Catégorie : POINT DE VUE

  • Concertation nationale pour le numérique éducatif : l’école, l’enseignant et l’écolier

    Concertation nationale pour le numérique éducatif : l’école, l’enseignant et l’écolier

    Les points de vue et les informations qu’il me plaît de partager résultent d’une vie d’interrogations sur l’éducation et l’apprentissage, d’observations et de réflexions. Je n’ai pas fait de recherches élaborées. Il existe, j’en suis persuadée, quantité de références tout aussi valables que celles indiqués dans mes textes.

    Mon domaine d’intérêt est la formation initiale des écoliers, cet âge qui suit la petite enfance et précède la puberté, c’est-à-dire les huit ans que forment l’élémentaire et les premières années du collège, particulièrement dans le domaine de la formation en science et technologie. Mes interventions traitent, sauf l’occasionnelle exception, de l’usage du numérique par les écoliers de ces niveaux scolaires.

    Ces réflexions sont loin d’être une panacée, elles ne présentent que quelques aspects du sujet. Plusieurs éléments du numérique m’échappent. Mon vocabulaire numérique est rudimentaire, mes connaissances de l’offre en logiciels limitées, et j’ignore tout des éventuels effets de l’omniprésence des ondes sur la santé, entre autres limites.

    Pour terminer cette introduction, je conseille à tous ceux qui se préoccupent de l’usage du numérique en milieu scolaire de consulter le blog de Michel Guillou : Culture numérique, Étonnants microcosme, et particulièrement le deuxième diaporama : « Des pratiques numériques des jeunes aux enjeux pour l’école d’aujourd’hui . . . et de demain » du billet Ma petite contribution à la concertation sur l’école numérique.

    Plusieurs semblent vouloir nier la réalité et aimeraient voir disparaître ce numérique dérangeant.

    Ouvrons grand les yeux. Marchons dans nos rues, utilisons nos transports en commun. Le numérique est là, partout autour de nous. L’école peut tourner la tête, fermer les yeux et rêver d’un autrefois qu’elle imagine mieux que nature. L’école peut aussi être réaliste et se demander comment gérer cette exigeante transition, le passage du passé, non pas au futur, mais du passé au présent.

    L’école

     

    J’ai hésité. Dois-je traiter de l’école au début ou à la fin de cette réflexion? Puis le choix m’est apparu évident, en pensant à Clair, au Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska qui accueille les élèves de la maternelle à la 8e année. Cette petite école rurale, perdue en pleine campagne, reçoit chaque année une délégation internationale d’éducateurs. Clair au Nouveau Brunswick est un exemple « d’école autrement ».

    Clair est un exemple que la techno-pédagogie, c’est au niveau de l’école que ça se passe.

    Clair est devenu ce centre d’inspiration pédagogique grâce au dynamisme du directeur, à son esprit entrepreneurial, monsieur Roberto Gauvin.

    L’innovation et l’implication dans l’usage du numérique est la responsabilité de chaque école. C’est à leur communauté que la direction d’école et les enseignants doivent faire connaître leurs besoins, leurs ambitions. Nous sommes loin de l’époque où l’école était le centre de la culture en milieu rural. Le savoir est partout.

    Si en Afrique, il faut un village pour éduquer un enfant, dans nos sociétés complexes, il faut peut-être un village, un quartier pour créer une école.

    On entend ici et là que « la collaboration » est l’une des compétences fondamentale à développer chez nos écoliers. L’imitation est un des fondements de l’apprentissage. La collaboration entre les enseignants d’une école pour l’usage du numérique est un formidable exemple de collaboration pour les écoliers.

    Puis l’intervention de Mme le Recteur de Montpellier confirme que c’est le dynamisme local qui fera la révolution numérique…

    L’enseignante de sciences au primaire que je suis propose l’analogie suivante :

    Un plan d’eau ne gèle pas d’un bloc. Il y a solidification graduelle de l’eau, les cristaux de glace se regroupent et éventuellement tout le plan d’eau est gelé. Je crois que c’est ainsi que l’on doit concevoir l’appropriation du numérique par les écoles.

    La direction formera avec les enseignants d’une école un groupe d’éducateurs enthousiastes. Deux ans plus tard, on parlera dans la région de cette école différente, exceptionnelle. Les parents des établissements voisins demandent qu’on offre les mêmes avantages à leurs enfants. Peu à peu, le numérique s’installe partout. C’est au niveau local que se fera le passage vers ce nouveau modèle éducatif.

    L’enseignant

     

    Qui se souvient du contenu de ses cours de 6ème ?
    Mais tous gardons souvenir du maître borné qui n’a que réussi à nous faire détester la géographie ou la physique mais aussi du maître inspiré qui par sa sensibilité, son intelligence et son enthousiasme a touché notre esprit, éveillé notre intérêt.

    L’éducateur inspirant pour l’un sera d’un mortel ennui pour l’autre. Plus que par son savoir, c’est par sa personnalité qu’un éducateur réussira à « éduquer » et il n’y a pas de recette miracle. Ce qui n’est pas mal en soi, car ça donne la chance à chacun d’entre nous d’être inspirant.

    Éduquer demeure une relation humaine, malgré tout le e-learning.

    Briser l’isolement

    « Régis Forgione, qui a compris les vertus du partage, rêve d’« une salle des professeurs à l’échelle mondiale pour partager… coopérer , s’entraider ». Et bien, cher monsieur Forgione voici quelques sites qui répondent à votre rêve :

    Les « TIC en éducation » un groupe Facebook d’échange et de partage des ressources pour enseignants branchés.

    Tapez ChallengeU à partir du moteur de recherche Chrome de Google et vous n’avez qu’à vous inscrire pour devenir membre d’une communauté d’enseignants passionnés. C’est gratuit.

    Ces vidéos présentent des tutoriels sur Youtube :
    https://www.youtube.com/watch?v=eB9Vr2ymgT
    https://www.youtube.com/watch?v=LD7HYwAN4AE

    « Enfin, il faut rappeler qu’une bonne ressource est une ressource qui circule et qui, de cette manière, s’enrichit de sa mise en œuvre successive dans des situations d’apprentissage différentes. Ainsi, vouloir la stocker, comme le proposent certains sans doute parce qu’ils y trouvent du confort, est une erreur et vient en contradiction avec les valeurs du partage ou de la diffusion énoncées par ailleurs », culture numérique.

    ChallengeU répond à ce désir de partage. Pourquoi réinventer la roue?

    Parfois, un enseignant partage ses découvertes et d’autres, comme le site Edulogia.com de Sébastien Wart, tentent de mettre un peu d’ordre et offrir « des exemples inspirants pour aider à l’intégration des technologies en éducation ».

