Auteur/autrice : laurence

  • Les MMORPG comme laboratoire d’expérimentation d’usages détournés économiques et sociétaux

    Les MMORPG comme laboratoire d’expérimentation d’usages détournés économiques et sociétaux

    [callout]Nés des MUDs (Multi-User Dungeon) à la fin des années 1990, les MMORPG ont été popularisés en 2004 avec le jeu World of Warcraft.[/callout]

    Aujourd’hui considéré comme le plus populaire, World of Warcraft possède début 2015 plus de 10 millions d’abonnés[1] et a généré en 2014 près de 728 millions de dollars de chiffre d’affaires[2].

    Les MMORPG représentent aujourd’hui des univers à fort potentiel à la fois d’un point de vue technique mais aussi social puisqu’ils sont des terrains très fertiles pour la recherche (Duplan 2011).

    Or, les MMORPG sont le théâtre de pratiques parfois considérées comme des usages clandestins (Auteur Article)* non prévus par les développeurs. A titre d’exemple, en 2012, le jeu en ligne Eve Online a fait l’objet d’une insurrection où les joueurs ont mis à mal l’économie du jeu, sans que les développeurs n’interviennent[3].

    Dans un autre registre, un marché noir similaire à celui existant dans la vie réelle existe via le gold-farming (Heeks 2009). Enfin, d’un point de vue social, les MMORPG sont considérés comme un lieu de rencontre privilégié où les joueurs utilisent les mondes virtuels pour établir des liens affectifs donnant lieu à des rencontres réelles appelées IRL pour In Real Life (Williams et al. 2006). Dans une optique professionnelle, les MMORPG sont également riches d’enseignement pour les joueurs qui les utilisent pour développer des compétences comme celle du leadership (Xanthopoulou and Papagiannidis 2012).

    Ces exemples sont une illustration de la co-construction qui s’opère entre la technologie et l’Homme. Autrement dit, l’Homme donne du sens à une technologie qu’il utilise, qui a son tour lui renvoi de l’information. Cet échange entre les joueurs et les MMORPG s’appuie sur les travaux autour de la sociomatérialité (Orlikowski 2010) qui considèrent la société et le matériel comme deux éléments imbriqués et non dissociés.

    En s’appuyant sur des cas concrets, cette recherche a pour but d’établir un panorama des usages détournées initiés par les joueurs à l’intérieur des MMORPG. L’objectif est de pouvoir créer une typologie des usages détournés dans les MMORPG en identifiant les enjeux sociaux et économiques pour chacun d’entre eux.

    Des perspectives de serious-gaming (Jenkins et al. 2009; Alvarez and Djaouti 2010) comme le projet américain WoW in School[4], ainsi que de gamification (Deterding et al. 2011) comme la solution Kudobadges d’IBM[5] pour l’appropriation des réseaux sociaux d’entreprises peuvent naître de ces usages.

    Enfin, ces usages détournés peuvent être une source d’innovation pour les entreprises.

    Grâce aux graphismes hyper réalistes des jeux en ligne, ainsi qu’à l’évolution des terminaux de jeux (Oculus Rift, lunettes immersives), de nouveaux usages pourront potentiellement apparaître dans les prochaines années. En effet, il est aujourd’hui possible de créer un avatar dans les MMORPG proche du physique réel du joueur (Suh et al. 2011).

    L’industrie du textile pourrait ainsi s’inspirer de cette ressemblance pour l’élaboration de nouveaux vêtements sur mesure, testés sur soi lors de la création du personnage et qui ferait office de « cabine d’essayage virtuelle ». L’Oculus Rift qui est un casque virtuel immersif pourrait amplifier cette immersion en ayant la sensation de porter directement les vêtements souhaités. Ainsi, des entreprises de « e-textiles » pourraient voir le jour dans les prochaines années en se basant sur ce concept d’usage détourné des MMORPG via la création de l’avatar.

    Néanmoins, des questions éthiques seront également soulevées avec l’évolution de ces usages et l’appropriation de ces nouveaux modes de jeux totalement immersifs. Autant de pistes de recherche qui s’ouvriront pas à pas dans le futur grâce à ces nouveaux usages.

    1. Source : « WoW dépasse les 10 millions d’abonnés au lancement de Warlords of Draenor » : www.millenium.org/wow/accueil/actualites
    2. Source : «Online games expected to hit $13B in 2014, with at least $946M from League of Legends alone » : venturebeat.com/2014/10/23/
    3. Source : « Une insurrection anarchiste se déclenche dans un jeu en ligne » : www.lefigaro.fr/jeux-video/2012/04/30/
    4. Wiki Wow in School : wowinschool.pbworks.com
    5. Site Internet Kudobadges : www.kudosbadges.com/

    Positionnement Scientifique

    • Section CNU : 06 (Sciences de Gestion)

    La méthode appliquée pour cette recherche repose sur une analyse de cas donnant lieu à une typologie des usages détournés à l’intérieur des MMORPG autour de deux grands axes : économie et société.

    Références bibliographiques

    • Alvarez, J., and Djaouti, D. 2010. Introduction au Serious GameL>p, Questions Theoriques.
    • Deterding, S., Sicart, M., Nacke, L., O’Hara, K., and Dixon, D. 2011. “Gamification. Using Game-design Elements in Non-gaming Contexts,” in CHI ’11 Extended Abstracts on Human Factors in Computing SystemsCHI EA ’11, New York, NY, USA: ACM, pp. 2425–2428.
    • Duplan, D. 2011. “L’observation du jeu vidéo : l’angle mort de l’envers du décor ?,” in Les jeux vidéo comme objet de rechercheL>P (Questions Théoriques.), Questions Théoriques, pp. 29–45.
    • Heeks, R. 2009. “Understanding ‘Gold Farming’ and Real-Money Trading as the Intersection of Real and Virtual Economies,” Journal of Virtual Worlds Research (2:4).
    • Jenkins, H., Camper, B., Chisholm, A., Grigsby, N., Klopfer, E., and Osterweil, S. 2009. “From Serious Game to Serious Gaming,” in Serious Games: Mechanisms and Effects, New York: Routledge, pp. 448–469.
    • Orlikowski, W. J. 2010. “The sociomateriality of organisational life: considering technology in management research,” Cambridge Journal of Economics (34:1), pp. 125–141.
    • Suh, K.-S., Kim, H., and Suh, E. K. 2011. “What if Your Avatar Looks Like You? Dual Congruity Perspectives for Avatar Use,” MIS Q. (35:3), pp. 711–730.
    • Williams, D., Ducheneaut, N., Xiong, L., Zhang, Y., Yee, N., and Nickell, E. 2006. “From Tree House to Barracks The Social Life of Guilds in World of Warcraft,” Games and Culture (1:4), pp. 338–361.
    • Xanthopoulou, D., and Papagiannidis, S. 2012. “Play online, work better? Examining the spillover of active learning and transformational leadership,” Technological Forecasting and Social Change (79:7), pp. 1328–1339.

    * La référence « Auteur Article » fait écho à une recherche de l’auteur de cette communication et n’a pas été citée pour respecter l’anonymat.

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    A propos de l’auteur : Antoine Chollet

  • Favoriser l’usage des dispositifs numériques participatifs dans le domaine culturel :  appropriations et détournements de sites web et d’applications mobiles

    Favoriser l’usage des dispositifs numériques participatifs dans le domaine culturel : appropriations et détournements de sites web et d’applications mobiles

    [callout]Cette communication se propose d’étudier les raisons de l’essor des dispositifs numériques participatifs et les facteurs d’appropriation et de rejets de ces dispositifs par les usagers.[/callout]

    Au cours des dix dernières années, du fait de l’arrivée de ce que l’on a nommé le web 2.0, les sites web puis applications mobiles proposant une participation plus ou moins active des internautes se sont multipliés, notamment dans le domaine culturel et patrimonial. En revanche, tous n’ont pas su mobiliser le public et n’ont donc pas réalisé leur objectif de participation. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux formes « expressives » de la participation, c’est-à-dire lorsque la production par des publics autour des dispositifs numériques de mise en valeur du patrimoine « manifeste le geste de prendre part à une expérience culturelle, individuelle et collective en s’exprimant, en créant et en partageant des contenus sur Internet. » (Casemajor-Loustau, 2012 : 85). Ces gestes seront analysés en tant que « traces de participation ».

