Catégorie : POINT DE VUE

  • Collaboration à l’Ecole, c’est pour quand ?

    Collaboration à l’Ecole, c’est pour quand ?

    Notre modèle d’enseignement est encore peu collaboratif : les enseignants français travaillent rarement collectivement, font peu travailler leurs élèves en petits groupes et lancent rarement des projets d’au moins une semaine (selon l’enquête TALIS 2013, voir la note d’information DEPP).

    La collaboration est pourtant une compétence fondamentale (même si la compréhension reste un acte individuel) !

    Il faut tenir les deux bouts de la chaîne ensemble ; d’un côté nous avons la collaboration et à l’autre bout, nous avons la pensée individuelle. La compréhension n’est pas délégable car le groupe ne peut pas comprendre à la place de l’individu.

    La collaboration est aussi un trait de notre modernité, qui célèbre la culture de la participation (Participatory Culture).

    La coopération doit-elle être supervisée par l’enseignant ?

    François Jourde pense que l’enseignant doit être présent, certes de manière non directive, mais les élèves ont besoin de moments de certification ; ils sont demandeurs d’une certaine forme de validation.

    Dans nos classes, la promotion de la collaboration doit d’ailleurs commencer de façon très concrète, par une réflexion sur le mobilier et l’architecture ! Organiser un espace de collaboration dans une même classe est relativement compliqué dans le schéma de classe actuel qui est un ”espace contraint physique avec des tables alignés”.

    Pour la petite anecdote, François Jourde rapporte même qu’un de ses collègues avait eu du mal à trouver dans les catalogues de matériel scolaire du collège une offre de tables rondes…”qui sont pourtant vendues dans les catalogues pour l’école primaire” ; ce constat laisse François se hasarder à penser qu’on aurait bien des choses à observer des configurations de classe en primaire.

    Jourdeep4_211114

     

  • TNI ou VPI : comment faire son choix ?

    TNI ou VPI : comment faire son choix ?

    [callout]Elus, que choisir ? Entre TNI ou VPI pour votre école numérique ?[/callout]

    Par Marie-France Bodiguian Cabinet AMO-TICE

    Dans la jungle des offres des industriels, étudions aujourd’hui deux équipements incontournables pour construire ou développer votre école numérique. Des outils très appréciés des enseignants ! Il s’agit du tableau numérique interactif (TNI) et du vidéoprojecteur interactif (VPI). Quelle différence ? Quels avantages ? Quelle efficience ?

    Dressons un état des lieux pour mieux vous aider à comprendre, puis à choisir en fonction de vos contraintes et des spécificités de vos écoles. Le « meilleur choix » ? Celui adapté à vos spécificités (configuration et niveaux des classes, budget, etc.).

    De quoi parle t-on ?

    Amotice2_181114Quelle que soit la solution choisie, le principe d’une solution interactive est de projeter sur un tableau numérique (TNI) ou sur un tableau blanc type Véléda ou toute surface blanche murale (VPI), l’image de l’écran d’ordinateur. L’enseignant pilote avec son doigt ou un stylet donc l’ordinateur depuis l’écran de projection et navigue  sur son écran comme si c’était un énorme tapis de souris. Son doigt ou le stylet ? Le pointeur de cette souris.

    TNI ou VPI : à l’enseignant d’intégrer à son cours des supports numériques, tels que des vidéos, des photos, du texte ou pages internet, etc. sur lesquels les enfants peuvent interagir.
    Plus précisément :

    OLYMPUS DIGITAL CAMERALe TNI, Tableau Numérique Interactif, associe un tableau numérique, tactile ou pas, à un vidéoprojecteur, relié à l’ordinateur.

    Le VPI, Vidéoprojecteur Interactif, lui, ne nécessite pas de tableau spécifique et peut donc être utilisé avec un tableau blanc traditionnel, type véléda en place ou tout mur blanc mat disponible. Le vidéoprojecteur rend les surfaces murales intelligentes en créant l’interactivité grâce à une caméra à infrarouge intégrée au vidéoprojecteur. C’est une excellente alternative pour les classes très encombrées et les salles petites et où il faut mutualiser les surfaces murales.

    Pourquoi intégrer des TNI ou VPI dans vos écoles ?

    Intégrer des TNI ou VPI dans vos écoles, c’est contribuer à rendre pour les enfants les séances plus vivantes, interactives et motivantes.

    Amotice3_181114Depuis 10 ans que cet outil est utilisé dans certaines écoles, on constate une meilleure attention des élèves, mieux canalisés grâce à des parcours pédagogiques collaboratifs que les enseignants mettent en œuvre. Ces séances favorisent l’épanouissement le développement de la créativité des élèves et leurs implications scolaires.
    Les solutions interactives permettent ainsi de favoriser le travail collaboratif et de faciliter les interventions simultanées à plusieurs, sur le tableau.

    Le premier critère à prendre en compte est lié à la politique de la ville, la place que doit prendre le numérique dans votre projet éducatif territorial et au budget que vous  souhaitez y consacrer.

    Mais un VPI ou TNI par école n’est-il pas suffisant ? Ce qui bien sûr réduirait considérablement vos investissements.

    En salle informatique ? Non ! Placer un tableau dans une salle polyvalente, c’est s’assurer que l’argent investi sera purement et simplement gâché.

    Car les solutions interactives ne sont en réalité réellement utilisées que dans les classes car les enseignants se les approprient.