    Les Logiciels de gestion de classe

    Il existe plusieurs logiciels de gestion de classe où l’enseignant écrit les noms de ses élèves (et peut aussi y placer leurs photos), note leur présence en classe, les travaux qu’ils ont réalisés, leurs résultats, communique directement avec les parents par courriel, etc

    Outre ceux proposés par monsieur Bouthiette ci-dessus, l’Apps i Doceo, un carnet de notes fonctionnel et payant pour iPad disponible par App Store m’a été fortement recommandée par une enseignante heureuse utilisatrice.

    Google Classroom a ses heureux usagers inconditionnels…et plusieurs autres.

    Entrer les informations sur l’une ou l’autre de ces applications demande beaucoup de temps au début, parfois plusieurs heures. Cependant cet investissement rapporte à long terme car quantités de tâches de gestion de classe s’en trouvent facilitées.

    Lʼécolier : celui qui est au centre au processus éducatif.

     

    Mettre carte sur table

    Dès le début de lʼannée scolaire ou de lʼintroduction des outils numériques dans une classe, Pierre Gagnon, directeur de la formation chez ChallengeU et qui enseignait il y a quelques années une classe cinquième année du primaire très « branchée » insiste sur lʼimportance de mettre les élèves au fait de ce que lʼon attend dʼeux. Prendre le temps nécessaire et faire devant la classe une présentation magistrale, précise et détaillée du rôle et des responsabilités de lʼécolier.

    Selon leur âge, car il est bon de reprendre ce discours à chaque année scolaire, présenter les lois applicables à lʼusage du numérique incluant le respect de la propriété intellectuelle, présenter les lignes directrices et les politiques de la classe et de lʼécole dans ce domaine. Proposer un contrat dʼengagement qui sera signé par le parent et par lʼélève.

    Cinquante enseignants se sont confiés à Brigitte Léonard sur les avantages et difficultés liés à lʼusage des tablettes en classe, un compte-rendu à lire.

    La recherche d’équilibre

    Au-delà de la formation « au » et « par » le numérique, lʼéducation de base doit aussi contrebalancer le virtuel omniprésent dans le quotidien des écoliers.

    Lʼenfant ne joue plus avec les copains, il discute sur Facebook, Twitter, Instagram, . .. Il ne construit plus des châteaux de carton dans les terrains vagues, il joue sur iPod au chevalier qui attaque des ennemis virtuels ou des cochonnets voleurs dʼoeufs. Il ne pêche plus à la ligne, il pêche le thon dans les eaux virtuelles de son iPad.

    Lʼécole dʼaujourdʼhui doit donc favoriser lʼapprentissage concret, encourager lʼécolier à mettre « La main à la pâte ». Lʼétude des sciences et des technologies favorise particulièrement ce type dʼapprentissage qui stimule la réflexion de lʼécolier et éveille son esprit critique.

    Lʼattachement à sa terre devrait être favorisée, les sorties éducatives dans le quartier pour apprendre que Réaumur, Anatole France ou Louis Aragon ne sont pas uniquement des stations de métro, lʼagriculture urbaine, la cuisine et la couture, le dessin et la calligraphie, la culture, lʼarchitecture et la flore locales sont autant dʼapprentissages à remettre en valeur. . .

    Le pas en avant que force le numérique doit être égalisé par un pas en arrière, le « fait numérique » équilibré par le « fait main », lʼaccès à « tous les savoirs » par lʼinitiation aux démarches qui ont mené à ces savoirs : lʼévolution de la pensée scientifique, lʼévolution de la pensée littéraire, les grands explorateurs, les cultures primitives, . . .

    Il est bon ton de rappeler aux écoliers leurs besoins essentiels : de lʼair, de lʼeau, de la nourriture, un lieu où se reposer, des vêtements pour se protéger des éléments et puis quelques « réelles » personnes agréables avec lesquelles on peut devenir ami.

     

    Retrouvez Ninon Louise dans un nouvel épisode « L’éducation au numérique ».

  • Citoyens multilingues, société multiculturelle

    Citoyens multilingues, société multiculturelle

    Quelques réflexions sur le vécu bilingue et biculturel et ses avantages éducatifs.

    Je ne suis ni expert ni chercheur et je ne vous propose pas de résultats d’une recherche scientifique. J’enseigne depuis 30 ans dans des communautés diverses et je vous propose ma perspective personnelle et professionnelle. Mon vécu bilingue et biculturel n’est pas unique, en fait c’est l’expérience majoritaire dans tous les établissements ou j’ai travaillé.

    Mon récit personnel n’a rien de remarquable. Il commence avec le fait que j’ai une mère française et un père anglais. Cela parait simple, mais cette mère française est Corse et ce père anglais est d’origine écossaise d’un coté et huguenot français de l’autre. Déjà, la perspective se déplace du centre vers la périphérie. Corses, écossais et huguenots partagent une perspective minoritaire. Ils sont d’outre frontière, ils ont lutté pour se faire entendre et pour avoir accès au langage du pouvoir.

    J’ai été éduqué à Londres, un des plus puissants centres de gravité humains du monde. Londres, ce grand creuset métropolitain ou tout le monde est un étranger, ou chacun peut a la fois se perdre et se trouver. Mais j’étais tout aussi à l’aise au village en Corse ou je passais les grandes vacances. Un village ou l’on ne peut pas se perdre, ou les maisons sont ouvertes à tous, ou tout le monde se connaît et connaît les affaires des autres.

    J’étais donc bilingue, avec comme outils, deux langues indispensables qui me permettaient de me débrouiller dans ma ville, Londres, dans mon école, un lycée français et de pouvoir communiquer avec mes amis et tous les membres de ma famille. Je faisais la transition entre ces langues sans effort, me servant des ressources lexiques pour m’exprimer. Il n’était jamais question de traduction, seulement de choix d’expression dans une ou l’autre de ces langues.

    Si on m’avait demandé : ‘tu penses en Anglais ou en Français ?’ je ne pourrais que répondre : ‘les deux’ ou ‘ni l’un ni l’autre’.

    J’étais conscient de la culture et du rapport entre langue et culture. Certaines façons de voir les choses ou de faire les choses s’annonçaient clairement : français, anglais, corse…Mes lectures étaient différentes : Tintin et Astérix en Français, E.Nesbit et Richmal Crompton en anglais entre-autres. Mes parents avaient un cercle d’amis du monde entier, ce qui me démontrait au quotidien que les gens voient les choses, font les choses, expriment les choses de façon très différente et que chaque perspective a de valeur égale.

    On ne m’a jamais sermonné sur le besoin de respecter les autres. Le respect des autres était la norme dans la cadre de toutes les relations sociales. Il m’était évident que la différence était toujours intéressante et méritait toujours notre attention. Une perspective xénophile si vous voulez. J’ai eu très peu de contact avec des propos xénophobes et quand cela m’est arrivé j’étais assez choqué. J’ai compris éventuellement d’où cela provient et à quoi cela peut mener.

