Étiquette : Ludovia 2013

  • L’imaginaire, entre technique, pratiques et usages

    L’imaginaire, entre technique, pratiques et usages

    imaginaire

    Les substrats physiques et linguistiques des ordinateurs et des réseaux semblent n’obéir qu’à des concepts de logique et de physique appliquée. Les langages informatiques ne recèlent pas explicitement de créativité et le vocabulaire de l’électronique n’enjoint pas aux débordements oniriques. Pourtant, les concepteurs parlent d’intuition, de création et d’imagination ; autant de phénomènes qui seraient à l’œuvre jusque dans les métaphores cognitives (Von Neuman, 1957) qui furent à l’origine de la naissance des machines numériques.

    La pensée mécaniste fournit, dès lors, un mode de représentation du monde en empruntant des termes comme « émetteur » et « récepteur » (Shannon, 1949) associés au « temps des ingénieurs » (Escarpit, 1995 p. 23) pour décrire les communications humaines. Il s’agit déjà d’un imaginaire où des théories et des modes interprétatifs issus d’un champ traversent les disciplines et s’insinuent dans les représentations collectives sous formes de mots, d’outils et de schémas utilisables pour décrire des pans de réalité.

    Ainsi, la dénomination française du mot ordinateur fut proposée en référence à Saint Augustin pour qui l’ordinator était « Dieu qui met de l’ordre dans le monde » (Peret, 1954). L’ordre et le classement ne sont pas étrangers aux paradigmes informatiques.

    Pourtant, les espaces virtuels, les jeux, les œuvres artistiques et l’ensemble des créations numériques font explicitement appel à autre chose qu’au calcul et l’ordonnancement. Une débauche de créativité et d’affranchissement des règles est même revendiquée tant par les utilisateurs finaux que par les concepteurs. L’avènement d’Internet et le foisonnement des échanges sur les sites socio-numériques, le courriel, les forums et les blogs semblent relever d’un éclatement, voire d’un chaos.

    Ne parle t-on pas de ce Web qui, échappant à tout contrôle, serait livré, en toute incompétence des pouvoirs politiques, à l’emprise des activités souterraines de groupes mercantiles et de nébuleuses mal intentionnées ? En outre, qui peut aujourd’hui décrire les médiations qui permettent la réception d’un mail ?

    L’ordre initial serait perdu ou caché dans les arcanes du Web et les couches logicielles qui forment un palimpseste numérique dans les systèmes d’exploitation, les exécutables et les serveurs. Des cercles d’initiés, formés par des personnes ayant arpenté le chemin de l’apprentissage de la programmation et des langages, détiendraient des parcelles de ce savoir tandis que des mythes de l’origine (dans un garage) sont disséminés sur la toile. La connaissance est à la disposition de tous, mais il faut être initié pour la recevoir.

    Ainsi, un ordre originel se cache derrière l’apparence de chaos de la profusion créative et des fioritures esthétiques. L’aridité des lignes de code, dans lesquelles est traduite l’intégralité des réalisations numériques, aussi esthétiques et artistiques soient-elles, reste dissimulée aux yeux du néophyte, qui est une manière courtoise de décrire un profane qui ne connaitrait pas la symbolique du nombre « 42 » (Adams, 1979).

    Ceux qui souhaitent partager ces savoirs ont créé les premières communautés virtuelles (Rheingold, 1993) avec un modérateur, des participants et un imaginaire partiellement puisé dans les œuvres de fiction de la fin du XIXe et du XXe siècle. Certains textes sont considérés comme fondateurs ou « cultes ». Ce sont des références telles que « le problème de Turing » (Harrison, Minsky, 1998), « Star Trek » (Roddenberry, 1964), et la majorité des longs romans de type médiéval fantastique comme « Le seigneur des anneaux » (Tolkien, 1973).

    Ces œuvres épiques puisent à l’aune de croyances anciennes et d’habitus machiniques habités par des intentions de natures humaines. Elles fonctionnent comme des arkés, des moules à partir desquels de nouvelles images peuvent se développer. Elles peuvent être interprétées, au même titre que les traces qu’elles ont laissées dans les mythèmes informatiques au regard de structures anthropologies de l’imaginaire.

    Le structuralisme, avec sa perspective humaniste, souligne le caractère « programmé » du vivant, par ses gènes, ce qui se manifeste dans des « universaux de comportements » (Eibl Ebesfeldt, 1973) et par la culture et le mythe, qui sont des formes de modernité (Levi-Strauss, 1962).

    Cette généralisation autorise l’élargissement le périmètre de la recherche à des communautés plus accessibles afin d’explorer avec elles les traces d’imaginaire parmi leurs ressortissants. Aussi, nous évoquerons les phases de prospection, de ritualisation, de découverte, de prise de rôle puis de déclin dans ces espaces privilégiés qui, opposent le petit dedans au grand dehors, la communauté à la société, le partage et l’échange semi-oral du courriel et du texto à la commercialisation et à la médiation de masse. Internet y est décrit comme une « source de hasards » en référence au choix d’un forum plutôt que d’un autre.

    Des mots forts associés à de la synchronicité (Jung, 1888) ont été entendus, tout comme des propos sur l’éthique, l’ambivalence et des références à une grande idée de liberté empreinte de nostalgie. Le vécu de la technologie est habité par des imaginaires et leur analyse fournit un champ d’investigation fécond.

    Aussi, les lieux virtuels sont-ils des domaines capables d’enracinements même si ce sont des espaces vécus au présent. Il y a 20 ans, l’inventeur de l’expression « communauté virtuelle » assurait déjà que « d’emblée », il ressentit le Well « comme une vraie communauté parce qu’il était également lié à sa vie de tous les jours ». L’imaginaire technique n’est pas constitué des seules supputations sur « l’existence d’objets que l’individu peut entrevoir aujourd’hui mais dont il ne disposera que « demain » (Gobert, 2000, p. 26). Il questionne particulièrement les pratiques et les usages car ce qui alimente les croyances est avant tout de l’ordre du ressenti, du sentiment et des représentations.