    TNI Mobile* ou portable* donc mutualisable entre les classes? Là aussi, en primaire, non! D’expérience, les enseignants des petites classes ne prennent pas le temps, après l’enthousiasme du début, d’installer, paramétrer et l’équipement reste dans la salle initial ou dans le placard.

    Amotice4_181114Le deuxième critère : le prix, qui constitue l’un des principaux éléments qui fait la différence. Basiquement, un VPI affiche un prix moins élevé qu’un TNI.  Mais aujourd’hui les constructeurs de TNI  baissent leurs offres basiques qui, à l’honneur hier, font place à nouvelles technologies, toujours plus performantes.

    La question donc : les enseignants de votre circonscription ont-ils besoin du dernier cri ? Pas forcément, ou seulement si cela vient répondre à une des raisons de non-usages de leurs collègues.
    Attention !  N’oubliez pas de calculer l’ensemble des coûts inhérents à l’installation d’un VPI : si vos salles sont principalement équipées de tableaux à craies, vous devrez inévitablement compter les coûts de leurs désinstallations, l’achat de tableaux blancs type Véléda, ainsi que la désinstallation d’éventuels luminaires placés généralement en haut des tableaux à craies et qui gênent la fixation des vidéoprojecteurs.

    Le troisième critère essentiel relève de la configuration des classes :

    Où mettre donc le tableau numérique interactif ?

    Amotice5_181114Selon le matériel et l’infrastructure électrique et de câblage qui ne doivent pas être éloignés, déjà en place dans les classes, VPI ou TNI s’imposeront naturellement ; d’où l’importance d’effectuer un audit initial pour étudier leurs futurs emplacements dans les classes.

    Aussi, de part la définition même d’un TNI ou d’un VPI, la place consacrée au TNI sera plus importante que celle d’un VPI, qui peut, en un même lieu, servir de solutions interactives et de tableau effaçable à sec.

    Dans tous les cas, pas de craie à côté d’un vidéoprojecteur ! Si vous optez pour un TNI, celui-ci devra être placé à côté du tableau traditionnel ou sur le mur adjacent pour faciliter la gestion des élèves.

    Attention !  En postulat de départ, gardez en tête que l’enseignant a l’habitude d’utiliser son tableau à craie ou Véléda, et dans une large majorité des cas il continuera à rechercher cet usage.

    Quatrième critère : les logiciels.

    Vérifiez s’il existe d’autres tableaux dans l’école. Pourquoi ? L’homogénéité entre les différents modèles de tableaux permet de pallier les problèmes de compatibilité de logiciels et de leur mise à jour.

    Chaque marque de TNI a son logiciel, ce qui pose le problème de l’interopérabilité des logiciels.  Leur avantage est lié à une interface particulièrement étudiée pour le primaire : certains permettent également aux enseignants d’échanger leurs pratiques et leurs ressources sur des plateformes dédiées.
    Pour les VPI, des logiciels gratuits tels que Workspace ou Sankoré peuvent être utilisés.  Notons que, pour ce dernier, le réseau Canopé dans les académies (ex CRDP) a développé une large palette de ressources, qui permettront aux enseignants d’optimiser les usages du VPI ou du TNI et d’échanger sur leurs pratiques.

    Et vous, quelle solution interactive TNI ou VPI est-elle la plus adaptée à vos salles de classes et à votre budget ? Avez-vous effectué un audit des infrastructures et équipements de vos classes ? Quelles conclusions en avez-vous déduit ? Partagez-les avec nous !

  • Laisser jaillir la créativité pour travailler « non-académiquement » des compétences académiques

    Laisser jaillir la créativité pour travailler « non-académiquement » des compétences académiques

    [callout]Un fait frappant : pas plus de 30% des enseignants français pensent que la créativité joue un rôle important dans le curriculum, contre 75% en Italie ou en Grande Bretagne (Creativity in Schools in Europe: A survey of Teachers, enquête de la Commission Européenne, 2009).[/callout]

    Or, faiblement sollicité, la créativité risque de s’atrophier.

    Il y a donc une écologie de l’esprit, sans laquelle la créativité ne fleurit pas, comme l’a si intensément souligné Ken Robinson (conférence TED de 2006). Ce souci écologique implique d’ailleurs une conception « démocratique » de la créativité (devenir capable de…), en opposition une conception « élitiste » (être doué pour…).

    Comment favoriser la créativité dans les classes ?

    On peut  identifier trois conditions favorables (voir Pasi Sahlberg, « Creativity and innovation through lifelong learning », 2011) :
    1) changer la façon habituelle de faire ;
    2) changer l’environnement de travail (temps, lieux,etc.) ;
    3) apprendre le droit à l’erreur et la mise en confiance. Or les élèves français hésitent encore souvent à prendre des risques par peur de l’erreur : ils préfèrent ne pas répondre plutôt que de risquer de se tromper, — ce qui les singularise des jeunes d’autres pays (voir Eric Charbonnier, « Les élèves français du primaire et secondaire ont peur de mal faire »).

  • Intéresser les élèves, la condition pour développer leur pensée critique ?

    Intéresser les élèves, la condition pour développer leur pensée critique ?

    La pensée critique (critical thinking) est une compétence qui se cultive dans des situations d’apprentissages motivantes, où les élèves prennent vraiment en charge les questions. Les tâches complexes sont de parfaits exemples de telles situations, « c’est un terreau d’épanouissement de la pensée critique« .

    C’est dans la même perspective que des pédagogues anglophones parlent de Natural Critical Learning Environment : « Human beings are most likely to learn deeply when they are trying to solve problems or answer questions that they have come to regard as important, intriguing, or beautiful. » [Bain et Zimmermann, Understanding Great Teaching].

