Catégorie : POINT DE VUE

  • Ludovia#11 : retour sur la Khan Academy

    Ludovia#11 : retour sur la Khan Academy

    Par Jean-François Cerisier, intervenant sur la conférence inaugurale sur le thème de l’année « Numérique & éducation, entre consommation et création », à lire aussi sur son blog.

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    [callout]Du côté scène, sous la houlette de Bruno, les échanges sont nourris. Les questions et remarques de la salle aussi avec un public nombreux (salle comble) et persistant (clôture de la table-ronde à 23 heures). Et les discussions se poursuivent bien plus tard dans la nuit, autour d’un verre, dans la douceur de l’air exceptionnellement estival d’Ax-Les-Thermes. Sans compter les tweets, les commentaires postés sur les murs Facebook et les conversations au petit déjeuner du lendemain. Bref, la Khan Academy soulève des questions. Et c’est bien intéressant.[/callout]

    Comme l’espace de discussion d’une table-ronde ne laisse pas toujours le temps de développer son argumentation et que le train retour vers Poitiers ménage un temps propice à l’écriture, je propose de revenir ici sur quelques points.

    Entrée en matière

    L’enthousiasme de Jérémy Lachal pour présenter la version française de la Khan Academy (KA) fait réellement plaisir à entendre. En revanche, le fond du discours à consonance quasi-évangélique dérange. Il en ressort l’image d’un dispositif « miracle » adaptable à tous les contextes éducatifs et à tous les élèves, susceptible de résoudre tous les problème d’apprentissage, restaurant l’appétence éducative des élèves qui en manquent, développant la créativité, rassurant les parents, produisant une transformation des pratiques pédagogiques …

    Quelques témoignages dithyrambiques d’enseignants et de parents et quelques chiffres chocs (déjà plus de 10 millions d’utilisateurs dans le monde) accréditent un discours sans nuances. L’évocation des résultats préliminaires particulièrement positifs d’une recherche dont on ne connaît pas les conditions de réalisation parachève l’édifice.

    J’avais déjà été frappé de la tonalité des présentations de Salman Khan qui me rappelait celle de Nicolas Negroponte présentant le programme One Laptop Per Child il y a quelques années. Je la retrouve ici. J’imagine que l’on peut l’imputer, au moins partiellement, à des déterminants culturels et à des formats de présentation (TED notamment pour l’une des interventions de Salman Khan). Comme je ne doute ni de la sincérité de Jérémy ni de celle du projet de Bibliothèques sans frontières, j’admets volontiers que l’on ne doit pas s’arrêter à ce discours et qu’il convient de procéder à une véritable analyse du projet. Toutefois, je suggère qu’une présentation plus nuancée, moins « lisse » et intégrant les éléments d’une dimension critique serait bienvenue.

    Au fond, mes interrogations sont ailleurs.

    Tout d’abord, il faut bien convenir que la genèse du projet de Salman Khan s’inscrit dans une vision de l’éducation en marge de l’institution éducative. Les modules de cours adressés à sa cousine cherchaient (avec succès manifestement) à remédier aux échecs qu’elle rencontrait dans ses apprentissages scolaires. Une partie notable des témoignages qui circulent aujourd’hui sur les usages des ressources de la Khan Academy sont du même ordre ou d’un ordre voisin : usages pour des révisions scolaires, absence d’Ecole, problème d’accès à l’Ecole pour des apprenants ayant des besoins spécifiques …

    D’autres usages, parfois très différents en sont faits mais le modèle des ressources et de l’ensemble du dispositif a initialement été pensé dans et pour un contexte non scolaire (et culturellement situé). Il est de ce fait porteur d’un modèle de l’apprentissage qui, encore une fois, n’interdit pas d’en faire autre chose mais qui suggère des usages par ses caractéristiques propres. Si l’on se réfère à la théorie de l’activité instrumentée (Rabardel) et au modèle de médiation instrumentale de Peraya qui montrent notamment comment la nature des artefacts constitue un cadre d’usage, on peut affirmer que la modèle de la KA se retrouve nécessairement dans les usages qui en sont faits. Il est bien sûr possible d’utiliser un tournevis pour enfoncer une pointe mais il est probable qu’il sera plus souvent utilisé pour une vis.

