Catégorie : POINT DE VUE

  • Tenir les promesses du numérique : un essai de politique fiction

    Tenir les promesses du numérique : un essai de politique fiction

    Les technologies progressent. Le numérique éducatif piétine. Comment sortir de l’incantation, des illusions, des ruses du diable ?

    Que peut-on faire (ou peut-être qu’aurait-on pu faire depuis plus d’une dizaine d’années (1) pour que les promesses du numérique éducatif puissent être tenues ? Cet exercice de politique fiction est sans doute un peu téméraire quand on mesure les contraintes, les frilosités, les réticences, ou plus simplement les difficultés techniques, économiques, financières et juridiques qu’on ne manquera pas de rencontrer en chemin. Néanmoins un tel exercice peut être salutaire, au moins dans le rappel des principes qui doivent guider l’action et des objectifs qu’il convient de s’assigner.

    Respecter des principes de base.
    Une politique du numérique éducatif n’a quelques chances de succès que si plusieurs conditions sont respectées :

    1. Affirmer un objectif à moyen et long terme partagé (au travers d’États généraux) : « Construire l’école numérique de demain » ;
    2. Faire converger, dans la mise en œuvre, plusieurs types d’action et mener l’intégralité d’un processus programmé de conduite du changement. En pareille matière, la tactique d’Horace n’est pas opératoire. On ne saurait atteindre un résultat important en divisant les « fronts » et en ne s’attachant qu’à un seul aspect (marginal) du problème (ex. : formation des enseignants, rythmes scolaires) ;
    3. Définir, dans l’atteinte de l’objectif majeur, une succession d’étapes et de priorités ;
    4. Globaliser la problématique du numérique : un projet unique pour enseignement primaire, secondaire et supérieur (par souci de cohérence et de continuité entre les degrés) ; un enjeu commun de formation initiale et de formation tout au long de la vie (personnelle et professionnelle) ;
    5. Conserver de la souplesse et éviter de s’engager dans des projets techniques structurants et lourds pour pouvoir s’adapter dans les années à venir aux évolutions technologiques inévitables.

    Renouveler en profondeur l’ensemble des modèles qui constituent le « paradigme scolaire »

    . Le modèle de gouvernance et d’organisation territoriale de l’éducation :
    un dispositif partenarial en amont, avec les collectivités territoriales, pour la définition des politiques éducatives numériques ; la clarification des responsabilités des acteurs ; la création d’un échelon territorial unique (la région) pour coordonner et mettre en œuvre la politique numérique ;

    . Le modèle des missions de l’École et de l’organisation de ses fonctions :
    un recentrage sur la co-construction des savoirs avec l’apprenant dans la synchronie et dans la diachronie ; un (ré)aménagement des espaces scolaires ; un développement des réseaux et de la fonction de communication en mobilité des TICE ; une révision progressive de l’ensemble des éléments qui participent au fonctionnement du système éducatif (programmes, curricula, cycles, disciplines, prescription , rythmes scolaires, modes d’évaluation) ;

    . Le modèle des missions et du service de l’enseignant :
    une révision des décrets de 1950 ; un alignement avec les enseignants-chercheurs du supérieur pour la prise en compte des activités liées au numérique, hors présence des élèves ; un encouragement du travail collaboratif et transdisciplinaire ; une évolution des CDI et du rôle des professeurs documentalistes ; une multiplication des dispositifs hybrides ; surtout, un processus bien encadré de conduite du changement et un dispositif de formation initiale et continue consacré au développement d’une ingénierie pédagogique de haut niveau.

    . Le modèle éditorial et économique de la ressource pédagogique : un abandon progressif du modèle éditorial du manuel scolaire au profit d’un modèle original de l’agrégation de contenus granulaires, renforçant le rôle de médiateur et d’ingénieur pédagogique de l’enseignant ; un dispositif d’infomédiation ; une adaptation du droit de la propriété intellectuelle ; un alignement de la fiscalité de l’ensemble des produits à vocation pédagogique (numérique ou non)

     C’est en conjuguant l’ensemble de ces actions que le système éducatif français pourrait réussir sur une période de dix ou quinze années son entrée dans une société du numérique, où ce ne sont pas les outils qui changent, mais véritablement les logiques d’accès aux connaissances et de construction des savoirs.

     

     

     

  • La chasse aux illusions : sport national des tenants du numérique éducatif

    La chasse aux illusions : sport national des tenants du numérique éducatif

     

    « Il faut que l’école arrive à réconcilier information et communication ».

    Chaque âge de la lente conception du numérique éducatif, nous l’avons vu (chapitre 1), a apporté son lot d’idées fausses ou d’illusions : plusieurs années, voire plusieurs décennies plus tard, celles-ci sont enracinées dans l’inconscient collectif.

    Elles sont conservées comme autant d’éléments de légitimation des expérimentations entreprises ou des mesures arrêtées par les pilotes du système éducatif. La poursuite obstinée de ces objectifs, souvent illusoires ou dépassés, cette « chasse aux illusions », comme on parle d’une chasse aux papillons, conduit le plus souvent à brouiller la réflexion, à dissimuler les vrais enjeux, à multiplier les expériences sans lendemain ou à adopter des mesures notoirement insuffisantes.

    Tentons d’épingler les principaux « papillons » poursuivis par les tenants de ce sport national.

    Un outil subsidiaire

    Cette double illusion (utilitariste et techniciste) fait du numérique un outil technique qui doit permettre (par sa souplesse d’utilisation, sa capacité à mobiliser l’attention des élèves, l’enrichissement documentaire qu’il apporte au cours de l’enseignant, l’interactivité qu’il met en jeu, le travail collaboratif qu’il permet) de faire plus efficacement ce qui constitue la mission essentielle de l’École traditionnelle : transmettre le savoir.

    Mais cet outil est subsidiaire : la mission de l’École (exprimée en France par les programmes) doit pouvoir s’exercer avec ou sans cet outil. Excellente justification pour ne pas entrer dans les logiques nouvelles des savoirs numériques, pour préserver les pratiques pédagogiques et les modes d’apprentissage ou d’évaluation jusqu’ici mis en œuvre et pour ne pas passer de la transmission de savoirs normés à la co-construction de savoirs en devenir.

    Cette conception a conduit jusqu’ici à multiplier les expériences pionnières en évitant soigneusement une révolution numérique plus totale de l’École, une réorganisation complète de l’espace et du temps de la scolarité et une remise en cause du paradigme scolaire.