    Rappelons que, dans le domaine culturel, la volonté de participation des publics n’est pas apparue avec les outils numériques mais qu’au contraire, elle a toujours été l’un des enjeux de la démocratisation culturelle.

    Mais qu’est-ce que s’approprier ?

    Nous soulignons trois caractéristiques particulièrement importantes pour notre analyse. Tout d’abord, il s’agit d’un processus (Veschambre, 2008) et, qui plus est, un processus de long terme. Ce processus n’est pas linéaire et ne tend pas vers un état final déterminé. Au contraire, le processus est discontinu, systématiquement jalonné de réajustements et de réappropriations (Proshansky, 1976).

    De plus, l’appropriation d’un objet peut être individuelle et/ou collective. Elle est souvent motivée par des enjeux de construction de soi (appropriation par un individu) ou identitaires (appropriation, par n groupe, d’un certain objet ou sujet qui devient symbolique pour ce groupe). Dans les deux cas, elle sera unique, chaque appropriation d’un même objet étant déterminée par des éléments tels que le caractère de l’individu ou du groupe, leur régime de valeurs, la finalité de l’appropriation, les moyens employés, etc. Enfin, l’appropriation peut être matérielle ou idéelle (Veschambre, Ripoll, 2005).

    Notre approche socio-sémiotique (Jeanneret, Souchier, 2009) d’un corpus de sites web et applications mobiles sélectionnés se décline en une méthodologie en trois phases : dans un premier temps l’analyse des discours d’escorte des dispositifs afin de mettre au jour les objectifs affichés des concepteurs ; dans un deuxième temps l’analyse des dispositifs afin de voir quelles sont les possibilités réelles offertes aux internautes ; et enfin, dans un dernier temps, l’analyse des « traces de participation » des internautes.

    Cette méthodologie multi-scalaire nous permet de mettre en évidence les facteurs d’appropriation et de rejets des dispositifs numériques participatifs dans un domaine, le culturel, où la participation est un objectif de démocratisation culturelle.

    Nous avons également pu remarquer le détournement du service Google Maps à des fins de médiation patrimoniale.

    En effet, ce dernier, en tant que dispositif cartographique interactif, est très fréquemment utilisé sur les sites web et applications mobiles étudiés puisqu’il s’agit de valoriser des espaces urbains.

    Notre choix d’étudier des dispositifs numériques participatifs développés par des institutions patrimoniales est fondé sur le postulat que si le numérique est un terrain privilégié d’expérimentation et d’innovation, le secteur culturel et notamment les actions de médiation du patrimoine urbain le sont également dès lors qu’il s’agit de proposer des innovations technologiques. En effet, les sites culturels – dont la rentabilité économique n’est pas la motivation première – répondent aux besoins des expérimentations numériques.

    Par ailleurs, la ville représente un terreau favorable : en tant qu’espace public, elle est associée à des valeurs de liberté, de circulation, de démocratie, de participation et à un imaginaire, celui d’un monde où chaque citoyen « participe » à l’action sociale et culturelle de sa ville (Miège, 2010 ; Denis, Pontille, 2010). Enfin, les dispositifs numériques participatifs renvoient aux mêmes valeurs et, dans un contexte culturel, favoriseraient un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine dans lequel l’usager/visiteur aurait une place privilégiée.

    Note de positionnement scientifique

    Sciences de l’information et de la communication, 71ème section du CNU.

    Méthodologie socio-sémiotique de sites web (Bonaccorsi, 2012) et applications mobiles (Cambone, 2015).

    Bibliographie

    • Bonaccorsi Julia, 2012, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir), Manuel d’analyse du web, pp. 125-146.
    • Cambone Marie, 2015, « La mise en récit et la construction de mémoires collectives par les institutions patrimoniales », in Muséologies. Les cahiers d’études supérieures, (à paraître).
    • Casemajor-Loustau Nathalie, 2012, « La participation culturelle sur Internet : encadrement et appropriations trangressives du patrimoine numérisé », Communication et langages, n°171, pp. 81-98.
    • Denis Jérôme, Pontille David, 2010, « La ville connectée », in Réalités industrielles. Annales des Mines, pp. 69-74.
    • Jeanneret Yves, Souchier Emmanuel, 2009, « La socio-sémiotique des médias », in Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, sous la direction d’Ablali, D. et Ducard, D. Paris : Honoré Champion-Presses universitaires de Franche-Comté, pp. 145-150.
    • Miège Bernard, 2010, Espace public contemporain, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 228 p.
    • Proshansky, Harold M, 1976, « Appropriation et non appropriation (misappropriation de l’espace), Appropriation de l’espace : actes de la 3e conférence internationale de psychologie de l’espace construit de Strasbourg du 21 au 25 juin 1976, Paris, Ministère de l’Equipement.
    • Ripoll Fabrice, Veschambre Vincent, 2005 « Introduction. L’appropriation de l’espace comme problématique », Norois, n°195, pp. 7-15.
    • Veschambre, Vincent, 2008, Traces et mémoires urbaines : enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 314 p.

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    A propos de l’auteur : Marie Cambone

  • Du mod à l’accès anticipé : logiques appropriatives et modulaires du game design

    Du mod à l’accès anticipé : logiques appropriatives et modulaires du game design

    [callout]Cette communication propose d’aborder l’évolution des mécaniques de conception et de réception des objets vidéoludiques au travers du prisme de la participation et de l’appropriation grandissantes chez le joueur contemporain.[/callout]

    Que ce soit par la mise à disposition d’éditeurs de niveaux (StarCraft), de certaines parties du code source voire d’outils dédiés au modding (Quake, Half-Life, The Elder Scrolls, Unreal Tournament), les éditeurs de jeux vidéo ont depuis les années 1990 pleinement  intégré le potentiel commercial de ces outils d’appropriation destinés aux communautés de joueurs.

    En permettant la transformation et l’adaptation des objets vidéoludiques par le joueur, c’est un fort ancrage créatif et du nouveau contenu potentiel, prolongeant la durée de vie de leurs licences, que les éditeurs ont favorisé, et parfois même l’émergence de jeux nés du succès de certains mods, comme Counter Strike, Team Fortress ou plus récemment Dota 2 ou DayZ, autour de nouveaux principes de jeu orientés vers le multijoueur.

    Cependant, c’est aussi une mutation des processus de conception des jeux qui prend ainsi forme, les game designers et studios de développement jouant avec l’opacité des étapes d’élaboration autrefois réservées à la communication interne, qui sont mises en scène au sein de dev. diaries, de fils de publication sur Twitter et de stratégies de marketing globales où les communautés de joueurs trouvent une légitimité de commentateurs voire de game designers en puissance.

    Avec ces stratégies de communication et d’échange sur le Web, c’est un premier aspect participatif qui permet aux joueurs de s’impliquer dans le développement de jeux autour d’un principe d’adhésion.

    Cette adhésion peut également se traduire par une contribution financière de la part du joueur au sein de campagnes de financement participatif qui contribuent grandement à la réalisation de jeux d’envergure variable (depuis un Hyperlight Drifter développé par une seule personne à la renaissance de franchises comme Elite : Dangerous qui mobilise des équipes entières).

    Une forme récente qui synthétise ces éléments réside dans la logique du early access, l’accès anticipé, proposant au joueur d’acquérir un jeu en développement, et de participer à celui-ci au travers des étapes de déboggage et d’ajout de contenus et des prises de décision qui y sont liées. Les forums Web sont ainsi le lieu de débats et suggestions entre joueurs et développeurs.

    Plus qu’une adhésion à un jeu, c’est un processus d’appropriation partielle qui est ici à l’oeuvre pour le joueur qui intègre une communauté spécifique, qui se situe à un niveau intermédiaire, accédant à ce qui peut figurer comme un privilège, et qui vient renforcer la cohésion communautaire que l’on trouvait déjà au sein des groupes de mod-makers et des joueurs les entourant.

    C’est également ainsi que la logique financière de l’industrie vidéoludique se déplace vers des projets conduits par de petites équipes et des développeurs dont les projets sont validés par la communauté des joueurs (sur les plateformes de crowdfunding ou bien au travers de systèmes de vote comme Steam Greenlight), accompagnant l’ouverture de moteur de programmation au grand public comme Unreal Engine ou Unity qui ont récemment changé de modèle économique pour favoriser la gratuité.