    Je suis donc bi-culturel et bi-lingue mais les passions de mes parents pour les cultures africaines et asiatiques ont créé chez nous un environnement multi-culturel et multi-lingue. J’ai été élevé dans un contexte stable mais riche en différence, à la fois très sûr et aussi très stimulant ; une bonne base pour s’ouvrir à tout ce que le monde peut offrir.

    Tout cela m’a semblé très normal mais je suis bien conscient d’avoir eu de la chance.

    Il me semble que la base de tout apprentissage est l’association du connu et de l’inconnu. Pour apprendre il faut aller vers l’inconnu, ce qu’on ignore. Nous nous servons de nos connaissances pour appréhender ce nous ne connaissons pas encore, pour construire des hypothèses et pour les évaluer contre la réalité qui nous confronte.

    Pour vraiment apprendre il faut aller chercher la différence, changer de position et voir les choses autrement, prendre une nouvelle perspective. Pas toujours facile, mais toujours éducatif.

    Devenu adulte, je n’ai pas bien maintenu mon bilinguisme, mais récemment j’ai eu le plaisir de rencontrer de nombreux collègues français et j’ai été intervenant et conférencier en France sur l’éducation. Il m’a fallu faire l’effort de communiquer mes idées plus aisément en français. L’effort de traduction a été lui-même un apprentissage. Cela m’a permis de réfléchir, et m’a obligé à questionner de que je veux dire et la précision de notre vocabulaire, autant en anglais qu’en français.

    Donc, par exemple, apprendre c’est ‘to learn’ et l’apprentissage c’est ‘learning’ mais en Anglais ‘apprenticeship’ s’applique plutôt à la formation. La ‘formation professionnelle’ c’est ‘vocational training’ qui signifie un processus plutôt répétitif. Nous n’avons pas d’adjectif ‘solidaire’ en Anglais ; ‘solidaristic’ nous semble un peu maladroit.

    Pourrions-nous parler de ‘valeurs républicaines’ en Angleterre sans être accusés de haute trahison? Et ces valeurs ressemblent-elles à nos ‘British values’?

    Et les Français ont une expression: ‘projet de société’. Comment traduire en anglais ce sentiment de vouloir un monde meilleur sans sembler utopique? Et surtout, il y a l’idée de l’Education Nationale autour de laquelle la nation se rassemble et qui se débat passionnément. Nous sommes bien fiers de notre ‘National Health Service’ mais malheureusement nous avons peu d’espoir de pouvoir créer un National Education Service.

    Toutes ces traductions ne s’appliquent pas seulement aux mots, ce sont des traductions d’idées, de perspectives et d’émotions dans le cadre d’une culture. Se prononcer dans une autre langue c’est changer la pensée et repenser les objectifs.

    Où se situe l’identité là-dedans?

    Nous construisons notre identité chacun le long de notre vie. Elle est fluide et elle est formée pas nos relations avec les autres, toujours provisoire, une œuvre en progrès, pleine de conflits et de dialectique. C’est un dialogue avec nous-mêmes et avec le monde.

    Il nous faut préserver une identité ouverte et mutable. Il faut se méfier de la politique intransigeante de l’identité fixe et de ceux qui sont convaincus que leur assemblage particulier de valeurs et de perspectives est supérieure aux autres et qui ont perdu la capacité de prendre un pas a côté pour voir le monde d’un autre point de vue.

    Ce n’est pas un souci théorique. Le chef du quatrième parti Britannique s’est plaint l’année dernière de se trouver mal à l’aise quand il n’entend que des langues étrangères dans les transports publics. Plus récemment il a proposé que les enfants d’immigrés perdent leurs droits de scolarité pendant 5 ans. Cela témoigne d’une méfiance envers l’autre et d’un désir qu’il ne se montre pas, qu’il soit exclu de l’éducation et de la vie en commun. Pas besoin d’aller chercher très loin pour comprendre les sentiments qu’il espère encourager.

    En réalité, quand nous rencontrons l’autre, plutôt que de s’obséder sur les différences nous cherchons d’abord ce que nous avons en commun; une langue, une passion, un rapport historique, des intérêts communs. A la base nous sommes tout d’abord des très humains et nous pouvons partager notre humanité commune. Nous savons tous ce qu’est la vie, le désir, la tristesse.

    Je citerai le poète Indien Rabindranath Tagore qui décrit si bien ce que nous désirons peut-être dans son poème Gitanjali : « Là où l’esprit est sans crainte et où la tête est haut portée ; Là où la connaissance est libre ; Là où le monde n’a pas été morcelé entre d’étroites parois mitoyennes ; Là où les mots émanent des profondeurs de la sincérité ; Là où l’effort infatigué tend les bras vers la perfection ; Là où le clair courant de la raison ne s’est pas mortellement égaré dans l’aride et morne désert de la coutume ; Là où l’esprit s’avance dans l’élargissement continu de la pensée et de l’action » (traduction d’André Gide)

    Je citerai aussi en exemple le projet Ponte-Cultura qu’anime ma sœur et qui organise des stages de musique ou les jeunes Corses et Anglais se rencontrent et partagent leur apprentissage musical et culturel.

    Vivre le multilinguisme et le multiculturalisme, c’est dépasser nos différences. L’étudiant multiculturel et xénophile est conscient de son identité plurielle, il reconnait la différence en soi-même et comprend l’autre par ce qu’après tout l’autre c’est aussi lui.

    Mais ce vécu n’est pas unique aux multilingues. Chacun peut être multilingue et multiculturel. Nous pratiquons des lexiques différents et nous jouons des rôles différents dans des contextes différents. Nous sommes tous capables d’aller vers l’autre et d’adopter une nouvelle perspective parce que nous avons tous nos identités uniques, différentes et plurielles.

    Il nous faut simplement refuser d’être prisonniers d’une seule perspective, une seule identité ou une seule voix. Il nous faut simplement rejeter les catégories étroites et les stéréotypes culturels. Ils seront suivis par l’ignorance, le mépris, la haine et la division.

    N’ayons pas peur, célébrons notre diversité, notre multilinguisme et notre multiculturalisme, en commun et en tant qu’individus. C’est là que nous trouverons notre apprentissage de la vie en commun.

    Discours à l’ occasion de la présentation des Palmes Académiques, à NewVIc, Londres le 18 Mars 2015.

