Auteur/autrice : Aurélie Julien

  • L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    imaginaireNotre communication s’inscrit dans l’axe de l’art numérique.

    Notre recherche pluridisciplinaire (histoire de l’art et anthropologie des techniques)  touche aux pratiques photographiques numériques lorsqu’elles simulent des aspects caractéristiques de la photographie argentique (grains photographiques, vieillissement des couleurs, marge blanche).

    Nous questionnerons plus spécifiquement ici les  imaginaires produits  dans le cadre d’une pratique photographique numérique au travers de photographies mais aussi des discours sur ces photographies et/ou la photographie numérique.

    En effet, dans le contexte d’une réflexion sur la relation entre l’imaginaire et la technique numérique photographique au travers d’œuvres, il nous semble indispensable d’analyser à la fois le processus numérique en tant que système machinique ainsi que les discours sur ce système car « La chambre noire se définit comme un agencement, au sens où l’entend Gilles Deleuze : elle « est à la fois, et inséparablement, d’une part agencement machinique et d’autre part agencement d’énonciation » « (Crary,1994 : 59‑50).

    C’est à  partir d’une approche moderniste de la technique photographique (Moholy-Nagy 1993) qui trouve un prolongement avec Flusser (1996) que nous définirons dans cette communication deux types de relation  entre l’imaginaire et la technique photographique numérique.

    Le premier repose sur un imaginaire de la technique qui est le résultat d’une recherche sur la technique où l’artiste traque les « marges d’indétermination » (Simondon, 1989) de l’appareil photo numérique. De cet imaginaire peut alors surgir de nouvelles potentialités, proposant d’autres usages qui dépassent la programmatique prévue par l’appareil photo. Le second type consiste davantage en l’utilisation de la technique pour produire un imaginaire photographique qui se fait tantôt critique de certains aspects du monde contemporain (prédominance d’une approche quantitative du monde, par exemple),  tantôt critique des conséquences de la technique numérique dans le  champ de la photographie (omniprésence des appareils photographiques et pollution de notre environnement visuel).

    Au travers de multiples exemples, nous soulignerons deux aspects. Premièrement, la majorité des productions artistiques sont de l’ordre de la seconde typologie. Ensuite,  les imaginaires construits ne sont pas réellement lié à la nature de la technique photographique numérique car ils sont basés sur des possibilités techniques qui existaient déjà via la photographie analogique (photomontage illusionniste ou surréaliste, retouche).

    En quoi les imaginaires sont-ils donc attachés à la technique numérique ?

    Bibliographie :
    Guedj, Romain, « Le je(u) des possibles », in Denis Bernard. Écarts, éclairs et corps : nouvelle étreinte photographique. Lyon: Fage éditions, 2010, 154-161.
    Guedj, Romain, « Les vues panoramiques de Jean Giletta », in Jean-Paul Potron, Jean Gilletta photographe de la riviera, Gilletta-Nice Matin, Nice, 2007, p.52-57
    Guedj, Romain, « La plaque albuminée sur verre, une identité perdue », Diplôme d’Études Approfondies, Centre d’Histoire et des Techniques du CNAM, 2006.

    Note de positionnement scientifique :
    Je suis actuellement doctorant dans le département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, Montréal QC, Canada (section sociologie de la culture).
    Cette communication est élaborée à partir d’une recension de sources écrites publiées et à partir de photographies exposées et/ou publiées.

    Références :
    Barboza, Pierre. Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l’histoire des images. 1 vol. Champs visuels. Paris: l’Harmattan, 1996.
    Batchen, Geoffrey. « Phantasm: Digital Imaging and the Death of Photography ». In Art and electronic media, par Edward A Shanken, 209‑211. London: Phaidon Press, 2009.
    Crary, Jonathan. L’art De L’observateur: Vision Et Modernité Au XIXe Siècle. Rayon photo. Nîmes: Éditions Jacqueline Chambon, 1994.
    Huyghe, Pierre-Damien (sous la direction de). L’art au temps des appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.
    Flusser, Vilém. Pour une philosophie de la photographie. Traduit par Jean
    Mouchard. 1 vol. Saulxures, France: Circé, 1996.
    Lister, Martin. « Photography in the Age of Electronic Imaging ». In Photography: A Critical Introduction, 295‑336. Routledge. London, 2004.
    Manovich, L. « The paradoxes of digital photography ». Photography after photography (1995): 57–65.
    ————–. The language of new media. Cambridge, MassMIT Press, 2001.
    Mitchell, William J. The reconfigured eye : visual truth in the post-photographic era. 1 vol. Cambridge (Mass.) ; London: MIT Press, 1992.
    Moholy-Nagy, László, et Dominique Baqué. 1993. Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie. Traduit par Catherine Wermester, Jean Kempf, et G. Daltez. Rayon photo. Nîmes: J. Chambon.
    Ritchin, Fred. After photography. New York, NY: WWNorton & company, 2010.
    Simondon, Gilbert. Du mode d’existence des objets techniques. R.E.S. L’Invention philosophique. [Paris]: Aubier, 1989.
    Wolf, Sylvia. The digital eye : photographic art in the electronic age. Munich: Prestel ; Seattle, WA, 2010.
    L’art Au Temps Des Appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

  • Tablettes numériques et ENT : enfin le cartable numérique ?

    Tablettes numériques et ENT : enfin le cartable numérique ?

