Catégorie : POINT DE VUE

  • Des hackathons pédagogiques, pourquoi pas ?

    Des hackathons pédagogiques, pourquoi pas ?

    Le 16 septembre, madame Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique a lancé un hackathon en vue de la production de « start-up éducatives » et  le C2E de Poitiers organisait son premier Hackathon pédagogique avec Réseau Canopé.

    Le numérique m’intéresse.  Je suis curieuse de ce qui se passe dans la société en regard de ces technologies. Le phénomène hackathon m’est apparu suffisamment significatif pour chercher à en connaître davantage sur ces manifestations toutes pacifiques.

    Dans cet esprit,  je me suis pointée à l’Espace ECTO, un lieu de coworking coopératif  (espace de travail coopératif). Je me nomme designer pédagogique, mais je ne suis pas un designer informatique.  À l’inscription, j’ai sélectionné l’option Citoyen qui me permettait d’assister à l’évènement, proposer un sujet, un angle de travail aux développeurs, d’observer et de voter pour le projet gagnant.

    Gabriel Galvis, un ingénieur en numérique croit le domaine culturel négligé par les technologies.  Il a donc proposé en septembre 2014 ce marathon d’idées au Lab culturel du plan culturel numérique du Québec.  Sa proposition fut retenue et le hackathon culturel a eu lieu les 25-26 et 27 septembre  2015.

    Qu’est-ce qu’un hackathon ?

    Ce mot-valise est formé de la synthèse de «hacker » et « marathon ».  Cet évènement sans règles établies rassemble développeurs et autres intervenants du projet numérique.  Ils travaillent en équipes et collaborent à la production d’une maquette ou d’un prototype qui répondra à une question ou permettra de résoudre un problème dans un temps très court.  C’est un marathon de travail, un moment de création intensif.

    Un hackathon pédagogique peut se rapprocher du thème de Ludovia12, « Appropriations et détournements dans les pratiques éducatives« ,  car pendant un hackathon, on détournera parfois l’usage familier d’un outil numérique pour le réorienter vers la résolution d’un problème particulier.

    Très souvent cependant, le prototype créé lors du hackathon, sera l’oeuvre de bidouilleurs qui transforment plus ou moins profondément des logiciels Open Source et utilisent des bibliothèques de code, pour répondre au problème réel à résoudre ou à la question énoncée.

    Madame Marika Laforest, chargée de projet pour le Plan culturel numérique du ministère de la Culture du Québec  et responsable du Hackathon des journées de la culture a eu la gentillesse de prendre quelques instants pour répondre à mes questions et m’indiquer quelques conditions à respecter pour assurer le succès de l’évènement.

    Il faut un promoteur, une entité responsable. Une commune, une Académie, un réseau Canopé, même une école, un collège ou un lycée peuvent initier un hackathon pédagogique.

    NinonLouise_hackathon1_051015On fixe d’une date qui donnera suffisamment de temps pour la planification, quelques mois.
    On invite des développeurs bidouilleurs, des designers d’interface, des concepteurs, des gestionnaires de projets, des experts en marketing, enseignants et pédagogues à former des équipes et à participer à un brassage d’idées où ils imaginent des projets en réponse à une question, à un problème pédagogique ou scolaire précis.

    C’est parfois difficile de rassembler ce public composite.

    Comment utiliser le numérique pour gérer efficacement les repas du midi ; pour améliorer les résultats des élèves en mathématiques ou en histoire et géographie ;  pour planifier un programme d’activités sportives visant à améliorer le comportement et l’intérêt pour l’école d’une clientèle à risque ; etc. sont quelques exemples de problèmes pouvant être présentés aux hackeurs.

    Toute personne ou groupe de personnes intéressée(s) par le sujet pourra/pourront proposer un projet et le déposer «dans le bac à idée», un bac virtuel évidemment.  Les organisateurs choisiront parmi les projets suggérés ceux qui leur semble les plus prometteurs.  Les intéressés peuvent s’inscrire et se présenter au hackathon même si leur projet n’a pas été retenu car ils pourront former équipe avec d’autres au moment du réseautage, au tout début du marathon de production.

    NinonLouise_hackathon2_051015Il faut procurer aux participants tout le matériel essentiel à leur travail intensif :
    . un espace de travail aéré, agréable avec de la lumière naturelle si possible ;
    . des papiers de différentes grandeurs, des stylos et marqueurs de toutes couleurs ;
    . un assortiment de câbles, des prises électriques accessibles  ;
    . une connexion Internet hyperfiable ;
    . accès aux données informatiques de base relatives au sujet du travail.  Les participants peuvent aussi alimenter leur projet aux bases de données de leur choix ;
    . des breuvages et de la nourriture pour toute la fin de semaine.

    Il est recommandé de prévoir une pause récréative autour de l’heure du souper de la deuxième journée pour permettre aux hackeurs de se détendre, un spectacle de musique ou d’humour par exemple.

    Les hackathons sont habituellement gratuits.  Les organisateurs doivent trouver des commanditaires qui paieront les frais généraux et les prix offerts aux gagnants.

    Les hackathons se déroulent souvent pendant le week-end.  L’activité commence le vendredi soir par le pitch des porteurs de projets suivi de la formation des équipes.  Chaque équipe recevra des organisateurs un rappel des règlements, la liste des données ouvertes qu’ils doivent mettre à profit, une liste d’outils de travail suggérés, les instructions relatives à la présentation de leur travail ainsi que la grille d’évaluation. Il est recommandé que deux ou trois développeurs/designers participent à chaque projet retenu.

    C’est le moment du réseautage et du brainstorm initial.

    Les citoyens  peuvent circuler d’une équipe à l’autre et donner leur avis.

    Les équipes formées travaillent tard en soirée le vendredi, de 15  à 18 heures le samedi et plus de six heures le dimanche matin.  Tout participant peut changer d’équipe s’il le désire car l’activité est à la fois compétitive et collaborative.

    Le hackathon se termine par la démonstration du prototype ou tout au moins de la maquette par un membre de l’équipe et par la remise des prix suite à l’évaluation du jury.

    Un hackathon, c’est aussi une compétition.

