Catégorie : recherche

  • De la médiatisation des contenus à la médiatisation des dispositifs de formation

    De la médiatisation des contenus à la médiatisation des dispositifs de formation

    [callout]Il part du principe que la pédagogie évolue avec le temps, sans qu’il soit question des technologies. La vraie question pour lui est de savoir si les technologies peuvent donner l’occasion de modifier la pédagogie et ce qu’elles apportent[/callout].

    Son idée de base est la modification de la pédagogie qui doit basculer vers une pédagogie plus ouverte, d’action et de mise en activités.

    « Les enseignants ne doivent pas oublier que leur métier est tout d’abord de faire apprendre ».

    La diversité est le maître mot de la pédagogie « nouvelle », ainsi pourrait-on résumer le point de vue de Daniel Peraya : diversité des approches, diversité des lieux, diversité des ressources, diversité des moyens etc.

    Au fil du temps, les technologies via les outils ont fait l’objet de véritables recherches.

    « La posture a changé par rapport à ces objets de technologies et on est venu à parler de dispositifs, ce qui signifie que ces technologies peuvent avoir un effet sur les apprenants, à condition que les dispositifs soient organisés et scénarisés ».

    Ensuite, ces technologies permettent réellement d’avancer sur les apprentissages à distance. C’est un point non négligeable pour Daniel Peraya qui résume l’enseignement présentiel en cela :

    « La formation en présentiel classique obéit aux règles de la tragédie classique, c’est sans doute pour cela que c’est tragique : unité de lieu, unité de temps, unité d’action ».

    crédit photo : Manolo Guizar

  • Numérique et connaissances : et si on arrivait au «finage numérique» ?

    Numérique et connaissances : et si on arrivait au «finage numérique» ?

    Pour lui, l’idée de l’égalité avec le numérique n’est pas au rendez-vous. Il dresse le constat que les différences d’accès, comme celles d’accès aux soins ou à la culture par exemple, sont les mêmes avec le numérique ; selon un gradient de revenu économique, de formation initiale des individus…

    « La transformation d’un système éducatif est quelque chose de vraiment difficile à analyser », notamment parce que ce système est porteur de valeurs qui sont inscrites dans le pays.

    D’autre part, il soulève un autre point, celui du renouvellement d’un enseignant, en ces termes :

    « Le renouvellement de la technologie, c’est 18 mois. Le renouvellement d’un enseignant, c’est 30 ans ».

    Pour Didier Paquelin, l’enseignant doit s’affranchir de ce qui l’a formé pour devenir à son tour créateur. Certaines études montreraient que ce temps serait de sept à huit années d’exercice professionnel.

    Il aborde ensuite les notions de spatialité et de temps d’apprentissage. Comment le système éducatif peut-il s’adapter à ces changements ?

    Enfin, il introduit la notion de « finage numérique« .

    C2E_Paquelin1_150914Au moyen-âge, le finage est une communauté villageoise pour produire individuellement mais aussi collectivement… par analogie, le finage numérique est à la fois cette notion de communauté, qui permet à des individus de s’exprimer, mais aussi à des collectifs de se constituer et d’aller emprunter des composantes aux différents mondes, formels, informels … et de se constituer son territoire pour son apprentissage.

     Voir la présentation en PDF de Didier Paquelin

     

     

    Plus d’infos : le site du Campus européen de l’Univerisité de Poitiers ici

    crédit photo : Manolo Guizar

  • Consocréation : la quête de l’originalité dans la consommation comme illusion de compétence créatrice

    Consocréation : la quête de l’originalité dans la consommation comme illusion de compétence créatrice

    tagcolloque-scientifique

    Le terme consocréation est un oxymore. Il décrit le lien indissociable entre la consommation de la création. Déjà fortement présents avant l’apparition d’Internet, les outils consocréatifs sont ceux qui proposent un encadrement technique à base de masques, de modèles ou de thèmes. L’utilisateur et ses destinataires s’en suffisent mais ils pensent créer alors qu’ils consomment des fonctionnalités de « personnalisation ». Avec la généralisation des blogs puis des réseaux sociaux où il est possible de « créer » sa page sans programmation (d’ailleurs, le mot n’apparaît sur aucun dispositif socionumérique), l’illusion de compétence est portée à son plus haut degré. Les attentes et la réception des contenus ainsi mis en ligne revoient une image positive car chacun fait de même et ne recherche plus la créativité dans ces cadres imposés mais l’originalité.

    Introduction

    Ce travail revisite l’oxymore « consocréation » qui avait été proposé en 2008 à Ludovia pour désigner les conséquences du lien indissociable entre consommation et création lors de l’utilisation d’outils innovants. Depuis, la pénétration dans les espaces publics et professionnels des dispositifs socio-numériques en ligne comme Facebook a généralisé des pratiques et des usages inédits. Dans le fond il ne s’agit que d’un véhicule de communication de plus, un « cas particulier des transports » (Escarpit, 1986, p. 9) supplémentaire. Facebook, LinkedIn, Tumblr, Ask et Racontr sont autant d’applications qui portent sur des segments thématiques connexes et le plus souvent juxtaposés. Comme ils ont pris énormément d’importance dans les budgets temps consacrés à l’utilisation des ordinateurs, tablettes et téléphones depuis le colloque « Do it Yourself », il est intéressant de questionner l’actualité du concept de consocréation dans ce nouveau cadre.

    En effet, la part de la consommation apparaît avoir à ce point pris de l’importance qu’elle semble diminuer la part de créativité pourtant mise en avant sous couvert de montration identitaire, de « partage » de contenus personnels ou de ressources entre « amis ». Après avoir évoqué les éléments définitionnels et les ancrages théoriques en esthétique et SIC, la communication aborde un terrain travaillé de manière qualitative. La population d’apprenants en IUT est choisie pour sa proximité temporelle avec le Lycée, moment où les pratiques socio-numériques se sont mises en place – et l’orientation de leurs usages vers davantage de compétence professionnelle. Les résultats montrent une ségrégation entre les espaces numériques, une évolution du vocabulaire liée aux sollicitations sémantiques de ces nouvelles interfaces et une confusion entre consommation et création.

    « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux »

    En 2008, le colloque Ludovia avait pour thématique « Do it yourself ». Ce choix entrait en résonance, entre autres, avec le travail de Marcel Duchamp sur les « ready-mades ». Pour l’auteur de l’Ingénieur du temps perdu, « il y a le pôle de celui qui fait une œuvre et le pôle de celui qui la regarde ». Pour autant, il « donne à celui qui la regarde autant d’importance qu’à celui qui la fait » (Duchamp, 1976 p. 122). Dans le monde multimédia où il est impossible de ne pas consommer, ce discours peut être transposé à la relation indissociable qui rassemble la consommation avec la création en précédant les processus de réception et d’interprétation. Nous avions donc suggéré de rapprocher les deux termes dans un oxymore. Résultant de la contraction des deux mots, « consocréation » qualifiait sur un continuum les activités où la consommation serait perçue comme indissociable de la création et où l’acte créatif serait précédé et procédé par et pour la consommation. Cela concerne l’ensemble des activités numériques. Par exemple, le travail graphique de photographie et l’écriture avec un traitement de textes nécessitent du temps logiciel. Cette forme de consommation recèle en outre des consommations secondes telles que la durée de l’apprentissage, etc. Elle intègre également une dimension créative car les hommes fonctionnent et agissent de manière relativement personnelle lorsqu’ils manipulent un outil. La séquence de consommation serait donc un processus de création et inversement. C’est pourquoi le marketing des TIC vend de la potentialité créative en démontrant ce que l’on peut faire en consommant des outils innovants.

    Le travail de 2007-2008 s’appuyait sur un terrain empirique réalisé avec une population de sujets étudiants en IUT (premier cycle) invités à répondre à une enquête tout en effectuant une production de développement graphique. Internet était déjà très employé mais les sites de réseautage social comme Facebook n’avaient pas encore pris la place qu’ils occupent aujourd’hui. Depuis, les habitus ont changé. Certaines pratiques se sont amplifiées tandis que d’autres ont périclité. C’est pourquoi il est intéressant de revisiter le concept de consocréation avec un public de même nature alors que les dispositifs socio-numériques sont devenus un pôle motivationnel majeur de l’emploi des machines numériques. En outre, ces dispositifs favorisent la création de textes, c’est-à-dire d’écrits, d’images, de vidéogrammes. Cette production ne comporte pas seulement des « menus propos (Goffman, 1953, p. 107) permettant de maintenir l’interaction et qui s’épuiseraient vite » (Papi, 2007, p. 185). Elle se compose également de réalisations plus construites qui peuvent être personnelles et ne résultent pas seulement de l’identification d’informations déjà existantes à « partager ».

    Qu’en est-il de l’influence de la consommation d’une part et des limites des outils communicants d’autre part dans le processus créatif ? Certes, ces limites peuvent engendrer une créativité nouvelle par leur dépassement mais simultanément, elles imposent une standardisation de la production et donc une habituation du regard. L’illusion de compétence entretenue par les outils s’est-elle encore développée et si oui, a-t-elle changé les représentations de la créativité ? La question mérite d’être posée au moment où « faire le buzz », c’est-à-dire acquérir de la notoriété, ne nécessite plus d’être créatif personnellement, mais d’être capable de dépister et de valoriser ce qui chez les autres est porteur d’une co-création entre auteur, diffuseur et récepteurs de l’œuvre (partages et portails).

    Ces phénomènes de consocréation ne sont pas neutres dans l’espace social. Certes des internautes mettent en ligne des pages personnelles dans lesquelles ils décrivent comme « citoyenne » la participation à l’évolution des produits pour « donner du sens à la consommation » (Perchat, 2006) et ces retours participent du processus de reverse ingineering à l’origine de l’amélioration des produits. Toutefois, cet aspect participatif ne doit pas masquer l’approche critique que portent les sciences de l’information et de la communication (SIC) et donc leur capacité de revenir sur un terrain qui parfois résiste mais mérite d’être travaillé.

    C’est pourquoi les observations concernent le même type de population que celle qui avait été travaillée en 2008. L’établissement, l’IUT de Perpignan est identique et concerne 63 étudiants de L2 et 59 inscrits en licence professionnelle. L’effectif est moitié moindre mais il est pertinent au regard de la méthodologie retenue. En effet, tous les apprenants participent à des sessions avec le chercheur qui est le référent pédagogique. C’était déjà le cas précédemment et nous avions retenu de l’expérience qu’un nombre de sujets plus réduit était suffisant pour vérifier les hypothèses par la méthode qualitative. Cette dernière est toutefois complétée, afin de servir de repère, par un questionnaire administré en ligne en début de session et par le suivi des productions effectuées avec l’outil informatique pendant les semestres 2 et 5. Le travail souffre néanmoins d’un biais, qui s’est finalement révélé fécond car le responsable d’une licence professionnelle a demandé de supprimer le travail d’exploitation à l’oral de Powerpoint du programme car « tout le monde le connaît » et de le remplacer par une « sensibilisation aux bonnes pratiques et à une utilisation responsable » des matériels et des ressources.

    Consommer pour créer : les outils

    Six ans seulement se sont écoulés depuis le colloque « Do it Yourself ». Pourtant, les changements sont sensibles. Ils concernent l’utilisation de produits qui en ont supplanté d’autres et l’abandon de ceux qui leur ont cédé le pas. Malgré son gigantisme, Live Messenger est ainsi passé de l’omniprésence au quasi-oubli. Certains évoquent déjà la décroissance de Facebook (Eldon, 2011) au profit d’ask.fm (Belot, 2013) et d’autres applications en ligne. Faut-il s’interdire d’imaginer celle de Google ? Le gigantisme n’est pas une garantie de pérennité. Sur le versant professionnel, l’outil de création multimédia Director a été abandonné. Il en va de même pour son module Flash qui lui a un temps succédé. Cette disparition n’est d’ailleurs pas sans poser des difficultés à la communauté éducative qui l’utilisait en pédagogie. Étonnamment, la disparition de ces outils créatifs n’est pas liée à un manque d’engouement de la part des développeurs[1]. Après leur rachat, ce sont les politiques globales de segmentation des produits d’Adobe qui ont conduit à leur retrait.

    Cela met en exergue, s’il en était besoin, la place forte tenue par le marketing stratégique, et donc de la consommation dans les processus créatifs assistés par des outils numériques. Certes, des peintres, des sculpteurs et des musiciens composent encore des œuvres en dehors du champ informatique, même s’ils emploient les médias digitaux[2] pour communiquer. Alors que le support de l’œuvre a toujours été un enjeu majeur pour assurer sa pérennité, les créateurs ne disposent plus d’aucune visibilité sur la compatibilité de leurs fichiers de travail avec les outils qu’ils emploieront dans l’avenir ni sur la lisibilité de leur fichier final dans le temps. Cela s’est déjà vu… Entre 1986 et 1992, il s’est vendu en France plus de 500 000 ordinateurs Atari 1024 et Mega ST. Leur succès était notamment dû aux prises MIDI qu’affectionnaient les musiciens. Le format des images était.IMG. Depuis, ce format a été rétribué aux images… Disque et non plus aux fichiers bitmap. En d’autres termes, les créateurs qui n’ont pas converti leurs travaux avant de changer de machine ont connu de très lourds problèmes de récupération de leurs données graphiques.

