Auteur/autrice : laurence

  • Les TIC dans le milieu éducatif sénégalais : apports d’une analyse centrée sur les interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation et les détournements d’usages.

    Les TIC dans le milieu éducatif sénégalais : apports d’une analyse centrée sur les interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation et les détournements d’usages.

    Gordon Moore avait-il sans doute raison, chaque année, des technologies plus performantes naissent. Les TIC sont de plus en plus accessibles même dans les régions du monde où la pauvreté constituait un handicap considérable. Dans les sociétés postindustrielles, « le recours aux outils de communication s’est imposé non seulement dans les loisirs mais aussi dans le travail et dans la vie pratique » (Jouët, 1993, p. 1). Pour Jauréguiberry et Proulx « il n’est plus possible aujourd’hui de penser le monde contemporain sans faire référence à la fois aux technologies de communication qui l’innervent » (Jauréguiberry & Proulx, 2011, p. 8).

    Au regard des avancées technologiques, l’Afrique de l’ouest francophone a dû suivre l’évolution mondiale dans l’intégration des TIC dans le milieu éducatif. Ainsi, les discours et prises de position des dirigeants sénégalais sur la question de l’intégration des TIC (technologies de l’information et de la communication) dans le milieu éducatif ont donné lieu, à des partenariats croisés entre ce pays et les pays occidentaux, entre les institutions publiques et les institutions privées (Arnaud, 2004).
    Mais, qu’en est-il des usages du côté des élèves ?

    En ce qui concerne la communication que nous souhaitons faire, afin de partager notre réflexion sur la problématique des interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation des TIC par les élèves et les détournements d’usages, nous essayerons d’abord de mettre en perspective le processus d’intégration des TIC au Sénégal, à travers les discours à la fois prospectifs et enchantés qui l’accompagnent.

    En effet, comme le souligne Jacques Perriault (1989) il est nécessaire de comprendre « le substrat de longue durée » qui s’est forgé dans une société, en matière d’images projetées sur les technologies et de paroles car, « les significations symboliques des objets de communication (…) sont porteuses de représentations et de valeurs suscitant souvent l’adoption et la formation des premiers usages » (Jouet, 2000, p. 501). L’analyse discursive (synthétique) autour de ce premier point a permis de mettre en exergue l’empreinte du diffusionnisme et de l’innovation technologique au Sénégal.

    Ensuite notre propos sera axé sur les réponses apportées aux questions suivantes :

    comment s’opère le processus d’appropriation voire de détournements d’usages par les élèves ? Les TIC sont-ils utilisés à des fins autres que pédagogiques ?

    Nous avons donc porté notre regard, particulièrement, sur ce qu’en font réellement les lycéens de Dakar. C’est-à-dire sur « l’ensemble de valeurs, de connaissances et de pratiques qui impliquent l’usage d’outils informatisés, notamment les pratiques (…) de communication » (Fluckiger, 2008, p. 51).

    Pour mener cette recherche, nous sommes partis du postulat selon lequel l’apprenant n’est pas une terre vierge, il a des représentations, et peut avoir des manières de faire avec ces outils qui feront obstacle à tout modèle d’intégration des TIC dans l’apprentissage. En effet, comme le soulignait Perriault (1989), les nouveaux dispositifs info-communicationnels, plus que d’autres techniques antérieures, mobilisent la pensée de ceux qui les utilisent. De Certeau comparait déjà les consommateurs à des « braconniers » qui inventent leur quotidien, grâce aux arts de faire, par lesquels ils détournent l’usage des objets et leur accordent un arsenal de significations.

    Notre analyse s’appuie sur une enquête par questionnaire effectuée en avril 2013 à Dakar auprès 360 élèves de quatre lycées, lors de laquelle nous nous sommes intéressés, aux usages tant des outils technologiques (ordinateurs, ipod, téléphone cellulaire etc.) que des logiciels et applications, que ceux-ci soient ou non reliés à internet. Les résultats obtenus nous ont permis d’examiner le rôle déterminant des représentations dans le processus d’acquisition et d’appropriation des TIC, notamment comment elles structurent les usages effectifs.

    Nous avons opté pour une démarche compréhensive qui permet de dresser l’orientation générale des usages. Le modèle de traitement des données utilisé est relativement simple : il relève de la statistique descriptive. Comme le rappellent Mucchielli et alii, « pour le chercheur menant ce type d’analyse [analyse quantitative des données qualitatives], ce sont les pourcentages et les statistiques qui apparaissent importants » (Mucchielli & alii, 2009, p. 202).

    Axe de recherche :

     

    Etude communicationnelle des usages des TIC dans le milieu éducatif (sénégalais).

    Positionnement théorique et méthodologique

     

    Notre position théorique s’écarte des paradigmes qui visent à mettre distance la sociologie des usages, comme tentent de le faire les partisans de la médiologie et des multiples courants qui placent le communicationnel hors du social. La littérature montre que les sciences de l’information et de la communication ont puisé avec plus ou moins de rigueur dans les analyses sociologiques pour consolider une base théorique de l’approche des usages (Paquienséguy, 2007).