    Une technologie d’information plus que de communication

    L’intérêt des technologies nouvelles (TIC) est d’associer étroitement l’accès à l’information et la communication, les réseaux, la médiatisation. Or, dans un univers scolaire où les téléphones portables et les smartphones restent bannis, tout se passe comme si, dans l’espace de l’établissement et pour un usage scolaire, les technologies de l’information, propres à apporter et à transmettre des connaissances, étaient plus légitimes que celles de la communication, plébiscitées par les élèves (et par la société en général) pour un usage extrascolaire.

    Curieusement, les énormes possibilités qu’offrent les réseaux n’ont guère droit de cité dans ce numérique dit « éducatif » qui marque progressivement ses distances avec celui de la société et même de l’entreprise, où privilège est donné au développement de l’intelligence collective.

    L’école numérique de demain devra redonner toute sa place au « C » de l’acronyme TICE, si elle souhaite passer de la seule transmission des savoirs à l’aide à la co-construction des savoirs.

    Un outil d’individualisation de l’enseignement pour un travail autonome

    Cette illusion, apparue très tôt dans l’histoire du numérique éducatif, repose sur une somme de confusions – entre individualisation et personnalisation, entre mémorisation et maîtrise, entre travail autonome guidé et autonomie, etc. –.

    Aujourd’hui, l’espoir mis par les pédagogues dans cette capacité d’individualisation de l’enseignement pour re-mobiliser les « décrocheurs » du système risque bien d’être contre-performant. La solution au décrochement apparaît en effet plus dans la réinsertion par le travail collaboratif d’équipe et l’absence de mise en compétition individuelle que par une individualisation qui stigmatise et une autonomie qui demeure hors de portée de tels élèves.

    La seule forme de personnalisation rendue possible par le numérique est celle de l’adaptation au rythme spécifique d’apprentissage des apprenants.

    Un accès « immédiat » à l’information

    L’usage du numérique à l’École fonctionne sur une illusion, celle que l’accès à la connaissance sur la toile peut s’effectuer « sans intermédiaire », comme dans la communication interpersonnelle. C’est faire peu de cas de la complexité d’une telle opération : elle dissimule au moins quatre « intermédiations » peu visibles, qui introduisent l’aléatoire dans un processus autrefois transparent et stabilisé. Deux se situent du côté de l’émetteur :

    • Le formatage de l’information par la source émettrice, surtout s’il s’agit d’une source de « seconde main » ;
    • Le moteur de recherche et son algorithme.

    Les deux autres « intermédiations » sont à trouver du côté du récepteur :

    • l’intermédiaire (enseignant, ami, document, manuel, site, lien hypertexte) qui a orienté vers cet accès ;
    • la grille d’analyse dont dispose le récepteur (l’élève en l’occurrence) pour « décrypter » l’information. Apporter aux élèves cette grille de lecture qui lui permet de passer de l’information à la construction d’un savoir, constitue aujourd’hui l’une des nouvelles missions de l’École, à faire figurer dans le « socle commun ».

    Pour cette nouvelle mission, qui consiste plus à « apprendre à construire un savoir » qu’à « apprendre à apprendre » (comme on le dit trop souvent), l’enseignant doit constituer la grille de lecture à partir de trois éléments :

    • des compétences et connaissances de base (les « fondamentaux ») ;
    • des repères et des références pour « situer » l’information recueillie par rapport à d’autres ;
    • une logique d’analyse appuyée sur la capacité à argumenter, raisonner et critiquer.

    Dans l’univers du numérique, la mission fondamentale de l’École, « l’instruction » ou la transmission des savoirs, doit donc subir un «aggiornamento » radical. Il ne s’agit plus de transmettre des connaissances établies mais de s’engager aux côtés de l’élève dans la co-construction de savoirs en constant devenir.

    La formation des enseignants, panacée de l’École numérique de demain

    Chaque fois que sont évoquées les difficultés de mise en œuvre du numérique éducatif, la même antienne est chantée : les enseignants ne sont pas formés.

    Formons les enseignants aux outils et aux usages du numérique et tout ira mieux !

    Sans doute, aucun plan d’envergure (tant en formation initiale qu’en formation continue) n’a-t-il jusqu’ici été lancé pour l’ensemble des personnels enseignants. Mais, malgré les efforts entrepris, les résultats sont décevants et le constat est négatif.

    Pourquoi ? Simplement parce que, s’agissant de l’aggiornamento d’un système d’enseignement et de pensée éducative et non simplement de la maîtrise d’outils ou de pratiques, la formation seule est insuffisante. Elle doit s’inscrire comme l’une des priorités d’un processus beaucoup plus large de conduite du changement, qui doit en comporter d’autres : définition d’un objectif clair et partagé pour l’avenir du système, communication, participation, travail de réflexion collaboratif, définition des étapes et des priorités, motivation des personnels, révision des missions de l’enseignant, des programmes et des modes d’évaluation individuelle et collective, et, bien entendu, apport de formation orienté sur les priorités nouvelles.

    Pas plus pour les élèves que pour les enseignants, la révolution numérique ne se gagnera par un effort « ordinaire » de formation.

  • L’imaginaire des révolutions : comparaison n’est pas raison

    L’imaginaire des révolutions : comparaison n’est pas raison

    Face au numérique, les historiens, les sociologues mais surtout les philosophes, établissent fréquemment un parallèle entre la révolution de l’imprimé en 1455 et la révolution numérique aujourd’hui. Les réflexions qu’inspire cet apparent parallélisme peuvent, par ailleurs, considérablement diverger.

    Dans le cas d’Umberto Eco (N’espérez pas vous débarrasser des livres, avec Jean-Claude Carrière), c’est pour minimiser la portée de la révolution numérique au regard de la révolution du livre. Dans le cas de Michel Serres (Petite Poucette), c’est au contraire pour mettre sur un pied d’égalité les deux révolutions dans l’histoire de la pensée, de l’accès au savoir et des bouleversements sociétaux.

    Mais dans l’un et l’autre cas, comparaison n’est pas raison. Confondre, dans l’imaginaire collectif, les deux révolutions, n’est pas sans conséquence sur la façon dont nous pouvons concevoir aujourd’hui la nature, la portée et les enjeux de la révolution numérique.

    Qu’on considère la révolution de Gutenberg au XVe siècle. C’est une révolution (par ailleurs passée relativement inaperçue dans les premières années) qui affecte moins la production des savoirs que leur diffusion. Mais, en fait, pour l’observateur d’alors, il n’y a guère de différence, tant dans la réalité de l’objet que dans le mode de lecture, entre une bible manuscrite produite par un copiste et une bible imprimée de Gutenberg. La forme de l’objet – le codex substitué au volumen – est établie depuis plusieurs siècles. Elle est appelée à rester pérenne jusqu’à nos jours et sera seulement ébranlée puis enrichie par la révolution du livre de poche.

