Étiquette : Ludovia 2015

  • Jouer au musée et en classe ou comment adapter un jeu vidéo en animation éducative

    Jouer au musée et en classe ou comment adapter un jeu vidéo en animation éducative

    Ludovia_Mundaneum_160615

    Problématique pédagogique

    Comment expliquer l’histoire des outils de la communication aux jeunes générations ?
    En les faisant jouer !

    A l’occasion de l’exposition Renaissance 2.0, Voyage aux origines du Web, qui s’est déroulée au Mundaneum (www.mundaneum.org) d’octobre 2012 à juin 2013, l’équipe pédagogique avait pour objectif de concevoir un Serious Game permettant la visite interactive et ludique de la dite exposition, de prime à bord hermétique à la compréhension des plus jeunes.

    Première expérience du genre au sein de l’institution, l’équipe s’est trouvée confrontée à bon nombre de questions quant aux objectifs, contenus et méthodologies à appliquer à ce type de dispositif de médiation.

    Contraint par le temps et le budget, le résultat final s’est trouvé être un jeu vidéo et non un Serious Game. Ne pouvant exister par lui-même, l’équipe de médiation a donc dû concevoir une activité pédagogique intégrant ce jeu vidéo et permettant une visite ludique animée par un médiateur culturel.

    A la suite de l’exposition, l’animation a été évaluée et adaptée afin d’être proposée dans les classes.

    Depuis la fin de l’exposition, des animateurs se déplacent dans les établissements scolaires de la Communauté Française de Belgique, avec pour objectif d’expliquer l’histoire des outils de la communication, de la première tablette d’argile sumérienne (- 4000 A.V. J.-C.) à la tablette tactile d’aujourd’hui.

    Apport du numérique et présentation de la technologie utilisée

    Le dispositif pédagogique mis en place au sein de l’exposition, utilisait à la fois des tablettes tactiles prêtées aux jeunes visiteurs et l’exposition en temps que telle.

    Dans les classes, les animateurs apportent le matériel nécessaire : tablette tactile, contenu de l’exposition remanié, documentation sur les outils de la communication, ligne du temps, …

    L’activité pédagogique se déroule comme suit :

    Muni chacun d’une tablette tactile, les élèves sont répartis en six groupes correspondant aux six chapitres chronologiques de l’exposition. Ces groupes sont placés en concurrence : c’est à celui qui finit le jeu en premier.

    Le jeu vidéo consiste à faire évoluer un globe terrestre miniature, symbole du Mundaneum, dans des mondes représentant les thématiques de l’exposition avec pour objectif d’attraper des pions symbolisant des outils ou des personnages en lien avec l’histoire de la communication.

    Pour passer de monde en monde, un code chiffré est nécessaire. Celui-ci s’obtient suite à des questions dont la réponse est à aller chercher soit dans l’exposition, soit dans le cas des animations en classe, dans les panneaux remaniés de l’exposition ou la documentation.

    Tout au long de l’animation, les élèves doivent tirer au sort des fiches/outils qui serviront à la fin de l’activité à mettre en commun les connaissances sur une ligne du temps.

    Relation avec le thème de Ludovia#12

    L’objectif de créer un Serious Game a finalement débouché sur un jeu vidéo ne pouvant exister par lui-même. L’équipe pédagogique a donc dû s’approprier cet outil et l’adapter afin de créer une activité pédagogique répondant à des objectifs éducatifs.

    Synthèse et rapport du retour d’usages

    Questionnés après l’animation (dans le cadre de l’exposition et dans les classes) que ce soit les élèves ou les enseignants, les attentes et objectifs de chacun ont été rencontrés :

    • Pour les enseignants, l’objectif principal était de faire découvrir à leurs élèves, les outils de communication d’autrefois et leur contexte historique ; de leur faire appréhender le développement de ces mêmes outils ainsi que de développer leur esprit d’équipe et le travail collaboratif. Ils avaient également pour but de leur faire développer des compétences : notamment « récolter des informations par l’observation » ; « situer les repères historiques conventionnels »  ou encore « savoir situer et/ou replacer des situations, des faits dans un ordre respectant la chronologie ».
    • Pour les élèves, le jeu et la mise en compétition ont été des motivateurs pour mener à bien l’animation. A aucun moment, durant les deux heures d’activités, les élèves n’ont décroché du contenu.

    Exceptionnellement, le musée et l’activité ont été perçus comme ludiques et intéressants. La forme de l’animation étant différente, les élèves ont appris plus aisément un contenu difficilement appréhendable.

    La validation des apprentissages s’est effectuée par une mise en commun des connaissances au travers une ligne du temps physique permettant à chacun d’identifier les outils de communication et leur contexte historique.

     

    A propos de l’auteur : Priscilla Génicot
    Découvrir le programme ExplorCamps Ludovia#12.

  • Appropriation des réseaux sociaux numériques et compétences médiatiques

    Appropriation des réseaux sociaux numériques et compétences médiatiques

    Les usages des réseaux sociaux numériques (RSN) se multiplient, se diversifient, se complexifient et s’intègrent dans les pratiques sociales de publication d’informations. Le partage d’informations personnelles en ligne (Livingstone, 2008 ; Fogel & Nehmad, 2009 ; Hew, 2011) amène les individus à expérimenter différentes formes de sociabilité (Ito et al., 2009), voire à développer des formes d’intelligence collective (Jenkins, 2013).

    Il est également le lieu d’élaboration et de cristallisation des identités (Georges, 2010). On remarque cependant que cette exposition (du moins partiellement) publique de sa vie privée peut entrainer des utilisations non souhaitées (Gross & Acquisti, 2005 ; Georges, 2012), conduire à des problèmes relationnels (Moreau et al., 2012), etc. Les usagers se retrouvent en outre face à un volume d’informations de plus en plus important, complexe et fragmenté (Jones, 2008). Si l’on peut se réjouir de la multiplication des sources d’information et de la facilité d’accès à celles-ci, cette évolution s’accompagne de risques de surcharge informationnelle (Potter, 2012), d’une nécessité ressentie d’être connecté en permanence (Domenget, 2014 ; Lachance, 2014), etc.

    L’appropriation des RSN, qui se définit notamment par l’autonomisation des usagers par rapport aux usages inscrits dans les dispositifs techniques (de Certeau, 1990 ; Jouët, 2000 ; Denouël & Granjon, 2011), implique dès lors l’acquisition de compétences médiatiques et numériques (Jenkins et al., 2006 ;  Fastrez & De Smedt, 2012) : la capacité à gérer ses relations, à gérer son temps, à organiser ses informations, à protéger sa vie privée, etc.