    « Tout un délire traverse le social » (Durand G., 1993) dès lors qu’il s’agit de technologies.

    Ainsi, le raisonnement rationnel ne suffit plus à fournir un cadre à ce qui, par la multiplication des fonctionnalités et le nombre d’utilisateurs dont chacun actualise sa propre consocréation (Gobert, 2008), ses formes de présence (Turkle 1995) et ses imaginaires, relève du registre de la complexité.

     

    C’est pourquoi cette communication évoquera dans un premier temps la tension qui met en dialectique les formes mécanistes de la technique et les fluctuations du vécu et des imaginaires qui lui sont associées. Après un rappel définitionnel sur l’imaginaire et les ancrages théoriques sur les textes classiques (Durand, Morin, Thomas, Jung), le propos soulignera le rôle de l’imaginaire dans les pratiques et usages des nouvelles technologies, et cela plus particulièrement dans le contexte sensible de l’apprentissage instrumenté par des dispositifs numériques.

    Les éléments seront appuyés par l’observation participante et des entretiens semi-directifs effectués avec deux populations d’apprenants aux caractéristiques très différentes. Les résultats mettent en lumière l’actualité des travaux de Gilbert Durand et l’importante d’un imaginaire compris comme un « un système dynamique organisateur des images ». Ainsi, Crede mihi, plus est quam quo videatur imago (Ovide, Héroïdes, 13, 53) « Crois moi, l’image, c’est plus qu’une image ».

     

    Bibliographie indicative

    Adams D. (1982), Guide du voyageur intergalactique, Paris : Denoël, Série H2G2, trad. J. Bonnefoy, ed. orig. 1979.

    Aristote (2008), Métaphysiques, Paris : Garnier Flammarion, éd. orig 4e sicèle av. J.-C.

    Durand G. (1993), Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Dunod.

    Eibl Ebesfeldt I. (1973), L’homme programmé, Paris : Flammarion.

    Escarpit R. (1995), L’information et la communication, Paris : Hachette.

    Flichy P. (2005), « La place de l’imaginaire dans l’action, le cas d’Internet », Réseaux, Paris : La découverte, n° 109, pp. 52 à 73.

    Gobert T. (2000), Qualification des interactions observables entre l’homme et les machines numériques dotées d’interfaces à modalités sensibles, Lille : Septentrion, éd. 2003.

    Gobert T. (2008) « Consommer pour créer, créer en consommant, la consocréation », Do it yourself, Ax les Thermes : Ludovia 2008, du 27 au 29 août 2008

    Harrison H., Minsky M. (1998), Le problème de Turing, Paris : Le Livre de Poche, trad. Sigaud B., éd. orig. 1992.

    Jung C.-G. (1929), Synchronicité et Paracelsica & Jung C.-G., Kerényi C. (1958) Introduction à l’essence de la mythologie, Lausane : PBB.

    Levi-Strauss C. (1962), La Pensée Sauvage, Paris : Plon, 1962.

    Ovide (2005), L’Héroïde, Paris : Belles Lettres, trad. Bornecque H., orig. 29 et 19 av. J.-C.

    Ovide (2012), l’Enéide, chant I, Paris : Albin Michel, trad. Vyen P., orig. 29 et 19 av. J.-C.

    Perret, 1955, Que diriez-vous du mot ordinateur ? Lettre du 16 avril 1955.

    Rheingold H. (1993), The virtual community, Homesteading on the Electronic Frontier, Addison-Wesley, trad. Lumbroso L., http://www.well.com/~hlr/texts/VCFRIntro.html

    Roddenberry G., (1964), Star Trek 1, first draft, http://leethomson.myzen.co.uk/, 16 pp.

    Thomas J. (1998), Introduction aux méthodologies de l’imaginaire, Elipses,

    Tolkien J.-R.-R. (1973), Le seigneur des anneaux, Paris : Bourgeois, trad. Francis Ledoux, ed. orig. 1955

    Von Neumann J. (1957), L’ordinateur et le cerveau, Paris : Flammarion, trad. Pignon D., ed. orig. 1958.

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  • Refonder l’école ou la flipper ?

    Refonder l’école ou la flipper ?

    Bien que pratiquée depuis longtemps par des pionniers,  le concept, ou en tout cas l’appellation de Flipped Classrooms, est apparu vers 2007 quand deux enseignants en chimie dans l’équivalent de notre niveau secondaire, Jonathan Bergman et Aaron Sams, ont découvert le potentiel de vidéos (PowerPoint commentés, Screencast, Podcast …) pour motiver leurs élèves à préparer (à domicile ou plutôt hors classe) les leçons qui seront données en classe afin de rendre ces dernières plus interactives :

    Lectures at Home and HomeWork in Class, le slogan était lancé.

    L’air de rien, cette méthode est à la fois une petite révolution par rapport à l’enseignement dit traditionnel (le magistral, l’enseignement ex cathedra) et une piste d’évolution acceptable et progressive pour les enseignants qui souhaitent se diriger, sans négliger la transmission des savoirs,  vers une formation davantage centrée sur l’apprenant, ses connaissances et ses compétences.

    Comme nous le voyons déjà, ces classes inversées (selon la traduction française largement répandue de Flipped Classrooms) repositionnent les espaces-temps traditionnels de l’enseigner-apprendre.