    Les applications en ligne, qui semblent pourtant toutes fonctionner sur la base de langages communs, sont elles-mêmes à considérer comme un produit dont le cycle de vie est conçu a priori de la naissance à la mort. Ils ont ceci de particulier qu’ils touchent tellement de personnes dans le monde que leur utilisation engendre l’apparition de postures collectives dans les manières de créer, dictées par les effets facilitateurs et limitants des logiciels. Avec les outils numériques, il faut donc chercher l’acte créatif soit de manière classique dans l’emploi des applications qui permettent de créer de toutes pièces une œuvre nouvelle – comme un dessin avec Illustrator – ou dans le dévoiement des applications – comme employer Facebook comme une plateforme pédagogique alors qu’il n’est pas fait pour cela. L’initiative esthétique, la créativité et la production de qualité, dans le cadre des contraintes de la consommation des outils innovants et de l’éducation du regard des récepteurs de l’œuvre sont donc toujours d’actualité. L’univers de développement – puisque c’est le terme employé – est un théâtre numérique. Cette nouvelle scène reprend les contraintes déjà évoquées en son temps par Jean-Baptiste Poquelin et résumées par André Gide pour qui « l’art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté » (Gide, 1929, p. 437) [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    L’illusion de contrôle de la compétence

    La majorité des utilisateurs de ressources numériques ne crée pas de sites Internet complexes avec Drupal et n’édite pas ses images avec Lightroom. Pour développer sa clientèle, le marketing entretient dans le grand public l’illusion que l’accès aux fonctionnalités d’un outil permet à tout un chacun de créer des contenus dits « professionnels ». Nombre de logiciels ont d’ailleurs pour dénomination commerciale leur nom de marque suivi du dénominateur « Pro ». Cette stratégie a été mise en place au moment de la pénétration de la bureautique dans les foyers et elle perdure. La quête de l’autonomie était alors présente dans le noyau central des représentations sociales de l’ordinateur individuel (Gobert, ibid.) car les professionnels travaillaient sur des machines identiques. C’était oublier que réaliser un document en appliquant de-ci de-là des fonctionnalités diverses et des réglages automatiques ne pouvait absolument pas abuser le regard d’un expert. Cette croyance semble néanmoins toujours d’actualité, même si elle ne se situe plus au premier plan des représentations.

    Lors des séances de travaux dirigés portant sur l’image, les apprenants manquent rarement de préciser que « les règles doivent être dépassées ». En langage étudiant, cela signifie qu’il n’y a donc pas besoin de les connaître : il suffira de les apprendre plus tard en cas de besoin. Ce point signe l’existence d’un premier volet de l’illusion de contrôle. Cette illusion est celle qui consiste à croire que l’on sera en capacité de solutionner dans le futur un problème qui se présente aujourd’hui à minima. Gabriel Moser l’avait décrite comme un mécanisme de défense qui permettait de lutter contre les stress urbains (Moser, 1992). Dans le cadre numérique, elle pourrait être comprise comme une illusion de compétence, un moyen de gestion des incompréhensions et de la pression sociale devant lesquelles nous place la technologie (Gobert, 2010, 2013). En effet, malgré les promesses d’un monde meilleur, les technos sciences sont anxiogènes du fait de l’incapacité à suivre le rythme de leur développement et de la dépendance à autrui qu’elles créent. L’illusion de compétence est une des réponses qu’apportent les individus pris dans l’engrenage pour gérer le stress induit par le contexte des technologies.

    En outre, la mercatique nourrit l’impression trompeuse que l’accès à l’outil est la portion la plus complexe du chemin. Investir financièrement dans des applications ou être dépendant de quelqu’un qui soit capable d’installer les logiciels en les « piratant » peut apparaître comme une contrainte. Le modèle de la gratuité, qui s’est imposé avec les logiciels et les systèmes d’exploitation libres peut apparaître comme la solution à ce problème. Il semble cependant que l’effet soit plus nuancé. Il augmenterait paradoxalement la tension car le sujet, placé devant ses méconnaissances techniques et qui ne souhaite pas les acquérir doit alors recourir à des aides et des forums en ligne. Fortement chronophages, ils ont pour prix le temps de recherche des informations, de leur organisation et de leur compréhension. Certes l’autopoiésis, où le sujet se réalise par lui-même avec ses apprentissages en autonomie (Varéla, Maturana, 1974) est possible. Elle ne semble concerner qu’un petit nombre d’individus fortement motivés et entretient chez les autres une illusion de compétence. Cette illusion peut se résumer de la manière suivante : « si je veux me former, je pourrai le faire. Dans l’immédiat, ce n’est pas d’actualité car je ne dispose ni du temps ni de la motivation nécessaire, mais si j’en ai besoin, je sais que je pourrais. C’est moi qui décide quand et comment ».

    Depuis l’apparition des réseaux sociaux, un ordinateur non connecté n’est plus intéressant (Gobert, 2009, 2010). Il est devenu un terminal relié à Internet qui contient non seulement une banque d’informations et de soutiens potentiels, mais également le moyen de gérer son gisement de relations sociales. Cette gestion, portée par des techniques en ligne de storytelling et de fonctions synchrones de communication instantanée, constitue l’un des premiers vecteurs de motivation de l’utilisation des réseaux. Sur le plan créatif, une page Facebook suffit à la majorité des utilisateurs. Par exemple, bien que nous encouragions vivement les étudiants désirant intégrer le monde du travail à compléter leur CV et leur lettre de motivation par une page personnelle, ceux-ci éprouvent des difficultés à s’investir. La question qui revient le plus fréquemment et que tous les référents pédagogiques connaissent bien dès lors que s’élève le degré de liberté dans le choix d’un sujet est « donnez-nous des idées ». C’est d’ailleurs pourquoi Facebook préremplit des champs à saisir afin de lancer les processus d’écriture. Cette interrogation signe l’emprise de la consommation sur la création car l’accompagnement logiciel prend le pas sur la compétence du sujet. Dans une vision compendieuse où la création suppose une maîtrise préalable des techniques, la consommation semble nourrir dans l’espace social une illusion de créativité. [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    Croire que l’on crée alors que l’on consomme

    Pour le Robert, création et consommation sont opposées. Dans ce dictionnaire, la création serait « l’action de donner de l’existence, de tirer du néant (…), de faire, d’organiser une chose qui n’existait pas » (Rey, 1993 p. 505). Cette définition correspond à « create », employé en bureautique pour créer un nouveau fichier tandis que « edit » désigne le travail de création des contenus d’un document. Cela fonctionne comme si un peintre « créait » son tableau quand il prépare son fond de toile et « l’éditait » au moment de peindre. La création désigne encore ce qui en « résulte » (Souriau, 1990, p. 522), l’œuvre en l’état, comme l’ensemble du vivant serait l’aboutissement contemporain d’un processus qui aurait débuté avec la séquence fondatrice de la genèse. La création serait donc une production destinée à satisfaire un besoin dans le temps alors que la consommation « détermine la satisfaction immédiate d’un besoin ». Il s’agit de « faire des choses une utilisation qui les détruit ou les rend ensuite inutilisables » même si ce « n’est pas une destruction de matière mais une destruction d’utilité » (Rey, ibid. p. 450).