    L’atelier présentera comment Hugues Laffez a effectué la mise en place d’une classe tablette numérique en lieu et place des manuels scolaires :

    – Environ 35 tablettes Android ont été mises à disposition d’une classe de Sixieme du collège des Baous de St jeannet (élèves + enseignants).

    – Le collège numérique Sidney Bechet d’Antibes a également été doté d’environ 150 iPads pour les élèves de sixièmes.

    Le retour d’expérimentation permet d’envisager ce que pourrait être le cartable numérique de demain par une association ENT– tablette.

    Présentation de la Technologie :

    Lors de ces deux expérimentations, les élèves et leurs professeurs ont eu à disposition des tablettes toute l’année, en classe et au domicile. Ces tablettes ont été configurées par les services du rectorat (Matice, Pam) afin de pouvoir utiliser au maximum les fonctionnalités de l’ENT (messagerie, accès aux notes, groupes de travail), pouvoir se connecter aux modules de e-learning (moodle), aux serveurs pédagogiques (scribe) et aux manuels numériques.

    Ces deux expérimentations, associées aux autres expérimentations de l’académie, orientées disciplinaires (arts plastiques, EPS…) et orientées handicap (cécité, dyslexie…) ont permis d’adapter les configurations, le matériel au fur et à mesure des deux années ainsi que de mesurer les apports pédagogiques.

    Relation avec le thème de l’édition :

    Le couple tablette numérique – ENT ne serait-il pas ce fameux cartable numérique dont on rêve depuis si longtemps, mais que personne n’a pour le moment pas réussi à transformer complètement en réalité ? Par l’état actuel de la technologie, et l’idéal que l’on se fait du cartable numérique, encore du chemin à parcourir, mais de jour en jour, nous imaginons que nous nous rapprochons de cette chimère…. Ou l’on ne se connecte plus à un ENT, mais ou la tablette est l’ENT.

     Synthèse et apport du retour d’expérience :

    Par la pratique avec les élèves, les animateurs (dont je fais partie) ont du imaginer, avec les enseignants des solutions techniques afin de servir au mieux la pédagogie… Petit à petit, la tablette devient l’ENT. Diverses documentations (techniques et pédagogiques) sont en cours d’élaboration afin de concrétiser ce cartable numérique. (disponibles à compter du 15 Mai sur le site matice)

    Plus d’infos : www.ac-nice.fr/matice

     Voir le programme général de l’Université d’été LUDOVIA 2013 ici 

     
     

  • Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    imaginaireIl s’agira d’examiner dans quelle mesure le rapport que l’institution scolaire entretient avec les fictions numériques  est le prolongement du statut de l’imagination dans cette institution.

    En effet, les rapports ambigus qu’entretient la sphère éducative avec la question de l’imagination- plus spécifiquement l’imagination dans le cadre de la fiction littéraire- sont bien connus dans les recherches historiques sur la littérature de jeunesse. En France, prime une conception rationaliste de l’éducation dont  une des origines philosophiques est une certaine interprétation pédagogique du kantisme, défendue entre autres par Piaget.

    Ce qu’a retenu l’institution scolaire de la Critique de la raison pure est que l’imagination a un rôle déterminant dans l’acte de la connaissance en ce qu’elle produit les images nécessaires – les schèmes – pour que les données sensibles viennent se ranger sous les catégories de l’entendement. En revanche, ce que cette même institution a oblitéré, bridé du kantisme est l’imagination en tant que faculté débridée, libre créatrice d’images, constituant un imaginaire absolument nécessaire et décisif à la formation d’une personne. Cette oblitération se retrouve tout au long du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle.

    Les contes merveilleux n’ont ainsi aucune légitimité scolaire, leur part imaginaire est considérée comme dangereuse, pervertissante (Nière Chevrel, 2009), et ils ne sont pas plus conseillés en tant que lecture privée. Duborgel, dans Imaginaire et pédagogie a mis en évidence le rôle des images dans cette méfiance. Cela explique sans doute en partie pourquoi le cinéma et  la bande dessinée  tardent à se légitimer à l’école. Enfin, il nous semble que la dimension économique est un autre facteur de méfiance : la sphère éducative rejette tout lien trop explicite avec l’industrie.

    Dès lors, le rapport que l’institution scolaire entretient avec le  numérique est extrêmement ambigu, en ce qu’il cumule place des images, dimension industrielle et rôle de l’imagination.

    Tant qu’il est un outil permettant d’améliorer des performances « techniques » (gagner en rapidité, alléger les cartables…) il est accepté, mais si on l’associe au pouvoir de l’imagination, il devient inquiétant : cela rejoint donc la question de la fiction, et  la peur de l’identification qu’elle générerait dans de jeunes esprits.

    Pourtant, dans le même temps, depuis les années 1970/80 l’institution scolaire, du fait de la massification, considère qu’elle doit tenir compte des pratiques extra scolaires, qui, actuellement, sont fortement liées au numérique, et plus spécifiquement  aux pratiques  vidéoludiques…

    Dès lors elle accepte un certain imaginaire du numérique, notamment vidéoludique, mais en le bridant, en le scolarisant, de même qu’elle a scolarisé la fiction littéraire par le bais d’exercices qui ne permettaient pas à l’identification de se mettre en place (extraits, morceaux choisis…)

    Cet imaginaire bridé du numérique est manifeste dans l’absence d’imagination dont font preuve les concepteurs de serious games scolaires, ou de manuels numériques, parce qu’ils ont une représentation de la discipline, de l’outil, des apprentissages assez passéistes.