    L’appropriation des médias réside dans les possibilités qu’ont les usagers de développer leurs propres usages, de détourner les usages inscrits voire de les rejeter (Andonova, 2004). Ces possibilités sont soutenues par les compétences qu’ils peuvent mobiliser.

    L’autonomie des usagers procède d’une appropriation individuelle mais elle est aussi contrainte par leur capital social et culturel (Bourdeloie, 2012), leurs identités, leurs appartenances, leurs perceptions, et les dispositions qui structurent leur relation au monde (Denouël & Granjon, 2011). En particulier, les usagers projettent sur les réseaux sociaux des représentations sociales provenant du discours social (Jodelet, 2003 ; Abric, 2011) et construites à partir de multiples sources : la fréquentation d’une institution d’enseignement, les interactions avec les collègues ou les membres de la famille, les médias, etc. (Jaurréguiberry & Proulx, 2011).

    En introduisant la notion de représentation sociale, nous souhaitons interroger le rôle que joue le contexte social dans la mobilisation des compétences des usagers des RSN et dans l’élaboration de leurs usages.

    Notre hypothèse est que l’usager mobilise des compétences et développe, ou plutôt « bricole » (de Certeau, 1990), des usages en fonction d’un jeu de tension entre différentes représentations sociales qu’il possède sur les RSN, leurs usages et les compétences qui leur sont associées, comprenant des normes et des valeurs socialement construites.

    L’objectif de cette contribution est de proposer une analyse des relations entre représentations sociales, compétences et usages, dans le cadre des usages de RSN.

    Elle est illustrée par des données empiriques provenant d’une recherche doctorale portant sur les compétences mobilisées par des étudiants au cours de leurs activités d’organisation de leur espace personnel d’information. Par un recodage des données récoltées par 60 entretiens semi-directifs sur un échantillon de 30 étudiants, il s’agit d’identifier les représentations des étudiants, d’observer leurs usages des RSN et les compétences qu’ils mobilisent.

    L’analyse présentée cherche à articuler les dimensions sociale et individuelle des phénomènes étudiés, suivant une approche socio-cognitive (cf. Dillenbourg et al., 1996). Les représentations sociales constituent des ressources cognitives dont l’usager dispose et qui définissent, en partie, sa compétence.

    La compétence regroupe en effet l’ensemble des ressources externes et internes, dont des représentations, attitudes et aptitudes, mobilisées par l’usager en vue de la réalisation d’une tâche (Bourg et al., 1989 ; Tardif, 2006). De par leurs origines multiples, les représentations, qui donnent sens aux usages et qui soutiennent les compétences des usagers, se trouvent mises en tension. Elles peuvent conduire à des usages considérés comme adéquats, ou non, d’un point de vue normatif, ou à des usages « bricolés » issus de l’intégration mentale de différentes représentations (Fauconnier & Turner, 2002).

    Note de positionnement scientifique

    Section scientifique de rattachement : 71 (Sciences de l’information et de la communication)

    Méthode Appliquée :

    L’observation des pratiques médiatiques des usagers concernés consiste en une ethnographie cognitive (Dubbels, 2011 ; Williams, 2006) des pratiques d’organisation des informations d’un échantillon d’informants dans leur environnement quotidien.

    L’ethnographie cognitive est une méthode focalisée sur la compréhension des processus cognitifs situés, tels qu’ils se déroulent dans leur contexte quotidien, qui suppose l’analyse fine des interactions entre les sujets et les ressources environnementales. Nous adoptons une position compréhensive (plutôt qu’explicative) dont l’objectif est la comparaison des pratiques des informants afin d’élaborer une taxonomie des dimensions de base constituant leurs pratiques informationnelles numériques.

    Ces observations sont réalisées au cours d’entretiens d’explicitation (Vermersch, 1994).  Ce type d’entretien se centre sur l’explicitation de pratiques en suscitant la verbalisation de l’action, physique ou mentale, telle qu’elle a été effectivement vécue. L’intérêt des résultats obtenus via l’explicitation du déroulement de l’action se situe dans le fait qu’ils permettent au chercheur d’effectuer des inférences fiables sur les raisonnements et les savoirs effectivement utilisés dans la pratique.

    Terrain d’expérimentation : 

    Nous avons réalisé 60 entretiens focalisés sur les activités d’organisation des espaces personnels d’information d’un échantillon de 30 étudiants. Ces entretiens semi-directifs prennaient la forme d’une visite guidée par l’étudiant de son espace d’information et à l’occasion de laquelle il détaillait ses différentes stratégies d’organisation. Chaque membre de l’échantillon a été interviewé deux fois, une fois avant son entrée dans l’enseignement supérieur et une deuxième fois 6 mois plus tard. L’objectif de ce double entretien était de cerner les stratégies d’adaptation mises en place par les individus lorsqu’ils sont confrontés à de nouveaux besoins informationnels. Les parties pertinentes des entretiens ont ensuite été retranscrites puis codées de manière descriptive et analytique à l’aide du logiciel Nvivo.

    Les espaces personnels d’information concernent l’ensemble des dispositifs techniques mobilisés par les étudiants dans le cadre de leurs pratiques de consultation, de création, de gestion et de partage d’information. La présente contribution se centre essentiellement sur leurs usages des réseaux sociaux numériques.