    C’est au travers d’un exemple récent de ces processus de game design participatif que je propose d’aborder les notions d’appropriation et de modularité : DayZ, initialement un mod développé par un programmeur seul à partir du jeu Arma II, a évolué au travers de différentes déclinaisons de mods conduits par des équipes différentes à mesure que son succès a relancé les ventes d’un jeu daté, pour finalement être investi dans un processus de développement financé chez l’éditeur Bohemia Interactive avec un accès anticipé. Cet  exemple permettra d’aborder l’évolution d’un mod, dont différentes incarnations coexistent encore et qui est devenu stand alone ; un mod autour duquel s’est construite une communauté dense, où des stratégies de développement et leur mise en scène dans différents supports médiatiques hébergés sur le Web ont dénoté d’une nouvelle manière de concevoir les objets vidéoludiques et les éléments de communication qui les accompagnent.

    Positionnement scientifique

    Chercheur associé en Centre de recherche en arts et esthétique de l’Université de Picardie Jules Verne, qualifié en section 18.

    Bibliographie sélective

    Bogacs, Hannes,  Game Mods: A Survey of Modifications, Appropriation and Videogame Art. Vienna University of Technology, 2008.

    • Crawford Chris, The Art of Computer Game Design, McGraw-Hill, Berkeley , 1984.
    • Stalker, Phillipa Jane, Gaming In Art: A Case Study Of Two Examples Of The Artistic Appropriation Of Computer Games And The Mapping Of Historical Trajectories Of ‘Art Games’ Versus Mainstream Computer GamesUniversity of the Witwatersrand, 2005.
    • Schell Jesse, The art of game design, a book of lenses, M. Kaufmann, 2008.
    • Triclot Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, éd. Zones, Paris, 2011.

    Web :

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    A propos de l’auteur Grzegorz Pawlak

  • Du Multi-Media au Storytelling : les progrès de l’usager

    Du Multi-Media au Storytelling : les progrès de l’usager

    Depuis les premiers cd-rom culturels produits par la Réunion des Musées Nationaux (RMN) dans les années 90 jusqu’aux tous récents « e-albums » qu’elle propose en parallèle des grandes expositions parisiennes aujourd’hui, nous pourrions retracer l’histoire, hésitante et balbutiante des écritures interactives, ou relever les innovations technologiques et servicielles qui les ont accompagnées, ou encore décliner les paradigmes de l’augmentation, de la participation ou de la médiation.

    Nous préférons cependant porter l’attention sur les progrès de l’usager. En effet, si ces e-albums et autres applications culturelles produites par les musées afin d’accompagner, d’anticiper et d’augmenter justement les expositions in situ rencontrent partiellement, et enfin, leur public ce n’est pas seulement parce qu’elles sont plus adaptées, plus ergonomiques ou plus userfriendly que les éditions pionnières qui les ont précédées mais principalement parce que les 20 ans qui nous en séparent ont permis à l’usager de progresser, et de développer des compétences indispensables à leur maniement et appropriation, en termes d’interfaces, d’architecture, de design.

    Progrès qui ne dépendent en rien de l’univers culturel ou de ses productions mais qui ont été permis par les productions commerciales, professionnelles accessibles via Internet ou les connected devices en cours ; progrès qui aujourd’hui redonnent toute leur place aux e-albums et autres applications culturelles.

    En nous appuyant sur quelques-unes de ces productions récentes – étudiées dans le cadre d’un programme de recherche du Labex Arts-H2H de Paris8 Catalogues d’exposition augmentés : Zone de test – (Niki de Saint-Phalle, Odilon Redon, Edward Hopper) nous chercherons :

    1/ à tracer la continuité d’usages entre cd-rom et e-albums car elle dégage une généalogie que les discours promotionnels occultent ou ignorent,

    2/ à retrouver l’appropriation continue au fil de laquelle l’usager a développé des compétences réelles quant au maniement de l’interactivité et à la lecture des interfaces,

    3/ à fonder les éléments et processus innovants dans les usages et les pratiques numériques des internautes ; tout en questionnant les notions de multimédia, de transmédia et de storytelling qui sont sous-jacentes à l’ensemble de ces produits culturels multimédias interactifs.

    Bibliographie :

    • Paquienséguy F., Miguet M., « L’innovation dans la continuité : reconsidérer les produits culturels numériques et autres e-albums à l’heure des tablettes tactiles » in Les écrans tactiles mobiles. Création, édition et lecture sur tablettes et smartphones, Centre Régional du Livre de Poitiers, à paraître
    • Collet L., Paquienséguy F., « Imaginaires, techniques et pratiques de l’écriture multimédia interactive : des cd-rom au e-albums culturels », Interfaces, n°2, 2015, à paraître
    • Paquienséguy F., Miguet M. Le Lectorat numérique, Usages et pratiques d’écrans: résultats d’enquête 2012-2013, EAC, 2015
    • Paquienséguy F., Collet, L. « Les produits interactifs multimédias réinventés ? Des cd-rom culturels aux e-albums des tablettes. » in Livre-post numérique : histoire, mutations et perspectives, St. Chaudiron, Gh. Azémard, Kh. Zreik, G. Darquié (dir), Europia, 2014, pp. 1-10
    • Paquienséguy F., Bosser S., Dossier thématique « Le livre numérique en questions » Etudes de Communication n° 43, 2014

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    A propos de l’auteur  Francoise Paquienseguy

  • Les machinimas : des vidéos inscrites dans une culture ludique Analyse sociopoétique d’une pratique de détournement du jeu vidéo

    Les machinimas : des vidéos inscrites dans une culture ludique Analyse sociopoétique d’une pratique de détournement du jeu vidéo

    Le jeu vidéo est historiquement lié à la pratique du détournement et de la réappropriation : « la conception du premier jeu vidéo résultait déjà d’un acte ludique, qui s’est exprimé par le détournement de l’usage conventionnel d’un super calculateur du MIT.

    C’est en effet à partir des expérimentations informatiques d’un groupe d’étudiants se faisant appeler “hackers” que Spacewar (1962) a vu le jour » (Genvo, 2008b : 2). Cette tendance première s’actualise aujourd’hui dans nombre de pratiques qui prolongent le jeu hors de son espace premier et investissent d’autres supports : que l’on pense aux fanfictions, au speedrun, au modding, aux machinimas ou encore à d’autres pratiques moins instituées[1], le jeu vidéo est ponctuellement appréhendé par les joueurs non comme une œuvre fermée à consommer, mais comme un outil pour créer à partir de[2].

    Les détournements ainsi produits, en tant que créations au second degré[3], constituent autant de discours réflexifs non seulement sur les œuvres dont ils sont issus, mais aussi sur les codes du jeu vidéo en général. Or, si les nombreux travaux consacrés au détournement en art (Taylor, 1992 ; Dworkin : 2003) ou en littérature (Saint-Amand, 2013 ; Genette, 1992 ; Aron, 2008) mettent bien souvent en exergue la portée évaluative de tels discours – en les identifiant tantôt comme des hommages, tantôt comme des satires –, les détournements de jeux vidéo semblent échapper à cette logique polarisée. D’une part, ceux-ci sont le fait de joueurs, et non d’artistes ou d’auteurs (au sens romantique de créateur inspiré et propriétaire de son œuvre) ; d’autre part, leur dimension évaluative semble moindre : la réécriture parodique d’un jeu sous forme de texte (fanfiction) ou de vidéo (machinima) peut-elle réellement être interprétée comme une critique de l’œuvre originale ou des codes qui la supportent ?

    Conformément à l’éthos du fan tel qu’il a notamment été décrit par Le Guern[4], les détournements de jeux vidéo semblent porter la trace d’une tension constante entre un engagement au premier degré dans la consommation de l’œuvre originale et une distanciation ironique vis-à-vis de ce même engagement. Un auteur de fanfiction peut, par exemple, exprimer sans détour son attachement pour un jeu particulier tout en parodiant ses défauts dans le même texte, érigeant ainsi le second degré en un « degré premier » de la communication[5].