    Réunir les deux termes signe l’existence d’un système dialectique qui tisse un lien inédit. La consommation d’une technologie la fait exister, lui donne corps. Elle ne peut se développer que de cette manière. Sans utilisateurs, elle est vouée à l’oubli et n’existe plus. S’il y a usure, c’est par lassitude à force d’usage. Comme les sociétés dans l’histoire, les applications en ligne connaissent un cycle de vie avant de décliner au profit d’une autre. Mais globalement, des lignes de force s’esquissent. L’une d’elles semble sourdre de l’émergence depuis la fin des années 1990 des applications, en ligne ou non, intégrant des modèles, thèmes ou masques de saisie. Ces outils ont vocation à débarrasser l’utilisateur de l’ensemble des contraintes techniques liées au soubassement informatique. C’est cette caractéristique que nous retenons principalement pour désigner la programmation consocréatique d’un applicatif on line. Ainsi, la consommation serait l’acte de créer sans apprentissage préalable ou avec un apprentissage réduit des contenus qu’il ne serait pas possible de réaliser avec aisance autrement qu’en bénéficiant de l’accompagnement technique automatisé.

    Le copier-coller, toujours fortement pratiqué par les étudiants, en est une variante. Les étudiants y voient un gain de temps. Il est en effet plus facile de compiler des données plutôt que de les créer en rédigeant. Cela conduit un acte de réorganisation de l’information plutôt qu’à une production originale, encore que cette réorganisation puisse elle-même être originale et considérée comme une forme de création. Le côté créatif ne fera assurément pas l’unanimité, et d’aucuns parleront davantage de plagiat. La fonctionnalité de « partage » sur Facebook, que ce soit des liens ou directement des contenus déjà « trouvés » par d’autres, inscrit la rediffusion de contenus dans le champ d’une sorte de post-création incitant les « amis » et « groupes » à la consommation de ces contenus. Le gisement de pages Facebook, contient ainsi très peu de créations originales mais plutôt des mises en avant de textes (images, films, dessins, etc.) déjà créés par d’autres. La messagerie et les statuts favorisent la production écrite personnelle. À la limite, il est possible de dire que jamais, depuis l’apparition de ces outils et leurs approches de storytelling, les sujets n’ont autant lu et écrit et lu, même s’il s’agit de menus propos. Ceux-là mis à part, les serveurs de Facebook doivent contenir un catalogue de doublons sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La fonction partage a d’ailleurs certainement été mise en place dans le but de limiter le copier-coller qui consommait trop d’espace inutile sur les serveurs. Cet aspect met en lumière, s’il en était besoin, le paradoxe qu’il y a ente la mise à disposition d’un outil favorisant les créations textuelles, graphiques et musicales sans précédent et son utilisation première comme média de rediffusions multiples de contenus. La capacité à trouver une ressource encore ignorée et susceptible de faire le buzz devient un acte signifiant alors que dans le cadre du copier-coller c’était l’inverse : on cherchait plutôt à dissimuler cette fonction de « partage ».

    Il semble donc que l’on consomme davantage que l’on ne crée. Or comme chacun fait de même, la pratique devient socialement acceptable. Le regard de l’autre, co-créateur des contenus textuels mis en ligne accepte comme « sympa » la proposition d’un lien utile ou humoristique. Une certaine originalité finit par se dégager car aucune page ne ressemble à une autre. Elles renvoient en fin de compte l’image d’une création alors qu’il ne s’agit que de consommation des possibilités techniques d’un espace applicatif. Nous désignons comme « espaces applicatifs » des sites où le sujet emploie des fonctionnalités logicielles comme des thèmes ou des modèles de documents dans lesquels il ne gère ni la mise en forme ni les contenus mais où il est exclusivement invité à poster des contenus et personnaliser sa page avec les options disponibles. Cela n’est pas sans créer une certaine uniformisation qui freine l’originalité créative. Toutefois, cette limitation engendre une production de contenus jamais égalée. [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    Conclusion

    Au cours de cette communication, nous avons souhaité revisiter l’oxymore « consocréation » proposé en 2008 lors d’une précédente édition de Ludovia. Basé sur des observations de 2007 alors que Facebook était peu présent dans l’hexagone, le travail précédent nécessitait d’être revisité dans le contexte de massification des dispositifs socio-numériques. Les observations sont réalisées selon une méthodologie qualitative dans un IUT pendant des sessions de formation. Toutefois, la posture critique des sciences de l’information et de la communication, qui analyse la production de textes et observe les rapports entre les personnes est privilégiée. Elle met en lumière la part croissante de la consommation et de l’hybridation des contenus sur la créativité originale. Elle montre par ailleurs la progression du mécanisme des illusions de contrôle et de compétence comme régulateurs du stress technologique et de l’urgence communicationnelle connectée. Simultanément, le masquage de la complexité du soubassement informatique aux yeux des utilisateurs cosocréatifs, c’est-à-dire de la majorité de la population observée, favorise l’émergence d’une production, qui si elle n’est pas forcément renouvelée, a le mérite d’exister et de drainer des apprentissages incidents difficiles à mettre en place dans le contexte institutionnel. Ainsi, comme l’a souligné Gilbert Simondon, le « geste du travailleur sur sa machine prolonge l’activité d’invention » (Simondon, 1989).

    Références bibliographiques

    • Belot Laure 2013, Ask.fm affole les ados en quête de cyber-frissons, Le monde, 3 juin 2013.
    • Bergson Henri 1907, 1996, L’évolution créatrice, Paris : PUF, coll. « Quadrige ».
    • Bigot Violaine 2005, « Négociation de la relation et processus d’appropriation en classe de langue », Aile, n° 22, Arditty & Vasseur, pp. 17 à 44.
    • Duchamp Marcel 1976, Ingénieurs du temps perdu, entretien avec Pierre Cabane, Paris : Belfond, ed. orig. 1966
    • Eldon Eric 2011, Facebook sees big traffic drops in US and Canada as it nears 700 million users worldwide, Inside Facebook, 12 juin 2011, En ligne : www.insidefacebook.com/
    • Ellul Jacques 1990, La Technique ou l’enjeu du siècle, Paris : Economica.
    • Gide André 1929, Prétextes, L’Évolution du théâtre, Essais critiques.
    • Gobert Thierry 2000, « Consocréation : approche prospective des usages de Wanadoo », Journées de la Net Compagnie, EuroDisney : France Telecom, 19 au 23 juin 2000.
      2008, « Consommer pour créer, créer en consommant : la consocréation », in Do it yourself 2.0, Ax-les-Termes : Ludovia, 27 au 29 août 2008.
      2010, « Sites sociaux et dispositif pédagogique : des atouts nouveaux pour l’accompagnement à des compétences numériques ? », Actualité de Recherche en Education et Formation, Genève : AREF, 13 au 16 septembre 2010.
    • Moser Gabriel 1992, Les stress urbains. Paris : Armand Colin.
    • Papi Cathia 2009, « Sympathiser à distance ou la création des cadres de l’interaction », Education et formation, mars 2009 (290), 93-107.
    • Perchat Boris 2006, « C’est quoi au juste la consocréation ? » Créons ensemble de nouvelles richesses, http://boris.typepad.fr/chasseur_de_futurs/la_consocration/index.html
    • Rey-Debove Josette, Rey Alain 1993, Nouveau petit Robert, Paris : Dictionnaires Robert.
    • Simondon Georges 1989, Du mode d’existence des objets techniques, Paris : Aubier.
    • Souriau Etienne 1990, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF.
    • Varela Francisco, Maturana Humberto, Uribe Ricardo 1974, Autopoiesis : the organization of living systems, its characterization and a model, Biosystems 5, pp. 187–196.