    Ainsi, les ressources de la KA peuvent sans aucun doute être également utilisées intelligemment et efficacement à l’Ecole mais elles y importeront son modèle sous-jacent et c’est la raison pour laquelle il faut pouvoir le caractériser. Ce qui est vrai pour la KA est vrai pour toutes les ressources, toutes les méthodes et tous les dispositifs, bien sûr. C’est pourquoi il est si important que la nation décide de l’Ecole dont elle veut se doter et charge son institution scolaire de réaliser son projet politique.

    S’agissant de la KA, je relève 4 caractéristiques qui me semblent constitutives de son modèle en ce qu’elles sont susceptibles de subsister quelle que soit l’ampleur de l’appropriation qui en sera faite :
    – la nature magistrale des cours qui constituent les ressources de base du dispositif ;
    – la logique d’une scénarisation traditionnelle qui enchaîne la consultation d’un cours magistral suivie d’une activité d’application ;
    – le découpage des contenus présentés qui s’inscrit dans une pédagogie de la maîtrise (du simple au complexe, du facile au difficile, une progression progressive subordonnée à la maîtrise des étapes à franchir) ;
    – l’attribution de « badges » qui attestent des connaissances/compétences acquises.

    Ces choix sont respectables, discutables, présentent des intérêts et des limites, ne conviennent probablement ni à tous les publics ni à tous les contextes et/mais sont très prégnants surtout si l’on réifie et idéalise la KA comme LE modèle salvateur. De fait, ce modèle interroge l’Ecole, du moins en France, car il s’éloigne notablement des approches que l’on y trouve le plus souvent. On peut y voir le ferment de très souhaitables innovations. On peut aussi y voir une proposition et des promesses par rapport auxquelles l’institution scolaire gagnerait à se positionner clairement.

    La question du financement de la KA a également été posée lors du débat de Ludovia. 

    La gratuité, avancée à juste titre par les promoteurs du projet comme un facteur favorable aux usages des ressources témoigne en fait d’un modèle économique où le financement n’est pas assuré directement par les clients finaux. C’est évidement un modèle particulièrement intéressant en ce qu’il facilite les usages de tous. Sauf erreur de ma part (les données sont difficiles à trouver et à vérifier), dans le cas de la KA, la localisation du dispositif au contexte français a été financée dans le cadre d’un mécénat de la fondation Orange d’un montant de 320 000 euros, c’est-à-dire 128 000 euros de fonds privés mais aussi 192000 euros de fonds publics sous forme de défiscalisation.

    L’engagement des mécènes est une excellente chose comme l’accompagnement de l’Etat. Même si l’on sait que les caisses de l’Etat sont vides, des financements publics restent indispensables pour permettre la conception et le développement de ressources de qualité qui exigent des investissements importants. Bien des projets restent dans les cartons faute de ces budgets d’amorçage …

    Le succès de la KA place dans l’ombre de nombreuses réalisations du même ordre. Certaines ont été réalisées par des enseignants, pour leurs élèves, dans des conditions relativement similaires à celles de Salman khan. Le site Maths-Vidéos réalisé par Philippe Mercier, par exemple offre plus de 900 vidéos pour 5000 utilisateurs. D’autres sont commerciales, comme l’offre de Paraschool notamment. De façon beaucoup plus générale, l’abondance de l’offre de ressources, extrêmement hétérogène en nature, formats, qualité … complique considérablement la tâche de l’enseignant.

    Dominique Cardon nous invite à faire confiance à l’évaluation par les utilisateurs que traduisent les algorithmes de PageRank avec des classements relatifs à la popularité des ressources. Pour autant, il est important que ces ressources soient sérieusement documentées (ce qu’elles sont, ce qu’elles font, ce que l’on peut en faire … ) et il me semble que cette tâche d’importance incombe à la puissance publique (Canopé ?).