    Dans le prolongement de ces premières hypothèses, la présente communication se penchera sur un cas spécifique de détournement du jeu vidéo, à savoir la pratique du machinima. Le terme désigne la réalisation, par les joueurs, de films d’animation à partir des moteurs graphiques des jeux. Si la possibilité d’enregistrer sa partie et de la partager était initialement utilisée par les joueurs pour attester de leurs performances ludiques[6], elle s’est rapidement diversifiée (dès la fin des années 1990 selon Georges et Auray, 2012) pour donner naissance à plusieurs genres : machinimas humoristiques ou parodiques, clips musicaux, spectacles d’improvisation, longs métrages de fiction, etc. Le corpus étudié se composera des machinimas produits à partir de la licence de jeux Halo.

    Ce choix a été motivé, tout d’abord, par le fait qu’il s’agit d’une licence particulièrement exploitée par les machinimakers (à côté de jeux tels que World of Warcraft, Les Sims, City of Heroes,…) et fréquemment citée par les travaux académiques traitant du sujet[7]. Ensuite, il a été conforté par le fait que certaines des vidéos issues de ces jeux (les séries Red vs. Blue et This Spartan Life, principalement) ont acquis une notoriété telle qu’elles ont participé à faire connaître le machinima à un public élargi et qu’elles ont influencé, en retour, le développement de la série Halo[8].

    Un premier recensement des vidéastes (ou groupes de vidéastes) dont les œuvres seront étudiées se trouve en bibliographie – celui-ci pourra toutefois se voir augmenté au fil de la recherche. L’analyse portera, en outre, sur les discours des producteurs et consommateurs de ces machinimas (présentations des vidéos par leurs auteurs, commentaires des spectateurs).

    Ce travail analysera les discours que ces machinimas, en tant que détournements, tiennent sur le jeu vidéo et, plus précisément, sur l’œuvre dont ils sont issus : comment ces vidéos se positionnent-elles par rapport à l’œuvre originale (en sont-elles un hommage, une satire, un prolongement, une œuvre à part) ? Dans quelle mesure récupèrent-elles ou non les codes du jeu ? Comment ces codes vidéoludiques sont-ils représentés et comment s’intègrent-ils à l’économie générale des vidéos (d’un point de vue stylistique et narratif) ? L’objectif sera de démontrer l’ancrage profondément ludique de ces productions audiovisuelles, qui ne prennent tout leur sens qu’une fois réinscrites au sein d’une culture de joueurs.

    [callout][1] Telles que le récent « Twitch plays Pokémon » sur Twitch. URL : http://www.twitch.tv/twitchplayspokemon (28/02/2015). Il s’agit d’un détournement du jeu Pokémon Rouge par un programmeur australien qui, en mettant l’œuvre à disposition des internautes sur la plateforme de diffusion de vidéos Twitch TV, a permis à des milliers d’utilisateurs de jouer simultanément à un jeu qui n’est pourtant pas pensé pour être multijoueurs. Le contrôle d’un avatar unique par une multitude de joueurs teintait l’expérience d’une dimension chaotique, qui a toutefois su capter durablement l’intérêt des participants (les internautes sont parvenus à mener le jeu à son terme).

    [2] « When a computer game is released today, it is as much a set of design tools as a finished game design » (Lowood, 2007 : 75). De même, selon Newman, l’instabilité des jeux fait qu’ils doivent être envisagés « less as fully formed objects for play and more as suites of resources to be played with » (2012 : 123).

    [3] Au sens de Genette, qui utilise l’expression pour désigner tout « texte dérivé d’un autre texte préexistant » (1982 : 13), « tout en laissant entendre le potentiel satirique (plus ou moins effectif selon les cas […]) de ces textes seconds » (Saint-Amand, 2013 : 48).

    [4] « […] Cette double posture d’engagement (dans le collectif) et de distanciation (par rapport aux fans les plus “pris au jeu”) leur permet en quelque sorte de jouer sans être totalement dupe du jeu, de se comporter comme fans sans être fanatiques » (2002 : 189). « […] Engagés dans un travail – conscient ou inconscient – de production d’une image sociale “acceptable” d’eux-mêmes, les fans trouvent sans doute dans le jeu la forme la plus adéquate pour atteindre le juste milieu entre engagement et distanciation » (2002 : 194-195).

    [5] Cet « aplanissement » n’est pas sans rappeler la notion d’« hyper-bidimensionnalité » développée par Azuma (2008 : 155). Pour des analyses détaillées illustrant ce phénomène, voir Barnabé (2014a et 2014b).

    [6] On fait généralement remonter ce type d’usage au jeu DOOM (1993), qui avait la particularité d’offrir aux joueurs l’opportunité d’enregistrer une partie et de la partager avec les autres utilisateurs du logiciel, mais la pratique s’est surtout popularisée avec le jeu Quake (1996) car celui-ci comportait davantage de possibilités de paramétrage (voir Lowood, 2007, pour un historique plus détaillé).

    [7] Georges et Auray (2012a et 2012b), Lowood (2007 et 2008), Newman (2008), Nitsche (2007).

    [8] Elles ont été récompensées lors de festivals dédiés au machinima, leurs auteurs ont été sollicités pour de nombreuses interviews et – dans le cas de Red vs. Blue – ont développé un modèle économique leur permettant de vivre de leurs productions. En réponse au succès des machinimas réalisés sur base du jeu Halo, Microsoft a, en outre, ajouté une commande permettant aux joueurs de baisser leurs armes. Cette action ne comporte aucun intérêt ludique mais facilite le travail des machinimakers, qui l’utilisent pour donner l’illusion que leurs personnages sont en train de parler.[/callout]

    Note de positionnement scientifique

    Dans le prolongement de notre formation, nous nous rattachons aux études littéraires et à la sociologie des pratiques artistiques et culturelles.

    Du point de vue méthodologique, notre thèse (et la présente communication, qui s’inscrit dans le même cadre) se divise en deux axes : l’un sociologique (comment les détournements de jeux vidéo participent-ils à redéfinir les notions d’œuvre, d’auteur et de joueur ? quelle posture de créateur les producteurs de réécritures adoptent-ils ? etc.), l’autre formel (la forme des détournements y est envisagée dans son rapport avec celle de l’œuvre originale : en quoi la nature ludique de cette dernière détermine-t-elle la création qui s’en inspire ? en quoi la réécriture renouvelle-t-elle la manière de jouer ?).

    Le premier axe se nourrit des outils développés par la sociologie de la littérature (Maingueneau et Charaudeau, 2002 ; Meizoz, 2007 et 2011, Amossy, 2010 ; etc.) ainsi que des études consacrées à la culture participative et aux communautés de fans (Jenkins, 1992, 2006a et 2006b ; Le Guern, 2002 ; Flichy, 2010 ; etc.). Le deuxième axe, quant à lui, se fonde sur les différents travaux menés en sciences du jeu (Genvo, 2005, 2008 et 2011 ; Triclot, 2011 ; Amato, 2005 ; etc.) ainsi que sur ceux dédiés précisément aux pratiques de détournement envisagées (notamment : Hellekson et Busse, 2006 ; Lowood et Nitsche, 2011 ; Newman, 2008 ; Sihvonen, 2010).

    De manière plus générale, la recherche se situe dans la continuité des play studies définies par Triclot (2011) et du play design défini par Genvo (2008a), dans le sens où le jeu est appréhendé comme une expérience et non comme un objet clos et figé. Ce positionnement invite à envisager les détournements et réécritures de jeux vidéo comme des processus dynamiques. Pour ce faire, il importe de ne pas isoler les productions de leurs contextes de création et de réception (car ceux-ci entrent dans l’élaboration de leur signification). En conséquence, notre analyse porte simultanément sur un double matériel : les détournements de jeux vidéo, d’une part, et les discours des joueurs qui les produisent ou les consomment, d’autre part.