  • Collaborer, partager et échanger : des notions familières chez les jeunes et pourtant…

    Collaborer, partager et échanger : des notions familières chez les jeunes et pourtant…

    [callout]Sommes nous condamnés à apprendre tout au long de la vie ? Comment développer notre Environnement Personnel d’Apprentissage et de Développement dans un contexte numérique ? Collaborer n’est-ce pas une composante essentielle de l’apprendre enrichie par les outils numériques ?
    A partir des aptitudes initiales de l’enfant à apprendre, à collaborer, à s’organiser, les moyens numériques offrent de nouvelles opportunités de développement de chacun. Or le système scolaire, marqué par l’empreinte du livre et de la forme scolaire, semble s’opposer aux deux dynamiques, celle du développement propre de l’enfant et l’envahissement progressif de la sphère sociale par le numérique. Malgré le volontarisme des décideurs, l’organisation scolaire a encore bien du mal à généraliser, à banaliser le numérique. Or le système scolaire ne peut pas, ne doit pas laisser l’opportunité de ces évolutions s’il veut continuer à garder son rôle dans la société.[/callout]

    Les trois vidéos proposent trois champs de réflexion, parmi d’autres, qui peuvent inciter les acteurs de l’éducation à faire avancer non seulement la réflexion collective, mais surtout les actions concrètes du plus grand nombre. En prenant conscience des enjeux qui se révèlent de plus en plus clairement, chaque éducateur aura à coeur de faire évoluer ses pratiques et de les partager avec les autres.

    Dans cette troisième vidéo, Bruno Devauchelle propose une réflexion sur les notions de collaboration et d’échanges e sur « l’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes ».

    Les jeunes aiment interagir pour apprendre ; ainsi, un petit enfant interagit avec ses proches puis dans la cour de récréation, il interagit avec les autres.

    On dit même que la socialisation est un élément important du travail de développement de la personne.

    Avec l’arrivée des nouvelles technologies, les gens se sont mis à rêver qu’elles pourraient permettre encore plus d’échanges ; de là, les emails ou encore les forums, se sont développés.

    « Nous nous sommes donc rendus compte que les jeunes utilisaient ces nouveaux moyens pour enrichir leur propre expérience, partager ce qu’ils faisaient et interroger ».

    « L’élève qui, en classe, n’ose pas lever le doigt, est le même qui va poser des questions via les réseaux ou forums en tout genre », souligne Bruno Devauchelle. Il tient à démontrer que les jeunes ont envie de partager mais qu’en même temps, « le modèle de la scolarisation est un modèle porté sur l’individu et la réussite personnelle ».

    Comment faire en sorte que cette envie de partage chez les jeunes soit mise à profit pour leurs apprentissages ?

    Nous ne sommes pas encore passés à l’étape où mettre à disposition ce que je fais, partager, échanger, aller voir ce que font les autres et me l’approprier, est quelque chose de naturel.

    Bruno Devauchelle est persuadé que ces échanges existent déjà entre jeunes, depuis qu’ils sont tout petits, et il se pose la question de savoir comment un système académique, scolaire ou universitaire peut mettre à profit cette capacité.

    Sur la notion d’échanges et de partage, Il donne l’exemple d’étudiants de l’Ecole Polytechnique de Lausanne qui ont demandé à avoir une salle à disposition pour qu’ils puissent visionner à plusieurs, les vidéos d’un MOOC ; une sorte de condition pour qu’ils acceptent de suivre le MOOC…« Car ils savent que l’entraide, c’est le meilleur moyen de se développer et de progresser », souligne Bruno Devauchelle.

    Pourquoi notre système scolaire reste fondé sur la réussite individuelle et est très en difficultés dès lors que l’on fait du travail de groupe ? Pourquoi ne valorise t-on pas davantage les activités collectives en projet ou simplement en réflexion alors qu’on en connaît le bienfait ?

    Voici les questions que Bruno Devauchelle se pose et soumet à notre réflexion dans ce dernier épisode.

  • L’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes, c’est quoi ?

    L’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes, c’est quoi ?

    [callout]Sommes nous condamnés à apprendre tout au long de la vie ? Comment développer notre Environnement Personnel d’Apprentissage et de Développement dans un contexte numérique ? Collaborer n’est-ce pas une composante essentielle de l’apprendre enrichie par les outils numériques ?
    A partir des aptitudes initiales de l’enfant à apprendre, à collaborer, à s’organiser, les moyens numériques offrent de nouvelles opportunités de développement de chacun. Or le système scolaire, marqué par l’empreinte du livre et de la forme scolaire, semble s’opposer aux deux dynamiques, celle du développement propre de l’enfant et l’envahissement progressif de la sphère sociale par le numérique. Malgré le volontarisme des décideurs, l’organisation scolaire a encore bien du mal à généraliser, à banaliser le numérique. Or le système scolaire ne peut pas, ne doit pas laisser l’opportunité de ces évolutions s’il veut continuer à garder son rôle dans la société.[/callout]

    Les trois vidéos proposent trois champs de réflexion, parmi d’autres, qui peuvent inciter les acteurs de l’éducation à faire avancer non seulement la réflexion collective, mais surtout les actions concrètes du plus grand nombre. En prenant conscience des enjeux qui se révèlent de plus en plus clairement, chaque éducateur aura à coeur de faire évoluer ses pratiques et de les partager avec les autres.

    Dans cette deuxième vidéo, Bruno Devauchelle propose un éclairage sur « l’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes ».

    Dans les lycées professionnels et Bruno Devauchelle prend l’exemple d’un enseignement en lycée hôtelier, on demande aux jeunes de gérer leur poste de travail, « dans l’espace et dans le temps, gérer tout ce qui se passe ».

    « Finalement, lorsqu’on fait du travail intellectuel, n’a t-on pas aussi un poste de travail à gérer » ?

    L’EPA (Environnment Personnel d’Apprentissage) est en quelque sorte le poste de travail intellectuel. Ceci n’est pas nouveau, explique Bruno Devauchelle et « il est plus ou moins riche selon les individus ; pour certains il y a des livres, il y en a dans la tête ; il y en a un peu partout » et il cite Michel Serres.

    Cette réflexion amène Bruno Devauchelle à nous expliquer que cet EPA a évolué à cause du numérique ; c’est pour cela qu’il le nomme désormais « environnement personnel techno-cognitif » : cognitif pour définir la connaissance et techno car, d’après lui, le numérique et toutes les technologies qui y sont associées ont plus d’importance dans l’environnement personnel de chacun que le livre ne l’était.

    Je suis contraint dans ma pratique par la force technologique alors que le livre était un environnement relativement stable.

    L’environnement technique d’accès à l’information et à la communication est complexe, ce qui nécessite de penser à développer chez les jeunes comme chez les adultes, leur environnement techno-cognitif ; ce qui signifie, « comment maîtriser d’un côté les connaissances et de l’autre côté, maîtriser les technologies qui vont permettre de cheminer vers ces connaissances », explique Bruno Devauchelle.

    Et c’est là où, d’après lui, le bât blesse car les structures scolaires, par exemple, ne sont pas du tout adaptées à cela.