    Il faut ajouter que les situations d’apprentissages motivantes doivent laisser une marge de choix et de liberté chez les élèves, — qui peuvent choisir la forme par laquelle ils montrent leur compréhension. Selon une belle formule : « ask your student how they are intelligent, not how intelligent they are » (John Merrow, journaliste spécialisé en éducation).

     

     

     

  • Numérique en EPS et au-delà : la nouvelle et efficace posture de l’enseignant !

    Numérique en EPS et au-delà : la nouvelle et efficace posture de l’enseignant !

    Martial1_101114La matière EPS bénéficie d’un avantage considérable sur les autres disciplines. Elle permet à l’individu de s’évaluer sur son potentiel en terme de capacités, tout en développant les compétences permettant de progresser au travers de la compréhension des tâches, en optimisant les marges de progression.

    La place du numérique peut devenir prépondérante et tend à se justifier dans les pratiques professionnelles.

    Quels sont les axes sur lesquels nous devons nous appuyer et valoriser la production de contenus numériques appropriés ? Quelle est la nature de ces contenus au regard de ceux déjà produits ?

    Un rapport au corps qui personnalise fortement l’utilisation de l’objet numérique

    Commencer d’abord par l’Ecole qui propose et développe un numérique personnel multitâches et généraliste.

    C’est le rôle des ENT où l’espace personnel est devenu l’argument numéro un de la justification des usages.

    Un espace personnel conditionné par un tenant fort : l’accès sécurisé.

    On peut alors se poser la question de l’intérêt de cette hyper personnalisation au regard de l’information délivrée. Une fois dépassée la consultation des notes, la validation des compétences et les quelques messages personnels adressés dans le cadre de travaux spécifiques, quels contenus numériques peuvent se promouvoir de la valeur d’une considération personnelle ? Il en existe forcément, mais au regard des pratiques généralisées actuellement, quelle réalité ?
    Cela pose donc la question de l’intérêt.

    Martial2_101114Sans dématérialisation forcée des supports des exemples cités précédemment, ainsi que la numérisation des manuels et autres ressources plus classiques, pourrions-nous constater une tendance au développement de la pratique du numérique ? La capacité conséquente de la technologie n’attire-t-elle pas parce qu’elle limite les efforts personnels de recherche, de réflexion et d’analyse, en apportant des ressources « clé en main« , là où un effort supplémentaire était demandé auparavant ?

    Développons encore le sujet. Parlons des contenus maintenant. Nous ne pouvons pas dire qu’ils soient minimes aujourd’hui. La « numérisation » abonde considérablement les ressources. Les sites et portails s’organisent pour mieux définir leur offre de connaissance ; les outils même, se transforment pour proposer un nomadisme performant où l’argument premier est de tout avoir sous la main.

    Transporter sur soi et n’importe où avec soi, dans un objet à la mode, le contenu d’une bibliothèque ! Quel merveilleux argument… Quand en plus, on peut photographier, filmer, rédiger, calculer, et parfois… se connecter à internet, cela devient un luxe considérable.

    Oui ! Mais au final ?

    Dans une récente publication, Jean-Paul Moiraud, fait état du nouveau rapport au corps et à l’environnement qu’induit l’apprentissage avec les écrans. Le 12 juin 2014, France Info diffusait sur les radiotextes des voitures : « activité Physique, les jeunes sont de moins en moins dynamiques... »

    Et pourtant… Si j’allume aujourd’hui le poste de télévision, je peux y voir, à grand renfort de publicité, que le numérique se personnalise et rend des services considérables à l’individu, en particulier dans la connaissance de soi, dans sa motivation et son auto-évaluation. Il se vend et s’achète parce qu’il propose des services que suscitent un intérêt personnel. Mon smartphone est mon multi-outil du quotidien où s’organise ma vie du cadre personnel au cadre professionnel… Mon smartphone devient mon coach sportif !

    Quels freins, de ce fait, au développement des usages du numérique dans le système éducatif ?  Quels freins, mais aussi quelles solutions ?

    Martial3_101114De manière plus concrète, l’angoisse réside dans le contenu… C’est le cas très précis de l’ensemble des disciplines qui utilisent le numérique comme un formidable lieu de culture et de connaissance. Parmi les premières erreurs faites et très vite constatées, les liens hypertextes à tout va, proposés comme une formidable richesse et que l’on a même trouvé sur des clés USB à destination des élèves.

    Quel intérêt y avait-il à s’échiner à remplir des supports qui renvoyaient vers d’autres supports ? Par la suite, il y a la volonté de transformer l’existant. C’est ce que j’ai placé de manière prédominante en introduction. Ces 2 étapes ont été nécessaires, mais ne sont pas essentielles pour aider à construire une avancée dans l’ère du numérique. Elles l’ont été pour y entrer.

    De ce point de vue, en EPS, nous misons, non pas sur l’absorption, mais sur la production ! Le débat est lancé…

    En effet, le support reste et demeure le corps, que l’on ne digitalisera pas pour le plaisir d’un numérique intrusif et envahissant dans les apprentissages. Le contenu, l’apprentissage et la validation demeurent des faits du mouvement que le numérique peut aider à analyser, construire ou corriger, mais il ne le remplacera pas.

    Il n’en est pas de même autour de la production des exercices ou raisonnements où l’activité de l’élève tend à se réduire en se rationalisant. Le premier effet de cet aspect est que les contenus proposés se standardisent et leur manque d’originalité produit une lassitude et un rejet parfois.