    Clairement, les Flipped Classrooms évacuent, si on peut dire, la partie transmissive voire l’appropriation des savoirs de type déclaratif, hors de la classe pour redonner à cette dernière son potentiel d’apprentissage et de co-apprentissage. Il en résulte aussi une révision des statuts des savoirs (en particulier ceux de nature informelle), des rôles assumés par les étudiants et les enseignants …

    En outre, nul besoin de flipper tout son enseignement en une fois : une activité parmi d’autres, quelques semaines sur le quadrimestre. De quoi expérimenter et évoluer en douceur. Malgré l’origine initiale de la méthode, une Flipped Classrooms, ce n’est pas juste une vidéo avant le “cours” et du débat pendant le “cours”. On pourrait sommairement la décrire en un cycle à deux temps :

    (Temps 1) Recherche d’informations, lecture d’un article, d’un chapitre, d’un blog …, préparation d’une thématique à exposer, interviews ou micro-trottoirs … à réaliser seul ou en groupe avant une séance en présentiel. Le résultat des investigations peut être déposé dans un dossier sur une plateforme, des avis, opinions, commentaires, questions … peuvent être déposés sur un forum, la vidéo réalisée peut être déposée sur YouTube …

    (Temps 2) Présentation de la thématique, débat sur des articles lus, analyse argumentée du travail d’un autre groupe, création d’une carte conceptuelle commune à partir des avis, opinions, commentaires … récoltés, mini-colloque dans lequel un groupe présente et un autre organise le débat … pendant le moment (l’espace-temps) du présentiel …

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    La figure ci-dessus nous montre le « flip » à l’œuvre. (1) L’enseignement traditionnel transmissif se passe en classe, les interactions ou activités des élèves sont somme toute limitée. Les devoirs se passent à la maison ainsi que la préparation des examens. (2)

    Le « flip » va agir reconsidérant les espaces-temps de l’enseigner-apprendre. (3) La figure se complète : la partie transmissive (les nécessaires savoirs, les principes, la théorie…) se déroule à distance de la classe soit  la maison soit dans des lieux spécialement aménagés dans l’école ; l’espace et le temps de la classe (de la rencontre avec l’enseignant) est utilisé pour les activités et les interactivités. (4) L’hybridation (soutenue par le principe de variété) mélange ces différents modes d’interaction.

    Ce billet vous a fait flipper ? Twittez-le moi (@mlebrun2) ou écrivez sur mon Blog !

    Blog de M@rcel (2011). J’enseigne moins, ils apprennent mieux ici

    Rencontres Académiques du Numérique (2012). Forum@Tice, Reims (France), octobre 2012 lien ici

    The daily riff (2012). The Flipped Class : Myths vs Reality ici et How the Flipped Classroom is Radically Transforming Learning ici

     

  • L’AFINEF, partenaire institutionnel de l’Université d’été Ludovia 2013

    L’AFINEF, partenaire institutionnel de l’Université d’été Ludovia 2013

    afinefPour cette 10ème édition de l’Université d’été Ludovia sur le thème « Imaginaire et promesses du numérique », l’AFINEF a naturellement trouvé sa place en tant que partenaire institutionnel de cet événement consacré aux échanges entre acteurs de la communauté éducative et qui offre à ses participants un véritable panorama sur l’écosystème du numérique.

    En octobre 2012, 26 acteurs de l’industrie du numérique dans l’éducation et la formation en France se sont réunis pour constituer l’Association Française des Industriels du Numérique dans l’Education et la Formation. Tous mutualisent leur expertise et œuvrent afin de faire de la filière éducation et formation numérique en France une filière d’excellence et l’une des plus dynamiques.

    En avril dernier, lors des assises nationales de l’éducation et de la formation numérique, nous avons émis 25 propositions répondant à des enjeux sociétaux, permettant de structurer et de développer la filière y compris à l’échelle internationale. C’est avec très grand enthousiasme que l’AFINEF accompagne aujourd’hui l’Université d’été de Ludovia et présentera notamment ces 25 propositions qui sont le résultat d’une concertation de deux mois entre les industriels de quatre grands secteurs : l’équipement, les contenus, les applications et le service, avec comme point de convergence l’e-Education.

    A ce sujet voir aussi les-industriels-du-numerique-dans-leducation-et-la-formation-creent-leur-association et assises-nationales-de-leducation-et-de-la-formation

    Voir le programme général de l’Université d’été LUDOVIA 2013 ici

  • L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    L’art de la photographie numérique : les relations des imaginaires à la technique.

    imaginaireNotre communication s’inscrit dans l’axe de l’art numérique.

    Notre recherche pluridisciplinaire (histoire de l’art et anthropologie des techniques)  touche aux pratiques photographiques numériques lorsqu’elles simulent des aspects caractéristiques de la photographie argentique (grains photographiques, vieillissement des couleurs, marge blanche).

    Nous questionnerons plus spécifiquement ici les  imaginaires produits  dans le cadre d’une pratique photographique numérique au travers de photographies mais aussi des discours sur ces photographies et/ou la photographie numérique.

    En effet, dans le contexte d’une réflexion sur la relation entre l’imaginaire et la technique numérique photographique au travers d’œuvres, il nous semble indispensable d’analyser à la fois le processus numérique en tant que système machinique ainsi que les discours sur ce système car « La chambre noire se définit comme un agencement, au sens où l’entend Gilles Deleuze : elle « est à la fois, et inséparablement, d’une part agencement machinique et d’autre part agencement d’énonciation » « (Crary,1994 : 59‑50).

    C’est à  partir d’une approche moderniste de la technique photographique (Moholy-Nagy 1993) qui trouve un prolongement avec Flusser (1996) que nous définirons dans cette communication deux types de relation  entre l’imaginaire et la technique photographique numérique.