    Par rapport à la situation antérieure, les différences essentielles résident :

    –  dans la rapidité de composition et de multiplication des « copies » (massification progressive de la production et de la diffusion, réduction des coûts) ;
    –   dans la fiabilité et la sécurisation du processus, qui assure de la conformité de chaque exemplaire au modèle initial (exclusion de l’aléa de copie) ;
    –   dans l’émergence d’un métier « civil » (l’imprimeur-libraire substitué aux ateliers de copistes) et d’un nouveau circuit économique de la production et de la diffusion du livre.
    Le nouveau modèle économique, tant au niveau de la production que de la diffusion, va se trouver assez rapidement stabilisé et permettra, dans les siècles suivants, production de masse et diffusion des savoirs.

    Mais si la diffusion des savoirs a pu être considérablement accrue, les savoirs eux-mêmes n’ont pas été profondément altérés ou modifiés, sauf, plus lentement, grâce à la circulation plus large des idées. Il en va tout autrement pour la révolution numérique. Si l’Internet prolonge et amplifie, de façon exponentielle et progressivement peu contrôlable, la massification des savoirs diffusés, elle a avant tout un impact direct :

    –  sur les processus mêmes de constitution et de production des savoirs : en entrant dans des logiques horizontales substituées à des logiques jusqu’ici verticalement ordonnées, c’est à la fois la structure des connaissances elles-mêmes et la structuration de leurs interrelations qui se trouvent affectées ; dès lors tous les processus didactiques sont très directement impactés ;

    –  sur les processus de cognition, de lecture ou de décryptage et plus largement de construction des savoirs individuels ; dès lors tous les processus d’apprentissage se trouvent eux aussi remis en cause.

    La révolution numérique a donc quelques points communs avec la révolution du livre (multiplication des accès à la connaissance, émergence d’un nouveau modèle économique), mais son impact sur les structures mêmes de la pensée est d’un tout autre ordre. A la différence de celle-ci,

    – elle implique inévitablement une remise en cause du système d’enseignement (didactique, pédagogie, apprentissage)

    – elle va dans le sens d’une complexification croissante des processus de production des connaissances et d’un poids accru de l’aléa dans l’accès au savoir et dans les processus de décryptage ;

    – elle ne saurait imposer rapidement un modèle (formel, technique, social, économique) stable et pérenne, tant elle dépendante d’une avancée incessante et progressive des technologies. Les modèles qu’elle propose ne sauraient être conçus dans ces conditions que comme des modèles glissants.

    Dans la même série, voir aussi « Conception et fantasme : les ruses du diable »

     

     

     

  • La qualité de l’enseignement est-elle réellement améliorée grâce aux TICE ?

    La qualité de l’enseignement est-elle réellement améliorée grâce aux TICE ?

    Casio_260413Néanmoins, chacun est en droit de s’interroger sur leur réelle utilité dans une salle de classe.

    En quoi l’usage d’un vidéoprojecteur ou d’un TBI apporte-il concrètement une valeur ajoutée à l’élève et au professeur ? Parce qu’aujourd’hui, le savoir et l’apprentissage sont démocratisés.

    De la démocratisation du savoir découle une nécessaire adaptation de l’enseignement à l’apprenant ; et cette démarche à un double intérêt, à la fois pour l’élève mais également pour le professeur, dans la mesure où elle permet l’absorption des connaissances dans un cas et facilite leur transmission dans l’autre.

     

    En effet, dans une société de l’image où près de 60% des apprenants français sont de type visuel et près de 40% auditif(1), il est fondamental de faire évoluer le mode de transmission. L’assimilation et la mémorisation sont décuplées lorsque les fonctions cognitives sont stimulées. Ceci a été démontré depuis des années avec des pionniers tels que Tony Buzan par exemple, qui a mis en avant le rôle de la visualisation spatiale, de la couleur…dans l’apprentissage.

    D’ailleurs, il est prouvé que dans les pays de l’OCDE, les élèves utilisant ne serait-ce que modérément l’informatique à l’école, peuvent obtenir des scores légèrement supérieurs à ceux des élèves l’utilisant rarement (2).

    Les TICE pour retenir l’attention de son auditoire

    Aussi, n’est-il pas plus facile pour un enseignant d’avoir la possibilité de capter immédiatement l’attention de l’élève dès le début de son cours ? Plutôt que de devoir faire face à une classe, qui, au mieux est péniblement réceptive, et au pire, en prise au désordre voire au chahut ? Ceci peut se matérialiser par une introduction filmique du thème de la leçon par exemple, ou même simplement par une image projetée à l’aide d’un vidéoprojecteur et d’une clé USB.

    L’objectif de l’enseignant étant de retenir l’attention de son auditoire, les outils numériques permettent de travailler plus facilement des activités variées, ludiques, sonores, visuelles et même interactives, qui rendent l’étudiant actif et donc acteur de son apprentissage : cette responsabilisation de l’apprenant est essentielle à sa progression.

    Au-delà du respect des styles d’apprentissages stricto-sensu, l’enseignement revu ces dernières années doit être envisagé, tel qu’il est d’ailleurs aussi décrit dans le socle commun de compétences et de connaissances. Ceci, dans la perspective de développer non seulement des savoirs mais aussi les diverses habiletés intellectuelles, les capacités de raisonnement, de communication… En somme, d’apprendre à apprendre!

    Faire réfléchir, débattre, disserter ses élèves à partir d’un extrait du journal télévisé ou d’un documentaire abordant l’idée de progrès par exemple en cours de langues ou de philosophie, c’est connecter le monde réel de l’étudiant au savoir théorique (3).

    En France, cette dynamique prend encore plus de valeur dans les zones sensibles. L’enseignement prend alors une toute autre dimension : d’un côté l’enseignant se voit valorisé dans sa démarche, devenant alors un facilitateur, un mentor, un guide dans la découverte et la maîtrise des savoirs. De l’autre – la faute étant facilement corrigible et le support optimum et ludique – le travail de l’apprenant effectué avec des outils numériques devient intéressant, valorisable et source de motivation.

    Ainsi, les outils numériques, autant valorisants pour l’apprenant que pour celui qui enseigne, ne peuvent, pour les années à venir, que s’inscrire comme les outils indispensables à l’apprentissage du futur.