    Il n’en est rien dans un numérique de terrain qui, alors qu’on pourrait lui opposer de produire également une simple transformation des pratiques, propose la connaissance immédiate du résultat et la présence d’un professionnel pour les analyser et permettre à l’élève de progresser.

    Il s’agit bien ici de promouvoir l’outil numérique comme un moyen de personnaliser la pédagogie tout en ne surchargeant pas les enseignants de tâches conséquentes qui tendraient à éloigner du potentiel numérique perçu comme lourd et contraignant.

    J’ai récemment pu entendre Sophie Pène déclarer l’idée d’un numérique qui permettrait à l’enseignant de délivrer sereinement son savoir (#ed21 #numa , jeudi 7 novembre Paris), et je lui signalais que c’était déjà le cas en EPS où sur le terrain, la culture numérique des élèves, ou du moins cette partie intuitive guidée par des outils adaptés, produisait ces effets escomptés en y permettant un positionnement très différent du professeur ; un positionnement qui le rapproche des élèves par un savoir partagé de manière plus performante.

    Il me semble qu’aujourd’hui, nous avons plus à gagner à réfléchir sur la manière dont on produit des outils et comment on veut qu’ils soient utilisés, qu’à vouloir les imposer dans des formes vues et revues.

    Il est profondément inutile de remplacer un livre par une tablette, de la même manière qu’il est inutile de remplacer un chronomètre sans en avoir pensé les nouvelles fonctions.

    Martial4_101114Sur la base de ce constat manichéen, se posera comme une évidence le fait que le niveau d’apprentissage d’un groupe se confrontant au numérique demeurera équivalent à un autre fonctionnant de manière plus classique, y compris dans le cas potentiel d’accès à de plus nombreuses ressources, même avec un accompagnement des usages…

    Crédit photos : Martial Pinkowski

  • L’apprentissage profond, la fin de l’élève « passif » ?

    L’apprentissage profond, la fin de l’élève « passif » ?

    [callout]Les enseignants s’efforcent de développer l’apprentissage profond des élèves. On peut en effet distinguer trois modes d’apprentissages ou trois relations à l’apprentissage (voir Ken Bain, What the Best College Students Do, Belknap Press, 2012)[/callout]

    1. l’apprentissage de surface (surface learning) : l’apprenant se contente de faire le minimum requis pour ne pas échouer dans la matière, sans réelle motivation ;

    2. l’apprentissage stratégique (strategic learning) : l’apprenant ne s’efforce de maîtriser que ce qui lui assure de bonnes notes (qu’il considère comme preuves de réussite) ;

    3. l’apprentissage profond (deep learning) : l’apprenant est motivé et développe sa compréhension, sa pensée critique, sa créativité et sa capacité d’adapter sur le long terme ses connaissances à de nouveaux problèmes.

    L’apprentissage profond demande des dispositifs pédagogiques actifs, par lesquels les élèves peuvent donner la mesure de leur intelligence.

    Hélas, la passivité reste souvent la norme dans le système éducatif. L’enquête TALIS (OCDE, 2013) établit la prégnance d’une pédagogie « verticale » (le professeur déverse son savoir) dans notre système scolaire.

    Notre tradition scolaire, c’est un enseignant, seul, face à une classe.

    « Le maître transmet son savoir, les élèves écoutent en silence et en ordre la leçon avant d’être évalués. Et tout ce qui vient parasiter cette transmission est perçu comme un désordre. Certes, dans la pratique, ce modèle ne tient pas mais il reste un idéal à atteindre » (François Dubet, cité dans Le Monde du 08.09.2014, « La classe résiste magistralement »).

    La persistance d’un environnement d’apprentissage largement frontal et passif s’explique sans doute par une complicité  structurelle entre les enseignants et les élèves. Le cours magistral, dominant en France, n’est-il pas souvent ressenti comme la voie la plus facile pour tout le monde ? Combien d’enseignants ne sentent-ils pas comme des experts pressés par la lourdeur et l’urgence des programmes ? Combien d’élèves ne calculent-ils pas leurs efforts et ne préfèrent-ils pas se fondre dans l’inertie du groupe ?

    Dans un tel système, les TIC, elles aussi, deviennent complices du « crime de passivité« 

    (« Technology becomes an accomplice in the crime of passivity », selon la formule du blogueur Ike Shibley). Les élèves sont limités à utiliser des contenus numériques créés par les enseignants (instructor-created multimedia) : ils regardent un tutoriel, ils répondent à un questionnaire, ils réalisent diverses activités dirigées par l’enseignant… Au fond, cela équivaut à (espérer) apprendre à conduire en restant sur le siège du passager.

    Or, l’apprentissage suppose, bien entendu, de permettre aux élèves de quitter le « siège du passager » et de « prendre le volant » autant que possible.

    Autrement dit, les enseignants ne doivent plus être les seuls à produire des contenus d’apprentissages : les élèves doivent le faire aussi.

    En plaçant intelligemment les TIC entre les mains des élèves, nous plaçons les apprenants derrière le volant… et nous pouvons favoriser la conduite vers l’apprentissage profond.

    Comment développer la pédagogie active pour un apprentissage profond ?

    Un memento pour le pédagogue peut être trouvé dans les « 4 C » : pensée critique, créativité, collaboration, communication. Voici comme un tetrapharmakon, un quadruple remède pédagogique.