    Bibliographie

    Sources primaires

    L’analyse portera sur l’ensemble des vidéos basées sur la licence Halo et produites par les machinimakers (ou groupes de machinimakers) suivants :

    Sources secondaires

    • Amato Étienne Armand (2005), « Reformulation du corps humain par le jeu vidéo : la posture vidéoludique », in Genvo Sébastien, dir., Le game design de jeux vidéo. Approches de l’expression vidéoludique, Paris, L’Harmattan, pp. 299-323
    • Amossy Ruth (2010), La présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, Presses Universitaires de France
    • Aron Paul (2008), Histoire du pastiche, Paris, Presses Universitaires de France
    • Azuma Hiroki (2008), Génération Otaku. Les enfants de la postmodernité, Paris, Hachette Littératures
    • Barnabé Fanny (2014a), « La ludicisation des pratiques d’écriture sur Internet : une étude des fanfictions comme dispositifs jouables », Sciences du jeu, n° 2 [en ligne]. URL : http://www.sciencesdujeu.org/index.php?id=7305
    • Barnabé Fanny (2014b), « Le speedrun : pratique compétitive, ludique ou créative ? Trajectoire d’un détournement de jeu vidéo institué en nouveau game », Communication au colloque Ludovia 2014, Ax-les-Thermes
    • Dworkin Craig (2003), Reading the Illegible, Evanston Illinois, Northwestern University Press
    • Flichy Patrice (2010), Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Paris, Seuil
    • Genette Gérard (1982), Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil
    • Genvo Sébastien (2008a), « Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du “play design” », Communication au colloque Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles, Québec [en ligne]. URL : http://www.ludologique.com/publis/play_design.pdf
    • Genvo Sébastien (2008b), « Comprendre les différentes formes de “faire soi-même” dans les jeux vidéo », Communication au colloque Ludovia 2008, Ax-Les-Thermes [en ligne]. URL : http://www.ludologique.com/wordpress/wp-content/uploads/2012/03/genvo_s_ludovia_08.pdf
    • Genvo Sébastien (2011), « Penser les phénomènes de “ludicisation” du numérique : pour une théorie de la jouabilité », Revue des sciences sociales, n°45, pp. 68-77 [en ligne]. URL : http://www.ludologique.com/publis/Ludicisation_Genvo_S.pdf
    • Genvo Sébastien, dir. (2005), Le game design de jeux vidéo. Approches de l’expression vidéoludique, Paris, L’Harmattan
    • Georges Fanny et Auray Nicolas (2012), « Approche sémiopragmatique de l’espace de communication des machinima », Revue des Interactions Humaines Médiatisées, vol. 13, n° 1, pp. 03-36 [en ligne]. URL : http://europia.org/RIHM/V13N1/RIHM13%281%292-Georges.pdf
    • Hellekson Karen et Busse Kristina, dirs. (2006), Fan Fiction and Fan Communities in the Age of the Internet, Jefferson, McFarland
    • Jenkins Henry (1992), Textual Poachers : Television Fans and Participatory Culture (Studies in Culture and Communication), Londres et New York, Routledge
    • Jenkins Henry (2006a), Convergence Culture : Where old and new media collide, New York, New York University Press
    • Jenkins Henry (2006b), Fans, Bloggers, and Gamers : Exploring Participatory Culture, New York, New York University Press
    • Le Guern Philippe, dir. (2002), Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes
    • Lowood Henry (2007), « High-performance play. The making of machinima », in Clarke Andy et Mitchell Grethe, dirs., Videogames and Art, Bristol, Intellect Books, pp. 59-79
    • Lowood Henry (2008), « Found Technology : Players as Innovators in the Making of Machinima », in McPherson Tara, dir., Digital Youth, Innovation, and the Unexpected, Cambridge, MIT Press, pp. 165-196 [en ligne]. URL : https://www.academia.edu/930089/Found_technology_Players_as_Innovators_in_the_making_of_machinima
    • Lowood Henry et Nitsche Michael (2011), dirs., The Machinima Reader, Cambridge, MIT Press
    • Maingueneau Dominique et Charaudeau Patrick (2002), Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil
    • Meizoz Jérôme (2007), Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine Érudition
    • Meizoz Jérôme (2011), La Fabrique des singularités. Postures littéraires II, Genève, Slatkine Érudition
    • Newman James (2008), Playing with videogames, Londres et New York, Routledge
    • Newman James (2012), Best Before. Videogames, Supersession and Obsolescence, Londres et New York, Routledge
    • Nitsche Michael (2007), « Claiming its space : Machinima », Dichtung Digital, n° 37 [en ligne]. URL : http://dichtung-digital.de/2007/Nitsche/nitsche.htm
    • Saint-Amand Denis (2013), Le dictionnaire détourné. Socio-logiques d’un genre au second degré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes
    • Sihvonen Tanja (2011), Players Unleashed ! : Modding the Sims and the Culture of Gaming, Amsterdam, Amsterdam University Press
    • Taylor Mark C. (1992), Disfiguring : Art, Architecture, Religion, Chicago, University Of Chicago Press
    • Triclot Mathieu (2011), Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte


  • L’appropriation du jeu vidéo: le cas des créateurs amateurs

    L’appropriation du jeu vidéo: le cas des créateurs amateurs

    Depuis le début de l’histoire du jeu vidéo, la création amateur n’a jamais cessé d’exister sous différentes formes (programmation, cartes scénarisées, modification logicielle, etc.).

    Cependant, l’arrivée d’Internet semble avoir considérablement accéléré sa dynamique et amélioré sa visibilité : les sites communautaires attestent d’une activité importante (250.000 membres inscrits sur gmc.yoyogames.com, qui n’est qu’une plateforme parmi des dizaines), d’une dynamique soutenue (plus de 200 inscrits par jour sur le forum scirra.com) et d’une production prolifique (plus de 360 logiciels facilitant la création (Djaouti, 2011), plus de 3.000 jeux créés avec le seul logiciel RPG Maker recensés sur rpgmaker.net). Cette pratique est largement passée, jusqu’ici, sous le radar de la recherche1.

    Cependant, elle s’inscrit dans un champ déjà bien documenté sur le fan et l’amateur (Donnat, 2009) et la culture participative (Raessens, 2009).

    Les créateurs amateurs se rejoignent globalement sur un « type d’engagement » différent de celui des professionnels, comme cela a déjà été mis en avant dans le champ des cultural studies (Jenkins, 2006; Flichy, 2010). Cependant, les amateurs ont des projets et intentions divers et variés.

    Des fans créent leur « propre » Metroïd pour rendre hommage à leur franchise « culte » (Le Guern, 2002). Certains artistes (tels qu’Anna Anthropy) militent contre l’homogénéité des thèmes du jeu vidéo grand public. D’autres, des makers, se définissent comme des utilisateurs d’un logiciel de création (ou « usine à jeux » selon Djaouti (2011)), en l’occurrence : RPG Maker, ou comme appartenant avant tout à une communauté – ce qui ouvre la voie à une étude en termes de dynamiques sociales, dans la lignée des études sur les développeurs libres (Lazaro, 2008) et des « communautés de pratiques » (Berry, 2008; Wenger, 2002). Ces exemples le montrent, les amateurs s’approprient le jeu vidéo tant au niveau de la création technique que des thèmes traités.

    Ce phénomène est donc à la fois culturel, ne serait-ce que par les liens entretenus avec les grandes industries culturelles (Raessens, 2005), identitaire, ce qui se manifeste jusque dans les termes créés par les praticiens pour se désigner (un maker n’est pas un fan), technique, car l’activité demande un certain apprentissage et enfin communautaire, au vu de la prolifération des groupes de discussion et d’entraide.

    D’une part, nous pouvons regretter que les études se soient limitées, jusqu’à présent, à apprécier le travail des amateurs en termes de positionnement politique (« pour ou contre l’industrie »). D’autre part, l’approche systématique des amateurs et des fans par l’aspect communautaire prend le risque d’une surinterprétation de ce facteur par rapport au sens vécu de la pratique par les individus.

     Pour déterminer le sens de cette pratique pour les acteurs, nous opérons par théorisation ancrée, sur base d’une série d’entretiens compréhensifs. Notre communication, basée sur les résultats de ces entretiens en cours, se concentrera sur les questions liées au début de l’activité des amateurs car ces dernières révèlent les étapes successives du processus d’appropriation d’un média généralement perçu comme lointain, complexe, hors de portée. Notre intervention montrera que la découverte d’un logiciel d’aide est vécue comme un évènement majeur du parcours de l’amateur, notamment parce qu’elle s’inscrit dans un processus d’appropriation qui était déjà en cours.

    Note de positionnement scientifique

    Section scientifique de rattachement : Sciences de l’Information et de la Communication

    Notre travail de recherche s’inscrit dans la lignée des travaux abordant la communication et les phénomènes culturels sous l’angle des pratiques, au sens des cultural studies (Macé, Maigret) : il s’agit pour nous non seulement de décrire les actes concrets, mais aussi de mettre à jour le sens qu’ils ont pour les acteurs, les représentations de ces derniers et leurs systèmes de valeurs. Nous focalisant sur des forums en ligne, notre démarche rejoint les études des « communautés de pratiques » (Berry), particulièrement celles en ligne (Lazaro, Lejeune).