    Références :

    • Abric, J.-C. (2011). Pratiques sociales et représentations. Paris : Presses Universitaires de France.
    • Andonova, Y. (2004). Parcours réflexif de la problématique des usages : une tentative de synthèse. Communication et organisation, 25 (en ligne). http://communicationorganisation.revues.org/2960
    • Bourdeloie, H. (2012). L’appropriation des dispositifs d’écriture numérique : translittératie et capitaux culturel et social. Etudes de communication, 38 (en ligne). http://edc.revues.org/3378
    • Bourg, E. F., Bent, R. J., McHolland, J., & Stricker, G. (1989). Standards and evaluation in the education and training of professional psychologists: The National Council of Schools of Professional Psychology Mission Bay Conference. American Psychologist, 44(1), 66–72. doi:http://dx.doi.org/10.1037/0003-066X.44.1.66
    • de Certeau, M. (1990). L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire. Paris : Gallimard.
    • Denouël, J., & Granjon, F. (2011). Communiquer à l’ère numérique. Regards croisés sur la sociologie des usages. Paris : Presses des mines.
    • Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye, A., & O’Malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman (Eds), Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (p. 189-211). Oxford: Elsevier.
    • Domenget, J.-C. (2014). Formes de déconnexion volontaire et temporalités de Twitter, Réseaux, 4(186), 77-103. DOI : 10.3917/res.186.0077
    • Dubbels, B. (2011). Cognitive Ethnography: A Methodology for Measure and Analysis of Learning for Game Studies. International Journal of Gaming and Computer-Mediated Simulations, 3(1), 68–78.
    • Fastrez, P., & De Smedt, T. (2012). Une description matricielle des compétences en littératie médiatique. In M. Lebrun-Brossard, N. Lacelle, & J.-F. Boutin (Eds.), La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches en lecture-écriture à l’école et hors de l’école (p. 45–60). Québec: Presses de l’Université du Québec.
    • Fauconnier, G., & Turner, M. (2002). The way we think. Conceptual blending and the mind’s hidden complexities., Basic Books.
    • Fogel, J., & Nehmad, E. (2009). Internet social network communities: Risk taking, trust, and privacy concerns. Computers in Human Behavior, 25, 153–160. doi:10.1016/j.chb.2008.08.006
    • Georges, F. (2010). Identités virtuelles. Les profils utilisateur du web 2.0. Paris : Questions Théoriques.
    • Georges, F. (2012). « A l’image de l’Homme » : cyborgs, avatars, identités numériques. Le Temps des médias, 18(1), 136–147. doi:10.3917/tdm.018.0136
    • Gross, R., & Acquisti, A. (2005). Information Revelation and Privacy in Online Social Networks (The Facebook case). In Proceedings of ACM Workshop on Privacy in the Electronic Society (WPES), November 7, Alexandria, Virginia, USA. (Pre-proceedings version)
    • Hew, K.F. (2011). Students’ and teachers’ use of Facebook. Computers in Human Behavior, 27, 662–676.
    • Ito, M., Baumer, S., Bittanti, M., Cody, R., Herr-Stephenson, B., Horst, H. A., & Tripp, L. (2009). Hanging Out, Messing Around, and Geeking Out – Kids Living and Learning with New Media. Cambridge: MIT press.
    • Jaurréguiberry, F., & Proulx, S. (2011). Usages et enjeux des technologies de communication. Paris : érès éditions.
    • Jenkins, H. (2013). La culture de la convergence: des médias au transmédia. Paris: Colin.
    • Jenkins, H., Purushotma, R., Clinton, K., Weigel, M., & Robison, A. J. (2006). Confronting the Challenges of Participatory Culture: Media Education for the 21st Century (White paper). The John D. and Catherine T. MacArthur Foundation.
    • Jodelet, D. (2003). Les représentations sociales, Paris : Presses Universitaires de France.
    • Jones, W. (2008). Keeping Found Things Found: The Study and Practice of Personal Information Management (1st ed.). Burlington, MA: Morgan Kaufmann.
    • Jouët, J. (2000). « Retour critique sur la sociologie des usages », Réseaux, 18(100), 487–521.
    • Lachance, J. (2014). « De la déconnexion partielle en voyage : l’émergence du voyageur hypermoderne », Réseaux, 4(186), 51–76. DOI : 10.3917/res.186.0051
    • Livingstone, S. (2008). Taking risky opportunities in youthful content creation: teenagers’ use of social networking sites for intimacy, privacy and self-expression. New media & society, 10(3), 393–411. DOI: 10.1177/1461444808089415
    • Moreau, A., Roustit, O., Chauchard, E., & Chabrol, H. (2012). L’usage de Facebook et les enjeux de l’adolescence : une étude qualitative. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 60, 429–434.
    • Potter, W. J. (2012). Media Literacy (Édition : 6th Revised edition.). Los Angeles ; London: SAGE Publications Inc.
    • Tardif, J. (2006). L’évaluation des compétences: documenter le parcours de développement. Montréal: Chenelière éducation.
    • Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation en formation initiale et en formation continue. Paris: ESF éditeur.

     A propos des auteurs : Anne-Sophie Collard et Jerry Jacques

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

  • Décryptage du thème de Ludovia#12 avec Thierry Karsenti

    Décryptage du thème de Ludovia#12 avec Thierry Karsenti

    Thierry Karsenti, M.A., M.Ed., Ph.D. est titulaire de la Chaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation. Il est également professeur titulaire à l’Université de Montréal.

    Quels sont les facteurs qui font en sorte que quelqu’un s’approprie une technologie, un logiciel, une application ? Et pourquoi d’autres technologies ne sont-elles pas ou peu utilisées ?

    Il reste encore beaucoup de défis à relever en termes d’appropriation ; l’instabilité des outils, du fait de leur évolution perpétuelle, ne facilite pas non plus l’appropriation en éducation. Que choisir dans cette panoplie d’offre ?

    Thierry Karsenti nous propose quelques éléments de réponse grâce à sa vision et son expérience dans le domaine.

    ->Le temps (que prend la technologie) est un premier facteur d’adoption.
    -> L’impatience de l’usager qui « veut voir des résultats immédiats » est aussi à prendre en compte.
    etc

  • Élaborer et publier des “tracts” numériques pastiches pour renforcer la compréhension des élèves

    Élaborer et publier des “tracts” numériques pastiches pour renforcer la compréhension des élèves

    Un bon test de la compréhension des élèves est leur capacité à utiliser le matériel enseigné et notamment à le transformer pour le publier de manière créative.

    Un tel exercice présente des avantages : il offre une respiration ludique et collaborative dans le cours ; il permet d’impliquer les élèves par des activités ludiques — tout en soulignant qu’ils ne peuvent jouer sans une certaine maîtrise des contenus — ; il permet d’enseigner les règles et les techniques de la publication en ligne (sans oublier les enjeux visuels). Pour ce faire, quel(s) outil(s) choisir ?

    Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée

     

    L’éventail des outils et des activités pédagogiques mobilisables est immense. Je présente ici une activité d’écriture et de publication de “tracts” (simples pages) : le travail demandé aux élèves est typiquement d’imaginer et de réaliser une page annonçant un évènement fictif (colloque, concert, sortie d’ouvrage, annonce ou publicité…) en mobilisant les connaissances du cours.