     

  • “Jules Ferry 3.0″ : récit d’une convergence

    “Jules Ferry 3.0″ : récit d’une convergence

    Par Daniel Kaplan, le 13 octobre 2014

    [callout]Je faisais partie de ce groupe piloté par Sophie Pène. Il s’y est passé quelque chose que je vois assez rarement arriver dans les débats sur l’éducation : entrés dans ce travail collectif avec des positions parfois très divergentes, nous en sommes sortis avec des convictions communes.[/callout]

    Kaplan2_RapportCNN_171014Les ateliers que nous avons organisés avec toutes sortes d’acteurs de la communauté éducative, ainsi que la multitude des entretiens, visites, lectures, échanges en ligne qui ont nourri nos séances, ont construit cette convergence. Cela mérite en soi d’être mentionné, tant on finit par s’habituer, sur le sujet de l’éducation, à voir des gens cultivés et intelligents mobiliser tout leur talent à traiter leurs contradicteurs en mauvais élèves qui n’auraient pas fait leurs devoirs.

    Sur un point en particulier, ma position a évolué. Je souhaiterais expliquer comment, pour aider ceux que cela intéresse à comprendre ce travail collectif.

    Tout le monde veut tout changer

    Comme beaucoup d’acteurs du “numérique éducatif”, y compris ceux qui ne se retrouvent pas dans nos propositions, je considère que “le numérique doit être l’affaire de toutes les disciplines” et participer au “décloisonnement disciplinaire“. Je crois d’ailleurs que chacun des auteurs du rapport pourrait signer cette phrase. Nous n’ignorons pas non plus que des milliers d’enseignants, des dizaines d’établissements, de nombreux cadres des rectorats ou de l’administration centrale, etc., y travaillent. Au contraire, nous en avons rencontré beaucoup et ils nous inspirent encore. Nous demandons explicitement qu’on reconnaisse, valorise et utilise leur travail à sa juste valeur.

    Mais force est de constater que tous ces efforts, ainsi qu’une multitude de “plans numériques” nationaux et territoriaux, n’ont pas produit d’effets significatifs à l’échelle de notre système éducatif. Certes, les choses bougent, mais trop lentement.

    Les innovateurs innovent, mais chacun connaît l’isolement dans lequel ils le font, qui les épuise les uns après les autres.

    Personne n’est coupable, mais il faut changer d’approche.

    Je crois désormais à la nécessité de proposer des “points d’application” précis pour faire levier, pour engager une vraie dynamique de changement à l’échelle, non plus d’expériences individuelles (aussi excellentes soient-elles), mais de l’ensemble du système.

    Il faut commencer quelque part

    L’enseignement de l’informatique est l’un de ces points d’application.

    Au démarrage de notre travail, j’étais plutôt opposé à l’idée d’en recommander l’introduction systématique et volontariste. Certes, je crois profondément que l‘“honnête homme” (ou femme) de demain devra comprendre comment fonctionnent les machines qui produiront la majorité de nos informations, de nos connaissances et de nos décisions. Je crois aussi que cette compréhension doit être pratique, ce qui signifie qu’elle passe par une forme ou une autre de programmation. Je crois enfin, comme Serge Pouts-Lajus, que “la programmation d’un automate est, à tout âge, une expérience d’apprentissage d’une très grande richesse” – au point qu’elle constitue pour beaucoup d’élèves (ou ex-élèves) un moyen de “raccrocher”, de retrouver le plaisir et la fierté d’apprendre.

    Fallait-il pour autant souhaiter que tous les enfants apprennent des éléments d’informatique ?

    J’en doutais pour deux raisons. D’une part, je considère qu’au cœur de la transformation numérique, il y a tout autant la “science informatique” qu’un ensemble de pratiques sociales, de travail et d’expression, toutes aussi importantes à maîtriser : je ne voulais donc pas que l’Education Nationale privilégie la première dimension, plus facile à cerner, pour éviter de faire face à l’autre, plus diffuse. D’autre part, j’estimais que les disciplines étouffent suffisamment notre système pour ne pas vouloir en ajouter une.

    Mais alors, que faire ? La réponse “utilisons le numérique pour changer de l’intérieur toutes les disciplines et brouiller leurs frontières” est évidemment excellente, mais elle présente plusieurs faiblesses [1].

    Lorsqu’elle se traduit par l’usage de logiciels disciplinaires tout faits ou de ressources numériques, même de qualité, elle ne change au fond pas grand-chose à l’expérience d’apprentissage et n’apporte aucune compréhension de cette “mécanique cognitive” qu’est l’informatique.

    Surtout, elle peut servir de paravent à l’immobilisme de l’institution : car c’est en effet ce que l’on fait (ou prétend faire ?) depuis 20 ans. On a bel et bien fait entrer un peu de numérique dans toutes les disciplines, les inspecteurs pédagogiques régionaux et les Délégués académiques au numérique (DAN) sont mobilisés depuis longtemps là-dessus. On a laissé se développer une multitude d‘“expériences” formidables (mais sans reconnaissance, sans lendemain ou en tout cas, sans modalité en permettant l’extension, la reproduction, etc.)

    Des appels à projets ont financé toutes sortes de produits numériques éducatifs. A-t-on pour autant le sentiment d’en être arrivés beaucoup plus loin aujourd’hui qu’il y a 20 ans ? Dans l’immense majorité des établissements et des classes, la réponse est non.

    À nouveau, les personnes ne sont pas en cause : l’effort est tout simplement trop diffus pour une organisation de cette taille et de cette complexité.