    Bibliographie indicative

    BANTIGNY, Ludivine, « Les deux écoles. Culture scolaire, culture de jeunes : genèse et troubles d’une rencontre (1960-1980) », Revue française de pédagogie, n° 163, 2008, p. 15-25.

    CHARTIER Anne-Marie, et HEBRARD Jean, Discours sur la lecture (1880-2000), Paris, Fayard-BPI, (2e édition, revue et augmentée), 2000.

    DUBORGEL, Bruno, Imaginaire et pédagogie, Le sourire qui mord, 1983.

    KANT, Emmanuel, Critique de la Raison pure, 1788. Traité de pédagogie, 1798

    NIERES-CHEVREL, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier jeunesse, 2009.

    Les manuels scolaires : situation et perspectives, Rapport à monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2012 [cache.media.education.gouv.fr/file/2012/07/3/Rapport-IGEN-2012-036-Les-manuels-scolaires-situation-et-perspectives_225073.pdf]

    Manuel numérique : dossier (2011). Paris : France. Ministère de l’Éducation nationale. 

    [http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/manuel]

     publications récentes de Laetitia Perret

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond-Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

    « De la légitimation à la patrimonialisation :  destinée scolaire des fictions enfantines, du conte au jeu vidéo», en collaboration avec Emilie Rémond, Champion , 2014, 13èmes rencontres des chercheurs en didactique de la littérature: École et patrimoines littéraires  quelles tensions, quels usages aujourd’hui ? Université de Cergy-Pontoise (site de Gennevilliers) les 29, 30 et 31 mars 2012

    «  Clara et Noé, une articulation problématique entre jeu et apprentissage en sciences expérimentales », écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Argos, SCEREN-CRDP académie de Créteil, décembre  2012

    Dernières publications de Pierre J. Truchot en ce domaine 

     Serious games/art games : un (bon) mélange des arts, in Argos, décembre 2012, n° 50.

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

     Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

  • Le dictionnaire électronique : la machine à rêver

    Le dictionnaire électronique : la machine à rêver

    L’enseignement contemporain des langues vivantes en Europe est profondément enraciné dans la réflexion dont témoigne le CECRL. Ce texte de référence a renforcé l’idée d’un apprentissage de la langue comme outil de communication et posé les bases d’une pédagogie « actionnelle » par la réalisation de « tâches ».

    Au fil du cursus scolaire, celles-ci se complexifient et font de plus en plus appel à une langue nuancée et authentique, c’est à dire fidèle à son modèle, mais aussi spontanée et personnelle.  Comment accompagner les élèves pour qu’ils parviennent à s’affranchir du modèle culturel de leur langue maternelle, qu’ils dépassent la pratique par imitation et accèdent à une autonomie leur permettant de recevoir autant que de produire un véritable « discours » en langue vivante étrangère ?

    Par ses fonctionnalités autant que par la fiabilité et la richesse de ses contenus le dictionnaire électronique est indéniablement un outil permettant d’apporter des réponses à ces questions.

    Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée

    Le dictionnaire électronique est un outil numérique doté de fonctions de recherche avancées inspirée de la navigation sur le web (entrée alphabétique, parcours par arborescence, liens hypertextes, consultation de l’historique de recherche et création de listes de ‘favoris’). Combinant versions bilingues et monolingues, il est sécurisant pour les élèves et d’un recours précieux pour l’enseignant.

    C’est un outil pédagogique permettant de développer en classe de vraies stratégies d’accès au sens, de déclencher une prise de parole argumentée, en continu comme en interaction, de recenser à la source, d’organiser et d’apprendre au fil du cours un glossaire personnalisé, afin de conjuguer compréhension et réception, expression et construction, subjectivité et réflexion, communication et signification.

    Relation avec le thème de l’édition 2013

    Tout discours, qu’il soit écrit, oral, pictural, puise son sens profond dans un substrat « intertextuel » qu’on appelle souvent « inconscient collectif » ou encore « culture ».
    Plus qu’un ouvrage de référence, le dictionnaire est surtout une machine à rêver, comme l’écrivait Roland Barthes, un outil pour accéder à cet imaginaire hérité et se l’approprier. L’emploi de sa version électronique en cours de langues vivantes étrangères ouvre des perspectives pédagogiques infiniment passionnantes dont je me propose de donner une illustration très concrète sur la base d’un support écrit très bref (type Haïku) ou d’une image (travail niveau B1/B2)

    Synthèse et apport du retour d’expérience en classe

    L’utilisation ciblée, régulière et raisonnée du dictionnaire électronique, en particulier monolingue, en cours de langue favorise rigueur méthodologique et prise de distance vis-à-vis de la langue première.

    L’enrichissement des savoirs est d’autant plus net qu’il est adaptable et personnalisé : chacun se constitue son propre glossaire en fonction de sa compréhension des documents sources.

    L’exploration collective et individuelle de ces documents au moyen du dictionnaire est incitation à la confrontation des subjectivités mais aussi à la réflexion et à l’argumentation.

    Enfin la confrontation à un texte, au sens large de « discours », perçu comme intertexte (cf. Barthes « tout texte est un tissu nouveau de citations révolues ») induit un rapport nouveau au sens, un nouveau regard sur le lien signifiant/signifié.
     