    NinonLouise_hackathon3_051015Contrairement à Saint-Germain-des-Prés, il y a-t-il un après au hackathon?  Les développeurs sont des auteurs compositeurs, le hackathon leur permet de démontrer  leur savoir-faire.  Il en tirent la reconnaissance des pairs,  même parfois une certaine gloire. . . et une chance de gagner des prix en argent ou de voir l’oeuvre dépasser l’étape du prototype et trouver preneur.

    Les élèves peuvent aussi faire des hackathons.

    Les élèves aussi peuvent faire des hackathons.

    Consultez Hackathons as a New Pedagogy qui relate l’expérience vécue dans une école de Toronto.

    . . . mais en français, il faut absolument consulter Informatique créative de Karen Brennan, Christian Balch et Michelle Chung, de la Harvard Graduate School of Education.  Ce guide pédagogique est gratuit et disponible en ligne.  Il vise l’enseignement de l’informatique créative . . . et le chapitre six à la page 109, intitulé  HACKATHON guide le lecteur pas à pas pour réaliser ce type d’activité avec les écoliers . . . qui devront par contre avoir déjà été initiés à la programmation.

    De plus, les hackathons sont une activité qui enchante les élèves.

     

    « . . ..le terme anglais « hack » a une connotation négative,

    mais c’est un terme qui à la base renvoie à un esprit ludique,

    à la curiosité, à la ténacité et à la créativité. . . .

    . . .en anglais le terme « hacking » peut signifier

    « de l’ingéniosité bien placée ». . .

    . . . un hackathon reprend la notion d’ingéniosité ludique

    et l’intègre à un contexte d’intense concentration

    et de temps limité . . .

    . . . les élèves vont s’appuyer sur leur expérience

    en informatique créative

    pour concevoir un projet ouvert de leur choix. . ..

    . . . Le hackathon est associé à une philosophie d’apprentissage et de résolution de problème juste à temps. . .

    Il encourage l’itération de phases de planification,

    de réalisation et de partage, . . .

    . . . une excellente occasion d’inventer . . .

    . . . de développer des compétences qu’ils possèdent déjà

    et de tester des idées au sein d’un environnement pédagogique

    collaboratif, créatif, flexible et ludique.»

    Brennan, Karen &al. Informatique créative, Harvard Graduate School of Education, pages 109 et 111 http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/scratchjr_bl/CreativeComputing20140806_FR.pdf?PHPSESSID=28597fa4423f372e76ef630ddefd7922, consulté le 29 septembre 2015

     

    Conclusions de la pédagogue

    Pour certains, le phénomène hackathon prend de l’ampleur.
    Pour d’autres, il commence à s’essouffler.  

    Ma boule de cristal ne donne pas réponse à ce débat. Mais…

    la tenue de hackathons pédagogiques peut être un moment intense qui aidera peut-être à apprivoiser certains collègues que l’informatique rebute.

    Assister en quelques jours à la résolution d’un problème qui les ennuie depuis longtemps aidera-t-il à les convertir ? Il faut parfois croire aux miracles.

    De plus, les hackathons sont une activité créatrice qui enchante les élèves.
    Pour les élèves qui participent à un hackathon : Le futur c’est maintenant.

    Photos : les collages ont été photographiés à l’Espace ECTO et sont l’oeuvre d’artistes inconnus.

    Quelques références supplémentaires :
    Hackathon de l’Élysée, de Poitiers et de Rennes
    http://rue89.nouvelobs.com/2015/09/17/hackathon-a-lelysee-wifi-envoie-steak-261248
    http://www.c2e-poitiers.com/hackathon-pedagogique
    http://www.ac-rennes.fr/jahia/Jahia/site/academie2/accueil/pid/19479?entryId=99756

    Hackathon du Plan culturel numérique du Québec
    http://planculturelnumerique.culturepourtous.ca/blogue/hackathon-des-journees-de-la-culture

    Hackathons as a New Pedagogy
    http://www.edutopia.org/blog/hackathons-as-a-new-pedagogy-brandon-zoras, . . .

    Informatique créative
    http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/scratchjr_bl/CreativeComputing20140806_FR.pdf?PHPSESSID=28597fa4423f372e76ef630ddefd7922

  • Mon ami (ou ennemi ?) numérique

    Mon ami (ou ennemi ?) numérique

    Ninonlouise_aminumerique_290915

    Toute procédure pour en limiter l’usage, l’accès, l’omniprésence et l’omnipotence semble infructueuse ; les élèves résistent.

    Le « monstre » est à nos portes, il s’incruste dans nos foyers, dans nos écoles. Il séduit nos enfants, les incite même à la rébellion. Il leur apprend mieux que nous tant de choses, plusieurs dont nous ignorons l’existence même et tant de bêtises aussi.

    Mon ami numérique est pourtant l’assistant idéal ; jamais il ne revendique ; il accomplit à ma convenance toutes les tâches que je lui assigne.
    Il enregistre rigoureusement : le nom de mes élèves, leurs photos, leur date de naissance, leurs adresses et celle de leurs nombreux parents, leurs présences et leurs absences, leur horaire de cours et leurs résultats aux multiples activités éducatives auxquels ils s’appliquent.

    On peut en grande confiance lui confier la tâche de proposer aux élèves quantités d’exercices dont il me donnera les résultats. Il a toutes les patiences pour faire répéter la kyrielle d’applications d’arithmétique ou de grammaire auxquelles que je désire astreindre l’écolier.

    Il m’indique les difficultés de l’un ou de l’autre dans un domaine d’étude singulier. Je peux ainsi suivre la progression de mes élèves. Il transposera par lui-même les résultats du travail de ces derniers dans mon cahier de gestion de classe.

    Je communique sans souci et au moment qui me convient avec mes élèves et leurs parents. De plus, il me permet de visionner à toute heure l’une ou l’autre des phénoménales créations de mes petits chéris.

    Mon ami numérique encourage le développement de la créativité de mes écoliers.

    Malgré ses airs savants et supérieurs, mon ami numérique n’a pas encore la perspicacité de l’intelligence humaine. Il n’est pas sensible aux subtilités, à moins qu’on lui ait appris à l’être, ce qui en limite la portée. Il n’exécute que les tâches programmées.

    Mon ami numérique, malgré la douce voix de Siri, n’interprète que ce qui est planifié ; mon ami numérique est indifférent à ma frustration.