    (1) Miao Lin-Zucker, Elli Suzuki, Nozomi Takahashi et Pierre Martinez (7 avril 2011). Compétences d’enseignant à  l’épreuve des profils d’apprenant. Paris. Edition des archives contemporaines.
    (2) Etude PISA 2009, Technologie Numérique et Performance Volume VI, chapitre 6, p 205.
    (3) Bransford, John, Brown, Ann L., & Cocking, Rodney R. (Eds.). (1999). How People Learn: Brain, Mind, Experience, and School. Washington, D.C.: National Academy Press.

    Interview de Sonia Canville, chef de produit vidéoprojecteurs et spécialiste Education chez CASIO France. Elle a exercé pendant 12 ans à Cambridge en tant que professeur et directrice de département langues étrangères.

  • Conception et fantasme : les ruses du diable

    Conception et fantasme : les ruses du diable

    Penser le numérique en éducation, c’est toujours se projeter dans l’avenir, concevoir sur la base de ce qu’on connaît, de ce qu’on attend et de ce qu’on espère, un projet ou un modèle éducatif. C’est là que l’imaginaire et, plus souvent, le fantasme interviennent.

    Car, dans cette démarche prospective, pour penser les modèles du futur, il faut disposer d’un outillage conceptuel et lexical adéquat. Or, le champ du numérique éducatif (technologies, ressources, modes d’apprentissage) a été très tôt investi par un lexique anglo-américain, venant des pays pionniers en la matière. Le lexique français des TICE révèle à la fois une imprécision des concepts utilisés, un attachement à préserver les notions éprouvées de l’éducation traditionnelle (cartable, ardoise, tablettes, tableau, multimédia, informatique, manuel numérique) et souvent une incapacité à traduire et transposer les concepts anglo-saxons, appuyés sur des pratiques pédagogiques étrangères aux nôtres.

    Ce lexique est surtout révélateur de l’imaginaire et des fantasmes qui sous-tendent depuis 50 ans cette construction de l’esprit qu’est l’école numérique de demain.

    A travers les évolutions lexicales et conceptuelles se dessinent plusieurs âges de la conception du numérique éducatif. A chaque étape, un fantasme s’installe, une illusion, une crainte, dont il reste toujours un substrat, même des décennies plus tard.

    Plusieurs âges de la conception du numérique éducatif

    La période la plus ancienne, des années 20, avec Pressey, aux années 1960 avec Skinner et Crowder, reste encore dominée par ce qu’on peut appeler l’illusion mécaniste : la technologie permet de concevoir des « machines à enseigner », progressivement au service d’un enseignement programmé. De cette période, subsistent encore aujourd’hui une crainte, sans nul doute infondée (celle de l’enseignant remplacé par une machine), mais aussi l’idée que la technologie permet un apprentissage de l’élève en complète autonomie (transmission des connaissances, mémorisation, exercices, auto-évaluation, progression), à condition que le processus didactique ait été correctement programmé.

    En corollaire, s’est installée l’idée qu’une programmation fine pouvait permettre l’adaptation aux caractéristiques particulières de chaque élève, à son rythme propre d’apprentissage, dans une perspective d’individualisation d’une relation pédagogique élève/machine.

    Le plan « Informatique pour tous » dans les années 80

    La seconde période, dans les années 80, centrée autour du plan « Informatique pour tous » de 1985, traduit, dans les termes mêmes,

    l’émergence d’une autre illusion, qui fait de la technologie (« informatique ») l’instrument « démocratique » d’une transmission massive et égalitaire des savoirs (« pour tous »).

    Une idée s’en dégage, qui a la vie dure : celle que les technologies numériques gomment les différences culturelles, égalisent les niveaux de compétence et par leur aptitude à mobiliser l’attention des jeunes permettent de récupérer les décrocheurs de l’École.

    Pourtant aujourd’hui les fractures culturelles dans l’usage du numérique sont parfaitement mises en évidence.

    Apparition du « multimédia éducatif »

    Une troisième période, dans la décennie suivante et avant l’irruption de l’internet est celle qu’on pourrait appeler du « multimédia éducatif ». L’intérêt se déporte sur les contenus didactiques et surtout sur les supports de l’information ou de la pratique pédagogique : les mêmes contenus, guidés par une illusion syncrétique, se présentent de façon conjuguée sur différents supports (CD Rom, vidéo, imprimé). C’est l’époque des livres-CD.

    De cette période subsiste confusément la notion déquivalence des supports imprimés et numériques, qu’on retrouve dans les manuels numérisés, voire dans la plupart des manuels numériques de première génération. En corollaire de cette équivalence, le dispositif numérique apparaît utile mais toujours subsidiaire.

    Et si c’était des TICE…

    Avec l’arrivée d’internet, des messageries, des espaces numériques de travail et des tableaux blancs interactifs, les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) dominent le début des années 2000, et installent une conception à la fois utilitariste et techniciste du numérique : le développement des TICE correspond à celui d’outils, utilisant des ressources éducatives, principalement dans l’espace de la classe, plus exceptionnellement au domicile des élèves, permettant de faire de façon plus ludique ou plus efficace, ce qui reste la mission fondamentale de l’École, « transmettre les savoirs ».

    Ou tout simplement du « numérique« 

    Depuis les trois ou quatre dernières années, le générique « numérique » a été utilisé (notamment par les chercheurs et d’abord dans le domaine de l’enseignement supérieur) pour désigner à la fois les équipements, les contenus, mais aussi les modes d’apprentissage et les pratiques pédagogiques qui leur sont liés., autrement dit l’ensemble des éléments d’une « culture numérique ».

    Cette approche d’un concept global était de nature à conduire à une remise en cause fondamentale des modèles de notre système éducatif. C’est pourquoi, concomitamment et par réaction frileuse, s’est développée une idée nouvelle :

    il n’existerait pas un « numérique » mais « des » numériques

    (numérique sociétal et numérique éducatif ou scolaire, numérique propre à chaque discipline, secteurs cloisonnés du numérique, tels les manuels, les environnements de travail, les environnements d’apprentissage, la formation à distance, et l’éducation numérique informelle).

    Ce sectionnement de la réalité numérique vise en fait, inconsciemment, à dissimuler l’enjeu majeur au profit d’expérimentations particulières et à occulter l’importance du phénomène et de ses conséquences. « La plus subtile ruse du diable », fait dire John Huston à l’un de ses personnages [1], « est d’avoir fait croire au monde qu’il n’existait pas…Et pourtant il existe… »

    Cette tactique de l’esquive permet d’oublier la caractéristique essentielle du numérique : il ne s’agit pas de l’outil subsidiaire d’un système de transmission des savoirs. Il constitue l’entrée dans des logiques nouvelles et radicalement différentes de pensée, d’accès à la connaissance et de construction des savoirs. De ce fait, il met en cause tous les modèles qui sous-tendent notre « paradigme scolaire ».