    Voir la bio de Thierry Gobert sur Ludovia 2014

    Voir le programme du colloque scientifique dans son intégralité


    [1] Les créateurs professionnels ne se disent pas « artistes » mais « développeurs ».

    [2] Nous qualifions les outils basés sur des techniques informatiques de « numériques » et leur utilisation à des fins sociales de « digitale » (Gobert, 2013)

  • L’influence de l’orthographe dans les objets numériques sur des publics scolaires de Français Langue Étrangère

    L’influence de l’orthographe dans les objets numériques sur des publics scolaires de Français Langue Étrangère

    tagcolloque-scientifique

    Face à l’exigence de la maitrise du français à différents niveaux, l’environnement socioculturel algérien connait une évolution compte tenu des formes d’écriture actuelles engendrées principalement par la consommation d’objets numériques- peuplant l’espace urbain et la vie des usagers à travers : SMS, enseignes commerciales, affiches publicitaires, écriteaux, panneaux signalétiques, journaux, etc. Ces supports d’écriture dévoilent une écriture nouvelle qui n’est pas représentative de la norme orthographique de la France métropolitaine, mais de sa variante algérienne.

    Ainsi, en Algérie, nous nous trouvons confrontés à une situation sociale contradictoire entre les représentations liées au statut de marqueur réservé au français et à son orthographe au sein de la sphère sociale algérienne et l’évolution qui heurte ces représentations à travers les usages de ce dernier marqués par la variation en circulation dans l’espace public algérien et son incidence sur l’apprentissage.

    Cette disjonction sociale autour du français engendrerait, d’après-nous, une influence sur les présumés apprenants de Français Langue Etrangère lesquels vont garder certainement une trace des écarts orthographiques qu’ils visualisent au sein de l’environnement socioculturel algérien.

    Si l’on pose la question dans le champ de la didactique du français, il s’agira pour nous de savoir s’il y a interaction entre les apprentissages scolaires, et ceux relevant de pratiques scripturales urbaines algériennes, conséquente de l’adoption d’objets numériques.

    Ainsi, nous pensons que l’environnement socioculturel algérien à travers les écarts orthographiques qu’il renferme aurait une certaine influence sur les publics scolaires à la compétence orthographique en construction.

    Les résultats auxquels nous sommes parvenus par le biais d’entretiens métagraphiques  portant sur des contenus orthographiques appartenant à l’environnement socioculturel algérien nous éclairant sur l’influence qu’exerce cet environnement sur les publics scolaires. En effet, cette influence existe chez la dite population sans constituer pour autant une dominante, ce qui nous fait interroger sur la place de l’apprentissage scolaire en Algérie.

    En effet, la non prédominance des influences socioculturelles appréhendées chez les populations scolaires à travers l’environnement orthographique et les contenus graphiques qu’il renferme fait valoir face à cela l’école comme lieu synonyme désormais de norme qui, jusqu’ici, domine la référence socioculturelle.

    Références :

    • Jaffré, J.-P. 2003. « Les commentaires métagraphiques ». Faits de Langues, pp. 22, pp. 67-76.
    • Legrange, M. 2010. « Dire et construire l’orthographe ». In : Centre Académique de Ressources sur  la maitrise des langages. www.crdp.accreteil.fr/langages/rubriques/pdf/ pratiques_pedagogiques/dire_et_construire.pdf.
    • Lucci, V., A. Millet. 1992. « Les noms de magasin ont-ils un sens ? ». LIDIL, N° 7, pp. 63-112.
    • Lucci, V. Dir. 1998. Les écrits dans la ville. Paris : L’Harmattan. Makhlouf, M., D. et al. 2006. « Influence de la langue maternelle kabyle et arabe sur l’apprentissage de l’orthographe française ». Les cahiers pédagogiques, n° 440.
    • Sautot, J-P. 2000. Utilisation de l’orthographe et d’autres indices dans la construction du sens en  lecture. Thèse de Doctorat de Sciences du Langage, sous la direction de Vincent Lucci, Université Grenoble III. Consultable sur http://hal.archives-ouvertes.fr.
    • Sautot, J-P., Lucci, V. 2000. « Lire dans l’espace urbain : Les paradoxes des enseignes commerciales ».  Langage et société, n° 96, pp. 29-44

    [callout]SECTION SCIENTIFIQUE DE RATACHEMENT :

    Le monde éducatif : Dans quelle approche est situé l’apprenant face aux nouvelles pratiques d’écriture engendrées par l’adoption d’objets numériques et peuplant l’environnement socioculturel ?

    METHODE APPLIQUEE : Entretiens d’explicitation graphique auprès de publics scolaires afin de dégager leurs stratégies métagraphiques face aux variantes graphiques contenues dans leur environnement socioculturel.

    TERRAIN D’EXPERIMENTATION : Etablissement d’enseignement collégial[/callout]

    Voir la bio de Amira AMRANI sur Ludovia 2014

  • Consocréation et design d’usage à l’école : former ? formater ?

    Consocréation et design d’usage à l’école : former ? formater ?

    tagcolloque-scientifique

    Nous n’envisageons pas les usages des TIC à l’école sous l’angle de la consommation ou/et de la création, ces deux termes s’entremêlant toujours en réalité, entre  complémentarité et contradiction mais plutôt sous l’angle du design d’usage.

    Ce dernier questionne le dessin de l’usage, à savoir une certaine configuration de la scène de travail pédagogique qui repose sur un dessein c’est-à-dire un objectif, une visée éthique ou finalité spécifique.

    Ainsi abordée, la consocréation questionne le sens de l’usage. Bien entendu, on consomme pour créer mais sur quel sens et pour quelle priorité pour l’élève se fonde la consocréation ?  Le former ? Le formater ?