    Bruno Devauchelle évoque la solution du BYOD, pour remédier aux lacunes en matériel dans les établissements, bien qu’il n’affectionne pas particulièrement l’acronyme utilisé. Mais l’avantage qu’il voit à ce que les étudiants amènent leur appareil personnel, c’est qu’ils ont déjà construit leur environnement techno-cognitif avec cet outil.

    « On voit bien qu’il y a là un potentiel d’inventivité pour les enseignants et pour les établissements mais qui ne doit pas se réduire à l’environnement scolaire ».
    La réflexion devrait donc plutôt aller vers un usage de l’outil personnel dans la vie quotidienne qui puisse permettre d’être dans cette société apprenante.

     

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  • Socrate et le numérique

    Socrate et le numérique

    Par Principal of Newham Sixth Form College (NewVIc) East London

    Il considérait que la parole écrite était inflexible: le discours « vivant » est dynamique et prêt à être découvert et interrogé par le dialogue. Dans le discours « mort » de la parole écrite, les mots semblent nous parler comme s’ils étaient eux-mêmes intelligents. Une fois écrits, ils continuent à raconter la même chose pour toujours, quoique nous en pensons. Les mots écrits sont susceptibles d’êtres confondus avec la réalité et les lecteurs peuvent obtenir la fausse impression de bien comprendre quelque chose quand ils ne font que commencer à le comprendre.

    Il considérait que l’écriture détruirait la mémoire : l’effort de mémoire permet la transmission orale et préserve une mémoire culturelle tout en améliorant la compréhension personnelle de chacun. Le lecteur ne peut pas s’approprier le texte sur une page comme il le peut avec celui qu’il a mémorisé.

    Il considérait que nous perdrions la maîtrise de la langue : la lecture représente une perte de contrôle de nos connaissances. On ne peut pas savoir qui va lire notre texte et comment cette lecture sera interprétée. Une fois qu’une chose est écrite elle peut tomber dans les mains de ceux qui la comprennent tout aussi bien que de ceux qui n’en comprennent rien. Le texte ne peut pas s’adapter pour répondre aux différents besoins des différents publics et quand il est maltraité, il ne peut pas se défendre. Les dérives sont possibles de tous les côtés.

    Socrate ne nous a pas laissé d’écrits, mais heureusement que son disciple Platon avait moins de scrupules, ce qui nous permet d’avoir un compte-rendu des meilleurs arguments Socratiques.

    Plus de deux mille ans plus tard, sommes nous en mesure de répondre aux préoccupations de Socrate ?

    L’écrit est devenu un élément essentiel de la transmission culturelle et nous dépendons tellement de la parole écrite qu’il est impossible d’imaginer notre monde sans elle.

    Face à un Socrate du 21eme siècle, nous pourrions commencer par rappeler qu’il est inconcevable aujourd’hui qu’un individu ou même un groupe puisse acquérir toutes les connaissances humaines. Nous pourrions lui expliquer la nécessité absolue d’avoir des textes écrits pour pouvoir rassembler la totalité de nos connaissances contemporaines dans une forme capable d’être partagée et comprise par nos concitoyens de la république humaine des connaissances.

    Nous pourrions également lui démontrer que l’avancée de l’écrit n’a étouffé ni le dialogue ni le débat, il en est en fait le principal moyen.

    C’est généralement en langue écrite que nous proposons, que nous partageons et que nous contestons nos idées nouvelles. On pourrait convenir que l’écrit est sujet aux abus, y compris ceux que l’auteur n’aurait pas pu prévoir, mais on pourrait aussi montrer que le développement de l’alphabétisation généralisée et la lecture critique peuvent protéger contre ces abus.

    Bien que la mémoire n’a pas été détruite, nous apprenons beaucoup moins par coeur qu’autrefois et la pratique routine de la mémoire est bien moins valorisée hormis à des fins très spécifiques. Nous avons remplacé la mémoire par une gamme de compétences de recherche sophistiquée qui nous aide à sélectionner précisement ce dont nous avons besoin parmi la masse des sources écrites disponibles et à en évaluer la validité. Le plaisir d’apprendre un poème, une chanson ou une citation préférée par cœur est toujours à notre disposition et même si nous ne récitons plus les grands poèmes épiques notre mémoire nous sert quotidiennement dans toutes sortes de situations complexes.

    L’inquiétude de Socrate au sujet de l’impact négatif d’une nouvelle technologie de communications a été réitéré à chaque cycle suivant de révolution en communication.

    L’imprimerie encouragerait-elle une propagation de l’hérésie et appauvrirait-elle la culture? La photographie et puis le cinéma entraîneraient-ils la fin de la peinture et du théâtre? Le téléphone et l’email détruiraient-ils l’art d’écrire? A chaque étape certains craignent que les pertes l’emporteraient sur les gains, mais une fois qu’une nouvelle technologie de communication s’implante et mûrit, nous trouvons éventuellement qu’elle renforce les interactions humaines et qu’elle permet aux anciennes technologies de s’adapter et de trouver un nouveau rôle.

    Nous sommes aujourd’hui en pleine révolution de la communication.

    La connectivité mondiale à grande vitesse entre les individus, la création de ressources accessibles, interrogeables et interactives intégrant l’image, le son et l’écrit ; tout cela nous offre de merveilleuses possibilités éducatives. Les enseignants ont toujours été soucieux d’appliquer les nouvelles techniques pour renforcer l’apprentissage, mais il faut du temps pour percevoir leurs avantages.

    Ceux d’entre nous qui ont vécu l’introduction des premiers ordinateurs en classe se souviendront qu’ils nous offraient très peu de valeur éducative. L’incorporation technologique nécessite un temps de scepticisme, d’expérimentation et de réflexion.

    En tant qu’enseignants, nous devons incorporer ces nouvelles technologies dans notre boîte à outils tout en posant le même genre de questions que poserait Socrate : Que risque t’on de perdre? Quels aspects des anciennes technologies faudrait-il préserver ?

    Dans leur essai Questions for a Reader dans la collection Stop what you’re doing and read this (Vintage 2011) Maryanne Wolf et Mirit Barzillai décrivent certains des défis du numérique pour le lecteur contemporain :

    « Les lecteurs de demain apprendront-ils à ne réclamer que la simplicité, la rapidité et l’explication par un autre ? Ou seront-ils plongés dans l’innovation technologique, devenus habiles à faire le triage et l’évaluation critique de différents types de lecture en fonction de leurs intérêts et de leur but ; recherche, compréhension? …La souplesse du texte numérique…pourrait-elle améliorer l’expérience de la lecture pour les lecteurs, les propulsant vers un engagement plus profond avec le texte, ou est ce que tout cela ne fera que multiplier les distractions? »

    Selon Wolf et Barzillaï, pour réussir leur apprentissage, les étudiants auront besoin de : 

    « connecter des compétences de lecture profonde aux compétences de traitement de l’information afin d’être en mesure d’utiliser les ressources et les plates-formes du 21ème siècle judicieusement. La tâche est de comprendre comment le faire. »

    Le numérique n’est pas une mode passagère ou une tentative de pertinence. Nous ne voulons pas niveler vers le bas pour atteindre une génération en-ligne avec leur prétendue courte durée d’attention.