    Pour conclure sur une note qui incite à l’optimisme, poussons le paradigme de la pédagogie inversée un peu plus avant et remplaçons les professeurs de la KA par des élèves. C’est ce que fait Muriel Epstein avec des élèves qui réalisent les ressources d’un MOOC intitulé TRANSIMOOC et dont les ressources ressemblent furieusement à celles de la KA. Ironie, la ressemblance va jusqu’au financement du projet par la fondation Orange. Si les ressources produites par les élèves autorisent des usages du même ordre que celles le la KA, leur réalisation exige des efforts d’élaboration et de structuration du discours particulièrement efficace pour conforter leurs apprentissages. Et que dire de la confiance qu’ils construisent …

    Ça, c’est de l’inversion ! Et Muriel Epstein n’est pas la seule à la pratiquer …

    Lire la synthèse de la soirée, rédigée par François Jourde et Caroline Jouneau-Sion sur le site de Ludovia#11

  • Le « Tsunami » numérique par Emmanuel Davidenkoff

    Le « Tsunami » numérique par Emmanuel Davidenkoff

    Emmanuel Davidenkoff, Directeur de l’Etudiant et journaliste à France Inter était présent aux JEL à Lyon. Il a bien voulu nous accorder une interview sur la problématique du numérique dans l’enseignement, suite à la sortie de son livre, le « Tsunami numérique« .

    Faut-il faire entrer le numérique massivement dans les établissements, de la maternelle au supérieur, à mon avis OUI.

    Dans la sociologie de la culture ou la sociologie du travail, quelque soit le nouveau dispositif ou le nouvel outil qui apparaît, il y aura toujours des divergences d’utilisation, divergences très marquées par le milieu auquel on appartient.

    Si l’école, par laquelle tout le monde passe, ne fait pas ce travail d’explications des enjeux du numérique, de son utilisation etc, nous allons passer à côté de quelque chose de fondamental qui va accroître les inégalités qui existent déjà.

    Pour Emmanuel Davidenkoff, le numérique va faire émerger de nouveaux modèles pédagogique et économiques.

    Pour reprendre le titre de son livre, le « Tsunami numérique », l’auteur explique qu’il ne faut seulement voir le terme tsunami comme quelque chose de dévastateur.
    Une autre vision comme celle  de tsunamis qui arrivent sur des plages désertes et qui permettent aussi à la nature de se regénérer, est beaucoup moins négative.

    Par contre c’est vrai que si on vous prévient qu’un tsunami arrive et que vous restez sans bouger sur la plage, cela peut faire extrêmement mal et c’est à mon avis un péril qui concerne un bon nombre d’établissements.

     

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  • Le numérique est-il dépassé ?

    Le numérique est-il dépassé ?

    France Henri, enseignante à la TÉLUQ, http://www.teluq.ca, est venue présenter lors des JEL, un thème sur « le numérique est-il dépassé« .

    Elle propose de reformuler la problématique par :  « sommes-nous dépassés par le numérique ».

    Nous ne savons pas tirer du numérique ce que nous devons en tirer.

    « Le numérique propose de nous immerger dans un univers de communication, de construction de connaissances et de partage ; réduire les potentialités du numérique pour les ramener au modèle de l’école, c’est passer à côté des choses« .

    Pour France Henri, nous ne parvenons pas à utiliser les potentialités du numérique car nous « externalisons trop nos fonctions cognitives« .

    Les MOOC authentiques dits « C-Moocs » permettent de répliquer « la vraie vie » qui permettent à chacun, de définir son propre projet.

    Les MOOC très transmissifs qui fleurissent actuellement sont des copies conformes du modèle de l’école.

     

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  • Bernard Stiegler aux JEL, vers l’université numérique…

    Bernard Stiegler aux JEL, vers l’université numérique…

    L’introduction du numérique dans le système académique, comme l’appelle Bernard Stiegler, doit se faire par le haut.

    il est évident que les technologies numériques doivent aujourd’hui être mises en oeuvre massivement dans le champ académique mais que le champ académique doit s’en saisir, ce qui ne signifie pas acheter la dernière version de technologie de tel ou tel constructeur.

    Dans cette déclaration, Bernard Stiegler ne tient pas du tout à dévaloriser ces solutions mais il tient juste à donner son point de vue par rapport aux  géants tels que Microsoft, Google ou autres qu’ils nomment « les cavaliers de l’apocalypse » pour dire que ce ne sont pas eux qui doivent prescrire.

    Il conseille même aux grands éditeurs scolaires de travailler avec les jeunes start-up et surtout en collaboration avec les universitaires…

    car il ne faut pas laisser le marché piloter mais bien la science ; ce qui suppose de créer une nouvelle « Taskforce ».