    [1] Dans le film « Le dernier de la liste ».

  • Clé de la réussite d’un projet numérique : orchestrer sa gouvernance locale !

    Clé de la réussite d’un projet numérique : orchestrer sa gouvernance locale !

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    Pourtant, nombre équipements numériques ont ainsi été acquis et restent dans les placards, faute d’inadéquation avec les infrastructures,  ou configuration des bâtiments, maintenance technique, ou encore de formation ou d’accompagnement pédagogiques auprès des enseignants.

    Des compétences et des arbitrages politiques fragmentés

    Comment une collectivité peut-elle donc, dés lors qu’elle choisit de se lancer dans un projet d’école numérique, éviter ces écueils ?

    La future loi Peillon a relancé au sein des collectivités un débat déjà latent depuis la mise en place du B2i et des différents plans numériques des précédents ministères : Quels équipements et infrastructures choisir au sein des établissements, et pour quelle organisation générale opter ?

    Avant d’effectuer ces choix, plusieurs questions se posent à la collectivité afin que les équipements informatiques et numériques puissent, entre autres :

    • être performants tout en respectant les contraintes budgétaires de la ville,
    • s’adapter aux configurations techniques des établissements sans solliciter sans cesse le service informatique, voire demander au directeur ou à l’enseignant de se transformer en informaticien.
    • offrir une large palette d’usages sans pour autant prétendre remplacer la pédagogie des enseignants,
    • diffuser internet avec une grande flexibilité sans compromettre la santé publique,
    • être mobiles sans risquer d’être dérober, etc.
    • être fréquemment utilisés par les enseignants grâce des accompagnements de l’Education Nationale.

    Avec les salles informatiques, déployées massivement dans les années 2000, puis les recommandations de l’Education Nationale d’installer des ordinateurs en fonds de classe, ou encore les besoins aujourd’hui d’usages transversaux qui nécessitent l’acquisition d’outils mobiles, de nombreuses collectivités s’interrogent.

    Faut-il renouveler ou dynamiser les salles informatiques classiques, aménager des ordinateurs en fond de classe, et/ou s’équiper de Classes Mobiles ? Faut-il opter pour des ultrabooks, ou des tablettes tactiles ? Et qu’en est-il de l’accès à internet….

    Entre les facilités offertes par le Wifi, et le principe de précaution que revendiquent ici certains politiques, là les parents d’élèves, ou là des enseignants, les débats sur la santé publique et le numérique battent leurs plein au sein des collectivités.

    Tous les projets d’écoles numériques réussis nous enseignent aujourd’hui, que seuls de solides partenariats tripartites, entre collectivités territoriales, Education Nationale et établissements scolaires, permettent d’aboutir à des usages efficients grâce à une réflexion commune en amont sur le projet pédagogique, les équipements, et infrastructures à mettre en regard, sans oublier la formation, le suivi et l’analyse régulière des usages.

    Mais reste à savoir qui, au sein même des collectivités, est en mesure d’étudier les différents schémas,  préparer, gérer le projet et prendre les décisions : Les élus nouvelles technologies ou  service informatique, qui sauf exception, n’a pas mission pour jauger des besoins et objectifs d’usages des enseignants ? Les élus ou service éducation, qui généralement ne maîtrisent ni la technique, ni les problématiques de maintenance ?

    Les responsables TICE locaux de l’Education Nationale, apportent leurs savoir faire en la matière mais n’ont bien sûr ni la main sur les arbitrages politiques budgétaires, ou de santé publiques locaux, ou sur la gestion globale du projet  en interne.

    Sans compter que dans un contexte de continuité éducative cohérente (école, collège, lycée)  la gouvernance doit pouvoir s’orchestrer, selon les organismes territoriaux et l’ANDEV, par bassin d’éducation entre les collectivités et les instances locales de l’Education Nationale.

    Des compétences donc fragmentées au sein même des collectivités, qui pour autant, dés lors qu’elles sont pilotées de manière cohérentes, ouvrent aux enseignants et aux collectivités  les champs des possibles.

    Trouver la bonne alchimie entre les différents acteurs impliqués

    En réalité, la réussite d’un projet d’Ecole numérique ne réside pas uniquement sur le choix des équipements et des infrastructures mais sur l’organisation d’un dispositif, qui permet d’échanger, de consulter les acteurs impliqués et de mettre à disposition du projet, les compétences de chacun.

    Que ce soit au niveau de la région comme en PACA, Rhône Alpes, au niveau des départements du Val d’Oise, de l’Ariège ou de la Corrèze, ou au niveau des communes comme à Elancourt, Limoges, Angers, La Ciotat ou Saint Maur des Fossés, tous ont réuni au sein d’un comité de pilotage les différents acteurs impliqués, que sont :

    • les élus, préoccupés par le budget, la politique de santé publique/wifi, ou les délais de mise en œuvre.
    • l’Education Nationale (représentant du rectorat et de l’Inspection Académique), en charge des formations aux outils, des ressources numériques, des accompagnements pédagogiques.
    • les services de la ville (éducation et jeunesse, techniques et informatiques), en charge de la coordination logistique avec les établissements pour les uns, de la maintenance et du bon fonctionnement des infrastructures pour les autres
    • les responsables du périscolaire qui pourront assurer une continuité éducative des usages du numérique par la mutualisation des outils dans les espaces d’accueil périscolaire.

    D’expérience, seule la volonté politique permet d’initier et d’orchestrer les prérogatives de chacun et de trouver avec persévérance un chemin consensuel.

    Mais, organiser son comité de pilotage mensuel reste insuffisant si en amont et au fil du projet les enseignants, directeurs d’établissements et parents d’élèves – voire les élèves eux mêmes –  ne sont pas consultés sur la base du volontariat, et impliqués dans le processus d’étude et de décision.

    Les enseignants, intéressés par des solutions leur permettant d’être soutenus dans leur pédagogie différenciée, les représentants de parents d’élèves, préoccupés par le soutien scolaire, les rythmes scolaires, la politique éducative et de santé publique de la ville, apportent tous des éléments constructifs au projet au côté des représentants du COPIL.

    C’est ce que la ville de Saint Maur des Fossés dans le Val de Marne a formalisé au sein d’un dispositif appelé OPPIDUM, par la création des COCA : Comité Oppidum de Consultation Active

    « La composition du COCA est le reflet du regard croisé des différents acteurs concernés et permet aux concitoyens de collaborer  au choix des investissements de la ville »,

    précise Pascale Luciani-Boyer, maire adjointe de Saint Maur et en charge des questions Education et Numérique pour l’Association de Maires de France, qui a initié ce programme pour la ville.