    Le cheval de Troie

    D’où l’idée autour de laquelle nous avons convergé, entre ceux qui, dès le départ, militaient en faveur de l’enseignement de l’informatique et ceux qui n’y croyaient pas : faire de cet enseignement le “cheval de Troie” par lequel élèves et enseignants explorent de nouvelles formes de travail et d’apprentissage. Nous considérons en effet qu’il serait absurde et même néfaste d’enseigner l’informatique au tableau noir (voire au tableau blanc interactif), que son enseignement passe nécessairement par une organisation en projets et par un travail collectif. Et où trouver des “projets” qui ont du sens ? Dans les autres disciplines ! Voici notre angle, et je le crois nouveau :

    faire de l’enseignement de l’informatique le levier d’un changement qui le dépasse et qui introduit avec lui, par la pratique autant que la théorie, une “littératie numérique” que nous plaçons au même niveau d’importance.

    Ça sera difficile ? Oui. Tous les partisans de l’enseignement de l’informatique à l’Ecole ne pensent pas que le “mode projets” et le travail collectif sont la condition de son introduction ? Sans doute pas, mais ceux d’entre eux qui participaient à notre groupe ont fait ce chemin. On risque à chaque pas de conserver le contenu disciplinaire et d’oublier les nouvelles formes de travail ? Certainement, d’où la nécessité d’un pilotage énergique et vigilant – et tout simplement d’oser, parce que le résultat parlera de lui-même.

    Bac et Capes, les gros mots ?

    Le bac “Humanités numériques” dont nous proposons la création constitue un autre levier d’application. Il ne faudrait pas pousser beaucoup pour me faire dire que le bac lui-même est un problème ; et pourtant, si l’on veut que quelque chose change vite, ce nouveau bac est une proposition futée et féconde – l’idée originelle ne vient pas de moi : montrons qu’on peut imaginer un bac de notre époque, mariant science, technologie et humanités, un bac tellement désirable que les autres filières du lycée finiront naturellement par converger vers son modèle (au point de le rendre obsolète ? Chiche !)

    Et puis, évidemment, il y a la proposition du Capes d’informatique (1/2 page du rapport). Là encore, j’y ai résisté longtemps et l’on notera que le rapport propose bien d’autres manières de trouver les enseignants d’informatique qui deviendront nécessaires, si l’on décide d’enseigner cette connaissance et cette compétence. Mais soyons logiques :

    soit le Capes est une mauvaise manière de recruter tous les profs (ça se discute, sûrement !) et il faut le supprimer, soit c’est la manière standard et reconnue et l’on se demande bien pourquoi seuls les profs d’informatique y échapperaient ?

    Impairs et manques

    Il manque beaucoup de choses à notre rapport. Plusieurs absences nous ont été signalées à juste titre : une réflexion plus approfondie sur les filières professionnelles, des développements sur les espaces et les architectures… La liste n’est pas close. Les commentaires en ligne l’enrichiront sans aucun doute.

    Il y a aussi, dans ce rapport, beaucoup d’autres choses dont la Toile s’est moins emparé : sur la transformation du contenu même des disciplines (en lien avec la recherche), sur l’école ouverte, sur la puissance du secteur de l’”EdTech”…

    Nous avons parfois fait le choix délibéré de ne pas descendre trop profondément dans le détail, par exemple à propos du contenu du Bac HN : définir le programme d’une filière de lycée mobilise des compétences dont nous ne disposons pas.

    Nous serons suivis ou ne le serons pas ; on pourra certainement nous démontrer que nous avons tort sur plusieurs points. Ma conviction est néanmoins que ce rapport apportera au moins deux contributions durables à l’évolution de notre Ecole : d’une part, une réflexion sur les points d’application et la recherche d’actions précises à effet de levier maximal ; et d’autre part, la démonstration que, même à propos d’éducation, il est possible de se changer les uns les autres et de tomber d’accord. Si, si, je vous assure !

    [1] La question de savoir si la “transformation numérique” passe par un effort diffus ou, au contraire, concentré et spécialisé, se pose ou s’est posée dans de très nombreuses organisations. A chaque nouveau gouvernement, par exemple, on débat de l’intérêt d’avoir un “ministre du numérique” (au risque de trop spécialiser le sujet) ou au contraire de mettre du numérique partout (au risque qu’il ne se passe rien). Depuis 2007, cependant, la France a fait le choix de se doter d’un(e) ministre ou d’un(e) secrétaire d’Etat au numérique, et ne s’en porte pas mal.
    Auteur Daniel Kaplan sur le site InternetACTU.net

    Accéder au site du CNN et au rapport ici

  • Et si le fait d’équiper les élèves n’était pas aussi compliqué que cela ?

    Et si le fait d’équiper les élèves n’était pas aussi compliqué que cela ?

    [callout]Je me permets cette question en ne perdant pas de vue le fait incontournable et évidemment important que représente l’impact financier de telles décisions…Une précaution en introduction, de rigueur, car les premiers retours à chaud pourraient être cruels et cyniques, me reprochant de ne pas en avoir conscience ou de parler sans savoir…[/callout]

    Martial2_pointdevueequipement171014

    En réalité, je précise que j’en suis très conscient ; pour de multiples raisons.

    La première étant que pour en arriver à produire applications, articles et réflexions, il a fallu depuis plus de 15 ans investir sur fonds personnels dans un domaine où chacun s’accordera à dire que, suivre l’évolution technologique et pédagogique pour promouvoir les innovations représente un coût certain, qui se démultiplie au-delà de l’échelle personnelle, jusqu’à l’investissement en nombre pour pouvoir proposer, expérimenter, conclure débattre. C’est précisément mon cas. Et je suis loin d’être le seul !