    Pour cela, les élèves utilisent des applications en ligne (généralement “gratuites”) : Smore (https://www.smore.com), Tackk (https://tackk.com/) ou Checkthis (http://checkthis.com). A noter que Smore et Tackk proposent chacun une version “éducation” (https://www.smore.com/educators et https://tackk.com/education).

    Cette activité nécessite des ordinateurs connectés ou des terminaux mobiles

    (certaines applications ayant des version mobiles ou étant adaptés aux écrans mobiles).

    Ces outils sont d’une prise en main extrêmement facile et proposent des fonctions stimulantes, intégrables pédagogiquement : commentaires, réseaux sociaux, système de “badges”….

    Relation avec le thème de l’édition de Ludovia#12

     

    Cette activité techno-pédagogique — facilement déclinable et transformable — permet aux élèves de s’approprier des contenus disciplinaires en jouant à les détourner (on ne comprend bien que ce que l’on peut transformer). Elle leur permet aussi de s’approprier des outils et des savoir-faire de la publication numérique.

    Synthèse et apport du retour d’usage en classe

     

    Cette activité créative, ponctuellement utilisée, est aisée et efficace. Elle peut se décliner à tous les niveaux scolaires et dans toutes les matières.

    Quelques exemples de réalisations d’élèves : cercle utilitariste, philo party

    A propos de l’auteur : François Jourde
    Découvrir le programme ExplorCamps Ludovia#12.

     

     

     

     

     

     

  • Appropriations et détournements d’un dispositif numérique adapté : le cas d’une expérimentation concernant la scolarisation des jeunes en situation de handicap en milieu ordinaire

    Appropriations et détournements d’un dispositif numérique adapté : le cas d’une expérimentation concernant la scolarisation des jeunes en situation de handicap en milieu ordinaire

    [callout]Cette communication interroge l’utilisation d’une innovation technico-numérique (Akrich, Callon, Latour, 1988) à destination des personnes en situation de handicap. Nous nous intéresserons donc à la production et à la réception d’un outil numérique « nomade » spécifique au monde éducatif qui a été conçu comme une aide à la scolarisation des jeunes en situation de handicap.[/callout]

    Nous discuterons ainsi la notion de design de l’objet numérique (Norman, 2002), renvoyant plus concrètement à un travail qui prend en compte l’interaction entre l’objet et son utilisateur.
    Comment ce type de design peut-il être interprété dans le cas d’une population à besoins particuliers? L’horizon d’attente des utilisateurs se superpose-t-il à l’horizon d’expérience des concepteurs ? Nous découvrirons ainsi l’objet technico-numérique en tant que synthétiseur des expériences de plusieurs publics, un objet-frontière (Star, Griesemer, 1989) qui véhicule l’identité de ceux qui le prennent en charge.

    L’outil que nous retenons comporte des composantes matérielles (ordinateur portable, webcam, scanner portable) et des composantes logicielles (interface numérique intégratrice de plusieurs fonctions, logiciel de traitement de l’image afin de la rendre accessible).

    Il a été développé en tant que prototype et soumis à une expérimentation pendant trois semestres scolaires. Notre recherche se concentre ainsi sur le déroulement de cette expérimentation sur le territoire d’une région française, qui a comme spécificité le fait d’inclure trois académies scolaires. Le dispositif y a été proposé auprès de 130 élèves et étudiants malvoyants et présentant des troubles dys. Ces jeunes se trouvent principalement en inclusion scolaire. Deux grandes catégories d’acteurs les accompagnent : les professionnels du médico-social (des orthophonistes, des orthoptistes, des ergothérapeutes) et les personnels de l’Éducation nationale.

    D’un point de vue méthodologique, notre étude se base dans un premier temps sur une analyse des différents discours d’accompagnement à la prise en main du dispositif. Elle prend ensuite en considération une analyse des pratiques des utilisateurs (Camis, Gross, Lamont, 2011). Elle intègre par ailleurs des observations participantes et des entretiens avec les jeunes utilisateurs. L’espace des écoles, ainsi que des services de soin sont privilégiés.

    Compte tenu des conditions expérimentales, le script[1] (Akrich, 1991) de cet outil se construit par étapes. Si des indications générales de prise en main sont offertes aux utilisateurs, des retours sont attendus de leur part afin de poursuivre le développement de l’outil. Le discours des concepteurs souligne le caractère portable du dispositif, ce qui encourage la mobilité et l’indépendance de son utilisateur. Quatre grandes fonctionnalités sont ainsi mises en avant :

    • l’enregistrement d’images et leur transformation au niveau du zoom, des contrastes, de la luminosité, etc.,
    • la numérisation et la reconnaissance de texte en vue d’une lecture vocale assurée par l’ordinateur,
    • l’association de notes aux images enregistrées afin d’assurer un suivi chronologique des cours,
    • l’enregistrement automatique des différents fichiers (image du tableau, document scanné, notes).

    Rappelons que tout cela intervient dans un contexte d’inclusion scolaire des jeunes en situation de handicap qui sont censés suivre les cours de la même manière que leurs camarades « valides ».

    Le fait de se déplacer d’une salle de classe à l’autre, d’avoir accès à des contenus non-adaptés requiert la présence d’une aide supplémentaire qui se matérialise, dans la situation évoquée, sous la forme d’un dispositif technique. En outre, soulignons que ce dispositif s’intègre dans une typologie d’outils numériques déjà existants en lien avec le milieu de l’enseignement pour les jeunes handicapés.

    Les utilisations et les détournements de l’outil faits par ses utilisateurs seront illustrés dans un deuxième temps. Ces utilisateurs sont à la fois les jeunes qui poursuivent leur scolarisation, mais aussi les professionnels qui les accompagnent dans ce processus. S’il est conçu afin d’aller à la rencontre de ses usagers, le dispositif se verra transformé dans les pratiques quotidiennes, tout en générant une discussion autour des « habilités techniques » (Dodier, 1993) de ses utilisateurs.

    Nous interrogerons finalement la notion d’appropriation par l’apprentissage de cet outil. Qui sont les acteurs de cet apprentissage ? Qui en sont les porte-parole ? Finalement, le caractère intuitif du dispositif sera également questionné, afin de souligner une fois de plus la négociation continue de la définition d’un objet en train de se faire.