    Concernant le champ de l’étude du fan et de l’amateur, nous nous éloignons des études cherchant à analyser avant tout les praticiens au regard d’un positionnement idéologique car nos recherches préliminaires montrent que, d’une part, ce n’est pas ce qui est jugé important par les amateurs et, d’autre part, la catégorie « les fans » ou « les amateurs » ne nous semblent pas pertinentes à cet égard, au regard de la pluralité de pratiques observés et leurs inscriptions dans des logiques nuancées et hétérogènes.

    D’un point de vue méthodologique, notre étude se veut résolument qualitative. C’est pourquoi nous sommes actuellement en train de mener une première phase d’immersion dans le matériau étudié. D’ici août 2015, nous aurons réalisé une dizaine d’entretiens compréhensifs.

    Références bibliographiques

    • BERRY V., 2008, « Les communautés de pratiques : note de synthèse », Pratiques de formation : Analyses, n°54
    • DJAOUTI D., 2011, « Les usines à jeux », chapitre de thèse dans Serious Game Design : considérations théoriques et techniques sur la création de jeux vidéo à vocation utilitaire, Université de Toulouse, pp. 166-199
    • DONNAT O. (dir.), 2009, « Passionnés, fans et amateurs », Réseaux n°153, La Découverte
    • FLICHY P., 2010, Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Paris, Seuil
    • JENKINS H., 2006, Fans, Bloggers, and Gamers. Exploring Participatory Culture, New York, New York University Press
    • LAZARO C., 2008, « La liberté logicielle : une ethnographie des pratiques d’échange et de coopération au sein de la communauté Debian », Anthropologie prospective, n° 2
    • LE GUERN P., 2002, « Il n’y a pas d’œuvres cultes, juste le culte des œuvres. Pour une approche constructiviste des cultes médiatiques », dans La Culture médiatique. Œuvres cultes et culture fan, sous la direction de P. Le Guern, Rennes, Presses universitaires de Rennes, pp. 177-215
    • MAIGRET E., MACE E. (dir.), 2006, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin
    • OWENS, T. J., 2011, « Social videogame creation: lessons from RPG Maker », in On the Horizon, Vol.19
    • RAESSENS J., 2005, « Computer games as participatory media culture », in : Raessens Joost, Jeffrey Goldstein, Handbook of computer game studies, MIT Press.
    • RAESSENS J., 2012, Homo Ludens 2.0. The Ludic Turn in Media Theory. Utrecht : Utrecht
    • University.
    • WENGER E., McDERMOTT R., SNYDER M., 2002, Cultivating Communities of Practice,
    • Boston MA, Harvard Business Scholl Press
  • Détournement, contournement, renoncement, face cachée du processus d’appropriation

    Détournement, contournement, renoncement, face cachée du processus d’appropriation

    Nos travaux de recherches actuels portent d’une part sur l’arrivée des tablettes dans les espaces scolaires et d’autre part sur le développement des pratiques des réseaux sociaux numériques chez les enseignants.

    Nous proposons dans cette communication de mettre en évidence le rôle du contournement dans le processus d’appropriation par les enseignants d’un élément nouveau dans leur environnement techno-professionnel.

    Pour ce faire nous nous appuyons sur le recueil de traces, l’observation, les enquêtes et des entretiens et focus groupes auprès d’enseignants en train de s’approprier un nouvel outil qui impacte leur pratique personnelle/professionnelle.

    Notre hypothèse de départ est de vérifier dans quelle mesure l’appropriation d’un nouveau composant de l’environnement de travail, tant d’un point de vue ergonomique que des utilisations est conforme à ce qui était attendu par les concepteurs de ces artefacts.

    Dans le cadre de l’expérimentation TED (Tablette pour une Education Digitale) réalisée dans le cadre de l’appel à projet e-éducation, N°2 nous avons analysé auprès de 17 collèges et près de 380 enseignants, comment l’arrivée de cette tablette se traduisait par des pratiques effectives (observation directe, suivi des traces de l’activité etc..).

    Au cours des deux premières années d’expérimentation (2 collèges puis 10, puis 17) nous avons pu examiner aussi bien au niveau de chacun des enseignants qu’au niveau de l’institution comment s’articulent les éléments qui favorisent ou non l’appropriation.

    Dans le cadre de l’expérimentation RPE (Réseau Professionnel des enseignants e-éducation n°2), nous avons observé pendant plus de six mois la manière dont les enseignants passaient à une nouvelle plateforme de réseau social qui leur était imposée soit par leur institution, soit par les responsables des communautés auxquelles ils appartenaient.
    En effet la phase expérimentale du projet dans laquelle cette recherche a été menée comporte une mise en expérimentation à partir de groupes ayant déjà une expérience des réseaux numériques (comme le réseau RESPIRE, qui fait partie de notre panel d’étude).

    Ces deux recherches se situent dans le cadre plus global d’un développement itératif dans lequel les concepteurs et développeurs améliorent et enrichissent leurs produits en fonction des expériences utilisateurs. Cet aspect de notre travail est d’autant plus intéressant qu’il amène à analyser un processus d’appropriation qui se fait, du fait des changements progressifs du produit, de façon évolutive, voir interactive et transactionnelle. L’analyse du processus prend en compte cette manière de faire désormais identifiée sous l’appellation d’approche AGILE.

    Dans ces deux recherches, nous avons pu étudier comment le pilotage institutionnel influait sur l’appropriation par les acteurs. Que ce soit par la dimension organisationnelle, réunions, espaces de remontée des expériences ou par la dimension technologique – plateforme d’échanges comme Basecamp ou messagerie, le pilotage institutionnel induit, chez les acteurs de terrain, enseignants et chefs d’établissement, des attitudes voire des postures spécifiques qui transparaissent, aussi bien dans les focus group que dans les entretiens et questionnaires que nous avons menés.

    De plus, nous avons observé et analysé les dynamiques de travail entre pairs.

    Au sein des établissements, ou entre établissements, ce mode de fonctionnement, apparenté à un fonctionnement souterrain de réseautage voulu par les acteurs, est une des éléments qui influe non seulement sur une appropriation passive des technologies, mais aussi sur la mise en projet et en action de chacun sur la visée pédagogique prévue initialement, dans le cadre démarches innovantes autour du numérique dans l’enseignement.

    Nous avons recueilli au cours des deux dernières années un ensemble de données qui mettent en évidence la variété des types d’obstacles rencontrés par les enseignants et aussi l’importance des contextes d’action dans le processus d’appropriation. Dès lors on se trouve confronté à l’opposition détournement/renoncement qui est au cœur du passage de l’innovation à la diffusion large bien mis en évidence par Norbert Alter (« l’innovation ordinaire »,Puf, 2000-2013).

    Notre recherche s’appuie entre autre sur les travaux de Jesse Jame Garrett sur l’UX design (Les éléments de l’expérience utilisateur Pearson 2011) ainsi que sur ceux de Sylvie Daumal (Design d’expérience utilisateur Principes et méthodes UX, Eyrolles, 2012) que nous avons transposés au domaine de l’enseignement.

    Elle s’appuie aussi sur les travaux sur le processus d’appropriation en général (accessibilité, acceptabilité, utilisabilité, utilité perçue, utilité réelle – Tricot, in Environnement Informatique pour les Apprentissages Humains Strasbourg 2003), et celui des dispositifs numériques (Paquelin, D, L’appropriation des dispositifs numériques de formation : Du prescrit aux usages, L’Harmattan 2009).