    Je m’estime de ce fait suffisamment bien placé pour en débattre. D’autant plus que ces derniers mois, au fil des salons et des rendez-vous divers, des réunions pédagogiques, des commissions TICE, et des réunions de groupes (GEP, IATICE, colloques en université, associations, entreprises, éditeurs, fournisseurs, Conseils Généraux…), j’ai pu rencontrer un nombre considérable de personnes directement impliquées dans la promotion des usages, dans le développement de stratégies d’équipements et plus directement, dans les décisions politiques inhérentes à l’éducation, les politiques d’équipements et les stratégies numériques.

    Pour ma part s’ouvre aujourd’hui un débat sans fin auquel je souhaite contribuer. Mettre un terme ? Apparemment pas ! Mais à ma manière, exprimer le fruit de nombreuses heures passées sur le terrain de la pratique avec comme contraintes celles liées à un véritable souci d’éducation et de formation, mais aussi celles qu’impliquent l’apport de technologies dans le système éducatif tel que nous le connaissons aujourd’hui, à mes yeux encore trop craintif et peu confiant, et pour des raisons souvent injustifiées.

    Tout d’abord, j’affirme qu’il est impossible de tout contrôler !
    Oui ! une affirmation bien particulière au sein de ce débat. Et c’est important.

    Après plus de 3 années de tablettes numériques, nous en arrivons à une évolution graduée des souhaits d’équipements numériques où l’élève devient le fait d’un enjeu particulier.

    Et qui dit élève dit enfant, avec le souci permanent que nous avons, nous adultes de le protéger, à commencer par contrôler ses actions…

    J’imagine déjà la réaction de certains parmi vous, considérant ces propos comme restrictifs et peut-être provocants. Il me faut tout de suite être pragmatique pour apaiser les tensions naissantes.

    En effet, j’ai pu constater au fil du temps, la naissance de nombreux projets allant du simple équipement en tablette à celui de l’idée d’objets connectés, voir « omni » connectés. Les oppositions restrictives ont toujours été nombreuses, allant jusqu’à diminuer considérablement l’impact positif imaginé.
    Je ne nie pas les principes de précautions nécessaires à la mise en oeuvre de ces expérimentations (initiées par des prestataires, des entreprises, des partenaires) ; j’interroge sur l’idée finale, l’objectif, du point de vue des élèves et des enseignants associés.

    Car à force de multiples précautions, nous en sommes arrivés, sur des concepts géniaux, à limiter considérablement l’impact imaginé et les effets attendus pour produire des compte-rendus souvent à l’identique les uns des autres, quelles que soient les sensibilités et provenances géographiques, sortes de copier-coller déprimants où sans filtre de lecture ; on pourrait imaginer qu’au final, rien n’est vraiment possible.

    Le contenu se limite à un cadre assez simple où l’on reprochera aux enseignants de faire la même chose qu’avant avec toutefois, la formidable possibilité d’avoir un outil capable d’en représenter plusieurs sur le même support (texte, image, son).

    Le filtre quel est-il ?

    Et bien n’ayons pas peur des mots. La psychose ultra sécuritaire sur les usages génère de la frustration, limite les innovations, les freine parfois ! Je considère aujourd’hui, qu’à l’image de la société, une véritable industrie de la sécurisation se développe pour rassurer l’initiation et la conception des politiques d’équipements, s’adressant aux décideurs politiques et à l’Éducation Nationale au travers de ses différentes institutions, avec complaisance et détermination sur les démons technologiques. Deux effets considérables et contre-productifs :
    – le surcoût des projets
    – la complexité des mises en œuvre et les problèmes associés

    Je ne rentrerai pas dans le détail de chacun de ces points, mais toutefois, je ferai un petit résumé des conséquences. Il apparaît que la conception et l’utilisation d’applications nécessitant des identifications multiples sur les périphériques, quand celles-ci peuvent se faire en n’étant pas obligatoirement connecté, sont trop souvent gênantes. Il en va de même pour certains espaces numériques, leur ergonomie et la lourdeur de leur administration. Ceci interroge :

    comment aboutir à ce que nous recherchons de manière la plus évidente : souplesse d’utilisation et mise en œuvre intuitive et rapide entre les mains des enseignants et des élèves ?

    Martial_pointdevueequipement171014Pour moi, ce « mal » restrictif, pensé et repensé sans cesse, dès que ce genre de décisions se profilent, que ce soit au travers de l’équipement collectif ou individuel, produit un effet dévastateur qui éloigne les utilisateurs de leur mission d’innovation, d’éducation et de formation. Pire que tout ! C’est nier l’évidence qu’il est impossible de tout contrôler. Mais il est impératif de former et éduquer aux usages numériques. Il me semble aujourd’hui que les nombreuses précautions prises sur les réseaux pédagogiques des établissements scolaires suffisent à protéger à la base les enfants, et permettent d’éviter les dérapages pouvant laisser craindre aux enseignants de ne pas pouvoir maîtriser l’outil.

    Quelle politique idéale ?

    Je me confronte depuis plusieurs semaines à un débat sur l’équipement numérique mobile. Équipements en tablettes : faut-il doter les élèves avec des tablettes numériques qui resteront dans l’établissement ou pourront-ils les transporter ? (Sachant que cette tablette est personnelle et vouée à sa scolarité – collège).

    Mon point de vue : doter les élèves, leur permettre de transporter cette tablette (c’est un objet mobile).