     

     

  • L’imaginaire des TIC en questions

    L’imaginaire des TIC en questions

    imaginaire

    Comme le souligne avec finesse L. Sfez, « Il y aurait ainsi une collection d’imaginaires particuliers propres à des métiers, professions ou vocation : un imaginaire bâtisseur, un imaginaire des techniques de pointe, un imaginaire de la technique (sans pointe), un imaginaire social (encore plus vaste), un imaginaire de la Renaissance, etc. Le terme ennoblit la chose, il porte la technique au rang même de l’Art, avec un grand A, auquel on réfère généralement ce qui appartient à l’imagination, à la création (…). Dire [que la technique] a un imaginaire, c’est la doter d’un réservoir quasi inépuisable de figures (…) » (Voir Sfez L., Technique et idéologie, Le Seuil, Paris, 2002.p. 33-34).

    L. Sfez, s’il accepte semble-t-il les imaginaires socio-anthropologiques, n’est guère enthousiasmé par la notion d’imaginaire des techniques, mérite-t-elle vraiment un tel opprobre ?

    Nous voudrions dresser, dans cette communication, une sorte de bilan critique de l’usage de la notion d’imaginaire en sociologie de la technique et singulièrement des TIC à travers une série de questions qui, toutes, convergent vers cette thèse : l’imaginaire des TIC est construit pour rassurer. Cependant, cet imaginaire ne rassure pas en ouvrant la discussion mais en la fermant. Qui plus est, bizarrement ou paradoxalement, on cherche à se rassurer avec une notion qui n’est pas forcément stable…

    nous commencerons par un petit détour, afin de nous assurer que notre perception n’est pas le fruit d’un biais introduit par l’usage de la notion en sociologie des techniques (première question), puis nous interrogerons son usage en sociologie des TIC et nous en montrerons les limites (à travers les quatre autres questions), avant de revenir sur d’éventuelles alternatives (avec l’avant dernière question) et de conclure sur l’existence d’un imaginaire de l‘imaginaire (conclusion).

    • L’imaginaire (en général) : une notion dure ou une notion molle, soumise à des dérapages incontrôlés ?

    La notion d’imaginaire est-elle « stable », stabilisée et stabilisante ? Nous prendrons tout d’abord deux exemples, loin de la sociologie : un historien (G. Duby) et un philosophe (J. Brun). L’un a publié un livre devenu célèbre, les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme (Gallimard, 1978), l’autre un livre de philosophie de la technique (le rêve et la machine, la Table Ronde, 1992). L’un est loin de nos préoccupations, l’autre s’en rapproche.

    Or dans les deux cas, il est possible de montrer que la notion d’imaginaire (ou ses substituts, rêves et mythes) ne renforce pas le raisonnement, mais tout au contraire soit introduit une notion inutile, une sorte de leurre, soit introduit des dérapages.

    • L’imaginaire des TIC : l’imaginaire est-il une question ou une réponse ?  

    Tout discours qui porte sur les TIC relève-t-il de l’imaginaire ? Certains semblent le penser, là encore en ne laissant pas la place à d’autres qualifications…ce qui est pour le moins discutable et que nous voudrions discuter. Nous montrerons que cette notion, loin d’offrir un cadre d’intelligibilité des TIC susceptible de construire l’enquête, est utilisée comme une sorte de réponse a priori : si il y a innovation, alors le discours porteur de cette innovation est a priori un imaginaire, par position en quelque sorte, sans autre inventaire.

    La notion d’imaginaire ne sert pas à penser les TIC dans leur spécificité à l’aide de catégories nouvelles adaptées. Autrement dit, elle sert moins à comprendre qu’à rassurer le sociologue : car, avec cette notion il pense détenir un outil efficace d’arraisonnement de ce qui échappe largement à sa culture, à savoir la technique. A coté de l’usage, l’imaginaire permet de parler de la technique sans s’affronter véritablement à la technique, puisqu’il est question de ses représentations sociales.

    • L’imaginaire des TIC : de quoi s’agit-il, de quoi parle-t-on ? Utopie, mythe ou idéologie ?

    On emploie beaucoup le mot de mythe aujourd’hui…comme pour dire que notre société, comme toutes les autres, possède ses propres mythes, qu’elle n’est pas si différente…mais n’est-ce pas également une manière d’éviter de penser cette différence ? Non pour la construire comme une rupture radicale, mais pour souligner ce qui continue et ce qui se transforme…y compris dans les représentations sociales.

    On mobilise également beaucoup la notion d’utopie (Breton, Philippe, L’utopie de la communication, La découverte, 1992), pour, là encore, se rassurer et se dire que l’utopie a encore sa place dans notre société, que nous ne sommes pas tant que cela dans une société du vide (Yves Barel, La société du vide, Le seuil, 1984). Enfin, lorsque l’on emploie la notion d’idéologie, c’est dans une définition douce, « soft » d’outil d’intégration à un groupe (pour l’usage de ces notions, cf. Patrice Flichy, L’imaginaire d’internet, la découverte, 2001). La notion d’imaginaire est alors porteuse d’espoir(s) et rassure là aussi.

    • L’imaginaire des TIC : à quoi sert la notion d’imaginaire ?

    Si tout discours social sur la technique relève de l’imaginaire, la question de la qualification même de ce discours ne se pose plus ; il renvoie à du connu et la technique, elle-même, n’est plus étrangère, comme le pensent les sociologues qui traquent volontiers le déterminisme technique, mais redevable d’un imaginaire, comme n’importe quelle autre activité sociale. Normalisation sociale rassurante de la technique.