    Le premier repose sur un imaginaire de la technique qui est le résultat d’une recherche sur la technique où l’artiste traque les « marges d’indétermination » (Simondon, 1989) de l’appareil photo numérique. De cet imaginaire peut alors surgir de nouvelles potentialités, proposant d’autres usages qui dépassent la programmatique prévue par l’appareil photo. Le second type consiste davantage en l’utilisation de la technique pour produire un imaginaire photographique qui se fait tantôt critique de certains aspects du monde contemporain (prédominance d’une approche quantitative du monde, par exemple),  tantôt critique des conséquences de la technique numérique dans le  champ de la photographie (omniprésence des appareils photographiques et pollution de notre environnement visuel).

    Au travers de multiples exemples, nous soulignerons deux aspects. Premièrement, la majorité des productions artistiques sont de l’ordre de la seconde typologie. Ensuite,  les imaginaires construits ne sont pas réellement lié à la nature de la technique photographique numérique car ils sont basés sur des possibilités techniques qui existaient déjà via la photographie analogique (photomontage illusionniste ou surréaliste, retouche).

    En quoi les imaginaires sont-ils donc attachés à la technique numérique ?

    Bibliographie :
    Guedj, Romain, « Le je(u) des possibles », in Denis Bernard. Écarts, éclairs et corps : nouvelle étreinte photographique. Lyon: Fage éditions, 2010, 154-161.
    Guedj, Romain, « Les vues panoramiques de Jean Giletta », in Jean-Paul Potron, Jean Gilletta photographe de la riviera, Gilletta-Nice Matin, Nice, 2007, p.52-57
    Guedj, Romain, « La plaque albuminée sur verre, une identité perdue », Diplôme d’Études Approfondies, Centre d’Histoire et des Techniques du CNAM, 2006.

    Note de positionnement scientifique :
    Je suis actuellement doctorant dans le département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, Montréal QC, Canada (section sociologie de la culture).
    Cette communication est élaborée à partir d’une recension de sources écrites publiées et à partir de photographies exposées et/ou publiées.

    Références :
    Barboza, Pierre. Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l’histoire des images. 1 vol. Champs visuels. Paris: l’Harmattan, 1996.
    Batchen, Geoffrey. « Phantasm: Digital Imaging and the Death of Photography ». In Art and electronic media, par Edward A Shanken, 209‑211. London: Phaidon Press, 2009.
    Crary, Jonathan. L’art De L’observateur: Vision Et Modernité Au XIXe Siècle. Rayon photo. Nîmes: Éditions Jacqueline Chambon, 1994.
    Huyghe, Pierre-Damien (sous la direction de). L’art au temps des appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.
    Flusser, Vilém. Pour une philosophie de la photographie. Traduit par Jean
    Mouchard. 1 vol. Saulxures, France: Circé, 1996.
    Lister, Martin. « Photography in the Age of Electronic Imaging ». In Photography: A Critical Introduction, 295‑336. Routledge. London, 2004.
    Manovich, L. « The paradoxes of digital photography ». Photography after photography (1995): 57–65.
    ————–. The language of new media. Cambridge, MassMIT Press, 2001.
    Mitchell, William J. The reconfigured eye : visual truth in the post-photographic era. 1 vol. Cambridge (Mass.) ; London: MIT Press, 1992.
    Moholy-Nagy, László, et Dominique Baqué. 1993. Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie. Traduit par Catherine Wermester, Jean Kempf, et G. Daltez. Rayon photo. Nîmes: J. Chambon.
    Ritchin, Fred. After photography. New York, NY: WWNorton & company, 2010.
    Simondon, Gilbert. Du mode d’existence des objets techniques. R.E.S. L’Invention philosophique. [Paris]: Aubier, 1989.
    Wolf, Sylvia. The digital eye : photographic art in the electronic age. Munich: Prestel ; Seattle, WA, 2010.
    L’art Au Temps Des Appareils. Esthétiques. Paris: L’Harmattan, 2005.

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  • Tablettes numériques et ENT : enfin le cartable numérique ?

    Tablettes numériques et ENT : enfin le cartable numérique ?

    L’atelier présentera comment Hugues Laffez a effectué la mise en place d’une classe tablette numérique en lieu et place des manuels scolaires :

    – Environ 35 tablettes Android ont été mises à disposition d’une classe de Sixieme du collège des Baous de St jeannet (élèves + enseignants).

    – Le collège numérique Sidney Bechet d’Antibes a également été doté d’environ 150 iPads pour les élèves de sixièmes.

    Le retour d’expérimentation permet d’envisager ce que pourrait être le cartable numérique de demain par une association ENT– tablette.

    Présentation de la Technologie :

    Lors de ces deux expérimentations, les élèves et leurs professeurs ont eu à disposition des tablettes toute l’année, en classe et au domicile. Ces tablettes ont été configurées par les services du rectorat (Matice, Pam) afin de pouvoir utiliser au maximum les fonctionnalités de l’ENT (messagerie, accès aux notes, groupes de travail), pouvoir se connecter aux modules de e-learning (moodle), aux serveurs pédagogiques (scribe) et aux manuels numériques.

    Ces deux expérimentations, associées aux autres expérimentations de l’académie, orientées disciplinaires (arts plastiques, EPS…) et orientées handicap (cécité, dyslexie…) ont permis d’adapter les configurations, le matériel au fur et à mesure des deux années ainsi que de mesurer les apports pédagogiques.

    Relation avec le thème de l’édition :

    Le couple tablette numérique – ENT ne serait-il pas ce fameux cartable numérique dont on rêve depuis si longtemps, mais que personne n’a pour le moment pas réussi à transformer complètement en réalité ? Par l’état actuel de la technologie, et l’idéal que l’on se fait du cartable numérique, encore du chemin à parcourir, mais de jour en jour, nous imaginons que nous nous rapprochons de cette chimère…. Ou l’on ne se connecte plus à un ENT, mais ou la tablette est l’ENT.