    Les prérogatives que je préconiserais :
    – équiper les enseignants : le même outil, et leur permettre de les manipuler et trouver les actions de formation collectives ou individuelles dont ils auront besoin le plus facilement possible.
    – ne pas s’attarder sur l’hyper sécurisation des outils, mais au contraire, investir dans un panel d’applications performantes, adaptées aux besoins et agissant de manière concrète, facile et efficace avec les ENT.
    – réfléchir de manière efficace à une éducation au numérique appuyée sur la pratique, la production et donc la manipulation, en banalisant l’outil au même titre que l’est un dictionnaire, de manière à le rendre non pas omniprésent, mais intéressant dans l’utilisation ponctuelle.

    Pour :
    – renforcer le rôle des équipes éducatives et leur donner une réelle fonction éducative axée sur la découverte et l’adaptation au numérique, domaine qui échappe aux plus jeunes, vampirisé par les réseaux sociaux et les jeux, et les sortir de ce carcan éducatif strict basé sur l’autorité et la discipline
    – favoriser la commande et la production d’applications adaptées aux besoins de formation dans une politique globale
    – réaliser, au passage, des économies de temps et d’argent si l’on considère que, obliger un élève à déposer et prendre sa tablette dans l’établissement génère une réorganisation totale et lourde du fonctionnement des établissements, que ce soit en terme de service des personnels comme en terme d’équipement des salles !
    – et pallier aux éventuels oublis, pannes, dysfonctionnements par un système de prêt provisoire qui se ferait à la marge… Je considère que la tablette prendra le rôle (et non pas la place) d’un cahier, d’un stylo, d’une règle… ou d’un livre, pouvant aller jusqu’au carnet de correspondance le cas échéant. un outil de travail ! Un lieu de connaissance et d’apprentissage !

    Et pour conclure sur les choses qui fâchent, je vais reprendre un discours que mes collègues formateurs TICE EPS et moi-même utilisons en stage de formation : après des années de pratique, avec du matériel acheté pour beaucoup sur nos fonds propres (je me répète, mais c’est nécessaire), nous n’avons constaté aucun vol ; une casse (c’est le risque).

    Aujourd’hui, avec le soutien d’entreprises (MDSYS, Easytis), nous travaillons avec du matériel prêté et configuré par nos soins (sans surcouches de prestataires) sur le terrain de l’EPS, en extérieur, en gymnase, avec la photographie, la vidéo, le son et de nombreuses applications, très souvent payantes par achat ponctuel ou abonnement, et nous n’avons qu’à constater d’un engouement certain et une vraie motivation de nos élèves.

    Mon propos était de donner à l’enseignant la place qu’il mérite dans l’éducation et la formation par le numérique et d’aider les décisions prises ou à prendre à voir le jour dans un choix difficile mais ambitieux. C’est un point de vue que j’assume et sur lequel j’argumente tout en étant capable de comprendre l’ensemble des restrictions qui me seront opposées.

    Je crois fortement en l’impact du numérique dans la transformation des rapports aux savoirs, et également au soutien qu’il apporte aux enseignants dans l’aide à la valorisation des progrès et des réussites chez les élèves. Non pas que ce soit une nouveauté chez les enseignants, mais que cela le soit au travers des modes de transmissions.

    N’est-on pas d’accord pour dire aujourd’hui que l’information nous paraît plus dense non pas parce que les évènements se bousculent mais bien parce qu’ils nous parviennent plus nombreux et plus rapidement ? Il en est de même pour les apprentissages.

    Nous n’avons pas à nous inquiéter de la somme de ce qu’il y a à faire, car pour qui aura un tant soit peu réfléchi sur les développements individuels, et regardé les programmes scolaires, la hiérarchie reste la même. Seuls outils et mode de transmission évoluent, générant des attentions différentes et ouvrant l’esprit sur un monde qui bouge. D’où cette place importante accordée aux enseignants dans la formation et l’éducation… avec le numérique.

  • Le web 2.0 est-il un établi pédagogique ?

    Le web 2.0 est-il un établi pédagogique ?

    J’ai souvent évoqué dans mon blog la notion de bricolage pédagogique en citant Claude Levi Strauss dans la pensée sauvage – Agora (1962). Le livre de Robert Linhart « L’établi » – Éditions de minuit (1978), donne  aussi un éclairage  intéressant sur cette notion.

    Robert Linhart très engagé dans le mouvement de 68 a décidé d’aller travailler dans les usines Citroën sur les chaines de montages des 2CV (il s’établit). Dans un passage, il décrit un ouvrier, Demarcy. Il a organisé son poste de travail (son établi). Il est constitué de bric et de broc, il sert à  « décabosser » les ailes de voitures abimées. Demarcy a su, avec le temps, construire un outil qui réponde à ses besoins, un outil construit au fil du temps, ne répondant pas à des critères scientifiques, mais efficace.

    La suite du passage, cité ci-dessous, est consacré à la visite des techniciens de l’OST (organisation scientifique du travail) qui mettent de côté l’établi. L’auteur décrit ensuite la détresse de Demarcy qui ne se reconnaît plus dans ce système centralisé et organisé rationnellement.

    Une belle métaphore pour comprendre les enjeux de l’introduction du numérique dans les processus d’apprentissage, les rapports entre le PLE et les ENT.

    L’introduction des outils du web 2.0 qui ne sont pas spécialement conçus pour la pédagogie mais qui, bricolés par les enseignants le deviennent.

    Il me semble que le web 2.0 est une sorte d’établi numérique, les enseignants inventent sans cesse « des méthodes inédites » que dira l’OST pédagogique ?

    C’est un excellent passage pour expliquer les enjeux du bricolage :

    Le blog de Jean-Paul Moiraud, c’est ici