    [1] Le script, pour M. Akrich (1991) est l’équivalent d’un « scénario, à partir duquel les utilisateurs […] sont invités à imaginer la mise en scène particulière qui qualifiera leur interaction personnelle avec l’objet ».

    Note de positionnement scientifique – Section scientifique de rattachement. Méthode appliquée – Terrain d’expérimentation

    Cette communication se situe à la croisée des sciences sociales et des sciences informatiques. L’objet étudié est à la fois interrogé dans une perspective informatique, de l’agencement de ses parties composantes, et selon une approche sociologique et communicationnelle, en prenant en compte les divers usages de cet objet. À partir de la méthode ethnographique, nous avons observé plusieurs dizaines d’élèves et étudiants en situation de handicap, ainsi que les professionnels qui les accompagnent, dans le cadre de l’expérimentation. Cette expérimentation s’est déroulée dans une région française pendant une période totale de deux ans, incluant la prise de contact et l’utilisation proprement dite.

    Références

    • Akrich, M. (1991). L’analyse socio-technique, in Vinck, D. (ed.), La gestion de la recherche, Bruxelles, De Boeck, pp. 339-353.
    • Akrich, M. (1993). Les objets techniques et leurs utilisateurs, de la conception à l’action. Dans Conein, B., Dodier, N., Thévenot, L. (ed.), Les objets dans l’action, 4, Editions de l’EHESS, Raisons Pratiques, pp.35-57.
    • Akrich, M., Callon, M., Latour, B. (1988). A quoi tient le succès des innovations? 1 : L’art de l’intéressement, Gérer et comprendre, Annales des Mines, 11, pp.4-17.
    • Akrich, M., Callon, M., Latour, B. (1988). A quoi tient le succès des innovations? 2 : Le choix des porte-parole, Gérer et comprendre, Annales des Mines, 12, pp.14-29.
    • Ando, B., Baglio, S., La Malfa, S., Marletta, V. (2010). Innovative Smart Sensing Solutions for the Visually Impaired. Dans Pereira, J. (ed.) Handbook of Research on Personal Autonomy Technologies and Disability Informatics, chap. 5, pp. 60-74.
    • Callon, M., Latour, B. (1981). Unscrewing the Big Leviathans. How Do Actors Macrostructure Reality. Dans Knorr, A., Cicourel, A. (ed.) Advances in Social Theory and Methodology. Toward an Integration of Micro and Macro Sociologies, London, Routledge.
    • Camis, C., Gross, N., Lamont, M. (2011). Social Knowledge in the Making, University of Chicago Press.
    • Cefaï, D. (à paraître). L’enquête ethnographique comme écriture, l’écriture ethnographique comme enquête. Dans Melliti, I. (ed.), Écrire en sciences sociales
    • Conein, B., Dodier, N., Thévenot, L. (1993). Les objets dans l’action, 4, Editions de l’EHESS, pp.35-57, 1993, Raisons Pratiques.
    • Cochoy, F., Licoppe, C. (ed.), (2013). Le sujet et l’action à l’ère numérique, Réseaux, n° 182.
    • Dodier, N. (1993). Les arènes des habiletés techniques. Dans Conein, B., Dodier, N., Thévenot, L. (éd.). Raisons pratiques, Les objets dans l’action, n° 4, Paris, pp. 115-139.
    • Dodier, N. (1995). Les hommes et les machines : la conscience collective dans les sociétés technicisées, Paris, Métaillié.
    • Draffan, E. A., Evans, D. G., Blenkhorn, P. (2007). Use of assistive technology by students with dyslexia in post-secondary education. Dans Disability and Rehabilitation: Assistive Technology, 2(2): 105-116.
    • Deyfus, H. (1992). Intelligence artificielle. Mythes et limites, Paris, Flammarion.
    • Flichy, P. (2003). L’innovation technique: vers une nouvelle théorie de l’innovation, La Découverte.
    • Goody, J. (1979). La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Éditions de Minuit.
    • Lopez-Krahe, J. (2007). Introduction to Assistive Technology for the Blind. Dans The European Journal for the Informatics Professional, 8(2): 4-9.
    • Mialet, H. (2012). Hawking incorporated. Stephen Hawking and the Anthropology of the Knowing Subject. The University of Chicago Press.
    • Muratet, M. et al. (2013). EyeSchool : Un dispositif d’aide à la scolarisation. Dans « EIAH et situations de handicap », EIAH 2013, p.23-30.
    • Norman, D. (2002). The design of everyday things, Basic books.
    • Rekkedal, A. M. (2012). Assistive Hearing Technologies Among Students With Hearing Impairment: Factors That Promote Satisfaction. Dans Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 17(4): 499-517.
    • Star, S., L., Griesemer, J., R. (1989). Institutional Ecology, ‘Translations’ and Boundary Objects: Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology. Dans Social Studies of Science, Vol. 19, No. 3, pp. 387-420.
    • Trompette, P., Vinck, D. (2009). Retour sur la notion d’objet-frontière. Dans Revue d’anthropologie des connaissances, Vol. 3, No. 1, pp. 5-27.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs  Cristina Popescu  – Mathieu Muratet Cédric Morea

  • Le téléphone et les étudiants : appropriations et détournements éducatifs d’un outil mobile

    Le téléphone et les étudiants : appropriations et détournements éducatifs d’un outil mobile

    Comme tous les jeunes et les adultes aujourd’hui, les étudiants ont intégré le mobile comme un moyen privilégie de communication. A travers les smartphones, les médias culturels, ludiques et éducatifs sont aujourd’hui mis à disposition permanente des étudiants.

    Dans un téléphone, les étudiants disposent aussi d’une offre non négligeable de ressources scientifiques, d’indications méthodologiques, de supports vidéos éducatifs ou non qui peuvent s’avérer très utile à l’accrochage universitaire et éducatifs.

    Christian Licoppe et Jean-Philippe Heurtin dans une étude de 2002 montrent comment le téléphone est intégré par les jeunes et les étudiants comme un outil de construction de sa sociabilité et de son univers intime extime. L’entrée à l’université est parallèlement un temps important d’acculturation et d’affiliation à de nouvelles pratiques, nouveaux groupes et nouvelles culturelles.

    En quoi le téléphone par ces usages et mésusages contribuent-il à favoriser ou handicaper cette mutation sociale qui fait passer un jeune de lycéen à étudiant ?