    Discours à suivre dans la vidéo ci-contre.

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  • Apprendre avec les écrans, entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 3ème partie

    Apprendre avec les écrans, entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 3ème partie

    Les écrans sont les vecteurs qui permettent d’interagir dans le réel et dans le virtuel. Il convient d’apprendre à ouvrir et à fermer les écrans selon les besoins, selon les âges, selon les professions.

    Ces écrans ne sont pas neutres car selon leurs usages ils peuvent revêtir un caractère public ou privé. Cette qualification engage à penser l’utilisation des écrans. Lorsqu’ils sont utilisés dans un cadre professionnel, il importe de les intégrer dans un scénario adapté à l’usage, un scénario qui ne sombre pas dans l’effet diligence. Les écrans apportent une plus- value aux enseignements mais il faut les contextualiser.

    À la fin du XXème siècle et au début du XXI ème siècle la plupart des métiers mettent les individus devant un écran (c’est ce que souligne Michel Serres), les métiers sont lissés dans leur représentation extérieure.

    Le scénario devient donc primordial dans la construction des séances de formation, l’écran doit y être inclus.

    Il convient donc de penser l’écran sous divers aspects : l’intention pédagogique, le contexte pédagogique, les acteurs des dispositifs passant par les écrans, les ressources produites qui passeront par les écrans et les outils (quels types d’écrans seront utilisés).

    Les dernières évolutions mettent l’écran en tension car on utilise très souvent l’écran privé pour des applications professionnelles, notamment dans le cadre du BYOD (bring your own devices). Quelle place faut-il réserver aux outils privés pour les applications professionnelles ? S’il est simple de formaliser l’idée il est très complexe de le mettre en application.

    L’écran est pourrait-on dire, devenu pervasif, il est partout et multi usages. Cette nouvelle dimension liée à l’omniprésence des écrans oblige à repenser les espaces de formation. Comment doit-on agencer une bibliothèque au moment ou la voix est réinvestie ? Comment doit-on concevoir une salle de classe qui ne soit pas de type autobus ?

     

     

     

  • Apprendre avec les écrans entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 2ème partie

    Apprendre avec les écrans entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 2ème partie

    Les écrans modifient le rapport au corps , il modifie aussi le rapport à l’espace. C’est en ce sens qu’il importe de penser à nouveau l’espace de formation parce qu’il ne cesse de s’élargir. Il est à la fois le résultat d’un agencement spatial du réel et d’une réflexion sur le virtuel.

    Les écrans, et par extension le web, nous amènent à  faire un retour historique. Au moyen âge il y a confusion entre le lieu de travail et le lieu privé, on vit dans le même espace. À la révolution industrielle on cherche à extraire le salarié de son lieu privé pour qu’il consacre toute sa force de travail (on dissocie vie privée et vie professionnelle). L’apparition du web redistribue les cartes en instillant doucement mais régulièrement un principe de porosité des espaces.

    Avec les écrans on fait entrer en collision une multitude d’espaces chez les enseignants et chez les apprenants. On peut affirmer sans trop se tromper que le domicile des enseignants (et des apprenants) se professionnalise par intermittence. De la même façon le lieu de formation historique (l’école) doit s’adapter à l’immixion des écrans et imaginer des solutions immobilières innovantes. Tout est à inventer.

    Il faut que nous sachions trouver des solutions pour gérer cette situation inédite. De nombreux projets émergent au titre desquels on peut citer le projet scaleup.

    L’écran partout qui ouvre de nouveaux horizons qui mélange les espaces est un espoir mais c’est aussi, une crainte. Faut-il savoir se décconnecter, s’éloigner des écrans par intermittence ?

     

     

  • Les ENT vont-ils devenir des espaces numériques de création ?

    Les ENT vont-ils devenir des espaces numériques de création ?