    Quelle relation la technique entretient-elle avec la culture ? Est-elle le véhicule logistique du symbolique comme le pense R. Debray (Cours de médiologie générale, Gallimard, Paris, 1991) ou est-elle l’Autre de la culture comme l’affirme le philosophe G. Hottois (Le signe et la technique, Aubier, 1984) ? L’imaginaire renverse la question, puisqu’il ne s’interroge pas sur ce que la technique fait à la culture, mais travaille sur ce que la culture fait à la technique. Car l’imaginaire récupère et réintègre la technique dans la culture. Normalisation anthropologique, rassurante là encore,  de la technique.

    • L’imaginaire des TIC : un discours critique ?  

    L’imaginaire porte un discours qui, en définitive, permet de justifier la nécessité du développement des TIC. Car il justifie les pratiques et comportements des acteurs : en effet, si telle ou telle proposition, position ou décision, relève de l’imaginaire, alors c’est le droit de celui qui la profère de la tenir, au nom de quoi le critiquer ?

    Dès lors, cet imaginaire fonctionne à la fois comme une machine à entériner et quelque part à légitimer ces représentations et ces actions. L’imaginaire devient alors une machine discursive à récuser la posture critique. Sous son couvert, la technique qui fait l’objet d’une simple opération de marketing politique (comme lorsqu’A. Gore a enrôlé les TIC dans son programme d’autoroutes de l’information par exemple) devient, abusivement, de l’imaginaire. Sous son couvert la technique ne pose pas question à la société, et notamment pas de questions politiques (sur les libertés, l’espace public etc.).

    • L’imaginaire : existe-t-il des alternatives ?

    Selon L. Sfez (op cit) les TIC sont munies d’une imagerie, qui n’est pas un imaginaire, car il lui manque une véritable cohérence symbolique ; cette imagerie participe à l’imposition d’une idéologie de la technique qui permet de la naturaliser.

    Les représentations sociales sont portées par ce que j’appelle un macro-techno-discours (un MTD). J’ai proposé la notion d’impensé informatique (Robert 2012, les éditions des archives contemporaines) pour rendre compte du fonctionnement du discours ( le macro-techno-discours) que notre société se propose elle-même sur sa propre informatique (et ses TIC) ; mais cette qualification n’est pas un a priori, elle fait l’objet d’une enquête qui montre (ou non) qu’il s’agit bien de la logique de l’impensé, caractérisée par certaines opérations et stratégies repérables ou non dans les discours.

    La prise en compte de cet impensé incite le chercheur à faire des propositions pour penser les TIC, mais à travers un jeu de catégories qui ne sont ni celles de la techniques ni celles de la sociologie (tout en leur restant compatible) (Cf. Pascal Robert, Mnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Hermès, 2010). Ce que ne permet pas la notion d’imaginaire.

    • Conclusion : un imaginaire de l’imaginaire ?

    Notre société a manifestement besoin d’une telle notion pour se rassurer. Il s‘agit, dés lors, d’en faire la sociologie et non de l’entériner comme outil à vocation scientifique. Or, certains sociologues, proches peut être de grands groupes de télécommunications, n’hésitent pas à la promouvoir comme baguette magique du décryptage de nos TIC. Voilà une approche qui, dans sa facilité même, et parce qu’elle rassure, est susceptible d’intéresser les journalistes. Autrement dit, notre société a développé un véritable imaginaire de l’imaginaire comme substitut (partiel) aux grands récits ; démarche qui porte l’idéologie de la communication au lieu de la critiquer.

    Pascal robert est professeur en sciences de l’information et de la communication à l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), Université de Lyon, membre du laboratoire Elico EA 4147.

    Publications et communications récentes (2011-2012)

    Livres :

    L’impensé informatique, critique du mode d’existence idéologique des TIC, volume 1, les années 70-80, éditions des archives contemporaines, Paris, 2012.

    Chapitre d’ouvrage :

    « Esquisse d’une archéologie de l’informatique communicante », projet d’une histoire du logiciel libre, Editions Framabook, à paraître.

    Communication à des colloques :

    « Pour une « culture du numérique », colloque de la SFSIC 2012, Rennes, Juin 2012.

    En collaboration avec N. Pinède, « Le document numérique : un nouvel équipement politique de la mémoire sociale ? », colloque international Cossi 2012, Poitiers, 19 et 20 juin 2012.

    « Critique de la « gestionnarisation », colloque international EUTIC 2011, Transformation des organisations : évolution des problématiques et mutations fonctionnelles, Bruxelles, 23-25 novembre 2011.

    « Les revues de micro-informatique sont-elles porteuses d’une « culture technique » de l’informatique ? Une approche socio-sémiotique », colloque international de Strasbourg sur « Les cultures des sciences en Europe, Volet 2 : dispositifs, publics acteurs et institutions », Strasbourg, 13-15 octobre 2011.

    Articles :

    « Pour une anthropologie du virtuel, Virtuel, jeux vidéo et paradoxe de la simultanéité », MEI, N°37, L’Harmattan, Paris, à paraitre.

