Auteurs : Aurélien Fievez et Gabriel Dumouchel
Illustration : Mélanie Leroux
En pratique, des enseignants utilisent cette configuration en salle de classe lorsqu’ils permettent à leurs élèves d’amener leur(s) outil(s) technologique(s) personnel(s) afin de réaliser des tâches spécifiques. Cependant, cette nouvelle approche pédagogique apporte avec elle son lot de perspectives et de réalités.
En effet, elle demande une préparation et une analyse approfondie de l’environnement d’enseignement-apprentissage afin de réussir son intégration.
Ce dossier vise à apporter un éclairage pratique et scientifique sur l’utilisation du « Bring Your Own Device » (BYOD). Il devrait permettre aux enseignants, praticiens, acteurs pédagogiques, mais aussi aux chercheurs de comprendre les origines de son existence et les réalités qui l’entoure.
Notons parallèlement que les technologies de l’information de la communication (TIC) font maintenant partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens du 21e siècle. D’ailleurs, le nombre d’individus possédant au minimum un téléphone portable, un ordinateur ou un téléphone intelligent est en constante progression.
Selon l’INSEE, 77% des ménages français utilisent internet, soit une augmentation de 21% depuis 2007. Au Canada, 80% utilisaient Internet et possédaient l’un de ces outils (Statistique Canada, 2014). Au Québec, on note que 77% des individus possèdent un outil numérique. De leur côté, 81% des travailleurs dans les entreprises utilisent Internet et possèdent leur propre appareil.
De ce fait, les entreprises ont compris qu’elles ne pouvaient pas ignorer cette nouvelle réalité. Ainsi, le BYOD a fait une entrée lente, constante et souvent efficace dans le milieu entreprenarial.
D’ailleurs, les employés spécifient que le fait d’utiliser leur appareil personnel permet d’avoir à portée de main un outil qu’ils connaissent, facile d’accès et qui combine les informations personnelles et professionnelles de leur quotidien (Garlati, 2011).
Cependant, de nombreux défis apparaissent comme l’accès aux réseaux sociaux, la protection des données ou encore la formation. Il a donc été nécessaire de mettre en place des règles, des mesures, mais aussi des outils afin d’aider les employés à travailler et à s’approprier efficacement ces technologies dans leur milieu de travail (Beckett, 2014 ; Émery, 2012).
En corollaire, les établissements scolaires suivent cette tendance alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à permettre à leurs élèves d’apporter leur appareil personnel à l’école (Baker, 2014 ; Burns-Sardone, 2014).
Les réalités soulevées par les entreprises se retrouvent partiellement transposées dans le contexte scolaire.
Ainsi, certains avantages, comme une motivation accrue de l’utilisateur dans la réalisation de ses tâches, ou l’augmentation des compétences technologiques des apprenants (Benham et al., 2014) sont mis en évidence.
Cependant, des inconvénients apparaissent également comme la distraction des élèves ou la gestion de l’enseignement-apprentissage qui se retrouve complexifiée.
Alors, quelles sont les réalités, quels sont les prérequis et les aboutissants d’une intégration BYOD dans une salle de classe ? Comment les enseignants peuvent-ils jongler avec ces outils ? Quels sont les avantages réels et quels sont les inconvénients du BYOD en contexte scolaire ? C’est à l’ensemble de ces questions que ce dossier tentera d’apporter des éléments d’explication. Dans ce document, nous aborderons successivement la définition du concept, les perspectives pratiques de son utilisation, les ressources actuellement disponibles et nous terminerons par une conclusion globale amenant des pistes de réflexion.
Que signifie BYOD ?
Le BYOD, acronyme de « Bring Your Own Device », ou en français AVAN, pour « Apportez Votre Appareil Numérique », est apparu vers 2005 dans les entreprises ; il fait son apparition depuis peu dans les salles de classe.
La perspective du BYOD est de permettre à l’utilisateur de travailler partout et à tout moment avec son appareil numérique personnel.
Dans cette approche, les entreprises y ont vu des économies d’infrastructure alors que l’école y a vu un moyen de favoriser l’apprentissage des élèves.
Selon certains, l’école et l’élève sont tous les deux gagnants,
car l’élève choisit et utilise un outil (ordinateur portable, tablette, phablette ou téléphone intelligent) qu’il connaît et maîtrise.
Bien que de plus en plus populaire, l’implantation de cette nouvelle pratique fait émerger de nombreux questionnements, notamment au sujet de la gestion de la classe, de la planification ou de l’équité entre les élèves.
Par ailleurs, notons que la multiplicité des outils technologiques n’étonne plus personne. D’un point de vue global, le BYOD montre certes des perspectives intéressantes. De fait, les technologies utilisées intègrent de nombreux capteurs, comme l’accès à Internet et le « cloud » (l’infonuagique en français) afin de communiquer entre elles, permettant ainsi de favoriser l’enseignement et l’apprentissage.
Cependant, ces outils sont souvent confinés dans la sphère familiale et n’entrent que progressivement dans la sphère scolaire.