     Synthèse et apport du retour d’expérience :

    Par la pratique avec les élèves, les animateurs (dont je fais partie) ont du imaginer, avec les enseignants des solutions techniques afin de servir au mieux la pédagogie… Petit à petit, la tablette devient l’ENT. Diverses documentations (techniques et pédagogiques) sont en cours d’élaboration afin de concrétiser ce cartable numérique. (disponibles à compter du 15 Mai sur le site matice)

    Plus d’infos : www.ac-nice.fr/matice

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  • Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    Des ambiguïte entre imaginaire et fiction numerique dans l’institution scolaire

    imaginaireIl s’agira d’examiner dans quelle mesure le rapport que l’institution scolaire entretient avec les fictions numériques  est le prolongement du statut de l’imagination dans cette institution.

    En effet, les rapports ambigus qu’entretient la sphère éducative avec la question de l’imagination- plus spécifiquement l’imagination dans le cadre de la fiction littéraire- sont bien connus dans les recherches historiques sur la littérature de jeunesse. En France, prime une conception rationaliste de l’éducation dont  une des origines philosophiques est une certaine interprétation pédagogique du kantisme, défendue entre autres par Piaget.

    Ce qu’a retenu l’institution scolaire de la Critique de la raison pure est que l’imagination a un rôle déterminant dans l’acte de la connaissance en ce qu’elle produit les images nécessaires – les schèmes – pour que les données sensibles viennent se ranger sous les catégories de l’entendement. En revanche, ce que cette même institution a oblitéré, bridé du kantisme est l’imagination en tant que faculté débridée, libre créatrice d’images, constituant un imaginaire absolument nécessaire et décisif à la formation d’une personne. Cette oblitération se retrouve tout au long du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle.

    Les contes merveilleux n’ont ainsi aucune légitimité scolaire, leur part imaginaire est considérée comme dangereuse, pervertissante (Nière Chevrel, 2009), et ils ne sont pas plus conseillés en tant que lecture privée. Duborgel, dans Imaginaire et pédagogie a mis en évidence le rôle des images dans cette méfiance. Cela explique sans doute en partie pourquoi le cinéma et  la bande dessinée  tardent à se légitimer à l’école. Enfin, il nous semble que la dimension économique est un autre facteur de méfiance : la sphère éducative rejette tout lien trop explicite avec l’industrie.

    Dès lors, le rapport que l’institution scolaire entretient avec le  numérique est extrêmement ambigu, en ce qu’il cumule place des images, dimension industrielle et rôle de l’imagination.

    Tant qu’il est un outil permettant d’améliorer des performances « techniques » (gagner en rapidité, alléger les cartables…) il est accepté, mais si on l’associe au pouvoir de l’imagination, il devient inquiétant : cela rejoint donc la question de la fiction, et  la peur de l’identification qu’elle générerait dans de jeunes esprits.

    Pourtant, dans le même temps, depuis les années 1970/80 l’institution scolaire, du fait de la massification, considère qu’elle doit tenir compte des pratiques extra scolaires, qui, actuellement, sont fortement liées au numérique, et plus spécifiquement  aux pratiques  vidéoludiques…

    Dès lors elle accepte un certain imaginaire du numérique, notamment vidéoludique, mais en le bridant, en le scolarisant, de même qu’elle a scolarisé la fiction littéraire par le bais d’exercices qui ne permettaient pas à l’identification de se mettre en place (extraits, morceaux choisis…)

    Cet imaginaire bridé du numérique est manifeste dans l’absence d’imagination dont font preuve les concepteurs de serious games scolaires, ou de manuels numériques, parce qu’ils ont une représentation de la discipline, de l’outil, des apprentissages assez passéistes.

    Bibliographie indicative

    BANTIGNY, Ludivine, « Les deux écoles. Culture scolaire, culture de jeunes : genèse et troubles d’une rencontre (1960-1980) », Revue française de pédagogie, n° 163, 2008, p. 15-25.

    CHARTIER Anne-Marie, et HEBRARD Jean, Discours sur la lecture (1880-2000), Paris, Fayard-BPI, (2e édition, revue et augmentée), 2000.

    DUBORGEL, Bruno, Imaginaire et pédagogie, Le sourire qui mord, 1983.

    KANT, Emmanuel, Critique de la Raison pure, 1788. Traité de pédagogie, 1798

    NIERES-CHEVREL, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier jeunesse, 2009.

    Les manuels scolaires : situation et perspectives, Rapport à monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2012 [cache.media.education.gouv.fr/file/2012/07/3/Rapport-IGEN-2012-036-Les-manuels-scolaires-situation-et-perspectives_225073.pdf]

    Manuel numérique : dossier (2011). Paris : France. Ministère de l’Éducation nationale. 

    [http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/manuel]

     publications récentes de Laetitia Perret

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond-Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

    « De la légitimation à la patrimonialisation :  destinée scolaire des fictions enfantines, du conte au jeu vidéo», en collaboration avec Emilie Rémond, Champion , 2014, 13èmes rencontres des chercheurs en didactique de la littérature: École et patrimoines littéraires  quelles tensions, quels usages aujourd’hui ? Université de Cergy-Pontoise (site de Gennevilliers) les 29, 30 et 31 mars 2012

    «  Clara et Noé, une articulation problématique entre jeu et apprentissage en sciences expérimentales », écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Argos, SCEREN-CRDP académie de Créteil, décembre  2012

    Dernières publications de Pierre J. Truchot en ce domaine 

     Serious games/art games : un (bon) mélange des arts, in Argos, décembre 2012, n° 50.

    « Regard fasciné, œil ouvert Approche comparative des versions numérique et papier d’un album de littérature jeunesse pour le cycle 3 » écrit avec Emilie Rémond- Paradossi, Pierre J. Truchot, Olivier Rampnoux, Documents numériques, Hermes-Lavoisier, 2013.

     Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

  • Le dictionnaire électronique : la machine à rêver

    Le dictionnaire électronique : la machine à rêver

    L’enseignement contemporain des langues vivantes en Europe est profondément enraciné dans la réflexion dont témoigne le CECRL. Ce texte de référence a renforcé l’idée d’un apprentissage de la langue comme outil de communication et posé les bases d’une pédagogie « actionnelle » par la réalisation de « tâches ».

    Au fil du cursus scolaire, celles-ci se complexifient et font de plus en plus appel à une langue nuancée et authentique, c’est à dire fidèle à son modèle, mais aussi spontanée et personnelle.  Comment accompagner les élèves pour qu’ils parviennent à s’affranchir du modèle culturel de leur langue maternelle, qu’ils dépassent la pratique par imitation et accèdent à une autonomie leur permettant de recevoir autant que de produire un véritable « discours » en langue vivante étrangère ?

    Par ses fonctionnalités autant que par la fiabilité et la richesse de ses contenus le dictionnaire électronique est indéniablement un outil permettant d’apporter des réponses à ces questions.

    Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée

    Le dictionnaire électronique est un outil numérique doté de fonctions de recherche avancées inspirée de la navigation sur le web (entrée alphabétique, parcours par arborescence, liens hypertextes, consultation de l’historique de recherche et création de listes de ‘favoris’). Combinant versions bilingues et monolingues, il est sécurisant pour les élèves et d’un recours précieux pour l’enseignant.

    C’est un outil pédagogique permettant de développer en classe de vraies stratégies d’accès au sens, de déclencher une prise de parole argumentée, en continu comme en interaction, de recenser à la source, d’organiser et d’apprendre au fil du cours un glossaire personnalisé, afin de conjuguer compréhension et réception, expression et construction, subjectivité et réflexion, communication et signification.

    Relation avec le thème de l’édition 2013

    Tout discours, qu’il soit écrit, oral, pictural, puise son sens profond dans un substrat « intertextuel » qu’on appelle souvent « inconscient collectif » ou encore « culture ».
    Plus qu’un ouvrage de référence, le dictionnaire est surtout une machine à rêver, comme l’écrivait Roland Barthes, un outil pour accéder à cet imaginaire hérité et se l’approprier. L’emploi de sa version électronique en cours de langues vivantes étrangères ouvre des perspectives pédagogiques infiniment passionnantes dont je me propose de donner une illustration très concrète sur la base d’un support écrit très bref (type Haïku) ou d’une image (travail niveau B1/B2)

    Synthèse et apport du retour d’expérience en classe

    L’utilisation ciblée, régulière et raisonnée du dictionnaire électronique, en particulier monolingue, en cours de langue favorise rigueur méthodologique et prise de distance vis-à-vis de la langue première.

    L’enrichissement des savoirs est d’autant plus net qu’il est adaptable et personnalisé : chacun se constitue son propre glossaire en fonction de sa compréhension des documents sources.

    L’exploration collective et individuelle de ces documents au moyen du dictionnaire est incitation à la confrontation des subjectivités mais aussi à la réflexion et à l’argumentation.

    Enfin la confrontation à un texte, au sens large de « discours », perçu comme intertexte (cf. Barthes « tout texte est un tissu nouveau de citations révolues ») induit un rapport nouveau au sens, un nouveau regard sur le lien signifiant/signifié.
     

     

     

  • L’imaginaire des TIC en questions

    L’imaginaire des TIC en questions

    imaginaire

    Comme le souligne avec finesse L. Sfez, « Il y aurait ainsi une collection d’imaginaires particuliers propres à des métiers, professions ou vocation : un imaginaire bâtisseur, un imaginaire des techniques de pointe, un imaginaire de la technique (sans pointe), un imaginaire social (encore plus vaste), un imaginaire de la Renaissance, etc. Le terme ennoblit la chose, il porte la technique au rang même de l’Art, avec un grand A, auquel on réfère généralement ce qui appartient à l’imagination, à la création (…). Dire [que la technique] a un imaginaire, c’est la doter d’un réservoir quasi inépuisable de figures (…) » (Voir Sfez L., Technique et idéologie, Le Seuil, Paris, 2002.p. 33-34).

    L. Sfez, s’il accepte semble-t-il les imaginaires socio-anthropologiques, n’est guère enthousiasmé par la notion d’imaginaire des techniques, mérite-t-elle vraiment un tel opprobre ?

    Nous voudrions dresser, dans cette communication, une sorte de bilan critique de l’usage de la notion d’imaginaire en sociologie de la technique et singulièrement des TIC à travers une série de questions qui, toutes, convergent vers cette thèse : l’imaginaire des TIC est construit pour rassurer. Cependant, cet imaginaire ne rassure pas en ouvrant la discussion mais en la fermant. Qui plus est, bizarrement ou paradoxalement, on cherche à se rassurer avec une notion qui n’est pas forcément stable…

    nous commencerons par un petit détour, afin de nous assurer que notre perception n’est pas le fruit d’un biais introduit par l’usage de la notion en sociologie des techniques (première question), puis nous interrogerons son usage en sociologie des TIC et nous en montrerons les limites (à travers les quatre autres questions), avant de revenir sur d’éventuelles alternatives (avec l’avant dernière question) et de conclure sur l’existence d’un imaginaire de l‘imaginaire (conclusion).

    • L’imaginaire (en général) : une notion dure ou une notion molle, soumise à des dérapages incontrôlés ?

    La notion d’imaginaire est-elle « stable », stabilisée et stabilisante ? Nous prendrons tout d’abord deux exemples, loin de la sociologie : un historien (G. Duby) et un philosophe (J. Brun). L’un a publié un livre devenu célèbre, les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme (Gallimard, 1978), l’autre un livre de philosophie de la technique (le rêve et la machine, la Table Ronde, 1992). L’un est loin de nos préoccupations, l’autre s’en rapproche.