    Jean-François travaille depuis une trentaine d’années sur les questions relatives aux usages des technologies numériques dans le champ de l’éducation. Il s’intéresse plus spécifiquement aux processus d’appropriation des technologies par les institutions et par leurs acteurs et usagers ; ses recherches étant réalisées dans le cadre du laboratoire TECHNE qu’il dirige depuis 2012 ( voir son profil ici http://ludovia.org/2014/2014/04/18/jean-francois-cerisier-directeur-laboratoire-techne/)

    Les Espaces Numériques de Travail ont été conçus en reproduisant les structures de l’Ecole et restent une idée française. Dans des colloques internationaux, il est nécessaire d’expliquer aux participants étrangers en quoi consistent ces Espaces…

    Les ENT ont aussi été conçus dans un autre temps ; il y a dix ans, notre espace culturel et sociétal n’était pas celui d’aujourd’hui…

    Et à cette époque, en 2003, « la conceptualisation des ENT a consisté à projeter dans ces espaces la forme scolaire traditionnelle (suivi des retards, des absences, emplois du temps, partage de fichiers etc) » ; comme une façon de ne rien changer lorsque les promesses et les réalités des usages du numérique sont bien différentes …

    Aujourd’hui ces espaces sont critiqués et posent question. Loin de souhaiter leur « mort », il faut juste repenser le cahier des charges pour leur donner un second souffle ; et imaginer des environnements où les élèves pourront être à la fois encadrés dans des activités mais être aussi complétement autonomes dans d’autres et donc être créateurs d’activités.

    Rappel : vous pourrez assister à la conférence débat sur le thème de l’année de Ludovia le 25 août prochain avec Jean-François Cerisier, Jean-Marc Merriaux, Dominique Cardon et Jérémy Lachal en direct sous la forme d’une Webconférence sur www.ludovia.org/2014, animée par Bruno Devauchelle.

     

  • Apprendre avec les écrans numériques, entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 1ère partie

    Apprendre avec les écrans numériques, entre défis pédagogiques et opportunités technologiques, 1ère partie

    L’écran est un terme souvent utilisé dans la langue française, on peut faire écran, on peut percer l’écran, parfois il faut franchir l’écran (souvent de nos certitudes). L’enseignement et l’apprentissage du 21ème siècle font entrer la métaphore dans le vécu des acteurs des dispositifs.

    L’écran s’est résolument inscrit dans l’horizon du quotidien des enseignants et des apprenants.

    educatank_Moiraud_030614L’écran qu’il soit déposé sur un bureau, qu’il soit accroché au poignet ou bien encore sous forme de tablette engage à penser différemment la posture du corps dans l’espace de formation. Historiquement, les enseignants et les apprenants ont développé un langage corporel inscrit dans un triangle constitué par la chaise, le bureau et l’ordinateur. Le corps pouvait faire l’objet d’un référencement spatial à l’image du projet « body measurement ».

    Peut-on continuer à s’inscrire dans ce trytique lorsque l’écran est embarqué ? L’accès à l’information, au savoir et  à la collaboration peut désormais s’effectuer de lieux divers parce que les écrans sont divers. La position du corps s’en trouve modifiée, debout, assis, allongé, dans le métro, dans le train, à la maison …

    L’écran est « polysitué ».

    La modification des postures corporelles n’est pas sans incidence sur nos modes d’interaction.

    À partir du moment où les écrans perturbent nos espaces réels, les espaces sociaux sont eux aussi transformés.

    Je pense ici particulièrement aux relations de travail. Les écrans d’une certaine façon interrogent les modalités de passage des structures hiérarchiques aux structures de réseaux (réticulaires).

    Prochain épisode de la série de 3, la semaine prochaine.. à suivre sur LudoMag.

    Retrouvez toutes les vidéos et communications en ligne sur notre page « plateau TV » ici
    Retrouvez toutes les communications écrites et les photos d’Educatank Forum 2014 ici

  • Tablettes à l’école : les clefs de la réussite

    Tablettes à l’école : les clefs de la réussite

    Je suis forcement influencé par mon propre déploiement, mais les clefs semblent converger vers les quelques points stratégiques.

    Une volonté face à un constat

    Nous sommes d’accord que l’outil ne modifie pas la pédagogie, mais c’est l’outil qui vient seconder la pédagogie mise en place dans l’établissement.

    Le premier point est donc la source même du changement : la nécessité de faire évoluer notre système éducatif pour le mettre plus à l’écoute de nos élèves, afin que ces derniers y trouvent plus naturellement leur place. Le rapport Pisa, comme d’autres, pointe la nécessité de faire évoluer notre façon d’enseigner.