    Positionnement scientifique

    • Section scientifique de rattachement : sciences de l’information et de la communication (71°section).
    • Ma proposition de communication se veut un bilan critique d’une démarche, sous forme de questions. En ce sens, le vocabulaire issue des sciences dites « dures » est quelque peu décalé : la « méthode » consiste ici à critiquer une position en en montrant les a priori cachés et les conséquences politiques masquées ; le « terrain » correspond au corpus d’auteurs critiqués (P. Flichy, P. Breton etc.)
    • Références : elles sont indiquées dans le corps du texte.Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici
  • Sensibiliser sur les modifications de paysages et susciter des interprétations

    Sensibiliser sur les modifications de paysages et susciter des interprétations

    Lors de la manifestation Ludovia 2012, nous proposions un atelier autour de l’analyse de l’image, de celle de la relation à l’information qu’elle apporte, et de son interprétation sensible. Nous avons souhaité prolonger cette action par la mise en situation des élèves eux-mêmes  en situation de reporters, de partage de leurs propres photos, comme outil d’interprétation du paysage et de ses évolutions.

    Le procédé consistant à re-photographier un lieu après un certain laps de temps est une méthode d’étude utilisée depuis longtemps en géographie, dans les sciences naturelles, en ethnographie, en sociologie visuelle etc. L’approche peut être systématisée en comparant plusieurs vues d’un même endroit prises à des intervalles de temps réguliers en essayant de reproduire les mêmes conditions de prise de vue – cadrage, angle, période de l’année, ensoleillement et positions des ombres – tout au long de la série de re-photographies. L’ensemble à l’aide d’outils de géolocalisation, visualise et/ou interprète des évolutions des lieux.

    Apport du numérique ou technologie utilisée 

    Nous allons donc réutiliser cette technique dans la ville d’Ax-les-Thermes avec des outils  comme Goggle Earth et du code HTML/Javascript compatible totalement sur ordinateur et tablette interactive, afin de constituer une ressource interactive utilisable sur des outils  fixes et/ou mobiles .

    L’atelier se déroulera en 2 temps :

    dans Google Earth ,la création de superpositions de photos et d’images sous forme de documents HTML

    -ensuite la réalisation de documents HTML interactifs, visibles sur tablettes aussi bien que sur ordinateur.

    Nous utiliserons également des applications multimédias (gratuites) sur tablettes,pour réaliser un diaporama interactif mélant commentaires audio et photos et le logiciel « images actives » du CRDP de l’Académie de Versailles

    Relation au thème de LUDOVIA 2013

    L’image est un vecteur d’imaginaire fort. Même présenté comme une représentation « objective » d’une réalité , elle n’en demeure pas moins interprétée personnellement selon son propre regard ou sa propre histoire. Dans ce parcours de re-découverte, elle laisse place à l’histoire bien sûr et bien évidemment à un regard sensible sur l’évolution de nos univers de vie. La possibilité de disposer des informations (ici des photos  ou des commentaires) en temps réel est une promesse d’intercativité accrue.

     

    Nous vous proposons un atelier sur un travail d’histoire mêlant photos anciennes et photos récentes en utilisant  des tablettes (ou Smartphones) Andoid et iOS et d’applications gratuites dédiées. Pensez-donc à emmener votre matériel…

    Voir le programme général de l’Université d’été LUDOVIA 2013 ici

  • Distorsion et réappropriation : le jeu vidéo comme imaginaire de l’activité

    Distorsion et réappropriation : le jeu vidéo comme imaginaire de l’activité

    imaginaire

    Que désigne-t-on sous le terme d’imaginaire vidéoludique ? S’agit-il d’évoquer l’ensemble des représentations véhiculées par le corps social à l’endroit du jeu vidéo et de ses pratiques ? Parle-t-on plutôt des différents mondes et thématiques imaginaires traités par le médium vidéoludique ? Ou renvoie-t-on plutôt à la gamme des expériences vidéoludiques possibles, qu’elles soient présentement imaginées ou qu’elles restent à imaginer ?

    Au-delà de la pluralité d’acceptions que peut recouvrir cette notion, on émettra le postulat suivant :

    l’imaginaire vidéoludique, c’est d’abord une certaine image que le joueur se fait de sa propre activité.

    La vérification de cette hypothèse passera par une explicitation de la nature de cette image, de sa structure et de son mode de constitution. Pour ce faire, nous commencerons par examiner  le type de relation qui noue le joueur à son jeu.

    On montrera comment ce caractère relationnel est conditionné par les propriétés formelles de l’objet-jeu, mais aussi par le type de rapport que suppose toute posture ludique. il s’agira ensuite d’étudier la teneur même de l’activité vidéoludique. En d’autres termes, il s’agira de répondre à cette question : qu’est-ce que fait le joueur, lorsqu’il joue ? Nous adopterons ici une méthode de style phénoménologique.

    Notre réflexion partira d’un examen de l’activité ludique entendue comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Que fait un joueur pour jouer ? Il appuie sur la croix directionnelle, déplace la souris, maintient une touche enclenchée. En quoi cette activité pourrait-elle alimenter un vécu riche de sens et consécutivement, nourrir un imaginaire prétendument dense ?

    L’imaginaire vidéoludique se caractériserait-il par son éminente pauvreté ? Si l’on demande à un joueur ce qu’il fait dans un jeu, on peut douter que celui-ci la décrive comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Celui-ci parlera plutôt des actions de haute voltige qu’il a pu réaliser, des ordres qu’il a pu donner ou encore des étendues qu’il a pu parcourir.  La juxtaposition de ces deux descriptions fait ressortir l’existence d’un différentiel entre deux régimes d’action, lesquels viennent pourtant définir en propre ce qu’est jouer. Il s’agira d’élucider la nature de ce différentiel entre action effective (j’appuie sur un bouton) et forme de l’action (je vois mon personnage sauter), et de voir comment cette disjonction altère le vécu du joueur, dans son contenu comme dans son mode d’écoulement.