    Note de Positionnement

    Cette communication s’inscrit dans le cadre des 70è (sciences de l’éducation et 71è (sciences de l’information et de la communication) section du CNU. Elle est réalisée dans la suite de trois recherches dont deux structurent particulièrement notre travail :

    1 – TED, Tablette pour une éducation digitale, projet e-éducation n°2, dans laquelle le laboratoire Techne est membre du consortium

    Activité de recherche : Analyse du déploiement de tablettes numériques spécifiquement conçues pour l’enseignement en collège, dans 17 établissements auprès de 400 enseignants concernant près de 3500 élèves. Cadre de recherche : appropriation par les acteurs et contribution aux itérations de développement du projet. Recherche menée à partir d’une pluralité de méthodes de recueil de données (analyse de trace, observation, entretiens…)

    • Villemonteix F, Khaneboubi M., Utilisations de tablettes tactiles à l’école primaire, Jocair, Amiens 2012
    • Villemonteix F., Ex.Ta.T.E Rapport final sur les tablettes à l’école primaire, Rapport final – avril 2014
    • Duthoit, E., & Mailles-Viard Metz, S. (2012). Analyse de l’appropriation d’un parcours pédagogique numérique par un formateur : le cas du dispositif Pairform@nce. Activités, 9(1), 106-126,
    • Millerand F., Usage des NTIC: les approches de la diffusion, de l’innovation et de l’appropriation (2e partie), http://commposite.org/v1/99.1/articles/ntic_2.htm
    • MILLERAND, F., L’appropriation du courrier électronique en tant que technologie cognitive chez les enseignants chercheurs universitaires. Vers l’émergence d’une culture numérique?, http://www.theses.umontreal.ca/theses/nouv/millerand_f/these.pdf
    • Bianchi J., Kouloumdjian M.F.(1986), Le concept d’appropriation, in « L’espace social de la communication », ouvrage collectif sous la direction de A.M. Laulan, RETZ/CNRS, 1986
    • Paquelin D., L’appropriation des dispositifs numériques de formation : Du prescrit aux usages, L’Harmattan 2009

    2 – RPE, Réseau Professionnel des Enseignants, projet e-éducation n°2, dans laquelle le laboratoire Techne est membre du consortium et l’Université de Poitiers membre du GIP constitué pour la poursuite du projet.

    Activité de recherche : Contribution au développement à partir d’études ergonomiques auprès d’acteurs potentiels puis analyse de l’appropriation de la plateforme à partir d’entretien et d’observations d’activités des membres des communautés qui « migrent » vers la plateforme développée selon l’approche Agile.

    • Wenger, D. E. . Communities of Practice Learning, Meaning, and Identity. 1998, Cambridge: Cambridge University Press
    • Charlier B., Une communauté de pratique, un dispositif d’apprentissage au travail ?, FOPA nov 2008
    • Charlier B., Daele A., (Eds.). Comprendre les communautés virtuelles d’enseignants : Pratiques et recherches. Paris : L’Harmattan, pp. 83-103.
    • Garrett Jesse J., Les élements de l’expérience utilisateur Pearson 2011
    • Filliettaz F. Gregori M., Un enjeu pour l’enseignement, Comprendre les réseaux sociaux numériques, Direction des systèmes d’information et service écoles-médias (DSI-SEM, canton de Genève, Septembre 2011

     Recherche annexe apportant des compléments pour notre article

    3 – Participation au projet de recherche Edutablettes 86, expérimentation menée par le CNDP (devenu CANOPE) sur 4 établissements scolaires de Poitiers et de sa région dotés de tablettes numériques mises à disposition d’enseignants de CM2 et de 6ème en vue d’étudier la continuité des usages et de l’appropriation des tablettes par les élèves et les enseignants. Ce travail a porté en particulier sur la dimension de l’imaginaire dans les discours (entretiens te focus group) des acteurs et sur l’observation des pratiques effectives

    • Akrich, M., Callon, M., Latour, B. (2006). Sociologie de la traduction. Textes fondateurs. Paris : Presse de l’Ecole des Mines.
    • Jouët Josiane (2000). “Retour critique sur la sociologie des usages” in Réseaux. 18-100, p. 487-521.
    • Karsenti, T. et Fievez, A. (2013). L’iPad à l’école: usages, avantages et défis : résultats d’une enquête auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec (Canada). Montréal, QC : CRIFPE.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs  Bruno Devauchelle et Pauline Chaintrier

  • Appropriation d’un logiciel éducatif pour alphabétiser

    Appropriation d’un logiciel éducatif pour alphabétiser

    Dans un précédent travail, nous avons proposé un modèle de qualité pour systèmes interactifs informatifs, basé sur la norme internationale ISO/IEC 25010, qui considère une caractéristique supplémentaire de communicabilité. Cette caractéristique est composée de 4 sous-caractéristiques : l’attractivité, l’intérêt, la crédibilité et l’informativité. Nous considérons que ces attributs de qualité sont à leur tour des critères d’appropriation de logiciels éducatifs. Il serait alors nécessaire que les logiciels éducatifs soient conçus et développés en tenant compte de ces caractéristiques.

    Dans ce but, nous avons analysé le jeu de Candy Crush (CC), et avons dégagé quelques unes des stratégies utilisées par ses concepteurs pour le rendre informatif, attractif, intéressant et crédible.

    Nous avons alors appliqué ces stratégies pour concevoir un logiciel éducatif dirigé à des adultes analphabètes pour les motiver à apprendre à lire et écrire. L’intérêt de la démarche n’est donc pas tant de savoir si les élèves apprennent avec ces logiciels mais, si les professeurs trouvent cet outil utile et les élèves se l’approprieront-ils au point de l’utiliser de manière autonome.

    Cette démarche comprend alors les suivantes étapes:

    1. Analyse de CC en termes d’informativité, attractivité, intérêt et crédibilité
    • Informativité

    Bien qu’un jeu n’ait pas la vocation de transmettre de l’information à ses utilisateurs mais de les divertir, il est nécessaire de leur transmettre et expliquer ses règles et techniques. Mais il est surtout nécessaire de leur apprendre à construire les stratégies qui leur permettront de gagner. Pour cela, CC est un jeu structuré de manière linéaire autour d’une histoire et l’information est distillée de manière graduelle au fil des étapes.

    • Attractivité

    Le jeu est attractif depuis le premier instant, grâce aux formes des bonbons, leur couleurs et surtout aux explosions spectaculaires qui dérivent des assemblages des divers objets.

    • Intérêt

    Pour maintenir l’intérêt des joueurs, chaque étape du jeu présente un nouveau défi. Afin de le résoudre, il est nécessaire de construire de nouvelles stratégies.

    • Crédibilité

    La crédibilité est offerte par le réalisme des objets, des bonbons de tout genre et leur mouvements qui respectent les différentes lois de la physique.

    1. Conception du logiciel d’alphabétisation

    Le logiciel que l’on veut concevoir fera partie de la campagne nationale d’alphabétisation. Dans une première phase, il sera utilisé par les instructeurs pour alphabétiser et, postérieurement, par les analphabètes de manière indépendante.

    Les usagers du logiciel sont donc, en premier lieu, des instructeurs qui doivent y trouver un instrument utile et, en deuxième lieu, les analphabètes qui doivent avoir été suffisamment séduits et intéressés par le logiciel pour continuer tout seuls. Il est donc bien question de chercher comment professeurs et élèves peuvent s’approprier d’un logiciel éducatif. Nous partons de l’hypothèse qu’afin de faciliter l’appropriation, le logiciel devrait être informatif, attractif, intéressant et crédible. Sa conception doit alors prendre en compte ces caractéristiques et, dans ce but, nous avons utilisé les stratégies utilisées dans CC et les avons détournées afin de créer notre concept de logiciel éducatif.

    Quelques unes des stratégies utilisées sont les suivantes:

    • Histoire linéaire structurée par niveaux, lesquelles se divisent à leur tour en étapes. Chaque étape est constituée par un jeu dont la difficulté augmente de manière graduelle.
    • Pour les analphabètes, c’est également leur premier contact avec une tablette, un ordinateur. Le jeu doit donc être attractif par les objets, couleurs et différentes interactions.
    • Les défis proposés par chaque jeu doivent maintenir l’intérêt de l’usager tout en lui offrant la satisfaction de pouvoir le dominer
    • Les objets que les usagers auront à manipuler sont réels et utiles : recettes, factures, formulaires, etc.

    C’est sur ses bases que le concept créatif du logiciel a été formulé et, avant son développement, un prototype a été construit incluant les éléments à évaluer.

    1. Développement et évaluation d’un prototype

    Le prototype a pour but d’évaluer avec les usagers si le logiciel répond aux expectatives et mesurer son degré d’appropriation. Cette évaluation se réalise de manière quantitative et qualitative. L’évaluation quantitative est mesurée à travers le temps passé par les usagers dans chaque jeu, les clics effectués et le nombre d’erreurs. Cela permet de mesurer l’intérêt et la difficulté des défis présentés et sa compréhension des différentes interfaces.. L’évaluation qualitative se réalise à travers un questionnaire dont le but est de ratifier ou corriger les résultats de l’évaluation quantitative ainsi que reconnaitre son utilité.