    Or dans les deux cas, il est possible de montrer que la notion d’imaginaire (ou ses substituts, rêves et mythes) ne renforce pas le raisonnement, mais tout au contraire soit introduit une notion inutile, une sorte de leurre, soit introduit des dérapages.

    • L’imaginaire des TIC : l’imaginaire est-il une question ou une réponse ?  

    Tout discours qui porte sur les TIC relève-t-il de l’imaginaire ? Certains semblent le penser, là encore en ne laissant pas la place à d’autres qualifications…ce qui est pour le moins discutable et que nous voudrions discuter. Nous montrerons que cette notion, loin d’offrir un cadre d’intelligibilité des TIC susceptible de construire l’enquête, est utilisée comme une sorte de réponse a priori : si il y a innovation, alors le discours porteur de cette innovation est a priori un imaginaire, par position en quelque sorte, sans autre inventaire.

    La notion d’imaginaire ne sert pas à penser les TIC dans leur spécificité à l’aide de catégories nouvelles adaptées. Autrement dit, elle sert moins à comprendre qu’à rassurer le sociologue : car, avec cette notion il pense détenir un outil efficace d’arraisonnement de ce qui échappe largement à sa culture, à savoir la technique. A coté de l’usage, l’imaginaire permet de parler de la technique sans s’affronter véritablement à la technique, puisqu’il est question de ses représentations sociales.

    • L’imaginaire des TIC : de quoi s’agit-il, de quoi parle-t-on ? Utopie, mythe ou idéologie ?

    On emploie beaucoup le mot de mythe aujourd’hui…comme pour dire que notre société, comme toutes les autres, possède ses propres mythes, qu’elle n’est pas si différente…mais n’est-ce pas également une manière d’éviter de penser cette différence ? Non pour la construire comme une rupture radicale, mais pour souligner ce qui continue et ce qui se transforme…y compris dans les représentations sociales.

    On mobilise également beaucoup la notion d’utopie (Breton, Philippe, L’utopie de la communication, La découverte, 1992), pour, là encore, se rassurer et se dire que l’utopie a encore sa place dans notre société, que nous ne sommes pas tant que cela dans une société du vide (Yves Barel, La société du vide, Le seuil, 1984). Enfin, lorsque l’on emploie la notion d’idéologie, c’est dans une définition douce, « soft » d’outil d’intégration à un groupe (pour l’usage de ces notions, cf. Patrice Flichy, L’imaginaire d’internet, la découverte, 2001). La notion d’imaginaire est alors porteuse d’espoir(s) et rassure là aussi.

    • L’imaginaire des TIC : à quoi sert la notion d’imaginaire ?

    Si tout discours social sur la technique relève de l’imaginaire, la question de la qualification même de ce discours ne se pose plus ; il renvoie à du connu et la technique, elle-même, n’est plus étrangère, comme le pensent les sociologues qui traquent volontiers le déterminisme technique, mais redevable d’un imaginaire, comme n’importe quelle autre activité sociale. Normalisation sociale rassurante de la technique.

    Quelle relation la technique entretient-elle avec la culture ? Est-elle le véhicule logistique du symbolique comme le pense R. Debray (Cours de médiologie générale, Gallimard, Paris, 1991) ou est-elle l’Autre de la culture comme l’affirme le philosophe G. Hottois (Le signe et la technique, Aubier, 1984) ? L’imaginaire renverse la question, puisqu’il ne s’interroge pas sur ce que la technique fait à la culture, mais travaille sur ce que la culture fait à la technique. Car l’imaginaire récupère et réintègre la technique dans la culture. Normalisation anthropologique, rassurante là encore,  de la technique.

    • L’imaginaire des TIC : un discours critique ?  

    L’imaginaire porte un discours qui, en définitive, permet de justifier la nécessité du développement des TIC. Car il justifie les pratiques et comportements des acteurs : en effet, si telle ou telle proposition, position ou décision, relève de l’imaginaire, alors c’est le droit de celui qui la profère de la tenir, au nom de quoi le critiquer ?

    Dès lors, cet imaginaire fonctionne à la fois comme une machine à entériner et quelque part à légitimer ces représentations et ces actions. L’imaginaire devient alors une machine discursive à récuser la posture critique. Sous son couvert, la technique qui fait l’objet d’une simple opération de marketing politique (comme lorsqu’A. Gore a enrôlé les TIC dans son programme d’autoroutes de l’information par exemple) devient, abusivement, de l’imaginaire. Sous son couvert la technique ne pose pas question à la société, et notamment pas de questions politiques (sur les libertés, l’espace public etc.).

    • L’imaginaire : existe-t-il des alternatives ?

    Selon L. Sfez (op cit) les TIC sont munies d’une imagerie, qui n’est pas un imaginaire, car il lui manque une véritable cohérence symbolique ; cette imagerie participe à l’imposition d’une idéologie de la technique qui permet de la naturaliser.

    Les représentations sociales sont portées par ce que j’appelle un macro-techno-discours (un MTD). J’ai proposé la notion d’impensé informatique (Robert 2012, les éditions des archives contemporaines) pour rendre compte du fonctionnement du discours ( le macro-techno-discours) que notre société se propose elle-même sur sa propre informatique (et ses TIC) ; mais cette qualification n’est pas un a priori, elle fait l’objet d’une enquête qui montre (ou non) qu’il s’agit bien de la logique de l’impensé, caractérisée par certaines opérations et stratégies repérables ou non dans les discours.