    Cette tâche supposera qu’on s’enquiert prioritairement du sens que le joueur assigne à son activité, en tant qu’activité traversée par une disjonction. Quel sens assigne-t-il à l’action effective qu’il réalise, compte tenu de la forme que prend cette action à l’écran ? Jusqu’à quel point le joueur considère-t-il l’activité visible à l’écran comme étant significative de son action effective ?

    L’analyse des présupposés qui sous-tendent ces questions nous amènera à spécifier ce que ce différentiel recouvre. On montrera ainsi que la différence entre action effective et forme de l’action ne relève pas d’une logique d’amplification, qu’une action effective peut se traduire à l’écran de fort différentes manières, et que cela n’est jamais seulement fonction de ce que le joueur a fait, mais des choix de design pris par le concepteur.

    Plus encore, on montrera que la possibilité même de ce choix de design résulte d’un autre type de différence, non plus entre une action et son mode de manifestation, mais entre un geste et sa traduction dans un environnement numérique. Il s’agira de cerner les implications sous-jacentes à cette disjonction de nature très particulière, à fortiori lorsqu’elle n’est pas manifeste. Enfin, on verra comment cette détermination technique ouvre à la possibilité de voir certaines actions prendre des formes non-anticipées, que cela résulte des propriétés émergentes du système ou d’une erreur de programmation.

    Au terme de cette étude, nous serons alors en mesure de montrer en quoi le joueur est nécessairement affecté par ce différentiel et l’effet de distorsion qu’il produit.

    Le joueur, lorsqu’il joue, doit toujours négocier avec ce différentiel et décider si oui ou non, il considère la forme que prend son action comme relevant de son agir propre.

    C’est en prenant en compte cet élément qu’on pourra caractériser le type d’image qu’un joueur peut se faire de sa propre activité et consécutivement, le type d’imaginaire qui en découle.

    Communications publiques (sélection)

     28/01/2013           Communication « Le transmédia comme approche circulatoire », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Transmédia : quelles traversées des écrans ?»

    16/06/2012           Communication « Paramètres de la variation ludique », Games Studies ? A la française ! « Pouvoirs des jeux vidéo », organisé par l’OMNSH.

    05/06/2012           Communication « Autorisation, usage et transmission du pouvoir-jouer », dans le cadre du  colloque « Pouvoirs des jeux vidéo », Lausanne, Suisse.

    09/02/2012           Communication « L’Imaginaire des jeux vidéo », dans le cadre du Séminaire Imaginaire – Technologie, organisé par l’ESAD et l’Institut Télécom

    23/01/2012           Communication « Interfaçage et jeu vidéo : les triangulations avatars/écrans/joueurs », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Images, interfaçages et corps ».

    Note de positionnement scientifique

    Notre section scientifique de rattachement est la section 17 du CNU.

    Notre méthode mobilise deux approches distinctes et complémentaires. Elle s’inscrit d’une part dans une démarche phénoménologique, et se déploie selon un mode de questionnement d’inspiration heideggérienne. Par ailleurs, nous adossons à cette approche phénoménologique un mode d’analyse de type ludologique, avec pour volonté de traiter la question du jeu sous l’angle de la systémique.

    Références

    Bachimont, Le sens de la technique : le numérique et le calcul, Les Belles Lettres, 2010

    Heidegger, Etre et Temps, Paris, Gallimard, 1986

    Juul Jesper, The Art of Failure, The MIT Press, 2013

    Järvinen Aki, Games without frontiers, VDM Verlag, 2009

    Katie Salen, Eric Zimmerman, Rules of Play, The MIT Press, 2003

    Manola Antonioli, Jean-Hugues Barthélémy, Elena Bovo et al., Phénoménologie et technique(s), le cercle herméneutique, 2008

     

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

  • La « flipped taxonomie » ou l’inversion de la taxonomie des compétences

    La « flipped taxonomie » ou l’inversion de la taxonomie des compétences

    Nous avons, dans la vidéo précédente, parler de la cohérence des objectifs, des méthodes, de l’évaluation … des outils. Les objectifs sont souvent décrits par un verbe (un savoir-faire, un savoir-agir, un savoir-être …) qui s’applique sur un nominatif (un contenu, un savoir, un savoir-faire …) : l’étudiant sera capable de « Verbe » à propos d’un « nominatif », par exemple, l’étudiant capable de citer les composantes de l’alignement constructiviste (épisode 2), l’étudiant sera capable d’appliquer la loi de Newton …
    Le « sera capable » associé au « verbe » est désigné par la notion de capacité. Cette capacité constitue encore un état potentiel … il sera capable, oui mais quand ? Comment ? Dans quel contexte ? Où ?

    La compétence veut dépasser cet état potentiel, mettre l’objectif, l’intention en état de fonctionner. C’est la capacité « être capable de … » qui s’applique sur des contenus et se concrétise dans un contexte actuel, authentique … donné.

    La compétence est donc un « CCC », une ou des Capacités, qui s’appuie sur des Contenus pour résoudre des problèmes dans un Contexte donné, ou dans des familles de contextes donnés. Tardif (2006) avait précisé cette définition en insistant sur le choix et la sélection nécessaires des contenus et des capacités pour atteindre l’objectif :

    « Une compétence est définie comme un savoir-agir complexe qui prend appui sur la mobilisation et la combinaison efficace d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations ».