    Dans un autre domaine Courtecuisse J.F. en 2007 montre combien les réseaux numériques ont transformé le rapport des étudiants à la bibliothèque et aux informations scientifiques. Les usages numériques et la dématérialisation de l’information ont rendu l’accès à la bibliothèque plus facile et plus mobile. Mais les étudiants ont-ils alors plus de pratiques ou moins de pratiques de lectures d’informations ?

    L’illettrisme scientifique souvent dénoncé dans des enquêtes est-il aujourd’hui en recul grâce au développement des formes on-line de l’information ?

    Enfin Blaya. C et Berthaud J. en 2014 montrent que les usages cyberviolents connus aux collèges et aux lycées ont leurs places dans les universités. Nous montrons dans l’étude de 2015 sur les mésusages des TIC à l’université que le téléphone reste aussi un outil de copiage et de fraude assez classique. Quels bilans faire de ces travaux et que dire des appropriations détournements des usages sociaux du téléphone dans l’ère universitaire ?

    C’est notre objet de recherche en 2015 auprès des étudiants de l’Université et avec l’appui de l’Observatoire de la vie étudiante.

    Pour cette communication, nous nous appuierons sur trois recherches complémentaires :

    1. La recherche conduite par Maha Ibrahim et Séraphin Alava en 2013-2014 sur les usages des MITIC en éducation et sur l’influence de ces usages sur les résultats scolaires.
    2. La recherche conduite en 2014-2015 auprès des étudiants de l’université portant sur les mésusages des vidéos et des pratiques cyberviolentes.
    3. La recherche spécifique réalisé en 2015 auprès de 120 étudiants en longitudinal sur leurs usages de leurs smartphones durant les périodes de présence à l’université et les liens mesurés entre ces pratiques et les caractéristiques essentielles à l’accrochage universitaire (persévérance, motivation, self directed learning).

    Notre recherche montrera que les compétences technologiques informationnelles et sociales des mondes numériques sont des enjeux essentiels dans la lutte pour la démocratisation des études universitaires et pour la formation scientifique citoyenne.

    Note de positionnement scientifique

    Notre recherche s’inscrit dans le cadre des sciences de l’éducation et des travaux que nous conduisons sur les liens entre usages numériques et processus d’apprentissage.

    En prenant son ancrage dans des travaux scientifiques récents et notamment les théories des processus mathétiques (S. Papert) et cognitifs notre démarche de recherche se veut ancrée sur une démarche explicative sociologique des usages techno sociaux et de leurs liens avec les modes de cognition.

    Cette démarche de recherche a été nourrie de rencontres scientifiques avec les théories de l’autoformation, de l’approche des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, des théories des formes nouvelles des pédagogies numériques et enfin des travaux sur les usages négatifs ou positifs des outils numériques. La cohérence du parcours scientifique est inclus dans l’idée que l’enseignement, l’apprentissage, l’éducation au sens large est « in-médiate » et donc que l’appréhension des relations entre les univers sociotechniques et les processus cognitifs est une des exigences de notre action.

    Bibliographie :

    • Alava S., (2014), Usages numériques des adolescents et compétences scolaires acquises, Formation et profession : revue scientifique internationale en éducation, N°6
    • Berthaud J. ; Blaya C. (2014).Premiers résultats de l’enquête française Cyberviolence à l’université. Adjectifs Analyses recherche sur les TICE, http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article279
    • Blaya C, Alava S., (2012), Risks and safety for children on the internet: the French report, LSE, London: EU Kids
    • Castelain-meunier C., (2002) Le telephone portable des etudiants. Un outil d’intimité paradoxale, Réseaux 2002/6, n° 116, p. 229-255.
    • Courtecuisse, Jean-François. (2007). Internet au coeur des pratiques documentaires des étudiants : dans quelle mesure ? In 7es Rencontres FORMIST : Entrer dans le flux ? Le défi du « web 2.0 » pour le bibliothécaire-formateur, l’enssib à Villeurbanne, 14 juin 2007 [en ligne]. Format PDF. Disponible sur :
    • Despres-Lonet, Marie. Courtecuisse, Jean-François. « Les étudiants et la documentation électronique. ». [En ligne]. Bulletin des bibliothèques de France (BBF), t. 51, n° 2, 2006. Disponible sur [consulté le 12/06/2007].
    • Fize M. (1997), « Les adolescents et l’usage du téléphone », Réseaux, n° 82-83
    • Lepp A. ; Barkley J. ; Karpinski, A. (2014).The relationship between cell phone use, academic performance, anxiety, and Satisfaction with Life in college students. Computers in Human Behavior, Volume 31, February 2014, Pages 343–350
    • Licoppe C. (2002), « Sociabilité et technologies de communication. Deux modalités d’entretien des liens interpersonnels dans le contexte du déploiement des dispositifs de communication mobiles », Réseaux, n° 112-113.
    • Thilo von Pape et Corinne Martin, « Non-usages du téléphone portable : au-delà d’une opposition binaire usagers/non-usagers », Questions de communication [En ligne], 18 | 2010, mis en ligne le 01 décembre 2012, consulté le 01 mars 2015. URL : http://questionsdecommunication.revues.org/416

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs Séraphin Alava et Maha Ibrahim

    nuage-mot

  • En quoi la tâche complexe numérique peut-elle devenir vecteur d’assimilation en classe ?

    En quoi la tâche complexe numérique peut-elle devenir vecteur d’assimilation en classe ?

    Ludovia_QuentinColombo

    Problématique pédagogique :

    Nos élèves évoluent dans un environnement numérique très dense. Aujourd’hui ils peuvent avoir accès, via internet, à n’importe quel type de ressources. Comment arrivent-t-ils à faire le tri parmi toutes ces sources ? En mathématiques, la relation frontale professeur/élèves peut susciter de nombreux blocages.

    L’objectif de ma démarche est de replacer l’élève au cœur de son apprentissage. Non seulement il construit ses savoirs en développant ses compétences en matière de numérique mais il acquiert plus facilement les notions du programme car il utilise ses propres mots, ses propres automatismes.

    L’élève apprend à apprendre.

    Apport du numérique :

    Je présente ma tâche complexe sous la forme d’une vidéo qui est réalisée en général sur tablette. J’y inclue une quantité de documents (exercices corrigés, photos de manuels, exemples d’exercices, cartes mentales, extraits d’interview ou d’exposés…) qui sont en lien, de près ou de loin avec le cours.