    Notre exposé se fondera sur des exemples concrets de réalisation d’albums en classe  à partir d’un applicatif conçu et réalisé dans le cadre d’ un projet de recherches financé par la Région Limousin et l’Europe.

    Voir la bio de Nicole Pignier sur Ludovia 2014

  • Quand les touristes deviennent agence de voyages. La création d’une application collaborative

    Quand les touristes deviennent agence de voyages. La création d’une application collaborative

    tagcolloque-scientifique

    Le programme de recherche Imagitour analyse les circulations et les imaginaires des touristes en région Centre en partant des données accompagnant les photographies postées sur des sites de partage comme Panoramio, Flickr ou Instagram. Celles contiennent notamment des informations sur les dates et les lieux des prises de vues, permettant de générer des cartographies des fréquentations et des circulations. Elles peuvent également contenir des informations sur l’âge ou la  nationalité des photographes, ce qui permet d’analyser des variations selon certains critères. L’originalité de ce programme de recherche est d’avoir associé à une équipe spécialisée en informatique à une équipe de chercheurs en sciences sociales, qui est allée sur le terrain à la rencontre des touristes pour étudier le rapport à l’image et aux circulations.

    Une des missions du programme est de créer un prototype d’application de type smartphone qui utiliserait ces données associées aux photographies postées sur les plates-formes de partage pour proposer aux touristes des circuits personnalisés. On voit immédiatement, à travers cette application, comment les objets numériques permettent de court-circuiter les modes classiques de consommation : chaque touriste qui poste des photos sur internet devient de fait un conseiller, sans même en avoir conscience, pour les autres. On est ici face à une conception inductive et empirique : la circulation ne dépend plus d’un choix soumis de l’extérieur aux touristes par les entreprises ou institutions concernées, mais elle se calque sur les circuits que les autres touristes ont eux-mêmes générés, selon leurs critères personnels. Ainsi le touriste n’a plus à rentrer dans des catégories préconstruites pour se voir proposer un produit personnalisé, ces catégories ressortant directement des pratiques.

    On voit donc qu’un tel usage des nouvelles technologies implique plusieurs questionnements :

    –        Quel rapport à l’image et à son partage entretiennent les touristes ?

    –        Quelle place est laissée aux technologies mobiles dans un contexte de loisirs ?

    –        Comment la disponibilité de grands volumes de données volontairement partagées par les internautes (big data) change la connaissance des pratiques et son exploitation ?

    Au-delà de l’expérience de création du prototype, des enquêtes de terrain ont été menées pendant l’été 2013. Celles-ci ont permis d’étudier au plus près des touristes leur circulation et leurs usages de la photographie, en utilisant notamment des dispositifs d’enquête novateurs. Ces enquêtes ont notamment montré la complexité d’établir des catégories et la diversité des facteurs influant les choix des touristes.

    L’objet de cette présentation est de présenter un usage particulier des données et outils numériques, tout en soulignant l’importance des recherches classiques pour étudier les comportements et permettre une juste exploitation des informations.

    Note de positionnement

    [callout]Le travail a été réalisé dans le cadre d’Imagitour, programme de recherche financé par la Région Centre.

    Le programme est porté par le Laboratoire Citères de l’Université de Tours, et compte également parmi ses partenaires :

    –        L’EIREST (Équipe interdisciplinaire de recherche sur le tourisme) de l’Université Paris I

    –        L’École Supérieur d’Ingénieur Léonard de Vinci

    Les recherches s’appuient sur l’exploitation des données associées aux photographies postées sur les plates formes de partage Panoramio, Flickr et Instagramm, ainsi qu’aux informations disponibles sur les sites Hotel.com et TripAdvisor. Elles s’appuient également sur des enquêtes ethnographies menées pendant l’été 2013 dans le Val de Loire et le sud de la Touraine.

    Pour plus d’information sur le programme, il est possible de consulter : Chareyron, G., Da Rugna, J., Cousin, S., Piñeros, S., Branchet, B., & Michaud, M. (2014). Observer les pratiques touristiques en croisant traces numériques et observation ethnographique. Le projet de recherche Imagitour. Espaces, 316(janvier-février), 99-107.[/callout]

    Voir le programme complet du colloque scientifique Ludovia#11
    Voir la bio de  Gaël Chareyron, Jérôme Da Rugna, Saskia Cousin et Maxime Michaud  sur Ludovia 2014

  • L’éternelle dialectique :  si la création était l’antithèse de la consommation, quelle pourrait-être la synthèse ?

    L’éternelle dialectique : si la création était l’antithèse de la consommation, quelle pourrait-être la synthèse ?

    tagcolloque-scientifique

    De l’avis général (et bien pensant), mieux vaut être créateur que consommateur. Le premier est novateur, actif, inventif et gentiment rebelle alors que l’autre est suiveur, conservateur et passif.

    Et si les évidences étaient trompeuses et la dialectique inopérante ?

    Peut-être faudrait-il dépasser l’opposition entre consommation et création pour s’interroger en termes d’interactions et de complémentarités ?

    Sans doute conviendrait-il aussi de se demander si une consommation efficace ne vaut pas mieux qu’une création médiocre.

    Les usages éducatifs du numérique renouvellent cette problématique en questionnant aussi bien le métier de l’enseignant que les activités des élèves.

    Les travaux de recherche sur la genèse instrumentale offrent un cadre théorique pour appréhender l’élaboration d’activités instrumentées et donc pour interroger les rapports complexes de la création et de la consommation.

    Voir le programme complet du colloque scientifique Ludovia#11
    Voir la bio de Jean-François Cerisier sur Ludovia 2014

  • Arts numériques et Médias praticables : le public à l’œuvre

    Arts numériques et Médias praticables : le public à l’œuvre

    tagcolloque-scientifique

    Depuis les années soixante, les arts plastiques n’ont eu de cesse de sortir de l’objet d’art pour développer des situations d’expérience esthétique : installation, “in situ”, environnement, et, aujourd’hui, “dispositif”. L’implication du spectateur dans l’œuvre a d’abord été une question de “co-présence” (Art Minimal), puis s’est développée avec la mise en œuvre de l’image même du spectateur (installation vidéo en circuit fermé). À ces principes s’ajoute aujourd’hui, par l’interactivité, l’intégration des mouvements et des gestes des spectateurs. Par la mise en scène de médias praticables, les arts numériques déploient ainsi des cadres de sociabilités et d’actions renouvelés. Une expérience doublement perceptive et manipulatoire des œuvres s’y trouve engagée et implique, pour les médias et l’image, la nécessité d’un équivalent de ce qu’est en musique l’interprétation : entendue au sens de « pratique ». L’interactivité et la jouabilité y composent deux nouveaux régimes sociotechniques d’interprétation des œuvres, qui se doublent d’un renforcement de l’activité d’écriture (du concept, du scénario) et qui génèrent un allongement des consignes et modes d’emploi  préalables ainsi qu’une une multitude de traces interprétatives. En questionnant les théories de la réception, au croisement de l’anthropologie des techniques, de la sociologie de l’art et des sciences de la communication, ma conférence mettra au jour ces inter-activités médiatiques et leurs incidences sur la désignation et circulation d’une œuvre d’art qui se développe selon des cours d’action et des économies spécifiques.