    Parlons un peu des « verbes », les opérations cognitives. Benjamin Bloom propose, dès 1956, sa taxonomie (une classification) qui propose une pyramide dont

    • la base est connaître (définir, dupliquer, étiqueter, lister, mémoriser, nommer, ordonner, identifier, relier, rappeler, répéter, reproduire),
    • le niveau suivant est comprendre (classifier, décrire, discuter, expliquer, exprimer, identifier, indiquer, situer, reconnaître, rapporter, reformuler, réviser, choisir, traduire) ,
    • ensuite appliquer (choisir, démontrer, employer, illustrer, interpréter, opérer, pratiquer, planifier, schématiser, résoudre, utiliser),
    • ensuite analyser (estimer, calculer, catégoriser, comparer, contraster, critiquer, différencier, discriminer, distinguer, examiner, expérimenter, questionner, tester, cerner),
    • plus haut encore synthétiser (arranger, assembler, collecter, composer, construire, créer, concevoir, développer, formuler, gérer, organiser, planifier, préparer, proposer, installer)
    • et finalement évaluer (argumenter, évaluer, rattacher, choisir, comparer, justifier, estimer, juger, prédire, chiffrer, élaguer, sélectionner, supporter).

    L’importance du « verbe » est manifeste dans nos exemples inspirés d’un article de la Wikipédia. Cette « bonne vieille taxonomie » a été bien souvent révisée (l’article de la Wikipédia vous en dira plus), certains mettant la créativité au dôme de la pyramide à la place ou à coté de l’évaluation. D’autres ont croisé les « verbes » de la taxonomie de Bloom avec des savoirs (les nominatifs) plus détaillés : Savoirs déclaratifs (une définition), savoirs conceptuels (un modèle abstrait), savoirs procéduraux (une liste d’opérations à effectuer pour …) …

    Cette façon d’organiser les opérations cognitives, les connaissances comme socle, puis l’application et l’analyse, la synthèse, l’évaluation … au sommet est à l’origine ou est l’image de notre façon générale de voir la formation. Des connaissances révélées lors d’un cours magistral d’abord, des exercices lors des TP et TD ensuite ou encore « connaître et appliquer » en Licence et quelques projets plus créatifs en Master … Une certaine passivité d’abord, l’activité ensuite dans les années supérieures ou pire « tu verras à quoi ça sert plus tard ».

    Une autre philosophie prend progressivement (lentement mais surement) le pas sur cette méthode traditionnelle. Vous avez entendu parler des méthodes actives, des pédagogies actives (une sorte de tautologie, l’apprentissage pourrait-il être inactif ?) : apprentissage par problèmes, par projets, apprentissage collaboratif (on construit les connaissances en interaction avec les autres).

    Dans l’apprentissage par problèmes, une situation complexe, authentique, actuelle … est proposée aux élèves. Un problème n’est pas un exercice. Il ne succède pas à la présentation de la théorie, il la précède ; il ne se termine pas par un point d’interrogation … L’élève va analyser la situation, identifier les concepts en jeu et les questions qui se posent, émettre des solutions possibles … et ce n’est qu’après qu’il va convoquer les savoirs, les connaissances.

    L’avez-vous remarqué ? La taxonomie est sur sa pointe, renversée par rapport à l’approche traditionnelle. Les savoirs apportent des réponses aux questions que les élèves se posent plutôt que … d’apporter des réponses à des questions qu’ils ne se posent pas ou qui n’ont tout simplement pas de sens pour eux.

    Et les technologies ? D’abord, elles permettent d’amener ces situations authentiques, de la vie quotidienne, sociale, scientifique, économique … dans l’espace de la classe : un extrait du journal télévisé pour démarrer le débat, une interview d’un expert, le fonctionnement d’un moteur automobile pétaradant … ou même, dans les classes inversée », d’amener le contenu, la situation … avant la classe, avant le cours proprement dit pour rendre à cet espace son potentiel d’activités et d’interactivités.

    Ensuite, elles constituent un outil d’investigation (le recherche informationnelle), de simulation (pour tester les solutions imaginées), de collaboration à distance et de conservation des traces du processus, de présentation par les élèves eux-mêmes …

     

    Tardif, J. (2006). L’évaluation des compétences : Documenter le parcours de développement. Montréal : Chenelière Éducation.

    Pour une description plus complète : Lebrun, M. (2011). Les compétences et les « CCC » : Capacités, Contenus et Contextes, Learning Outcomes, apprentissage et dispositif, approche programme … Blog de M@rcel.

     

     

  • Enseigner avec le numérique, c’est aussi être en veille…

    Enseigner avec le numérique, c’est aussi être en veille…

    L’école est aujourd’hui concurrencée par les médias et le numérique… L’enseignant semble avoir perdu le monopole de la maîtrise de l’information et de la parole autorisée à destination des élèves.

    Il y a tellement de supports, d’objets, de sites qu’on ne sait pas par où commencer… Les ressources sont institutionnelles ou pas, labellisées ou pas, mais surtout pertinentes ou pas… , et des recherches seules ne suffisent plus toujours à trouver l’information dont on a besoin. Les principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés lorsque l’on veut utiliser des ressources numériques sont l’infobésité et la dispersion.
    Il faut donc mettre en place une veille informationnelle et documentaire.

    • veiller, c’est faire venir de l’information automatiquement, ne plus avoir besoin de la chercher à chaque fois
    • veiller, c’est garder des traces
    • veiller, c’est apprendre, s’approprier les concepts et les connaissances
    • veiller, c’est aussi publier ou produire des contenus qui seront diffusés

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