    La prise en compte de cet impensé incite le chercheur à faire des propositions pour penser les TIC, mais à travers un jeu de catégories qui ne sont ni celles de la techniques ni celles de la sociologie (tout en leur restant compatible) (Cf. Pascal Robert, Mnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Hermès, 2010). Ce que ne permet pas la notion d’imaginaire.

    • Conclusion : un imaginaire de l’imaginaire ?

    Notre société a manifestement besoin d’une telle notion pour se rassurer. Il s‘agit, dés lors, d’en faire la sociologie et non de l’entériner comme outil à vocation scientifique. Or, certains sociologues, proches peut être de grands groupes de télécommunications, n’hésitent pas à la promouvoir comme baguette magique du décryptage de nos TIC. Voilà une approche qui, dans sa facilité même, et parce qu’elle rassure, est susceptible d’intéresser les journalistes. Autrement dit, notre société a développé un véritable imaginaire de l’imaginaire comme substitut (partiel) aux grands récits ; démarche qui porte l’idéologie de la communication au lieu de la critiquer.

    Pascal robert est professeur en sciences de l’information et de la communication à l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), Université de Lyon, membre du laboratoire Elico EA 4147.

    Publications et communications récentes (2011-2012)

    Livres :

    L’impensé informatique, critique du mode d’existence idéologique des TIC, volume 1, les années 70-80, éditions des archives contemporaines, Paris, 2012.

    Chapitre d’ouvrage :

    « Esquisse d’une archéologie de l’informatique communicante », projet d’une histoire du logiciel libre, Editions Framabook, à paraître.

    Communication à des colloques :

    « Pour une « culture du numérique », colloque de la SFSIC 2012, Rennes, Juin 2012.

    En collaboration avec N. Pinède, « Le document numérique : un nouvel équipement politique de la mémoire sociale ? », colloque international Cossi 2012, Poitiers, 19 et 20 juin 2012.

    « Critique de la « gestionnarisation », colloque international EUTIC 2011, Transformation des organisations : évolution des problématiques et mutations fonctionnelles, Bruxelles, 23-25 novembre 2011.

    « Les revues de micro-informatique sont-elles porteuses d’une « culture technique » de l’informatique ? Une approche socio-sémiotique », colloque international de Strasbourg sur « Les cultures des sciences en Europe, Volet 2 : dispositifs, publics acteurs et institutions », Strasbourg, 13-15 octobre 2011.

    Articles :

    « Pour une anthropologie du virtuel, Virtuel, jeux vidéo et paradoxe de la simultanéité », MEI, N°37, L’Harmattan, Paris, à paraitre.

    Positionnement scientifique

    • Section scientifique de rattachement : sciences de l’information et de la communication (71°section).
    • Ma proposition de communication se veut un bilan critique d’une démarche, sous forme de questions. En ce sens, le vocabulaire issue des sciences dites « dures » est quelque peu décalé : la « méthode » consiste ici à critiquer une position en en montrant les a priori cachés et les conséquences politiques masquées ; le « terrain » correspond au corpus d’auteurs critiqués (P. Flichy, P. Breton etc.)
    • Références : elles sont indiquées dans le corps du texte.Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici
  • Sensibiliser sur les modifications de paysages et susciter des interprétations

    Sensibiliser sur les modifications de paysages et susciter des interprétations

    Lors de la manifestation Ludovia 2012, nous proposions un atelier autour de l’analyse de l’image, de celle de la relation à l’information qu’elle apporte, et de son interprétation sensible. Nous avons souhaité prolonger cette action par la mise en situation des élèves eux-mêmes  en situation de reporters, de partage de leurs propres photos, comme outil d’interprétation du paysage et de ses évolutions.

    Le procédé consistant à re-photographier un lieu après un certain laps de temps est une méthode d’étude utilisée depuis longtemps en géographie, dans les sciences naturelles, en ethnographie, en sociologie visuelle etc. L’approche peut être systématisée en comparant plusieurs vues d’un même endroit prises à des intervalles de temps réguliers en essayant de reproduire les mêmes conditions de prise de vue – cadrage, angle, période de l’année, ensoleillement et positions des ombres – tout au long de la série de re-photographies. L’ensemble à l’aide d’outils de géolocalisation, visualise et/ou interprète des évolutions des lieux.

    Apport du numérique ou technologie utilisée 

    Nous allons donc réutiliser cette technique dans la ville d’Ax-les-Thermes avec des outils  comme Goggle Earth et du code HTML/Javascript compatible totalement sur ordinateur et tablette interactive, afin de constituer une ressource interactive utilisable sur des outils  fixes et/ou mobiles .

    L’atelier se déroulera en 2 temps :

    dans Google Earth ,la création de superpositions de photos et d’images sous forme de documents HTML

    -ensuite la réalisation de documents HTML interactifs, visibles sur tablettes aussi bien que sur ordinateur.

    Nous utiliserons également des applications multimédias (gratuites) sur tablettes,pour réaliser un diaporama interactif mélant commentaires audio et photos et le logiciel « images actives » du CRDP de l’Académie de Versailles

    Relation au thème de LUDOVIA 2013

    L’image est un vecteur d’imaginaire fort. Même présenté comme une représentation « objective » d’une réalité , elle n’en demeure pas moins interprétée personnellement selon son propre regard ou sa propre histoire. Dans ce parcours de re-découverte, elle laisse place à l’histoire bien sûr et bien évidemment à un regard sensible sur l’évolution de nos univers de vie. La possibilité de disposer des informations (ici des photos  ou des commentaires) en temps réel est une promesse d’intercativité accrue.

     

    Nous vous proposons un atelier sur un travail d’histoire mêlant photos anciennes et photos récentes en utilisant  des tablettes (ou Smartphones) Andoid et iOS et d’applications gratuites dédiées. Pensez-donc à emmener votre matériel…

    Voir le programme général de l’Université d’été LUDOVIA 2013 ici