    Positionnement scientifique

    Le travail présenté s’inscrit dans le champ du Génie Logiciel ou Software Engineering en anglais. Il prétend apporter des éléments de réponse à la problématique de concevoir des logiciels dont les besoins exprimés se réfèrent à des caractéristiques de qualité telles que informatif, attractif, intéressant et crédible.

    Pour répondre à ce questionnement, nous nous sommes intéressés à la manière dont sont conçus les jeux, lesquels doivent forcément répondre à ces caractéristiques de qualité pour atteindre le succès. D’après Callele [3], dans l’industrie des jeux vidéo, il existe deux étapes différentiées: la pré-production et la production. La première phase a pour but de produire le Document de Jeu (DJ) et la deuxième de le produire suivant un processus de génie logiciel. C’est donc l’analyse du DJ qui permet d’exprimer les besoins du logiciel.

    Une fois le DJ établi, nous proposons de réaliser un prototype qui permette d’évaluer si les besoins (informativité, attractivité, intérêt et crédibilité) sont atteints. Cette évaluation se réalise avec les usagers de manière quantitative et qualitative. Une fois le prototype évalué, le DJ est corrigé et sa formulation finale permet d’établir les besoins fonctionnels et non-fonctionnels du système et procéder à sa réalisation.

    Références

    • “ISO/IEC 25010:2011, Systems and software engineering. Systems and software Quality Requirements and Evaluation (SQuaRE). System and software quality models”, 2011.
    • Callele Davide, Neufeld and Schneider, “Emotional Requirements,” IEEE Software, January/February 2008.
    • Callele, Davide, “Requirements Engineering and the Creative Process in the Video Game Industry”, 13th IEEE International Conference on Requirements Engineering. Computer Society, 2005.
    • Colomo-Palacios R., Casado-Lumbreras C., Soto-Acosta P. and García-Crespo A, “A Study of Emotions in Requirements Engineering”, Organizational, Business, and Technological Aspects of the Knowledge Society, 2010.
    • Colomo-Palacios R., Casado-Lumbreras C., Soto-Acosta P. and García-Crespo A., “Using the Affect Grid to Measure Emotions in Software Requirements Engineering”, Journal of Universal Computer Science, 2011.
    • Friedmann, Anthony, “Writing for Visual Media”, Focal Press, 3rd Edition, April 16th, 2010.
    • Glinz M., “On Non-Functional Requirements”, 15th IEEE International Requirements Engineering Conference, pages 21-26, 15-19, October 2007.
    • Jung H. T., Lee G, “A Systematic Software Development Process for Non-Functional Requirements”, Information and Communication Technology Convergence (ICTC), 17-19 Nov, 2010.
    • K. Khatter and A. Kalia, “Impact of Non-functional Requirements on Requirements Evolution”, 6th International Conference on Emerging Trends in Engineering and Technology, 2013.
    • Levy, Sylviane, “Metodología de Análisis y Desarrollo para Sistemas Multimedia Interactivos Informativos desde la Perspectiva de la Ingeniería de Software” Posgrado en Ciencia e Ingeniería de la Computación, Universidad Nacional Autónoma de México, Octubre 2013.
    • Levy, Sylviane, Gamboa, Fernando, Quality Requirements for Multimedia Interactive Informative Systems, Journal of Software Engineering and Applications, 2013, 6, 416-425 doi:10.4236/jsea.2013.68051 Published Online August 2013 (http://www.scirp.org/journal/jsea)
    • Mairiza D., Zowghi D. and Nurmuliani N., “An Investigation into the Notion of Non-Functional Requirements”, SAC’10, Sierre, Switzerland. March 22-26, 2010.
    • Roto V., Law E., Vermeeren A. and J. Hoonhout, “User experience white paper. Bringing clarity to the concept of user experience”, disponible en: http://www.allaboutux.org/files/UX-WhitePaper.pdf, 2011. Fecha de consulta: 20 de Enero de 2015.
    • Sommerville, Ian, “Ingeniería de Software”, Addison Wesley, Pearson Educación 2011.
    • Sutcliffe A., “Emotional Requirements Engineering”, IEEE 19th International Requirements Engineering Conference, 2011.
    • Tokkonen H. and Saariluoma P., “How User Experience is Understood?”, Science and Information Conference, London, UK, October 7-9, 2013.
    • Ferreiro, Emilia, Alfabetización, Teoría y práctica,Siglo XXI Editores, 5° Edición 2002

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Sylviane Levy

  • Pirates du Net art Création numérique et médiactivisme

    Pirates du Net art Création numérique et médiactivisme

    Le Net art s’est développé à l’écart du monde réel, parodiant les institutions médiatiques et les modes de diffusion et de réception de l’art contemporain. Ses manifestations et inscriptions sur Internet ont promu des modes inédits de monstration et de propagation des œuvres.

    Ma communication propose de décrire les ressorts et dilemmes de cette contre culture : les modes d’occupation du réseau, les stratégies médiatiques et les dispositifs de détournements artistiques qui contribuent à l’émergence d’un monde de l’art centré sur l’Internet.

    À l’instar de la photographie, du cinéma et de la télévision, l’innovation technique et le média que constitue l’Internet font, dès leur apparition publique autour de 1995, l’objet d’une longue série d’appropriations et de détournements artistiques.

    C’est alors la matérialité et les fonctionnalités de l’Internet qui forment le cœur des premières investigations du Net art : dans la lignée des œuvres de Nam June Paik ou de Wolf Vostell qui visaient à détruire physiquement la télévision (les sculptures vidéo) ou intervenaient plus symboliquement sur le médium par des altérations du signal vidéo. L’action créative vise ainsi à contaminer l’Internet par des virus artistiques.

    Cette implication parasitaire au sein du réseau emprunte ses formes et actions aux comportements déviants des pirates de l’informatique : les hackers.

    Les artistes y mettent en œuvre une efficace de l’infection et de la contamination : leur démarche a pour objet l’incident, le bug, l’inconfort technologique et la perte des repères.

    Au-delà de cette première visée « médiologique », le Net art interroge également les modes de communication et les formes relationnelles engendrées sur le réseau. Il participe de l’apparition d’une « démocratie technique » à l’articulation des problématiques du logiciel libre et des réseaux peer to peer relayés par des collectifs d’artistes et des réseaux de production indépendants.

    Ce n’est pas un hasard si le Net art s’est développé massivement très tôt en Russie et dans les pays de l’ex-Europe de l’Est où la critique des régimes non-démocratiques, l’activisme, le cyber-féminisme, la réflexion sur le concept même de Net art constituent des prémisses. Indissociable de la technologie et du contexte socio-politique des années 1990, Internet révèle les implications sociales du réseau, notamment des technologies de repérage et d’accès à l’information. Le Net art développe donc des dispositifs de distorsion des médias et de leurs contenus, et adopte ainsi une visée plus politique. L’œuvre collective Carnivore (www.rhizome.org/carnivore) propose par exemple une version détournée du logiciel DCS1000 employé par le FBI pour développer l’écoute électronique sur le réseau.

    Heath Bunting (www.irational.org) pervertit les communications médiatiques de grandes puissances financières. Les Yes Men et le collectif ®TMark (www.rtmark.com) détournent, dans un but politique, les stratégies de communication de grandes sociétés de courtage privées.

    À l’heure de l’Internet 2.0, l’artiste Christophe Bruno incarne le renouveau français de cet imaginaire de l’artiste critique en « s’attaquant » aux outils et rituels du web collaboratif. Il baptise une première série d’œuvre les « Google Hack » : des dispositifs artistiques et programmes informatiques qui détournent Google de ses fonctions utilitaires tout en en révélant les dimensions contraignantes et cachées. Selon l’artiste, Internet est devenu un outil de surveillance et de contrôle inégalé dont la dynamique économique repose sur l’analyse et la prédiction de tendances, à l’aide de logiciels de traçage de la vie privée des goûts et des identités sur la toile.

    Au croisement de l’anthropologie des techniques, de la sociologie de l’art et des sciences de la communication, ma conférence mettra au jour ces pratiques médiatiques et leurs incidences sur la désignation et circulation d’une œuvre d’art qui se développe en écho à l’imaginaire de la démocratie technique.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Jean-Paul Fourmentraux