    Mon ami numérique n’a pas l’esprit critique ; il est ouvert et naïf, mais aussi généreux.

    Il invite tous les écoliers du monde à apprendre à lui parler : Scratch, Python, Javascript, MIT App Inventor . . . et il reçoit chez lui le meilleur et le pire.

    À moi, éducateur, appartient la difficile tâche d’apprendre au « Petit de l’Homme » à soumettre ce nouveau compagnon de vie, à apprivoiser cette bête omniprésente.  Je dois dénoncer la multitude de pièges que lui tend ce séduisant compagnon, lui expliquer que cette phénoménale machine peut malheureusement lui présenter quantité de fausses informations.

    Comment enseigner aux petits et aux grands à en faire le tri ? Comment leur apprendre à se comporter et à faire la part des choses ?

    Apparemment les écoles semblent ne monter que très lentement dans le train technologique. Cependant, tous le voient arriver en gare. L’étape de la sensibilisation est dépassée et plusieurs sont craintifs.

    Et maintenant, il nous faut déjà prévoir l’étape de la gestion du trop. Comment moi, éducateur qui travaille en classe toute la journée, comment me retrouver parmi les 80 000 et plus applications éducatives de l’iPad, les milliers de vidéos fantastiques et instructifs que m’offre YouTube et que choisir parmi les centaines de MOOC et Webminars auxquels je devrais assister pour parfaire ma formation?

    Ami numérique, peux-tu ralentir la rotation de la Terre pour que mes jours aient 50 heures?

    Crédit photo : Ryan McGuire, GRATISOGRAPHY
    http://www.gratisography.com

     

     

  • La prise de notes en classe avec le numérique

    La prise de notes en classe avec le numérique

    Christophe Batier a eu l’occasion de l’interroger sur le plateau TV de de l’université d’été de Ludovia.

    « Le sujet de la prise de note a toujours été assez conflictuel avec mes élèves en classe ; pour moi, si ils ne gribouillent pas quelque chose, c’est qu’ils n’écoutent rien. »

    En consultant un article universitaire, François a eu une « révélation ». Ce texte expliquait que la prise de note n’était bien qu’à certains moments ; pour une compréhension profonde et synthétique, il n’est pas forcément évident pour les élèves, qui sont en surcharge cognitive, de faire tout en même temps.

    De même, sur la forme même de prise de note,

    François rappelle les études qui ont prouvé que la prise de note manuscrite est préférable en termes de rétention de l’information et de compréhension, à la prise de notes sur clavier.

    Une des raisons est que nous tapons plus vite au clavier ; avec l’écriture à la main, plus lente, cela favoriserait la réflexion. François pointe aussi le fait que les écrans peuvent être source de distraction dans la classe, y compris pour ceux qui n’en ont pas devant eux.

    Trois registres principaux pour la prise de note

    . plutôt arborescente avec la carte d’idée, le « Mindmap » avec une prise de notes en arborescence avec un point central et les idées que l’élève va noter autour.
    Cette prise de note n’est pas innée et doit s’apprendre : mettre sa feuille en format paysage, commencer au milieu de la feuille etc.
    . Plutôt graphique comme le « sketchnoting » où l’élève va chercher des métaphores visuelles ; « pour certains élèves, cette méthode peut s’avérer intéressante ».
    . Ou enfin la prise de note linéaire.

    Dans chaque cas, « une prise de note est supposée être reprise à froid pour ajouter des compléments ou des couleurs par exemple ».

    Prise de note individuelle et prise de note collaborative : de nouvelles possibilités avec le numérique.

    « C’est quelque chose qui n’était pas possible sans les outils numériques de collaboration et plusieurs formules s’offrent à nous ».
    Plusieurs solutions techniques existent en effet pour une prise de note collaborative, synchrone ou asynchrone : googledoc, Office 365, Wiki etc pour ne pas les citer.

    « En reparlant des cartes heuristiques, on a vraiment, avec le numérique, des possibilités démultipliées pour la prise de note et pour en varier la complexité ».

    François Jourde pratique même dans sa classe la prise de notes avec Twitter . Le principe est que deux ou trois élèves écrivent un certain nombre de Twitts qu’ils peuvent ensuite résumer avec un Storify. Cela les oblige à faire synthétiques, mais par contre, l’immédiateté de l’outil Twitter dérange un peu notre enseignant dans le sens où il retrouve beaucoup de fautes d’orthographe dans les synthèses et où la publication est publique.

    En résumé, « quelque soit le flacon » et donc quelque soit la méthode de prise de note, l’important, d’après lui, est que

    l’élève s’approprie la prise de notes, qu’il la retravaille pour mieux l’assimiler.

    Pour en savoir plus sur ce point, n’hésitez pas à regarder la vidéo ci-contre dans laquelle François Jourde développe cette idée et conclut à la fin sur ce qu’il a mis en place depuis un an et demi environ à savoir « le ticket de sortie ».

    Plus d’infos sur François Jourde :
    https://about.me/jourde et carte d’accès : gl/j5ohz
    Site “portfolio” personnel : jourde.eu
    Site du cours de philosophie : http://sites.google.com/site/coursdephilosophie/
    Carte synoptique de mes explorations pédagogiques : gl/wCJZd

     

  • Formation des enseignants au numérique : va t-on vers de l’appropriation ou du détournement ?

    Formation des enseignants au numérique : va t-on vers de l’appropriation ou du détournement ?

    [info]Rappel de la problématique : comment former les enseignants aux attentes nouvelles en matière d’usage systématique des TICE dans la classe ? Peut-on parler d’un détournement par rapport aux prescriptions et modalités ayant cours aujourd’hui dans la formation des enseignants ? Tel est le thème de cette table ronde, suivie d’un BarCamp sur le même sujet.[/info]

     Sylvie Joublot-Ferré – Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud, Catherine Becchetti-Bizot – directrice du numérique pour l’éducation ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Hervé Luga- chargé du numérique à l’ESPE de Toulouse et Pierre-Yves Pellefigue – directeur de la DAFPEN à Toulouse (Délégation Académique à la Formation des Personnels de l’Education Nationale) ont échangé sur le sujet autour des animateurs Fabien Hobart et Régis Forgione.
    Synthèse par François Jourde et Lyonel Kaufmann

     

    Est-il possible aujourd’hui de concevoir la formation des enseignants comme autrefois ?