    Les élèves eux-mêmes, l’expriment souvent : « On veut résoudre des vrais problèmes et faire des vraies choses ».
    Ce premier point serait donc le terrain favorable à une mise en place.

    Une formation adéquate

    Pas de changement sans éducation. Cela s’applique également aux enseignants.

    Verbert1_200514La formation doit être d’abord technique pour rassurer ces derniers. Les conférenciers ont tous mentionné des temps de formations plus ou moins longs pour leurs enseignants, mais ces temps en amont sont nécessaires pour les mettre en confiance. De nombreux retours d’expériences montrent que les enseignants auront à gérer eux-mêmes les problèmes techniques en classe.

    La formation doit être pédagogique puis didactique pour permettre aux enseignants de saisir les enjeux de ces technologies éducatives. L’objectif est de montrer que l’outil ne changera pas les problématiques rencontrées, s’ils ne sont pas accompagnés d’un changement de pratiques. Les formations techniques ne sont que la partie visible du changement à amorcer. Le paradigme enseignant est parfois bousculé par l’usage de l’iPad.

    Reste, ce que nombre d’entre eux ont nommé, le défi de la gestion de classe.

    La position physique de l’enseignant change par sa mobilité accrue par le biais du « sans fil ». L’écran ne faisant plus « écran » face à l’élève. L’enseignant est plus naturellement poussé à aller au contact direct de l’élève. Sa position « géographique » change donc, ce que j’avais précédemment nommé « le pouvoir de la craie », s’évanouit au profit d’une position plus centrée sur la médiation des savoirs qui circulent dans la classe.

    Un accompagnement de chaque instant

    Très peu de structure représentée à ce Sommet ont déployé seule leur dispositif. Toutes les équipes éducatives se sont appuyées sur des partenaires qui semblent ici très nombreux. Pour notre part, en France, nous avons quelques revendeurs agréés qui ont cette expertise technique du monde de l’éducation.

    A l’inverse des situations déjà rencontrées dans nos régions, la question du WIFI semble peu proéminente et problématique. Aucune étude à l’heure d’aujourd’hui, ne peut montrer une action de ces ondes sur notre santé… Cependant, une infrastructure raisonnée et expliquée aux parents, comme aux enseignants, semble être un premier pas vers le dialogue sur ce sujet.

    Enfin, les déploiements du coté technique ne sont pas ou très peu évoqués lors de ce sommet. Les partenaires choisis semblent remplir admirablement cette tâche.

    Les parents

    Rien de durable ne se produit sans le soutien des parents.

    Nombreux établissements ont été poussés par les parents d’élèves, ou par l’image que dégage un établissement qui utilise ces technologies. Les parents sont l’intermédiaire privilégié pour faire vivre un virage dans un établissement. Il nous faut leur accord et leur soutien pour opérer également à la maison, l’éducation numérique abordée à l’école.

    Enfin, ce n’est pas tant la technologie qui fait vitrine pour l’établissement, mais le fait que l’établissement ose innover et remettre en question ses pratiques pour faire avancer ses étudiants.

    Pratiques créatives

    Verbert3_200514Les pratiques créatives, sont sur le Sommet, selon moi, monnaie courante. C’est une véritable foire aux bonnes idées !

    Une pratique créative met l’élève acteur d’une production. Il ne complète pas un document existant, ne réalise pas une recherche sur Internet ou à partir d’un livre numérique. L’élève crée une action originale, c’est à dire, qui lui est propre. L’élève produit donc cette action, organisée par l’enseignant et sous son contrôle. Cependant, chaque élève reconnait sa propre production. Ces méthodes apportent une réelle plus-value affective entre l’apprenant et l’apprentissage, gage d’une mémorisation plus efficace.

    Par exemple, l’élève enregistre une video explicative de son action réalisée.

    C’est essentiellement les pratiques créatives que les élèves semblent apprécier dans leurs travaux numériques.
    Cependant, ne perdons pas de vue qu’une pratique créatrive n’est pas forcément innovante, dans le modèle SAMR, précédemment évoqué.

