&D Ludologie – CCI Grand Hainaut / Université de Lille Nord de France, France)
    Sylvester Arnab (Université de Coventry, UK)
    Per Backlund (Université de Skövde, Suède)
    Raquel Becerril Ortega (Université de Lille Nord de France, France)
    Philippe Bonfils (Université du Sud Toulon-Var, France)
    Gilles Brougère (Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité, France)
    Pierre-André Caron (Université de Lille Nord de France, France)
    Christophe Chaillou (Université de Lille Nord de France, France)
    Yann Coello (Université de Lille Nord de France, France)
    Damien Djaouti (Université de Montpellier II, France)
    Pascal Estraillier (Université de La Rochelle, France)
    Patrick Felicia (Waterford Institute of Technology, Irlande)
    Maurizio Forte (Université de Californie, USA)
    Sara de Freitas (Université de Coventry, UK)
    Abdelkader Gouaich (Université de Montpellier, France)
    Sylvain Haudegond (Cellule R&D Ludologie – CCI Grand Hainaut)
    Jean Heutte (Université de Lille Nord de France, France)
    Pamela Kato (Medical Center university de Utrecht, Pays-Bas)
    Catherine Kellner (Université de Lorraine, France)
    Christophe Kolski (Université de Lille Nord de France – UVHC, France)
    Michel Lavigne (Université de Castres, France)
    Sandy Louchart (Université Heriot-Watt, Ecosse)
    Hélène Michel (École de Management de Grenoble, France)
    Denis Mottet (Université de Montpellier, France)
    Louise Sauvé (Université du Québec à Montréal, Canada)
    Gilson Schwartz (Université de São Paulo, Brésil)
    Pascal Staccini (Université Nice-Sophia Antipolis, Segamed, UMVF-UNF3S, France)
    Franck Tarpin-Bernard (Université de Grenoble, France)
    André Tricot (Université de Toulouse, France)
    Philippe Useille (Université de Lille Nord de France – UVHC, France)

     

    Plus d’informations à cette adresse : http://www.e-virtuoses.net/fr/awards.html