    Je demande à l’élève de restituer ce qu’il a compris sous diverses formes (comptes-rendus écrits, vidéos, cartes mentales…).

    L’élève doit dans un premier temps faire le tri parmi les informations, puis doit assimiler les notions pour les réutiliser. Le principal avantage du numérique ici est la facilité de rassemblement des informations, l’organisation et la mise en pratique de travaux de ce type.

    Relation avec le thème :

    L’usage du numérique est ici essentiel, car le travail d’assimilation est effectué à la maison. L’élève utilise ces outils pour intégrer des notions éducatives. Nous utilisons les canaux que nos élèves connaissent comme YouTube ou les réseaux sociaux afin d’amener l’école dans un environnement qu’ils connaissent et où ils sont à l’aise.

    Synthèse et retour de l’expérience :

    Les avantages de ce genre pratique sont plutôt difficilement quantifiables en matière de résultats, néanmoins le qualitatif est vraiment mis en exergue. L’élève rassemble et synthétise ce qu’il a compris mais peut aussi noter tous les points qui lui paraissent plus floues.

    Nous allons plutôt parler de conditions de travail améliorées. Les élèves sont plus impliqués et intègrent plus facilement leurs propres mots. Ils sont directement amenés à utiliser leur propre leçon. Chacun peut avancer à son rythme et intégrer au mieux les notions.

    A propos de l’auteur : Quentin Colombo
    Découvrir le programme ExplorCamps Ludovia#12.

  • Usages de l’ordinateur et l’Internet chez les élèves camerounais : du prescrit au détourné. Pour une approche participative de l’éducation aux médias

    Usages de l’ordinateur et l’Internet chez les élèves camerounais : du prescrit au détourné. Pour une approche participative de l’éducation aux médias

    L’un des éléments qui matérialisent l’introduction des technologies dans l’école au Cameroun est la création des Centres de Ressources Multimédias équipés d’ordinateurs connectés à l’Internet.

    Dans ce contexte accessible aux élèves, les décideurs scolaires (promoteurs des technologies à l’école et responsables d’établissements) ont institué un système normatif et prescriptif dans le but d’amener ces apprenants à construire des usages responsables et citoyens, ce qui s’inscrit dans la perspective de l’éducation aux médias. Des normes de « bons usages » de l’ordinateur et l’Internet y sont alors mises en œuvre.

    Constituant une « grammaire d’usages », elles distinguent les usages permis des pratiques proscrites. Parmi les usages prescrits, figurent les recherches documentaires sur Internet ou avec le programme Encarta, les emails et le traitement de texte. Du fait qu’ils s’inscrivent dans les projets d’apprentissage des élèves, les décideurs scolaires les considèrent comme des usages scolaires.

    Quant aux usages interdits, ce sont les visites des sites pornographiques, les tchatches, les activités ludiques, le visionnage des films, l’écoute des musiques, l’usage de Facebook et les téléchargements.

    Conçues dans le but d’éduquer les élèves à l’utilisation des technologies, ces prescriptions sont matérialisées par des affiches collées aux murs et par l’application des punitions à l’égard des contrevenants.

    Nous avons donc affaire à une démarche d’éducation aux médias dont le but est de configurer les apprenants et leurs pratiques technologiques. Ici, les usages prescrits ne relèvent pas de la conception technologique, mais sont le fait des usagers prescripteurs qui mettent en œuvre les représentations qu’ils ont des médias en tant qu’outils pédagogiques (idem).

    La nécessité de discipliner les élèves et leurs usages vise ainsi à les amener à consommer les produits pour lesquels l’ordinateur et l’Internet sont intégrés à l’école et à s’aligner sur les objectifs et intentions des prescripteurs. Du coup, le statut qui leur est attribué dans ce contexte, est celui d’individus consommateurs et passifs (De Certeau, 1980).

    Mais au cours des entrevues menées avec 105 élèves et lors des observations directes conduites dans les sept établissements pilotes d’intégration pédagogique des technologies, nous avons répertorié les usages suivants : recherches documentaires sur Internet, recherches avec Encarta, activités ludiques, écoute des musiques, visionnage des films, traitement de texte, emails, tchatches, visite des sites pornographiques, téléchargements, dessins, usage de Facebook et recherches d’informations sur la vie des stars.

    Cette diversité d’usages qui traduit les fonctionnalités de l’ordinateur connecté, combine les objectifs scolaires et les intentions socio-personnelles des apprenants. Leur examen montre un décalage entre ce qui est prescrit par les décideurs et ce qui est effectivement réalisé par les apprenants (Paquelin, 2009).

    Car, en dépit des normes et punitions fixées, les élèves arrivent à mettre en œuvre des pratiques autres que ce que leur administration attend d’eux.

    Dans l’ensemble, l’approche adoptée pour éduquer aux médias dans ce contexte n’a pas empêché des écarts entre le prescrit et le réel (Kiyindou, 2011). Cela montre que les élèves ne se satisfont pas de leur « statut de consommateurs […] » (Vitalis, 1994 : 8) de l’éducation aux médias. Nous sommes donc en face des apprenants qui à la fois possèdent un pouvoir et une autonomie, et sont pris entre les contraintes du contexte scolaire d’utilisation des technologies. Mais en même temps, ils exploitent les contraintes et les possibilités de ce système pour pouvoir marquer autrement leur place dans le processus de l’éducation aux médias.

    À cet effet, ils imaginent une diversité de stratégies de détournement des prescriptions qui échappent le plus souvent au contrôle des décideurs : attroupement autour d’un ordinateur, choix du fond de la salle, ouverture simultanée de plusieurs fenêtres, négociations avec le chef du CRM, diminution de l’éclairage de l’écran, usage des écouteurs et fréquentation des cybercafés. Cela montre alors l’intérêt d’adopter une approche participative de l’éducation aux médias, dans laquelle les élèves ne sont plus considérés comme des utilisateurs finaux et consommateurs, mais en tant qu’acteurs et contributeurs (Akrich, 1998 ; Béché, 2010a).

    Note de positionnement scientifique

     

    1- Cette proposition de communication s’inscrit dans l’axe intitulé : « Le monde éducatif… »

    2- La méthodologie appliquée est basée sur l’utilisation de l’interview et de l’observation directe comme outils de collecte de données. Si les entretiens ont été menés avec 105 apprenants choisis en fonction de leur genre, niveau d’études et familiarité avec l’ordinateur et l’Internet, les observations directes ont été conduites dans sept établissements pilotes d’intégration pédagogique des TIC au Cameroun.