    Au-delà des appels à projets, que les villes effectuent couramment, consulter régulièrement les acteurs finaux, c’est faire émerger leurs objectifs d’usages en présence des représentants de l’Education Nationale et de la Ville, et s’assurer ainsi de l’implication et de l’engagement de chacun, dans un suivi et une évaluation de la pertinence des choix et des équipements installés.

    Mais les différentes contraintes techniques et budgétaires de chaque commune, les configurations de chaque école en matière de réseaux, d’accès à internet de grandeurs de bâtiments, ou de classes, les motivations aléatoires des enseignants d’un établissement à l’autre ne permettent pas aux communes d’appliquer à la lettre, une architecture TICE standard.

    Aucune solution standard n’existe, tous doivent  adopter une approche méthodique circonstanciée, une analyse et une recherche de solutions qui tiennent compte des expertises de chacun, dans une gouvernance bien orchestrée.

    Avis aux lecteurs de cette rubrique :

    Appel à Témoignages de collectivités engagées ou en projet sur le numérique et la refondation de l’école : vos réactions concernant le projet de loi, vos initiatives, vos idées et propositions, et les problématiques que vous rencontrées, contactez-nous !

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  • Collectivités et Refondation : pourquoi est-ce donc vraiment LE MOMENT ?

    Collectivités et Refondation : pourquoi est-ce donc vraiment LE MOMENT ?

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    L’échéance des municipales

    Echéance des élections municipales oblige, les réflexions pour la prochaine mandature battent leur plein depuis plusieurs mois dans les communes.

    Les projets d’écoles numériques pourraient, espérons-le, y trouver leur place.

    Si l’on en croit un sondage effectué en 2008 par Ipsos, les lieux d’accueil de l’enfant (« écoles et crèches ») constituaient la deuxième thématique déterminante de vote lors des dernières élections municipales. Et ce, devant le développement économique de la commune, et la sécurité des biens et des personnes !

    D’autre part, selon une enquête réalisée toujours en 2008, par l’ANDEV, les projets d’écoles numériques étaient présents dans 80% des projets municipaux de leurs adhérents des dernières élections.

    Les deux enquêtes conjuguées devraient donc théoriquement propulser l’école numérique dans les premiers rangs des préoccupations municipales. D’autant que depuis 2008, les expériences du numérique dans l’éducation se sont développées et l’on est en mesure d’en appréhender les bienfaits et de connaître les pré-requis de réussite.

    Certes la crise économique et les restrictions budgétaires ont également depuis creusé leurs lits, et découragé plus d’un projet. Mais regardons de plus près si le numérique n’est pas justement une source d’efficience, qui mériterait des choix politiques et budgétaires particuliers.

    Restriction budgétaire ? Le numérique, source d’efficience !

    Au moment où les élus réfléchissent à leurs prévisionnels budgétaires pour leur prochaine mandature, ne serait-il pas opportun de repenser certains frais de fonctionnements dédiés aux écoles ? Au-delà des choix d’investissement qu’il suppose, le numérique, peut à cet effet, être une solution intéressante.

    Pour les écoles qui utilisent à présent des ressources numériques, ou un espace numérique de travail par exemple, les villes ont pu constater une baisse des frais de photocopies et surtout un gain de productivité des services et des enseignants, grâce à la dématérialisation des courriers administratifs avec l’éducation nationale ou avec les parents.

    D’autre part, le numérique permet également de réduire le coût des frais d’intervenants extérieurs tant en langue que pour les projets pédagogiques culturels.

    Comme le précise Pascale Luciani Boyer, en charge des questions Education et Numérique pour l’Association des Maires de France et nouvellement nommée au sein du Conseil National du Numérique au titre des représentations d’élus,

    « les outils numériques constituent des choix politiques et budgétaires incontournables, si l’on souhaite favoriser une efficacité  pédagogique augmentée  et les échanges école- famille. Sans compter, que le numérique permet également une amélioration de la productivité des services et présente des avantages écologiques incontestables ».

    Et Janine Bouvat, directrice de l’Education de la ville de La Ciotat, de rajouter : « les prix des technologies baissent d’année en année, et des solutions à moindre coût existent. Les restrictions budgétaires entrainent des choix financiers et le numérique est à terme un outil permettant d’optimiser ces investissements ».

    La clé de cette efficience repose essentiellement sur l’étude de l’accointance entre les besoins d’usages des enseignants et les configurations, et  infrastructures des écoles en regard. Ce qu’Anne Angéli, Maire adjointe du Pré Saint-Gervais (93) et consultante des projets éducation auprès de Villes internet, nous confirme : « lorsque l’architecture de l’école numérique est bien pensée, les villes évitent bien des dépenses inutiles et ont accès à des solutions économiques ».

    Prochaine loi Peillon : le numérique, source d’efficacité augmentée

    Avec son projet de loi, Vincent Peillon a posé le cadre d’une exigence de réussite éducative, réclamée de tous les acteurs éducatifs et les organisations territoriales. Principales mesures prises dans ce sens : efficacité augmentée de la pédagogie différenciée, aide accrue aux enfants en difficulté, enseignement de l’anglais dès le CP, activités pédagogiques complémentaires, et encouragement vers des activités périscolaires éducatives dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, sans compter les apprentissages propres aux outils numériques et leurs usages transversaux.

    Un champ de travail colossal pour les enseignants….et les services d’accueils.

    Même si le Ministère embauche comme il le prévoit 7 000 enseignants pour atteindre l’objectif de « plus de maîtres que de classes », avec plus de 250 000 classes (289 000 en 2009 – source RERS), il serait difficile d’atteindre, sans l’aide des outils numériques, une excellence de pédagogie différenciée au vu des multiples niveaux existants déjà dans une même classe et de l’augmentation des enfants en difficulté.

    Les outils numériques sont en effet aujourd’hui reconnus pour permettre aux enseignants de les soutenir et de leur permettre de démultiplier leur pédagogie différenciée, ainsi qu’aux élèves d’acquérir autonomie et confiance et de maximiser leur chance de réussite.

    Or, comme nous le voyions dans un précédent article, la loi ne contraint pas les communes à investir dans différents équipements informatiques pour soutenir les enseignants de leurs communes, dans ces enjeux pédagogiques. Mais on le sait, les élus impliqués dans la vie de leurs communes s’inquiètent de la réussite éducative des enfants et si l’on choisit la voie d’une efficacité augmentée : le numérique est reconnue pour être une des solutions à développer

    Les technologies de pointe dédiées à l’éducation telles que le cloud, les tablettes et les réseaux sociaux etc. facilitent en effet la pédagogie différenciée, le partage et la diffusion des ressources. Tout dépend si l’étude des besoins en regard a été effectuée avec précision pour des choix d’outils et de technologies, et une gouvernance de suivi, parfaitement adaptés.