    Pratiques innovantes

    Une pratique innovante, quant à elle, met en oeuvre des actions que l’on ne pratiquait pas ou peu avant. Nombreux sont les exemples parmi les collègues qui mettent en place des « serious games » au sein de leurs cours. Contrairement à l’idée préconçue, il ne faut pas rechercher l’application qui va créer le serious games. C’est la pédagogie de l’enseignant qui dicte une règle de jeux, dans laquelle les élèves s’engagent.
    Ces actions ont été observées en Francais, en Histoire-Géographie, en Maths.

    Je prendrai cette dernière matière pour illustrer mes propos. La découverte de la géométrie dans l’espace par des exercices de pavage (en 6eme par exemple), mais via le jeu, bien connu de nos jeunes élèves: MineCraft (le lego des temps modernes). Un film sur iMovie, peut alors relater les découvertes faites par le biais de ce jeu par exemple.

    Des élèves en décrochage scolaire semblent investis dans ce type d’exercices.

    A l’inverse, les élèves très (trop?) scolaires semblent perdus par ces pratiques, car ne s’y retrouvent pas dans leurs propres systèmes d’apprentissage.
    Nous demandons à nos élèves d’être originaux et créatifs dans leurs productions, mais le sommes nous nous-même? Sommes-nous seulement prêts à l’être? Ce n’est pas ici la technique ou les applications qui sont mises en avant mais l’originalité de la pratique enseignante.

    Je ne pense pas que ce type de production soit à mettre en place systématiquement, mais quand cela s’y prête, cela contribue à préparer nos jeunes élèves à s’ouvrir à d’autres façons de travailler et d’évoluer. (indispensable pour la suite de leurs études)
    Essayons avant d’émettre un jugement …

    Pratiques participatives ou collaboratives

    Ce dernier point dans cette série est peut-être le plus complexe à mettre en oeuvre techniquement. Les pratiques collaboratives en classe nécessitent en amont une réflexion technique. Sans aller très loin, les pratiques exposées sont souvent simplement basées sur des lieux de partages accessibles à tous : Dropbox, youtube… La technique ne semble jamais limitante dans ces pratiques: un seul mot d’ordre :

    « Je travaille d’abord pour moi, j’enrichis les autres et ces derniers m’enrichissent ».

    La plateforme ou la zone de dépôt de document est donc le point central de la classe. Sans aller forcement solliciter une connexion internet, l’iPad de l’enseignant peut être ce point central. Les élèves y puisent les ressources mises à disposition puis y déposent leurs réalisations.

    Les clefs plus complexes à trouver


    – Les éditeurs de manuels scolaires

    Ces retours ne sont cependant pas idylliques. Les manuels scolaires ne semblent pas actuellement répondre aux attentes des enseignants. Tous semblent affirmer que l’édition n’a pas encore pris son envol vers le numérique.

    Un éditeur canadien semble cependant décidé à prendre un virage vers le numérique. Les éditions « Grand Duc », présents sur le salon dans les lieux des exposants, propose des manuels scolaires de qualité qui allient à la fois du contenu et une interaction via des applications tierces ou du contenu enrichi. A quand de telles éditions en France ?

    Les livres numérisés sont pour l’instant une réponse intéressante en terme de poids et de facilité pour jongler entre les manuels mais n’incitent pas à l’ouverture vers l’extérieur.

    – Les problèmes techniques

    Selon une étude de nos collègues Suisses sur le sujet, un enseignant qui utilise cette technologie avec de jeunes élèves sera confronté, dans les 3 premières minutes, à un problème technique, qui sera réglé en moins d’une minute.
    C’est tout d’abord ces questions qui effraient les enseignants. Cela est compréhensible. Nous ne sommes pas techniciens et nous ne souhaitons pas l’être non-plus. Les enseignants qui semblent les plus rassurés par ces méthodes d’enseignement sont les professeurs qui ne sont pas technophiles. Les problèmes techniques trouvent des solutions toujours très rapidement ce qui est, par contre, très rassurant.

    Il n’y a donc pas de recette miracle ou d’assurance réussite. Cependant, avec une réflexion menée avec des personnes habituées à ces pratiques, il est alors possible d’optimiser nos chances de réussite. Ces quelques clefs récoltées à travers les différentes conférences, j’espère, vous permettront de découvrir la pertinence de cet outil.

    Je reste à présent ouvert à toutes questions qui puissent faire avancer nos projets communs.