    Quelques références bibliographiques

     

    • Akrich, M. (1998). « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation ». Éducation Permanente, n° 134, p. 79-89.
    • Béché, E. (2010a). « Le détournement d’une innovation par les apprenants camerounais. Pour une approche globale et participCHative de l’intégration scolaire des TIC ». ESSACHESS, Innovation et communication dans le contexte de la mondialisation, vol. 3, n° 5, p. 139-150.
    • Béché, E. (2010b). « Les élèves de Maroua (Cameroun) et l’interdiction du téléphone à l’école : Opinions et stratégies de détournement. Pour une gouvernance techno-scolaire systémique et participative ». Kaliao, vol. 3, n° 4, p. 9-26.
    • Chaptal, A. (2007). « Usages prescrits ou annoncés, usages observés. Réflexions sur les usages scolaires du numérique par les enseignants ». Document Numérique, n° 10, p. 81-106.
    • Cottier, P. et Choquet, C. (2005). « De l’usager construit à l’usager participant Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain, n°1, p. 449-454

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Emmanuel Béché

  • Appropriation contre détournements : faire œuvre malgré l’interactivité

    Appropriation contre détournements : faire œuvre malgré l’interactivité

    L’art dit « interactif » est souvent célébré pour un nouveau type de rapport à l’œuvre qu’il permettrait, axé sur la participation. Mais cela fait-il des « spectacteurs » (Weissberg) des partenaires de création de l’artiste ?

    Cette communication montrera en quoi cela dépend de leur attitude face à l’œuvre, selon qu’ils cherchent à se l’approprier ou à la détourner.

    On verra alors comment les deux approches, plutôt concurrentes que complémentaires, s’inscrivent dans deux conceptions antagonistes de la création que  l’art interactif tente de concilier.

    Pour commencer cette communication, je décrirai (de manière qualitative plutôt que quantitative) différentes situations d’interactivité observées dans des expositions et proposerai une typologie des comportements des spectateurs selon le prisme de l’appropriation et du détournement.

    Je m’interrogerai ensuite sur les significations (étymologiques et conventionnelles) attachées à ces termes et à l’usage particulier qu’on en fait dans « l’art numérique ». Pourquoi y sont-ils souvent associés à l’attitude des spectateurs alors que, dans l’art contemporain, ils caractérisent plutôt celle des artistes (cubisme, ready-made, pop art…) ?

    Je m’intéresserai alors à ce qu’on pourrait appeler « l’appropriabilité » des œuvres, comme une forme d’ouverture (Eco) accompagnée d’une injonction à participation (sans quoi l’œuvre « interactive » ne fonctionnerait pas). Est-ce une forme d’empowerment qui, en « donnant la parole » aux spectateurs, ne fait que la leur rendre (avec une certaine condescendance) pour mieux la contrôler, ou une opportunité émancipatrice (Bacqué et Biewener) ? En limitant la participation à des possibilités d’interaction, n’est-ce pas une façon d’enfermer les spectacteurs (Pelé) et de restreindre ainsi leur marge d’interprétation et de transgression ?

    Lorsque les spectateurs s’approprient l’œuvre, ils épousent les intentions de l’artiste, éventuellement la prolongent, mais peuvent-ils la détourner, c’est-à-dire la faire évoluer dans une direction non désirée par l’artiste ? Car, pour s’approprier l’œuvre, ne faut-il pas que celle-ci soit considérée comme finie, une forme déjà individuée (Simondon), un objet esthétique à part entière, qu’on peut adapter à soi pour en prendre possession ?

    Au contraire, détourner l’œuvre suppose que son processus de création soit encore en cours, ou que, à tout le moins, il soit possible de le rouvrir pour faire sienne, non pas l’œuvre réifiée, mais la démarche qui la produit. N’est-ce pas là une des limites de la participation permise par l’interactivité ? En effet,  quelle que soit son ampleur, celle-ci doit, d’une manière ou d’une autre non seulement favoriser les interventions des spectateurs mais aussi les contenir dans une ampleur raisonnable, qui ne dénature pas l’œuvre. Autrement dit, si l’art interactif propose une création en mouvement, celle-ci est à concrétiser (actualiser le virtuel) plutôt qu’à continuer d’inventer : dans la division des rôles (critiquable) d’Edmond Couchot, le rôle de l’auteur-aval n’est-il pas accessoire par rapport à celui de l’auteur-amont, qui est à l’initiative de l’œuvre et en conserve la paternité ? Car, s’ils se livraient vraiment à des détournements des œuvres, ne devrait-on pas qualifier les spectateurs d’artistes ?

    Tels seraient alors, quelques paradoxes des œuvres interactives : favoriser l’appropriation active tout en décourageant le détournement ; ouvrir la création aux spectateurs sans remettre en question le statut privilégié de l’artiste ; exposer le processus de création pour mieux le clore, comme si sa valeur tenait dans l’aboutissement de l’œuvre. Serait-ce alors un moyen de surmonter l’alternative « procès ou création » (telle qu’analysée par François Jullien dans son ouvrage éponyme) en mettant en œuvre l’un et l’autre simultanément ?

    Bibliographie relative au résumé de la communication

    • Bacqué Marie-Hélène et Biewener Carole (2013), L’empowerment, une pratique émancipatrice, La Découverte, Paris.
    • Couchot Edmond (1988), Images, De l’optique au numérique, Hermes, Paris.
    • Danto Arthur (1981), La transfiguration du banal, Seuil, Paris.
    • Eco Umberto (1965), L’œuvre ouverte, Seuil, Paris.
    • Jullien François (1989), Procès ou Création. Une introduction à la pensée des lettrés chinois, Seuil, Paris.
    • Rancière Jacques (2008), Le spectateur émancipé, La fabrique, Paris.
    • Simondon Gilbert (2010), Communication et information, La transparence, Chatou.
    • Weissberg Jean-Louis (2000), L’auteur en collectif entre l’individu et l’indivis, in L’art et le numérique, Hermès, Paris.

    Positionnement scientifique

    Cette communication s’inscrit dans la section (universitaire) 18 (esthétique de la création contemporaine). Elle combinera une approche descriptive (de comportements observés dans des lieux d’exposition) et réflexive et théorique (voir bibliographie).

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
    A propos de l’auteur Célio Paillard.