    Prenons l’exemple de l’apprentissage de l’anglais dès le Cp, demandé dans le projet de loi Peillon : de nombreuses ressources diffusées via balladodiffusions, tablettes ou TNI permettent aux enseignants de créer des séances dynamiques, efficaces et captivantes.

    Un moyen sans doute de les soutenir car selon Anne Marie Voise, maître de conférences à l’université de Bourgogne et formatrice à l’IUFM de Dijon, «les enseignants ont peur d’être de mauvais modèles pour les enfants » car « les professeurs d’écoles viennent de filières uni­ver­si­taires très diverses : psy­cho, socio, sciences de l’éducation, lettres (…) et seulement 10 à 15%  sont d’anciens linguistes ».

    Encore une raison, s’il en faut, de justifier les usages transversaux du numérique dans les parcours pédagogiques et les investissements à effectuer rapidement en ce sens par les communes.

    Avis aux lecteurs de cette rubrique :

    Appel à Témoignages de collectivités engagées ou en projet sur le numérique et la refondation de l’école : vos réactions concernant le projet de loi, vos initiatives, vos idées et propositions, et les problématiques que vous rencontrées, contactez-nous !

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  • De qui se MOOC-t-on? par Thierry Klein

    De qui se MOOC-t-on? par Thierry Klein

    ApprendreTVQue tu t’intéresses ou pas aux technologies de l’éducation, il est difficilement concevable que tu n’aies pas entendu parler des MOOC dans les dernières semaines. Elles ont été partout. Dans le Monde, qui les annonce à Polytechnique , sur la 5 la semaine dernière sans compter les sujets divers et variés à la télé (C dans l’air), en bonne placedans la feuille de route numérique du gouvernement et sur les blogs de tout un chacun (sauf celui que tu es précisément en train de lire, cher lecteur, ce qui constituait certainement, jusqu’à présent, un retard inexcusable que je te prie néanmoins de bien vouloir excuser).

    Un petit tour sur Wikipedia t’apprendra que le peu gracieux acronyme MOOC signifie « Cours en ligne ouvert et massif », le terme « massif » n’ayant bizarrement rien à voir avec l’importance délirante des moyens de communication visiblement mis au service du concept mais signifiant simplement qu’un grand nombre d’élèves peuvent suivre le cours. Wikipedia affirme même sans vergogne qu’ »il arrive fréquemment que 100 000 personnes soient réunies pour un cours » alors qu’un tel nombre est tout à fait exceptionnel (cela s’est passé moins de 5 fois depuis le Big Bang et encore – sans compter les fois où les cours ont dû être suspendus pour des raisons techniques comme à Georgia Tech, qui utilise, tiens donc, le même système que l’X).

    Evidemment, la plupart des articles que tu peux lire sur le sujet sont dithyrambiques. Les MOOC, permettant de former des dizaines de milliers de personnes à la fois (restons modestes…), vont résoudre le problème de l’ignorance dans le monde, et ce de façon gratuite et non obligatoire, puisque n’importe qui est libre d’y participer.

    Du coup, un certain nombre de professionnels du scrogneugneu s’offusquent (on est en France, après tout). Ainsi, Dominique Boullier, enseignant à Sciences Po, loin de se douter qu’il atteindrait ainsi l’état envié d’auteur cité dans un de mes billets, a recensé de façon intéressante l’ensemble des arguments contre les MOOC et si tu as 2 h 25 mn à perdre, cher lecteur, ainsi qu’une aspirine sous la main, tu peux aller lire son point de vue sur Internet Actu. Si tu n’as que 10 mn, ainsi qu’éventuellement un bon verre de cognac, et que tout ce qui t’intéresse, c’est, comme dirait l’autre, la substantifique moelle de l’argumentation, je te conseillerai plutôt de terminer la lecture du présent billet.

    Car l’argument le plus convaincant des anti-MOOC se résume en quelques lignes. Le savoir est déjà disponible de façon massive et quasiment gratuite, depuis que le livre – disons depuis que l’imprimerie – existe – et un petit tour sur Wikipedia, m’enseignant que l’invention de l’imprimerie remonte à 1454, me permet de donner à bon compte une apparence d’érudition à ce billet. Ce savoir est disponible de façon instantanée et à distance depuis que la télévision hertzienne existe – et l’auteur de ces lignes peut modestement te témoigner, cher lecteur, qu’il pouvait suivre, dès 1985, tous les cours d’informatique de Stanford sur le réseau TV du campus – ces cours étaient alors relayés vers quelques centaines de personnes de la Silicon Valley externes à l’Université. Pourtant, la télé n’a toujours pas, que je sache,révolutionné le domaine de l’enseignement.

    Comme on voit mal en quoi la télévision en ligne – j’allais dire en streaming mais je me retiens, forcé par le respect d’une certaine élégance classique que j’ai souhaité adopter pour cet article et à laquelle je te sais sensible, cher lecteur cultivé – comme on voit mal en quoi, donc, la télévision en ligne est un moyen de suivre un cours intrinsèquement supérieur à la télévision tout court – ou au livre, il est difficile d’admettre que les initiatives américaines ou françaises sur le sujet puissent réellement changer quoi que ce soit à l’enseignement: tout au plus assiste-t-on à l’ouverture de quelques chaines de télé en plus nommées MOOC, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

    J’avoue, cher lecteur, une grande sympathie pour l’argument ci-dessus qui constitue grosso modo ma position sur le sujet.

    Mais ce qui me gêne dans l’attitude des anti-MOOC, c’est qu’il me semble que les arguments employés sont des justifications a posteriori, des rationalisations plutôt que des clés d’analyse pour comprendre et pour agir. Les pourfendeurs des MOOC ne sont pas plus sages que leurs adeptes, ils sont juste plus lents, plus réactionnaires et tous leur beaux discours ne font que traduire une posture psychologique a priori : le refus du monde qui change, la frustration de constater que les évolutions viennent d’ailleurs, un certain anti-américanisme que je qualifierais volontiers de primaire si je n’avais pas déjà abusé des formules à l’emporte-pièce et des clichés tout au long de ce billet. Dans la suite de cet article, cher lecteur, j’appellerai « escargot » les critiques présentant un tel profil.