    Pour Catherine Becchetti-Bizot (voir aussi l’interview de Catherine Bizot sur ce sujet), c’est un sujet central pour la réussite de tout projet numérique, avec celui du contenu : “La formation des enseignants est une clé essentielle de réussite”. Mais il faut rappeler que les “industries éducatives” (Pierre Moeglin) ont toujours modelé et traduit les formes pédagogiques, et cela était déjà avec les ardoises…

    Ludovia_formationenseignants_070915Les TICE induisent aussi aujourd’hui de nouvelles pratiques.Les enseignants sont équipés numériquement à 98%, s’informent et échangent en ligne. Mais ils souhaitent aujourd’hui des formations conçues comme un accompagnement de proximité, au plus près de leurs activités, permettant une appropriation progressive et sur un temps long.

    Il faut aussi noter que le numérique permet une formation plus collective et collaborative, avec aussi une plus grande autonomie dans sa formation (“se former”).

    Pour sa part, Pierre-Yves Pellefigue estime que la pédagogie n’a pas besoin du numérique. Pour lui, c’est notre retard dans la réflexion pédagogique qui freine le développement du numérique. En ce sens, la formation doit mettre en œuvre des modalités de travail pour un public actif et elle ne doit pas être descendante, verticale.

    Quel lien entre les pratiques personnelles et leur traduction en milieu scolaire ?

    Sylvie Joublot-Ferré fait le constat que les enseignants utilisent inégalement le numérique en classe. Elle y voit un problème de génération. Elle note ainsi la peur d’une prise de risque des enseignants face aux élèves qui semblent “natifs” du numérique.

    En conséquence, il faut donner confiance aux enseignants par la formation, en leur permettant de décrypter les outils des élèves.

    Fondamentalement, il faut donc que les enseignants se sentent plus à l’aise avec les outils du numériques. Mais il faut aussi que les enseignants prennent conscience à quel point les élèves font la différence entre les usages prescrits (en classe) et les usages non formels (hors classes). Ces usages non formels sont à être exploités en classe avec recul.

    Comment va-t-on respecter l’intimité de l’élève qui n’a pas forcément envie de retrouver son enseignant sur Facebook ?

    Pour Sylvie Joublot-Ferré, on ne pourra pas faire l’économie des pratiques des élèves (smartphones…). En même temps, il faut laisser la liberté au terrain et aux différentes formes pédagogiques. Il faut partir du terrain pour construire la formation des enseignants, que ce soit au numérique ou non.

    Selon Hervé Luga, il y a pour nous tous un environnement nouveau dans les réseaux sociaux. Il croit en ce sens que l’apprentissage du respect mutuel des sphères va se développer par la diffusion des outils et des usages. Quant à l’apprentissage de l’informatique, il est essentiel pour les élèves de comprendre le “comment cela marche” à l’intérieur de nos ordinateurs.

    A la question de savoir si la collaboration peut s’apprendre, Hervé Luga pense pour sa part qu’il faut utiliser le numérique comme un média, autrement dit comme un lieu d’échange. Cela, d’ailleurs, se voit déjà bien dans les espaces de type fablab : ce sont des lieux qui permettent d’étendre le numérique dans le monde physique (objets connectés), et par la collaboration.

    Quelles seraient les caractéristiques d’une bonne formation ?

    Enseigner à l’heure du numérique, c’est, pour Catherine Becchetti-Bizot, enseigner en prenant en compte la culture des jeunes et c’est rebondir sur cette dynamique pour avancer dans les objectifs pédagogiques. Le numérique est une écriture, c’est l’écriture d’aujourd’hui.
    Il faut donc apprendre cette écriture-culture et l’utiliser. Il faut aussi aussi que chaque enseignant puisse atteindre les objectifs de sa discipline en utilisant les potentialités du numériques. Pour cela, l’enseignant doit d’abord scénariser son enseignement : cela est très exigeant et ne s’improvise pas. Il faut aussi ici des échanges de pratiques.

    C’est pourquoi les formations doivent être davantage co-construites selon les besoins des enseignants, de manière hybride (en présentiel et à distance).

    Il faut bien comprendre que l’on ne va pas imposer des modèles au enseignants. Il faut faire le pari de l’essaimage, avec des enseignants acteurs-producteurs.

    Formations-actions : l’enseignant créé de la ressource pour former, il échange les contenus de formation.

    Pour Pierre-Yves Pellefigue, notre monde est immergé dans le numérique et des enseignants s’intéressent de manière systémique au numérique. Cela permet de nouveaux dispositifs. Cependant, nous avons un grand retard à produire des choses qui soient pratiques pour les enseignants.

    Est-ce que les disciplines perdurent dans le plan de formation ou s’effaceront-elles ?

    Si le numérique, c’est une opportunité à développer des pratiques interdisciplinaires, il ne faut pas oublier, pour Catherine Becchetti-Bizot, que chaque discipline doit penser, en priorité sa propre responsabilité par rapport au numérique. Il ne faut pas obliger un enseignant à faire du numérique, mais le sensibiliser à toutes les possibilités de faire avec.

    Néanmoins, pour Sylvie Joublot-Ferré. le problème des politiques publiques est qu’elles n’ont jamais tranché la question de savoir si le numérique est un outil ou un objet d’enseignement.

    Catherine Becchetti-Bizot répond que les deux sont nécessaires. Par définition, la pédagogie est un détournement, dans l’objectif de la transmission. Prenant l’exemple du C2i, Hervé Luga rétorque que ce dernier n’est pas abouti et que c’est comme si on obtenait le permis de conduire en passant seulement le code ! Pierre-Yves Pellefigue marque alors son désaccord. Lui, est optimiste, car c’est une nécessité vitale de diffuser le numérique et le changement vient des profs eux-mêmes.

    Fabien Hobart intervient et parle du numérique comme une nouvelle littératie. Il cite une enseignante de mathématiques parlant d’une dialectique outil-objet.

    L’outil ce serait les solutions numériques et l’objet, la culture et les nouveaux langages.

    Pour Fabien Hobart, on sait très bien former à l’outil (cf Canopé), mais pour aller vers cette culture numérique, c’est plus compliqué.