    Les enseignants qui connaissent bien leur sujet, qui ont des objectifs clairs et qui comprennent l’apprentissage doivent développer et sélectionner les meilleurs matériaux possibles et s’en servir intelligemment pour renforcer l’acquisition des connaissances et de la compréhension approfondie. Ils doivent également se servir du numérique pour partager leurs bonnes pratiques pédagogiques et éviter de réinventer la roue.

    Tout en faisant cela, nous devons rappeler que pour un apprentissage réussi, il faut pouvoir se concentrer, penser, parler, écouter, lire et écrire en profondeur. Par conséquent, nos objectifs pour le numérique doivent êtres ambitieux.

    Nous voulons que nos étudiants puissent naviguer l’internet pour les commentaires et les sommaires de livres mais aussi qu’ils puissent lire des livres entiers et et en former leur propres opinions. Nous voulons qu’ils puissent tweeter mais aussi qu’ils puissent écrire une bonne rédaction, qu’ils puissent critiquer leurs études avec leurs camarades tout en s’engageant dans un effort personnel soutenu.

    Bref, nous devons développer des étudiants qui peuvent maitriser tous les moyens à leur disposition pour enrichir leur apprentissage et leur vie.

    Il se pourrait bien que l’exploitation du numérique par des enseignants experts et créatifs puisse les libérer et leur permettre d’engager leurs étudiants de plus en plus en dialogue « Socratique ». Le grand philosophe approuverait certainement.

     

  • Les jeunes sont-ils condamnés à apprendre?

    Les jeunes sont-ils condamnés à apprendre?

    [callout]Sommes nous condamnés à apprendre tout au long de la vie ? Comment développer notre Environnement Personnel d’Apprentissage et de Développement dans un contexte numérique ? Collaborer n’est-ce pas une composante essentielle de l’apprendre enrichie par les outils numériques ?
    A partir des aptitudes initiales de l’enfant à apprendre, à collaborer, à s’organiser, les moyens numériques offrent de nouvelles opportunités de développement de chacun. Or le système scolaire, marqué par l’empreinte du livre et de la forme scolaire, semble s’opposer aux deux dynamiques, celle du développement propre de l’enfant et l’envahissement progressif de la sphère sociale par le numérique. Malgré le volontarisme des décideurs, l’organisation scolaire a encore bien du mal à généraliser, à banaliser le numérique. Or le système scolaire ne peut pas, ne doit pas laisser l’opportunité de ces évolutions s’il veut continuer à garder son rôle dans la société.[/callout]

    Les trois vidéos proposent trois champs de réflexion, parmi d’autres, qui peuvent inciter les acteurs de l’éducation à faire avancer non seulement la réflexion collective, mais surtout les actions concrètes du plus grand nombre. En prenant conscience des enjeux qui se révèlent de plus en plus clairement, chaque éducateur aura à coeur de faire évoluer ses pratiques et de les partager avec les autres.

    La question « Les jeunes sont-ils condamnés à apprendre ? » doit être posée dans le contexte actuel du développement du numérique.
    Si on prend l’exemple d’un enfant tout petit, il essaie d’apprendre dans son environnement ; à 1 an, si il voit sa mère avec le téléphone portable à l’oreille, il essaie de l’imiter.

    « Cela signifie que dès le plus jeune âge, l’enfant se retrouve dans un univers dans lequel il apprend » ; c’est ainsi que Bruno Devauchelle pose les bases de sa réflexion.

    « Et puis, petit à petit, il va rentrer dans le système scolaire où on va lui dire : attention, apprendre, ce n’est pas ce que tu as fait jusqu’à présent ».

    A son arrivée à l’Ecole, le jeune découvre le décalage entre son mode d’apprentissage inné et celui que le système scolaire va lui imposer.

     

    « A partir de là, être jeune et devenir adulte, ce n’est plus se limiter à cet espace réduit », souligne Bruno Devauchelle.

    Il se demande si la société ne tente pas de mettre à profit cette évolution et donc d’exiger que nous apprenions tout au long de la vie.

    Avec les MOOCs et la classe inversée, ces deux exemples sont parlants.

    L’enseignant demande de faire le travail à la maison, du moins d’apprendre les leçons et pourquoi pas en invitant les élèves à regarder des vidéos réalisées par lui, entrain d’expliquer un cours ; « sauf que l’élève va peut-être regarder deux minutes puis après, il est possible qu’il s’ennuie un peu, d’autant plus selon la qualité de la vidéo », précise Bruno Devauchelle.

    Travailler à la maison : « avec la classe inversée, c’est obligatoire et avec les MOOCs, n’en parlons pas » ! « Et avec l’ENT, ils vont même pouvoir me suivre et tracer tout ce que j’ai fait et à quel moment », ajoute t-il.

    Autrement dit, on va être condamner à apprendre sous surveillance.

     

    Dans le même temps, les jeunes continuent à se développer dans leur monde, avec leurs amis, avec les réseaux, etc ; « ils essaient d’échapper à ce monde imposé et ils se rendent compte qu’il y a un décalage ».

    De ces constats, Bruno Devauchelle en conclut que « nos jeunes ne sont pas préparés à une société de l’apprenance et pourtant, on veut leur imposer d’apprendre tout au long de la vie pour pouvoir s’adapter et continuer à survivre ».

    Il est temps de réfléchir à des solutions nouvelles à l’intérieur de systèmes formels comme ceux de l’Ecole.

    « Mais aussi dans la gestion des carrières pour permettre qu’apprendre ne soit pas une douleur, ne soit pas une punition mais soit, au contraire, un flux naturel qui se fait tout au long de la vie ».

  • Le numérique en questions : une perspective anglaise par Eddie Playfair, chef d’établissement

    Le numérique en questions : une perspective anglaise par Eddie Playfair, chef d’établissement

    Bus in London

    Par Principal of Newham Sixth Form College (NewVIc) East London

    Nous ne sommes qu’au début d’une transformation de la communication et de la connectivité humaine. Les possibilités du partage et de la démocratisation des savoirs sont immenses. Pour comprendre l’effet de cette transformation dans le cadre de l’éducation il faut d’abord comprendre son effet social et global.

    Nous avons vécu d’autres révolutions de la communication, avec l’écrit, l’imprimerie et l’audiovisuel, et nous avons certains repères pour comprendre les défis. Par exemple, au début de la révolution de la langue écrite, Socrate avait prévenu que l’écrit était inflexible par rapport à l’oral, qu’il détruirait la mémoire et que nous perdrions notre maitrise de la langue.