    Les escargots, en général de beaux esprits, seront les premiers à se réjouir d’avoir su « raison garder » quand il sera devenu évident que les MOOC, sous la forme dont on en parle aujourd’hui en tous cas, auront échoué. Mais il sera alors trop tard. Les américains auront su en masse investir ce nouvel enseignement – ou ce qu’il sera devenu. Avec la formidable énergie qui les caractérise, qui n’a pas été entamée depuis Tocqueville, ils en auront été les pionniers. Ils seront déjà ailleurs, plus loin, pendant que ceux qui auront raté le train se féliciteront, à tort, de ne pas avoir payé le prix du billet.

    Le monde des MOOC aujourd’hui : des dupes et des escargots. J’essaierai de proposer, dans mes prochains billets, un chemin qui passe à bonne distance des uns et des autres.

  • Le MOOC pour la qualité de l’éducation en Afrique ?

    Le MOOC pour la qualité de l’éducation en Afrique ?

     

    Le concept de MOOC

    S’il est né en 2008, c’est réellement en 2011 que le concept de MOOC a été mis en œuvre; aux USA avec une approche pédagogique essentiellement portée sur le contenu de l’enseignement diffusé et, au Canada dans le cadre d’une approche connectiviste avec le développement d’échanges, de forums, de séances synchrones pour encourager l’interactivité. Le Mooc connectiviste a la particularité de permettre la construction de connaissances grâce à la participation des apprenants, à leur collaboration et leurs échanges. En effet, chacun des participants peut, contribuer et enrichir le contenu des cours (vidéo, audio, ressources utiles, série d’exercices en ligne, etc.) en publiant sur le Web, produire de nouvelles ressources, commenter les productions des autres participants, discuter avec eux, ou encore échanger avec des experts lors de réunions.

    Dans cette formation à grande échelle, l’apprenant placé au centre du dispositif est le le seul responsable de sa formation. La volonté et la motivation de l’apprenant semblent ainsi déterminantes pour sa réussite dans le MOOC. En effet, le cours se fait en toute autonomie et c’est à l’apprenant de se prendre en charge, de déterminer ses objectifs et de diriger son apprentissage. Et contrairement à l’approche classique, l’enseignant (l’animateur) dans un MOOC joue un rôle de facilitateur de l’activité de l’apprenant.

    Pour la qualité de l’éducation en Afrique…

    Le MOOC qui est une dématérialisation de l’enseignement supérieur pourrait offrir la possibilité aux étudiants africains vivant sur le continent de pouvoir étudier dans des plus grandes Universités du Monde.

    Ainsi, le MOOC pourrait présenter des avantages:

    • A court et moyen terme

    L’accès aux contenus scientifiques de qualité: Nul n’est sans ignorer la carence en ressources documentaires des Universités d’un bon nombre de pays d’Afrique. Ainsi, à travers une inscription à un Mooc l’étudiant africain aura une grande chance de profiter des ressources mis à sa disposition et aussi celles partager par les autres participants.

    Les échanges avec des experts: le nombre de plus en plus grandissant des étudiants pose la problématique de l’encadrement des étudiants  dans nos Universités. L’étudiants à part son enseignant n’a plus d’autres personnes ressources pour échanger sur des questions liées à sa formation. Ainsi, participer à un MOOC, donne l’occasion aux étudiants de pouvoir échanger avec des experts, avec des participants et aussi avec des animateurs sur des sujets de leur domaine d’étude.

    • A long terme,

    L’élargissement de l’enseignement supérieur: pour les nombreux pays d’Afrique dont les systèmes d’enseignement supérieur souffrent du manque d’enseignants qualifiés, le MOOC apparaît comme un moyen alternatif pour assurer l’accès de la majorité à un enseignement supérieur de qualité. En effet, cette formation à distance permettrait d’éviter les contraintes de gestion des locaux, du manque de matériels didactiques et de l’insuffisance de formateurs compétents.

    La formation initiale et continue des enseignants: les systèmes éducatifs de la plus part des pays d’Afrique souffrent d’un manque d’enseignants qualifiés aussi bien au secondaire que dans le primaire. Ainsi, le MOOC pourrait bien servir d’alternatif pour la formation initiale mais surtout pour la formation continue des enseignants.

    …sous certaines conditions

    Certaines conditions devront être satisfaites afin que l’Afrique puisse profiter du MOOC. Parmi celles-ci, nous citerons deux, dont l’une est liée à l’accessibilité des TIC et l’autre  à la problématique du taux d’abandon au MOOC:

    • L’accessibilité aux TIC : La réalité des TIC dans la majorité des pays de l’Afrique est caractérisée par de grandes difficultés d’accès aux matériels informatique, d’accès à  internet et de la régularité de la fourniture en électricité. Ce problème d’accessibilité semble à la base des cas d’abandon des participants africains à certains MOOC comme celui de ITyPA, l’un des tous premiers Mooc francophones par exemple.
    • La problématique du taux d’abandon au MOOC : Comme mentionné plus haut, la volonté et la motivation de l’apprenant semblent déterminantes pour sa réussite dans le MOOC. Et l’un des sujets de préoccupation est le taux élevé d’abandon qui sévit sur les Moocs. En effet, sur les 160 000 personnes qui se sont inscrites au cours d’intelligence artificielle de Norvig et Thrun, seulement 14 % ont terminé le cursus. De même, sur les 155 000 étudiants qui se sont inscrits à un cours du MIT sur les circuits électroniques en 2012, seulement 23 000 ont terminé le premier jeu de problèmes et seulement 7 000 (soit 5 %) ont réussi le cours. Le Mooc ITyPA n’échappe pas à ce phénomène. En effet selon un rapport des organisateurs, sur 1300 personnes inscrites au début, seulement une quarantaine de personnes ont laissé une trace de leur passage sur les différents pads. Et sur ces 40 personnes, on peut compter une quinzaine de personnes impliquées à des niveaux divers. Pour des spécialistes, La plus grande crainte envers les Moocs est que les grandes écoles risquent de l’intégrer sans en évaluer soigneusement les inconvénients possibles.

    Que ce soit à court, à moyen ou à long terme, on voit bien que le MOOC pourrait avoir un effet indéniable sur la qualité de l’éducation dans la plus part des pays d’Afrique. Ainsi, au moment ou l’éducation dans la majorité des pays africains traverse des crises de qualité, les décideurs devraient faire une analyse pertinente des possibilités offertes par le MOOC. Et pour pleinement profiter du MOOC afin d’améliorer la qualité de l’éducation, les différents pays d’Afrique devraient adresser quelques un des problèmes identifiés ci-dessus.

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