    Dès lors, comment traduire cet objet de la culture du numérique en formation et dans la culture enseignante ?

    Hervé Luga estime qu’il faut de la facilité, vers laquelle les gens sont enclins à s’orienter spontanément. Le numérique doit avoir cette facilité.

    Catherine Becchetti-Bizot estime qu’un outil n’est pas efficace pédagogiquement par lui-même. Il faut apprendre à tirer parti des outils.

    Il faut former les enseignants à construire leur projet pédagogique dans un environnement numérique.

    Exemplairement, M@gistère est un outil de formation qui ne porte pas d’abord sur le numérique, mais induit une habitude et une formation au numérique. Il peut y avoir ici une prise de conscience collective.

    Progressivement, pour Sylvie Joublot-Ferré, c’est l’idée d’un prescrit obligatoire qui s’impose pour les enseignants avec le numérique. Pour sa part, Pierre-Yves Pellefigue souligne le caractère créatif qui peut-être au coeur du numérique en éducation. Il faut produire de la pensée pédagogique de ce temps. Les conditions semblent aujourd’hui réunies.

    En guise de synthèse de la table ronde, Fabien Hobart demande aux intervenants de citer les moments-clés (en trois mots balises par intervenant) de celle-ci.

    Pour Catherine Becchetti-Bizot, c’est horizontalité, collaboration, co-construction et essaimage.

    De son côté, Pierre-Yves Pellefigue cite pédagogie, liberté, responsabilité

    alors que Sylvie Joublot-Ferré indique aménagement de cette liberté et construction des savoirs par les enseignants.

    Il revient à Hervé Luga de donner les mots de la fin : évolution, révolution, auto-formation.

    Crédit illustrations : CIRE

    Ludovia_formationenseignants2_070915

  • Pratiques d’enseignement et d’animation : le numérique peut-il aider à la co-éducation ?

    Pratiques d’enseignement et d’animation : le numérique peut-il aider à la co-éducation ?

    [info]Rappel de la Problématique :
    Le numérique est entré dans l’école, parfois par la fenêtre, et fait partie des pratiques pédagogiques de nombreux enseignants – mais nombreux sont ceux qui n’y ont pas recours. Par ailleurs, s’il est entré dans le quotidien de nombreux enfants et adolescents, par le biais des ordinateurs familiaux, des téléphones portables et des tablettes, il semble que les animateurs ont des difficultés à le prendre en compte dans les activités péri-scolaires et de loisirs. Peut-on comparer les usages numériques respectifs de l’école et de l’éducation populaire ? Le numérique peut-il aider à développer les pratiques de co-éducation ?
    Cette table ronde veut faire un premier état des lieux : numérique et co-éducation, quelles pratiques ? Quels échanges sont possibles entre animateurs  et enseignants autour du numérique à l’école, au collège, au lycée? Quelles pratiques favorisent la co-éducation, quelle place peut y prendre le numérique ?[/info]

    Le numérique, catalyseur de co-éducation ?

    Le numérique est entré dans l’école, et le numérique de travail (par opposition aux loisirs) entre par le biais des devoirs dans le domicile familial. Par ailleurs, les jeunes ont des pratiques numériques, qui sont parfois mal prises en compte par l’école et par le péri-scolaire. Pourtant monde de l’éducation, monde de la famille et monde de l’animation ont des choses à se dire. Le numérique permet-il de faire travailler ces mondes ensemble ?

    Les invités de cette table-ronde sont soit des meneurs de projets de terrain, comme Jamel El Ayachi,, collège André Saint Paul du Mas d’Azil, et Salim Zein, game designer à l’initiative du projet Arcadémie, soit spécialistes de la médiation numérique, comme Nathalie Colombier. Cette dernière a dirigé l’équipe française de l’encyclopédie Encarta et créé Declickids, un site qui passe en revue les applications numériques pour la jeunesse. Stéphanie de Vanssay est à la croisée des deux mondes : professeure des écoles, ancienne éducatrice spécialisée et animatrice en centre de vacances, elle est aussi conseillère technique sur numérique et éducation au SE-UNSA, serial twitteuse et créatrice du TwittMOOC.

    Le modérateur invite les participants à donner leur point de vue sur la place du numérique dans la co-animation, à partir des projets menés.

    Le numérique comme support de projets communs

    Le numérique est d’abord un objet autour duquel peuvent être montés des projets communs entre l’école et le périscolaire. Salim Zein décrit le projet Arcadémie qui vise à faire fabriquer un jeu vidéo par des jeunes de 6 à 20 ans.
    Pendant le temps scolaire, il travaille la créativité en interdisciplinarité.
    Pendant les activités périscolaires, les jeunes testent des jeux vidéo pour étudier le gameplay.

    Le numérique pour créer du lien

    IMG_0276Jamel El Hayachi est obligé de pratiquer la co-éducation dans son collège du Mas d’Azil dont les élèves viennent de 32 communes réparties sur 4 cantons ariégeois.

    Un défaut sur l’un des trois pôles éducatifs (scolaire / périscolaire / famille) entraîne l’échec scolaire. Il tente donc d’utiliser des dispositifs numériques pour mettre en relation les différents acteurs.

    Il a testé plusieurs solutions : l’ENT, les réseaux sociaux avec par exemple une chaîne Youtube par lesquels il valorise le travail des élèves et enseignants.

     

    Il a aussi tenté de consulter les familles sur un sujet spécifique (l’assouplissement du règlement intérieur pour les élèves de 3ème), il a fait un mur collaboratif en ligne (Padlet) et a invité les parents, les élèves et les professeurs à s’y exprimer, mais cela n’a pas fonctionné.
    Il n’abandonne pas l’idée pour autant qui sera relancée après une réunion qui lèvera, il l’espère, les réticences des uns et des autres à intervenir via un outil numérique collaboratif.

    Le numérique pour se connaître et échanger

    Stéphanie de Vanssay évoque la faible présence des animateurs et éducateurs sur les réseaux sociaux. C’est une frustration car les questions de fond sont les mêmes entre les différents professionnels de l’éducation, avec des approches différentes qui peuvent s’enrichir les unes des autres.

    En effet les enseignants sont des pédagogues avec aussi un rôle éducatif et les animateurs sont des éducateurs devant néanmoins savoir faire usage de pédagogie.