    Ce genre d’inquiétude a été réitéré à chaque révolution de la communication et à chaque fois,

    on peut constater que les nouvelles technologies élargissent l’accès aux connaissances et approfondissent les interactions humaines et que les anciennes technologies ne se perdent pas mais trouvent de nouveaux rôles.

    Plusieurs d’entre nous ont vécu l’époque de l’introduction des premiers ordinateurs dans l’éducation. Il faut rappeler que, confronté à ces nouveaux outils, on s’est demandé à quoi ils pourraient bien servir en classe.

    Maintenant, nous sommes inquiets que nos étudiants ne puissent réclamer que le divertissement et la simplicité de leur lecture en ligne. Pourtant il est bien possible de créer des matériaux qui encouragent un effort de concentration, un apprentissage en profondeur, la collaboration et la créativité en commun.

    Ces matériaux ne sont pas toujours d’origine pédagogique. J’observe, par exemple, la popularité du site Wattpad qui permet aux jeunes abonnés de partager leur esquisses et leurs avant-projets de roman, de critiquer et de répondre aux critiques et de trouver un public global qui apprécie leurs essais.

    Une perspective anglaise

    Il faut d’abord préciser qu’en Angleterre nous n’avons pas de système national. Chaque établissement existe comme une entreprise dans un marché plus ou moins compétitif et nous sommes surtout jugés sur les résultats de nos étudiants.

    Newham est un quartier défavorisé qui a bénéficié d’immenses investissements infrastructurels, une régénération commerciale depuis les Jeux Olympiques de 2012, le centre commercial de Westfield à Stratford City, les Royal Docks ou se trouvent l’aéroport de London City et une nouvelle ligne Crossrail de transit urbain. Tout cela donne l’impression que le centre de Londres se déplace vers l’Est, donc vers nous. Malgré tout, c’est toujours un quartier économiquement défavorisé.

    Newham est une des 32 communes du grand Londres avec 270,000 habitants, un quartier d’immigration dont 70% de la population sont de minorités ethniques. Une population jeune, diverse, en croissance, riche en ressources culturelles et intellectuelles: c’est une des 3 communes les plus pauvres de Londres qui sont l’East End de la capitale,

    Il y a 14 collèges (11-16 et 11-18 ans), 4 lycées et 2 universités. Le nombre d’établissements concurrents pour les classes de 1ere et de terminale (en lycée ou en collège-lycée) est en croissance : nous étions 3 à Newham en 2008, en 2014 nous sommes 7. La réussite scolaire à 16 ans est en hausse et la participation dans l’éducation des jeunes de 16-18 ans est en excès de 90%.

    NewVIc est un lycée polyvalent général et professionnel de plus de 2,600 étudiants de 16-19 ans, le plus populeux de Londres. Nous recevons un budget de l’état d’environ £15 million qui nous est versé entièrement en fonction du nombre d’étudiants. La gestion de ce budget dépend entièrement du chef d’établissement et de son conseil d’administration.

    On trouve à NewVIc une mixité ethnique, culturelle et linguistique extraordinaire qui rassemble des jeunes d’origine africaine, bangladeshi, pakistanaise, indienne, antillaise, chinoise, européenne et bien plus d’autres avec plus de 80 langues parlées, y compris le Français.

    Tous nos étudiants bénéficient d’un enrichissement culturel et sportif et d’un encadrement personnalisé. Un Sports Academy spécialiste en cricket, basketball et coaching, un partenariat et colocation avec le Newham Academy of Music, un conservatoire de jeunes pour toute la commune, un partenariat avec le centre culturel de Stratford Circus qui attire un public de plus de 20,000 par an: théâtre, musique, danse, medias, colloques littéraires – animation culturelle de la commune

    La plus grande proportion de nos étudiants suivent des programmes Advanced levels : 15-21h par semaine pour 2 ans d’éducation générale avec 3 ou 4 sujets sélectionnés parmi plus de 40 options. Ils sont au niveau du Bac et sont une préparation pour les programmes universitaires pour quasiment tous les étudiants.

    Ils suivent aussi les Advanced vocational programmes: 15h-21h / semaine. 2 ans d’éducation professionnelle ou technique. C’est une préparation pour la formation professionnelle et l’emploi et 85% progressent vers l’université.

    Une minorité de nos étudiants suivent des Intermediate programmes : 17h / semaine : 1 an d’éducation générale préprofessionnelle qui prépare les classes Advanced (donc 3 ans en tout) ou les Foundation programmes : réintégration, compétences et savoirs de base et préparation aux études du niveau “intermediate” (donc possibilité de rester 4 ans au lycée).

    Nos candidats à l’équivalent du Bac réussissent en grande proportion : 96% de succès global (A levels), 100% de réussite pour un grand nombre de sujets et plus de 200 de nos étudiants de terminale dépassent la moyenne nationale. 767 étudiants de terminale ont progressé en faculté en 2013 dont 130 aux universités les plus cotées.

    Notre projet d’établissement est de « créer une communauté réussie d’apprentissage .» Pour le numérique, nous voulons que nos enseignants et étudiants utilisent l’informatique pour l’apprentissage : d’une façon effective, créative et confiante.

    La politique d’établissement pour l’informatique fait partie d’une politique pédagogique et administrative qui propose la création d’un environnement riche, accessible et stimulant en ligne. C’est un élément clé de l’apprentissage.

    L’autonomie de l’établissement nous permet de choisir comment investir nos ressources – humaines et technologiques.

    Nous bénéficions du Wi-fi et somme équipés pour le  BYOD (bring your own device) et le vidéo streaming partout.

    Les chiffres de participation en ligne sont en hausse, en Mars 2014 notre espace numérique de travail (iVIc) qui intègre Moodle, Mahara et Planet e-stream, a enregistré plus de 48,000 vues étudiantes par mois pendant l’année scolaire 2013/14.

    Le système Anglais est très différent, nous avons une autonomie quasiment total , en revanche il nous faut être très performants. Nos résultats sont très publics : ils sont en ligne et le public, les responsables politiques et les médias comparent constamment les établissements.

    Plus de questions que de réponses

    En parlant du numérique et de l’éducation, je pense qu’il faut que notre point de départ soit absolument l’apprentissage et la pédagogie plutôt que la technologie ou les outils particuliers. Il faut surtout se demander « pourquoi ? » avant de se demander « comment ? »

    Je veux poser quelques questions qui me semblent importantes et proposer quelques tentatives de réponse :

    Tout d’abord : pourquoi éduquer ?
    L’éducation est un projet à la fois personnel et social. Un projet qui doit mener à l’épanouissement de l’individu et de sa communauté. Si nous voulons une société démocratique et plurielle qui peut résoudre les défis globaux qui nous confrontent, il nous faudra créer un accès démocratique et pluriel aux connaissances qui permettent aux jeunes de comprendre la culture et l’histoire humaine, de participer au progrès social et connaitre le plaisir personnel d’apprendre.