    Le régime du numérique place en effet l’œuvre d’art au cœur d’une négociation entre artistes, informaticiens, dispositifs techniques et publics enrôlés. Je tacherai de montrer comment :

    • d’une part, l’attention du public ne se borne plus au seul objet présumé de la visite (l’œuvre), mais doit également porter sur les conditions techniques de sa réception. Il en résulte une gamme élargie d’externalités : les couches de programmes, les scripts d’emplois, les interfaces utilisateurs, les images à acter dont les statuts et usages sont redéfinis ;
    • d’autre part, l’expérience des médias y est moins strictement distribuée entre une émission et une réception conçues comme deux événements successifs d’un message fixe et immuable. Là où l’œuvre matérialise désormais un univers des possibles, l’expérimentation reprend le dessus sur la logique traditionnellement rigide de la transmission des contenus informationnels.

    Les modalités de l’implication et les pratiques du public seront approchées de différentes manières : par l’observation, en amont de la participation, de stratégies artistiques de captation et de fidélisation du public (contrats de réception et aménagement de prises sur l’œuvre) ; par l’examen des conditions potentielles de la participation du visiteur mises en scène dans des dispositifs informatiques (figures de l’interactivité) ; par l’étude de la participation effective, des interactions et de l’implication sociale du public (modes d’interaction entre l’artiste, l’œuvre et son public).

    Bibliographie

    • BARBOZA P. et J.-L. WEISSBERG (dir.) (2006), L’image actée. Scénarisations numériques, Éditions L’Harmattan, Paris
    • BARTHES R. (1975), « En sortant du cinéma » dans Le bruissement de la langue : Essais critiques IV, Éditions Le Seuil, Paris : 407-412
    • BESSY C. et F. Chateauraynaud (1995), Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception, Éditions Métailié, Paris
    • BIANCHINI S. et J.-P. FOURMENTRAUX (2007), « Médias praticables : l’interactivité à l’œuvre », Sociétés, 96(2) : 91-104
    • BOISSIER J. L. (2004), La relation comme forme. L’interactivité en art, Mamco, Genève
    • CASETTI F. (1990), D’un regard l’autre, le film et son spectateur, Presses de l’Université de Lyon
    • CAUQUELIN Anne (2006), Fréquenter les incorporels. Contribution à une théorie de l’art contemporain, Presses universitaires de France, Paris
    • Cochoy Frank (dir.) (2004), La captation des publics. C’est pour mieux te séduire, mon client…, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse
    • DE CERTEAU M. (1990), L’invention du quotidien, Tome. 1 : « Arts de faire », Gallimard, Collection « Folio/Essais », Paris
    • DUGUET A. (2002), Déjouer l’image, Jacqueline Chambon, Nimes
    • DUGUET A.-M. (1988), « Dispositifs », Communications, numéro 48 : 221-242
    • ECO U. (1965), L’œuvre ouverte, Éditions Le Seuil, Paris
    • ESQUENAZI J.-P. (2003), Sociologie des publics, La découverte, Collection « 128 », Paris
    • FOURMENTRAUX J.-P. (2004), « Quête du public et tactiques de fidélisation : une sociologie du travail et de l’usage artistique des NTIC », Réseaux, numéro 125 :81-111
    • FOURMENTRAUX J.-P. (2005), Art et Internet. Les nouvelles figures de la création, préface de Antoine Hennion, CNRS Éditions, Paris, 220 p.
    • FOURMENTRAUX JP. (2006) « L’image in(dé)cise de la création interactive. Sociologie des arts numériques », Terminal, n° 97-98, Été 2006, pp. 177-190. Et « Partager l’image : art interactif et cinéma praticable », Cinémaction n°122 « Arts plastiques et cinéma », Janvier 2007, pp.200-206.
    • FOURMENTRAUX JP. (2008) « Images mises au Net. Entre art, média et communication numériques », Études Photographiques, pages 140 à 153, 2008
    • GENETTE G. (1996), L’œuvre de l’art, Tome 2, La relation esthétique, Éditions Le Seuil, Paris
    • GOODMAN N. (1996), L’art en théorie et en action, Éditions de l’Éclat, Paris
    • HENNION A. (1993), La passion musicale – Une sociologie de la médiation, Éditions Métailié, Paris
    • HENNION A., S. Mainsonneuve et E. Gomart (2000), Figures de l’amateur. Formes, objets, pratiques de l’amour de la musique aujourd’hui, La Documentation Française, Paris
    • JACQUINOT-DELAUNAY G. et L. Monnoyer (dir.) (1999), « Le dispositif. Entre usage et concept », Hermès, numéro 25 : 9-14
    • KOPYTOFF, I. (1986), « The cultural biography of things : Commodization as process » dans A.  Appadurai, The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perpective, Cambridge University Press, Cambridge :  64-91
    • LATOUR B. (1994), « Une sociologie sans objet ? Remarques sur l’interobjectivité », Sociologie du travail, numéro 4 : 587-608
    • LATOUR B. (1999), « From the concept of network to the concept of attachement », RES Anthropology and Aesthetics, numéro 36 : 20-31
    • MAIGRET E. et E. Macé (dir.) (2005), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin, Paris
    • ODIN R. (2000), De la fiction, De Boeck, Paris
    • PASSERON J.-C. et E. Pedler (1991), Le Temps donné aux tableaux, CERCOM/IMEREC, Marseille
    • PEDLER E. (1994), « En quête de réception : le deuxième cercle », Réseaux, numéro 68 : 85-103
    • SIMONDON G. (1958), Du mode d’existence des objets techniques, 3ième édition (1989), Aubier, Paris
    • SOURIAU E. (1956), « L’œuvre à faire », Bulletin de la Société française de philosophie, Séance du 25 février

    Voir le programme complet du colloque scientifique Ludovia#11
    voir la bio de Jean-Paul Fourmentraux sur Ludovia 2014

  • TIC et Usages des jeux vidéo au sein des organisations familiales en Côte d’Ivoire : Quels enjeux éducatifs pour les enfants de moins 15 ans ?