    Par ailleurs, les réseaux sociaux sont un vecteur de connaissance réciproque ; on râle moins quand on connaît la réalité du travail de l’autre ! D’où l’intérêt de fréquenter les mêmes réseaux sociaux, comme Twitter par exemple.

    Pour l’instant, ce sont surtout les parents qui, par leur présence, enrichissent les échanges. Pas tous les parents évidemment, ce sont souvent les militants des associations qui animent ces discussions. Les parents d’élèves du collège du Mas d’Azil sont très différents, souvent en rupture avec la société, méfiants de l’institution et parfois peu utilisateurs des outils numériques.

    Pour ceux-là, le dialogue doit se faire autrement, et il faut d’abord mettre en place des valeurs communes et faire un travail sur les valeurs de la république. Il passe par le CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) et par un travail sur la mémoire pour parvenir à ses fins. Le conseil des parents est un autre outil.

    Former tous les acteurs au numérique

    Néanmoins Jamel El Hayachi essaye, par différentes actions, de former les élèves et leurs parents à un internet citoyen et responsable.

    Il considère en effet que l’absence de compétence numérique est une autre forme d’illettrisme.

    Pour cela, il faut gagner la confiance des parents. En France, le système éducatif très hiérarchisé infantilise les élèves, mais aussi les enseignants et les parents, alors qu’ailleurs, en Finlande par exemple, tout le système repose sur la confiance.

    Cette formation au numérique et à ses usages devrait concerner aussi les jeunes adultes, animateurs et éducateurs. Lors d’une formation pour l’AFEV auprès de jeunes qui font de l’aide aux devoirs, Patrick Mpondo-Dicka a constaté que si les usages de l’internet de loisir sont maîtrisés, les usages professionnels en revanche sont encore balbutiants.

    En effet, pour un animateur, le distanciel et l’activité “sur écran” restent difficiles à envisager à cause d’une survalorisation de la relation en face à face. Il ne faut pas non plus oublier de former les cadres qui sont souvent des freins alors qu’ils pourraient être des incitateurs de démarches éducatives avec/au numérique.

    Le travail mené sur Déclickids, le site de Nathalie Colombier, est à décliner dans notre vision des outils du numériques. En effet, l’utilisateur, parent ou animateur ne peut se contenter d’un descriptif de type “dossier de presse” pour se faire une idée de la pertinence d’un logiciel ou d’une application. Il lui faut les tester, les explorer, les passer au filtre de la critique et évaluer leur potentiel après des adaptations ou détournements éventuels avant de les utiliser avec des jeunes. C’est ce que propose ce site qui recense et évalue les applications.

    Les outils numériques ne sont ni sacrés ni magiques, cela doit aussi pouvoir être transmis aux enfants et aux jeunes. L’éducation critique aux médias et au numérique est plus que jamais essentielle pour lutter contre les risques d’endoctrinement et doit passer par des usages accompagnés à l’école, à la maison et dans les moments de loisirs.

    Comment former ?

    Salim Zein prône l’apprentissage du fonctionnement et de la fabrication des outils pour franchir la barrière numérique. Pour acquérir des savoirs il propose de passer par la manipulation des outils, en apprenant à fabriquer des applications, par exemple.

    Cela permet également de mettre les élèves et les adultes en posture de créateur, ce qui leur donne les moyens de prendre un recul critique par rapport à ces outils et ces objets qui envahissent le quotidien. Cette démarche est essentielle pour donner lieu à une véritable appropriation.

    Quant à la formation aux usages d’internet, Nathalie Colombier regrette qu’elle soit souvent déléguée à des associations “spécialisées” qui vendent des ateliers au titre effrayant, comme “les dangers d’internet”, ou se résume à la mention “interdiction d’utiliser internet pour faire ce devoir de recherche”.

    Il vaut beaucoup mieux que l’école prenne ses responsabilités et anime un travail sur la formation aux usages d’internet. Patrick Mpondo-Dicka renchérit et propose de dédramatiser en passant par des exemples déjà intégrés dans les usages des adultes, comme Marmiton qui n’est rien d’autre qu’un réseau d’échanges sur une activité particulière, autrement dit un réseau social. Hélène Paumier, chargée de mission éducation et numérique aux CEMEA évoque des séjours non déconnectés pour adolescents durant lesquels sont organisés un accompagnement : des activités constructives et formatives utilisant les outils numériques (journal de bord etc…).

    Passer de la classique restriction drastique des écrans à une utilisation accompagnée permet de vivre autrement ces moments de loisirs tout en éduquant aux usages raisonnés et réflexifs autour de la publication, l’identité numérique, le droit à l’image…

    S’affranchir du numérique ?

    Le lien social gagne parfois à s’affranchir du numérique. Salim Zein témoigne d’expériences où le contact direct est plus efficace pour faire communiquer les acteurs. Par ailleurs les PEDT (Projets Educatif de Territoire) qui dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires se généralisent et se formalisent davantage, sont des outils vraiment porteurs.

    Réunir tous les éducateurs d’un territoire pour fixer des priorités, coordonner des actions, repérer des indicateurs pertinents pour une évaluation sérieuse des résultats obtenus, devrait permettre dans les années à venir des avancées intéressantes. S’écouter, s’organiser, se comprendre et se faire confiance entre éducateurs est essentiel et le numérique, sans être incontournable pour cela, peut fournir des outils et des espaces facilitants.

    Un IEN chargé des PEDT en Ariège confirme qu’il y avait de l’existant avec un schéma départemental et des politiques éducatives concerté mais que la formalisation, le passage à l’écriture des projets, leur évaluation et leur suivi restent difficile. Le contexte actuel, qui contraint à présenter un PEDT pour obtenir des fonds de soutien de l’Etat, devrait permettre d’avancer sur ces points.

    Et maintenant ?

    Le dossier co-éducation et numérique, à peine entrouvert, mériterait d’être creusé, questionné, illustré par des exemples d’activités et de projets non nécessairement menés sur le temps scolaire. Gageons que les prochaines sessions de Ludovia permettront de continuer la réflexion qui s’engage.