    Nous avons de nouveaux outils mais le rôle de l’éducation a-t-il vraiment changé ?

    Et pourquoi l’école ? Quel est le rôle de ce lieu que nous connaissons bien mais qui devra certainement changer ? Prison ou fenêtre sur le monde ? Espace d’évasion ou place du village ? Usine ou lieu de débat philosophique ? Centre de formation sociale ou centre de culture et de connaissance ? Les unités de la classe sont peut-être éclatées mais je suis convaincu que l’école restera un lieu essentiel de la construction sociale.

    Et le rôle de l’enseignant ? Il ne sera pas simplement un guide ou un conseiller, mais restera certainement un agent essentiel de la transmission culturelle, de l’interprétation et de l’évaluation des savoirs, du débat et de la créativité.

    De quelles compétences et de quelles connaissances les jeunes auront-ils le plus besoin ?

    Je ne suis pas convaincu qu’il nous faut des compétences différentes pour le 21eme siècle. Sinon des compétences nouvelles, certainement certaines compétences améliorées : le triage, la sélection, la lecture, l’évaluation et l’analyse de l’information.

    Quel rapport entre l’élargissement et l’approfondissement – tous deux essentiels dans l’éducation ? Quel rapport entre le canon ; les connaissances spécialistes et le pluridisciplinaire ; la recherche et l’exploration personnelle ?

    Tout en se demandant ce qu’il faudra changer il faut aussi bien se demander ce qu’il faudra ne pas changer.

    En conclusion…

    Hannah Arendt a dit:

    L’éducation est le moment où nous décidons si nous aimons le monde assez pour en être responsables.”

    En tant qu’éducateurs il nous faut accepter que nous sommes responsables. Si nous aimons le monde et que nous voulons sa continuité, sa survie et son progrès nous devons avant tout présenter et interpréter ce monde pour nos étudiants d’une façon éducative qui leur permettra de changer les choses pour le mieux. Et finalement il n’y a rien de plus important.

     Crédit Photo : Bus in London © rabbit75_fot

  • Le médiatique n’est pas soluble dans le numérique

    Le médiatique n’est pas soluble dans le numérique

    [callout]Au cours des deux premiers épisodes, vous aurez compris que pour Divina Frau-Meigs, le numérique se définit par les cultures de l’information.[/callout]

    « Mais l’information qui n’est pas communiquée est une information qui “dort“ ou qui risque de disparaître, qui peut être trompeuse ou encore falsifiée ». Il est donc primordial de réfléchir à la communication, « y compris dans la classe ».

    Le numérique apporte l’interactivité à la communication actuelle, plutôt médiatique : « c’est le numérique des réseaux sociaux qui, depuis 2007, permettent à des millions de personnes d’interagir sur des plateformes ».

    Ces plateformes ne sont pas considérées comme des médias. « Et pourtant, elles le sont ! », précise Divina. En n’étant pas considérées comme des médias, ces plateformes ne sont pas astreintes à certaines lois ou obligations de service public des médias.

    Pourtant, Youtube est une des plus grosses plateformes à diffuser des images et des vidéos ; Facebook en fait de même avec les messages.

    En fait, nous sommes face à des médias qui passent sous le radar.

    Ils ont la même activité que les médias comme par exemples, une fonction de filtrage, une fonction d’agenda où ils peuvent décider des priorités d’information ; enfin, ils font de la corrélation etc.

    Le système de ces plateformes est totalement médiatique, ce qui signifie « qu’il faut une éducation aux médias en ligne comme on fait une éducation aux médias hors ligne ».

    C’est cette éducation aux médias qui forge l’esprit critique, qui permet de construire et de déconstruire l’information et c’est elle qui permet d’être éditeur de sa propre information.

    La nouveauté pour les enseignants et les formateurs réside dans le fait que l’individu qui possède un objet connecté se transforme en un média à lui tout seul ; « un média qui envoie de l’information, qui peut l’éditer, qui peut la filtrer, qui peut la charger sur Youtube, qui peut la transformer etc ».

    Pour Divina, il est essentiel d’avoir cette réflexion sur l’éducation aux médias afin de ne pas « naturaliser le numérique », c’est à dire le considérer comme quelque chose d’ambiant, de naturel ou de neutre.

    Elle préconise de se méfier de la convivialité des réseaux sociaux où on a comme une obligation de “liker“ tout le monde « mais où on ne peut pas “déliker“ », précise t-elle.

    Il faut donc faire attention à cette obligation de choix, « car dès qu’il y a obligation, la personne n’est plus libre ; il faut donc libérer l’information y compris sur sa vie privée et donc ne pas la donner lorsqu’on n’en a pas envie ».

    « L’éducation aux médias nous alerte à cela et nous forme à cela tout au long de la vie », conclut Divina.

    Revoir le premier épisode « La « révolution numérique », une révolution des cultures de l’information« 
    Revoir le deuxième épisode « La “Small“ Data : un nouveau concept à utiliser pour l’enseignement ?« 

     

  • Les digital natives sont-ils des mutants?

    Les digital natives sont-ils des mutants?

    Thierry Venin a engagé une recherche sur les risques psychosociaux et les TIC à savoir le lien ou l’influence que peuvent avoir les TIC sur la pandémie du stress au travail.

    « Incidemment, je suis tombé sur des chiffres qui remettaient plutôt en cause un effet “digital natives“ attendu », explique t-il pour poursuivre :

    on vit sur le fantasme d’une génération montante qui, ayant vécu avec le numérique, serait particulièrement à l’aise avec le multitâche.

    En fait, tous les chiffres notamment du lien entre les TIC et le stress au travail invalident ce présupposé sur les “digital natives“ puisque « les générations montantes ont plutôt un taux de stress au travail supérieur aux générations sortantes ».
    Le constat de dire que les problèmes se résoudraient plus facilement avec des classes d’âge plus jeunes serait donc une utopie.

    A la vision de ces premiers résultats, Thierry Venin a approfondi ses recherches vers ce « fantasme », « afin de déterminer si nous n’étions pas dans une confusion entre une aisance aux outils et une réelle maîtrise de l’outil, ce qui est tout à fait autre chose », souligne t-il.

    Il nous donne quelques exemples très concrets de ce constat, notamment au travers divers réactions qu’il a pu noter lors de la panne mondiale du réseau Dropbox… très instructif ! A découvrir dans la vidéo ci-contre.

     

    Crédit CC photo à la une : Nathan Rupert San Diego shooter