    TIC et Usages des jeux vidéo au sein des organisations familiales en Côte d’Ivoire : Quels enjeux éducatifs pour les enfants de moins 15 ans ?

    tagcolloque-scientifique

    Les problématiques sur la communication et l’autoformation intègrent de plus en plus les Technologie de l’Information et de la Communication (TIC). Cette démarche n’est pas fortuite d’autant plus que des outils technologiques, notamment les jeux vidéos, s’y font progressivement une place et tout en prenant de l’ampleur au regard des campagnes publicitaires qui les soutiennent. En effet, les jeux vidéo enregistrent de puis quelques années les chiffres de ventes les plus importants à en croire Marie TURCAN : « Avec 800 millions de dollars en une journée, le jeu vidéo Auto 5 (GTV) a explosé le record des recettes engrangées après 24 heures de mise en vente dans le monde  (excepté au japon et au Brésil) »[1]. Toutefois, au-delà de ce volet commercial, cette révolution technoculturelle a bouleversé énormément les rapports entre l’homme et les images pour les réorienter dans le sens de l’interactivité. Or, la notion d’interactivité convoque incessamment un certain nombre d’approches communicationnelles qui reste indéniable à tout processus d’apprentissage.

    Aussi, la question de l’efficacité des jeux vidéo ne se pose-t-elle pas quant on sait que « jouer » s’oppose traditionnellement à la notion de travail bien accompli. Autrement, associer le mot « jeux » à la notion  d’ « éducation » n’invite-t-il pas à un certain nombre de réflexions vu que de nouvelles dimensions d’échange et d’apprentissage semblent gagner du terrain avec les jeux dits instructifs  qui intègrent de en plus les organisations familiales ? Les jeux vidéo ne peuvent-ils pas être pensés comme objets et outils de communication et d’apprentissage sein des familiales au regard de l’importante place qu’ils y occupent déjà ?

    De nombreuses études relève d’ailleurs plusieurs aspects positifs tirés de la pratique des jeux vidéos, notamment au sein des familles. En effet, selon une étude de l’IPSOS/ISFE[2], les parents considèrent les jeux vidéo comme un divertissement alors que pour les chercheurs du Mind Research Network du Mexique et de l’Institut de Neurologie de Montréal, la pratique des jeux vidéo amènent les usagers à être plus aptes aux raisonnements et aux critiques.

    Ramené à notre cadre d’étude, notons que la floraison des jeux vidéo au sein la société ivoirienne à été marquée dans les années 2000 par l’ouverture de nombreux espaces publics de jeux à but lucratif. De plus en plus, ce sont les familles qui se dotent d’espace personnalisé et privé pour s’adonner à leurs jeux favoris sur des consoles et ordinateurs acquis à prix d’or. Toutefois, l’objectif de cette démarche reste très souvent méconnu de l’acheteur à telle enseigne que l’acquisition d’un jeu vidéo serait devenue un effet de mode pour de nombreuses familles en Côte d’Ivoire.

    Les principaux utilisateurs de ces jeux que sont les enfants en tirent-ils réellement profit en termes d’apprentissage ? Le jeu vidéo regorge-t-il un intérêt éducatif pour les joueurs les moins âgés ? Quelle peut-être la contribution de la communication dans la relation joueur-jeux vidéo ? En définitive, ce qui importe pour nous dans cette étude, c’est en quoi les jeux vidéo seraient un outil pertinent de communication et d’apprentissage pour les enfants au sein des organisations familiales en Côte d’Ivoire ? Une hypothèse centrale découle de cette problématique à savoir : la dimension éducative du jeu vidéo reste peu perceptible au profit de son aspect distractif au sein des familles en Côte d’Ivoire.

    En somme, l’objectif de la présente recherche vise à jauger les effets induits d’un meilleur usage du  jeu vidéo dans les organisations familiales. Pour ce faire, notre étude comporte deux parties : dans la première partie, nous jetterons un regard théorique sur l’état des recherches relatif à l’usage et la pratique des jeux vidéos d’une part et de l’autre sur les facteurs et conditions d’appropriation de cette innovation technologique en terme de communication et d’apprentissage. Dans la seconde partie, nous présentons le terrain de recherche, les résultats des analyses descriptives et traitons de leur discussion en vue de vérifier notre hypothèse de recherche.

    [1] TURCAN (M), GTA : Le jeu vidéo de tous les records in Le Figaro.fr, http : www.lefigaro.fr

    [2] Enquête IPSOS/ISFE, Les pratiques des jeux vidéo au sein de la famille, http: www.pedagojeux.fr

    Références

    • BROUGERE (G), Jouer/Apprendre, Paris, Economica, 2005.
    • MUNIZ (C), Jeux de société et activités de mathématiques chez l’enfant, Thèse de Doctorat, Université Paris 13, 1999.
    • NACHEZ (M) et SCHMOLL (P), violence et sociabilité dans les jeux vidéo en ligne, Société, 2003, pp. 5-17.
    • NATKIN (S), Jeux vidéo et médias du XXIème siècle : quels modèles pour les nouveaux loisirs numériques ?, Paris, Vuibert, 2004.
    • TREMEL (L) et Al., Les jeux vidéo : Pratiques, contenu et enjeux sociaux, Paris, L’Harmattan, 2005.
    • VALLEUR (M), L’addiction aux jeux vidéo : une dépendance émergeante ?, Enfances et Psy, vol.2, 2006, pp. 125-133.

    Note de positionnement scientifique

    [callout]Section scientifique de rattachement : L’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC), singulièrement de l’Internet est désormais un enjeu incontournable dans le processus d’apprentissage au sein toute organisation qu’elle soit marchande ou non marchande à l’image de l’organisation familiale. Cependant, comment les utilisateurs des TIC s’approprient-il les outils technologiques, singulièrement les jeux vidéo,  en situation d’apprentissage ? Cette problématique nous amène à insérer notre réflexion dans l’axe 2 de ce colloque : Le Monde éducatif.

    Méthode appliquée : Notre recherche s’appuie sur une approche inductive qui, selon DEREZE (2009 :59), «s’élabore à partir d’observations limitées et situés de faits communicationnels ». Autrement dit, par l’entremise de la démarche inductive, nous nous sommes fixés des objectifs de questionnement donc d’interprétation sur l’usage des jeux vidéo en situation d’apprentissage au sein de certaines organisations familiales en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, nous avons mené des entrevues semi-directives auprès des enfants de moins de quinze et de quelques parents à même de se prononcer sur les construits étudiés. Nous avons ainsi élaboré un guide d’entretien avec des questions axées sur l’usage, l’appropriation et l’apprentissage par le jeu vidéo au sein de la famille. Aussi, avons-nous dégagé un échantillon de vingt deux (22) enfants sur la trentaine prévue et qui se repartit comme suit : 10 enfants de familles aisées, 07 enfants de familles modestes et 05 enfants de familles en situation difficile dans le District d’Abidjan (Capitale économique ivoirienne)[/callout]

    Voir le profil de Valère DJILE Dagbo sur Ludovia 2014