    Lien vers le Storify de la table ronde : https://storify.com/2vanssay/table-ronde-co-education-et-numerique

  • Pédagogie en tous lieux, équipements mobiles

    Pédagogie en tous lieux, équipements mobiles

    [info]Rappel de la Problématique :
    Pendant longtemps, la problématique de la mobilité a consisté à s’interroger sur les types de matériels et les services accessibles : notebook, matériels hybrides, accessibilité du matériel à l’ENT, authentification des utilisateurs en classe, connexion aux réseaux des établissements, utilisation du WIFI, etc.
    Aujourd’hui, la question qui se pose avec la mobilité est celle des apprentissages et de l’accès à l’information partout, en tout temps et avec n’importe quel équipement. Dans ce cadre, le programme des collèges préfigurateurs s’engage dans cette logique avec la mise à disposition dés la 5ème, d’équipements individuels mobiles, permettant aux élèves à la fois d’apprendre en classe, mais également en dehors de la classe.
    Dans ce contexte, quid de l’accès aux ressources et aux services (aux ENT), quid de l’organisation spatiale des salles de classe et de l’établissement pour pouvoir travailler par groupes de besoin. Comment s’engager dans une pédagogie différenciée ? Quelle posture pour les enseignants ? Quels travaux proposer aux élèves en classe et en dehors de l’école ? Comment assurer la formation à la citoyenneté numérique ? Comment adapter ou choisir un écosystème numérique en fonction des besoins des équipes pédagogiques et éducatives ?[/info]

    Elodie Maurel, enseignante en lettres à Mirepoix dans l’académie de Toulouse, Marie Soulié enseignante en lettres à Orthez dans l’académie de Bordeaux, Martial Pinkowski enseignant en EPS à Evry dans l’académie de Versailles, David Arderiu enseignant en techno à Albi dans l’académie Toulouse et Max Aubernon chef de projet collèges connectés au ministère de l’éducation nationale, Direction du numérique pour l’éducation nous ont proposé leurs expériences sur le sujet autour de l’animateur et enseignant Jean-Marie Gilliot.

    Synthèse en vidéo avec Jean-Marie Gilliot interviewé par Christophe Batier

    Les intervenants de la table ronde ont expliqué leurs usages au quotidien en démontrant en quoi le numérique est intégré dans leur pratique et en quoi il favorise une forme de mobilité.

    Elodie Maurel, enseignante en collège a présenté son expérience avec ses élèves dans le cadre d’une visite au musée.

    Ses intentions pédagogiques très scénarisées nous ont montré en quoi il était possible d’apprendre en dehors de l’espace physique de l’établissement.

    Par cette expérience, l’enseignante souhaitait s’affranchir des cadres habituels de la visite du musée (visite en troupeau, élève absent par l’esprit de la visite, discours descendant de l’enseignant commentant une oeuvre …). Son scénario est basé sur l’utilisation du smartphone (fonction photographique) pour modifier le regard de l’élève sur une œuvre, sur le musée.

    Martial Pinkowski fait partie d’un groupe d’expérimentation. La mobilité induite par défaut en EPS dans la mesure ou le travail s’exerce dans des lieux diversifiés. Pour Martial, le stade de l’expérimentation est dépassé, il convient désormais de gérer l’autonomie des élèves, de pratiquer le métier en développant la transversalité disciplinaire.
    L’objet central est le développement des compétences chez les élèves. « Si l’élève est autonome alors on peut gérer la différenciation », « il faut que les élèves puissent se saisir des ressources »

    Les usages enseignants

    Ils développent un ensemble d’usages liés à la mobilité (dans et hors la classe) conformes à leurs intentions pédagogiques. On peut citer la réalisation d’audio guide, la modification de la situation de la classe, la visite de musée, les usages des Tice dans la pratique sportive . La tablette numérique est très présente dans ces usages, parce que l’outil s’y prête et parce que les politiques d’équipements (collèges connectés, collèges préfigurateurs) ont largement porté sur l’équipement en tablettes.

    David Arderiu dit que « le nomadisme est vécu au jour le jour dans son collège préfigurateur ».

    La mobilité engagée dans les usages des établissements pose un ensemble d’interrogations :

    • Le suivi et l’observation des projets à fin d’analyse pour une future généralisation

    Des projets divers sont initiés au niveau du ministère, ils portent sur des grands volumes car ils sont développés sur l’ensemble du territoire. Les projets suivis le sont sur la base d’appels à projets. Les budgets qui sont engagés sont partagés entre le financement des équipements et la formation des personnels.

    Le ministère a bien compris que les effets de leviers sont sur le couple équipements et facteur humain.

    Ces projets sont suivis par un ensemble de partenaires comme l’Université, la DANE, les collectivités locales, le Numerilab de la DNE.

    • La possibilité de suivre les effets et conséquences des usages

    Jean-Marie Gilliot pose la question suivante : « Les projets sont-ils publiés et consultables ? » La réponse est non car les profils sont différents.

    • Le passage de l’expérimentation à la généralisation

    Le stade de l’expérimentation n’est pas encore dépassé par tous, il convient d’imaginer comment faire pour convaincre la grande masse des enseignants à s’engager dans des usages mobiles ?

    • Le sourcing, la veille sur les usages

    Cet ensemble d’expérimentations est un mine de renseignements sur le champ des possibles. Comment faire pour capitaliser ce travail d’expérimentation et en retirer des conclusions utiles ?

    Les réponses sont multiples. Il existe un réseau de correspondants qui regarde ce qui se passe dans les classes, cherche à détecter les tendances, analyse ce qui se passe.

    La recherche s’est engagée dans l’observation des usages de terrain ; les DANE sont chargées de cette veille.

    • La formation des enseignants

    L’introduction des pédagogies qui instrumentent les logiques su nomadisme, sont à la fois le fruit des politiques impulsées sur le terrain par les différents acteurs mais c’est aussi une question de formation des nouveaux enseignants. Un représentant de l’anaé pose la question de la formation dans les Espé ? Le débat engagé a montré la sensibilité de la question :

    Les jeunes enseignants doivent apprendre leur métier, ce qui est difficile. La mise en place d’une couche numérique complexifie les processus d’enseignements. Les jeunes enseignants ne souhaitent pas prendre le risque du numérique pour ne pas être destabilisés (machine qui dysfonctionne, élèves plus habiles que l’enseignant etc). Un participant lance l’idée qu’il y aurait des jeunes enseignants « réacs », réfractaires à la technologie.