Pourquoi ne pas les utiliser plus souvent à l’école, demanderont certains.
De cette manière, l’enseignant disposerait d’outils dans la salle de classe qui permettraient de réaliser des activités numériques et interactives facilement et rapidement.
Bref, si le BYOD apporte des perspectives pédagogiques intéressantes, le tout sera d’intégrer efficacement cette méthode dans les salles de classe. Pour cela, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et proposent des approches distinctes. Nous avons synthétisé l’ensemble de ces approches afin de proposer un modèle qui permettra une intégration réussie.
L’enseignant a le choix des outils et des plateformes qu’il veut (et peut) utiliser dans sa salle de classe. En fonction de la liberté qu’il donne aux élèves, différents modèles d’intégration du BYOD se dessinent.
Un guide du ministère de l’Éducation de l’Alberta initie cette réflexion en mettant en évidence les différentes configurations possibles d’une infrastructure BYOD.
Dans le cadre de ce chapitre, nous avons ajusté ce modèle en fonction de nos constatations et de nos recherches afin de créer un modèle d’intégration du BYOD (figure 1). En salle de classe, chaque étudiant apporte avec lui un outil particulier et différent ; l’enseignant doit alors combiner et parfois jongler avec l’ensemble de ces artefacts technologiques. En analysant les différentes possibilités, nous pouvons relever quatre différentes approches d’intégration.
Ainsi, les enseignants définissent le degré d’intégration de la technologie qu’ils veulent voir dans leur salle de classe. En tant que « maitres d’orchestre de l’apprentissage », ils choisissent les instruments qui seront utilisés. En fonction du degré choisi, différentes réalités apparaissent.
L’approche de l’utilisation restreinte demande à l’enseignant de choisir un outil en particulier
(par exemple un iPad Air 2 de 64 Go), unique pour tous.
Ce modèle permet d’avoir un contrôle aisé sur l’enseignement et l’apprentissage, rendant l’appropriation de la technologie plus facile par l’enseignant.
Ce dernier choisit l’outil et les logiciels/applications que les apprenants vont utiliser. Il peut ainsi se former facilement et aider ses élèves d’un point de vue technique, mais aussi pédagogique. Par contre, les élèves doivent apprivoiser un outil qu’ils n’utilisent pas forcément habituellement et qui est imposé.
Ce modèle restrictif présente des avantages pour les enseignants, mais il limite l’innovation pédagogique; la caractéristique « BYOD » est donc peu présente ici.
L’approche de l’utilisation ciblée laisse le choix de l’appareil à l’élève
(par exemple une tablette ou un ordinateur). Il doit cependant respecter certaines caractéristiques techniques (comme le processeur ou la mémoire minimale requise). Il lui faut également respecter le choix des logiciels/applications prévus par l’enseignant.
Celui-ci maîtrise les logiciels/applications et les plateformes utilisées. Les cours peuvent se baser sur des outils précis et la latitude de l’enseignant est assez présente.
Cependant, la liberté pédagogique de l’élève est encore limitée.
L’approche de l’utilisation ouverte unique permet à l’élève de choisir son outil et ses logiciels/applications.
La liberté de l’élève est plus importante, cependant l’enseignant doit s’adapter aux différentes plateformes, il doit montrer de la flexibilité dans son enseignement.
Enfin, l’approche de l’utilisation ouverte multiple recouvre toutes les perspectives du BYOD.
Il permet à l’élève d’utiliser n’importe quel outil et même plusieurs outils en salle de classe. La flexibilité de l’enseignant est importante et la gestion de la classe plus complexe, mais l’innovation pédagogique est également plus grande.
Par ailleurs, notons qu’il est nécessaire de prendre en considération les différents facteurs externes et internes qui viendront influencer l’utilisation du BYOD dans la salle de classe. De fait, les moyens financiers, techniques et pédagogiques à la disposition de l’enseignant sont des éléments importants à considérer lors de l’intégration d’une approche BYOD.
Le fait d’avoir dans sa classe des outils numériques pour les élèves ne pouvant se prémunir d’un outil personnel est primordial.
Aussi, un soutien extérieur de la part d’un conseiller pédagogique ou d’un formateur sera d’une aide certaine pour l’enseignant. L’ensemble de ces facteurs détaillés dans la figure 1 viendront influencer l’efficacité et la réalisation de l’intégration BYOD.
Ces différentes approches que nous avons présentées dans notre modèle d’intégration du BYOD donnent lieu à des perspectives différentes de l’utilisation des technologies en salle de classe. En fonction du choix de l’enseignant et/ou de la direction, la flexibilité de l’enseignant et/ou de l’élève se trouvera ajustée.
Par conséquent, il conviendra de d’identifier l’approche la plus adéquate en fonction des objectifs envisagés.
D’ailleurs, le but n’est pas de transformer la classe en un lieu commun pour les outils technologiques personnels de l’élève, mais bien de l’amener à les utiliser à des fins d’apprentissage.