    L’introduction du numérique et de la mobilité engage les enseignants à être en capacité de justifier leur enseignement.

    Un point a évoqué le champ des possibles de la formation par les pairs. Dans les collèges préfigurateurs, les enseignants plus avancés dans les usages, aident les enseignants désireux de s’engager dans une pédagogie plus instrumentée.

    • Les besoins des élèves

    Nos élèves sont, par essence, dans une configuration mobile ; ils passent d’un lieu à un autre (changement de salle de classe, passage du domicile à l’établissement, temps de transports …). Les équipements mobiles sont en phase avec un mode de vie.

    Les équipements mobiles sont aussi conformes à l’existence d’un savoir qui est présent dans les espaces virtualisés (ENT, banques de données, livres numériques …)

    Plein d’apprentissages se font en dehors de l’école.

    • Partager les matériels

    L’idée émerge qu’il serait possible de mutualiser les équipements des établissements notamment lorsque ceux-ci sont utilisés sur des temps réduits dans une année scolaire.

    • Domicile / école

    Le nomadisme, c’est donner les moyens aux élèves d’emmener le matériel à la maison. Les méthodes pédagogiques comme la classe inversée consistent à demander aux élèves de consulter des ressources avant le cours. Le nomadisme pose donc la question de l’écosystème technologique des domiciles des élèves. Quelles connexions ? Quelle capacité à l’organiser correctement …

    Dans un collège préfigurateur, il est prévu de recourir à une société prestataire de service qui peut aller au domicile des parents pour intervenir en cas de problème technique avéré…

  • Partager le numérique et le détourner, cela va de soi #ludovia12

    Partager le numérique et le détourner, cela va de soi #ludovia12

    « Numérique et éducation, entre appropriations et détournements », tel est le thème de la 12e édition de Ludovia à Ax-les-Thermes, très bientôt.

    Franchement, si vous n’avez rien de mieux à faire en cette fin août, c’est là qu’il faut être, sans aucun doute. C’est magique, du matin au soir.

    Pour ma part, je vais cette année manquer le rendez-vous et j’en suis fort désappointé.

    Pour ma part, pour tout dire, j’éprouve quelques réticences pour accepter cette idée de s’approprier le numérique, en matière d’éducation comme dans d’autres domaines. S’approprier, c’est prendre pour soi, c’est devenir propriétaire, d’une certaine manière, et l’acception me paraît peu compatible avec ce que je sais du numérique et de ce qu’il induit de partage et d’horizontalité réticulaire — clin d’œil à mes complices de Nipédu.

    On peut aussi le comprendre comme une accommodation, une acculturation progressive, une manière d’avancer les bras pour mieux cerner, pour mieux comprendre — com-prendre ? —, pour mieux appréhender… S’il s’agit de cela, j’agrée bien volontiers cette démarche, à condition que les bras qu’on avance puissent rapidement s’ouvrir. Il ne s’agit pas de générosité, il s’agit juste d’enrichissement mutuel.

    Dans ce deuxième sens, oui, il faut s’approprier le numérique, d’accord. Sauf à s’assécher, quand on a soif, il faut boire.

    Le détournement est consubstantiel du numérique, lui aussi. Détourner le numérique est presque un pléonasme. Il en va d’ailleurs du numérique comme de l’innovation, c’est quand ils commencent à s’institutionnaliser — des colloques et salons pour le premier, une journée annuelle pour la deuxième, des services académiques pour tous les deux — qu’il convient d’être à leur sujet encore plus disruptif, comme on dit, voire subversif.

    On voit bien comment cette institutionnalisation est facteur de sclérose quand le numérique consacre et sublime les usages au détriment des pratiques professionnelles et de l’engagement.

    Michel Serres, en réponse à L’Hebdo, dit privilégier les errances, zigzags et bifurcations pour pouvoir, de manière lucide, créer et inventer. L’école n’échappera pas non plus à cette obligation.

    Les tenants rabougris de la fermeture et du repli sur soi et sur des valeurs surannées ont perdu d’avance, soyons-en certains.

    Cette nouvelle édition de Ludovia sera disruptive, j’en fais le pari. Et les zigzags des participants seront plus à mettre au compte des doutes, des hésitations, des volontés de contourner ou de détourner, de « hacker » l’école, peut-être, que des quelques et légers excès de boisson vespéraux.

    À tous, à Aurélie, à Éric, à tous les amis, à tous les autres, je souhaite une superbe nouvelle édition. Je vous embrasse.

    Michel Guillou @michelguillou

    A lire sur http://www.culture-numerique.fr

  • Appropriation & détournements dans le numérique, épisode 3

    Appropriation & détournements dans le numérique, épisode 3

    Je crois que le détournement demande un recul et un niveau de maîtrise et cela ne peut pas être la position de tous vis à vis d’une technologie.

    Après le moment d’appréhension et de « prise de contact », la technologie amène à des réfractions ou à des appropriations  majeures selon le cadre social.

    Pour exemple, l’ordinateur est entré partout dans les moeurs mais les usages qui en sont fait sont complètement différents d’un individu à l’autre.  « Pour certains, c’est une simple machine à écrire numérique ou bien un outil de communication ; pour d’autres c’est un outil de travail ou encore de création « .

    « J’en viens à me poser la question de savoir si le détournement n’est pas une pratique pédagogique majeure« …

  • Appropriation & détournements dans le numérique, épisode 2

    Appropriation & détournements dans le numérique, épisode 2

    S’approprier et détourner une technologie, c’est le mode de fonctionnement d’appréhension des technologies quel qu’elles soient.

    « On aurait pu se poser la même question au moment de l’avènement des technologies de communication à distance comme le téléphone par exemple« .

    « C’est lorsque le médium devient un medium social, partagé par la société, que différents niveaux de pratiques d’appropriation et différents niveaux de pratiques de détournements arrivent ».

    Patrick Mpondo Dicka invite à réfléchir dans ce deuxième épisode sur ces notions d’appropriations et de détournements ; le hacking, par exemple, ne peut être le fait que de personnes initiées. On a par contre, des pratiques généralisées qui dépendent, elles, du milieu social dans lequel les technologies arrivent…