    En effet, les théoriciens de la sociologie des usages des TIC se sont particulièrement attachés à la description « des diverses formes de subjectivités, individuelles et collectives, qui sont apposées par les usagers sur les outils de communication. Ils mettent en relief la multiplicité des pratiques et du sens donné à ces dispositifs techniques et soulignent le rôle central des usagers ordinaires » (Bojolet, 2005, p. 39). En outre, comme le souligne Le Marec, la sociologie des usages des TIC « croise évidement de son côté les questions liées à l’apprentissage »(Le Marec, 2001, p. 1). La rencontre entre les deux disciplines s’est faite, d’abord aux plans, théorique et praxéologique, notamment par le biais des apports de la sémiologie, issue du structuralisme, ensuite à travers la communication éducative médiatisée.

    En outre, l’approche communicationnelle que nous privilégions est, comme le précise Bernard, « une approche par la complexité » (Bernard, 2002), notamment du point de vue de l’ancrage théorique. Notre positionnement théorique s’inscrit donc dans un cadre interdisciplinaire.

    Sur le plan méthodologique l’approche sociologique des usages offres une élasticité très séduisante car, elle permet des études de terrain qui s’inscrivent dans une approche qualitative mais aussi quantitative, notamment lorsque la collecte des données doit se faire au près de plusieurs individus. Le croisement des données qualitatives et quantitatives peut donner lieu à des analyses permettant de cerner l’utilisation des fonctionnalités de l’outil, les détournements et les significations d’usages.

    Bibliographie

    • Arnaud, M. (2004). Les TIC, alternatives à la mondialisation. Hermès, 40(3), 140–145.
    • Bajolet, É. (2005). Technologies d’information et de communication, quotidien et modes de vie (urbains): Contours et résultats de la recherche scientifique francophone 1992-2002. Rapport de Recherche ACI-Ville, Paris, Ministère de La Recherche.
    • Bernard, F. (2002). Dynamiques scientifiques pour territoire en mouvement, in Collectif, Les recherches en information et communication et leurs perspectives. Histoire, objet, méthode, (pp. 1-6). Marseille: SFSIC.
    • Coutant, A. (2015). Les approches sociotechniques dans la sociologie des usages en SIC, Revue française des sciences de l’information et de la communication, (6) [En ligne] sur http://rfsic.revues.org/1271, consulté le 24 février 2015:
    • De Certeau M. (1990). L’invention du quotidien, T1. Arts de faire. Paris: Gallimard.
    • Fluckiger, C. (2008). L’école à l’épreuve de la culture numérique des élèves. Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, (163), 51–61.
    • Jauréguiberry, F., & Proulx, S. (2011). Usages et enjeux des technologies de communication. Toulouse : Éditions Érès.
    • Jouët, J. (2000). Retour critique sur la sociologie des usages. Réseaux, 18(100), 487–521.
    • Le Marec, J. (2001). L’usage et ses modèles: quelques réflexions méthodologiques. Spirale, (28).
    • Mucchielli, A. (2009). Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales (3e édition mise à jour et augmentée). Paris: Armand Colin.
    • Paquienséguy, F. (2007). Comment réfléchir à la formation des usages liés aux technologies de l’information et de la communication numériques ? Les Enjeux de l’information et de la communication, 2007(1), 63–75. Perriault, J. (1989). La logique de l’usage: essai sur les machines à communiquer. Paris: Flammarion

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Mbemba NDIAYE

  • Rôle de l’explication de l’enseignant sur la compréhension des fonctionnements de base du robot «Thymio II» chez l’enfant de 7-9 ans

    Rôle de l’explication de l’enseignant sur la compréhension des fonctionnements de base du robot «Thymio II» chez l’enfant de 7-9 ans

    Faire de la robotique en classe a pour fonction d’intégrer l’usage de robots à des fins pédagogiques, quelles que soient les matières enseignées. Au début des années 70, la première version sous forme de robot physique de la Tortue de Papert voit le jour. Dès les années 80, d’autres robots font leur apparition et les études se multiplient (pour une revue complète de la littérature, voir Mubin, Stevens, Shahid, Mahmud, & Dong, 2013).

    Papert (1981) défend l’idée qu’une personne apprend plus facilement lorsqu’elle est consciemment occupée à conceptualiser et construire des artefacts qui font sens pour elle, ce à quoi répond la robotique pédagogique. De plus, la robotique touche à l’aspect affectif de l’apprentissage; le robot pouvant être considéré comme un «objet de transition» [Papert, 1981 : 23].

    Enfin, le recours à la robotique à l’école permet d’offrir aux élèves un côté ludique, ce qui a pour effet d’accroître leur motivation (Petre & Price, 2004; Rogers & Portsmore, 2004). Outre le renfort à l’apprentissage des disciplines traditionnelles, l’usage de la robotique en classe permet l’acquisition d’une plus grande autonomie de l’élève puisqu’elle le conduit à devoir identifier et formuler un problème, conceptualiser une solution, créer et tester la solution retenue et l’optimiser (Rogers & Portsmore, 2004). Cette approche permet le développement chez l’enfant des compétences « expérimentales » préconisées par le plan d’étude romand (PER, 2015a, 2015b).

    L’un des objectifs de cette recherche est de comprendre comment l’objet «robot» en soi, sans explication, est approprié par l’utilisateur.

    Est-ce que l’ergonomie et en particulier l’utilisabilité (Tricot et al., 2003) du robot permet par les informations disponibles d’extraire des affordances (James J. Gibson, 1977; James J. Gibson, 1979). Est-ce que les « affordances » que l’enfant doit « percevoir » pour allumer le robot sont moins «efficaces» que les explications données par l’enseignant sur le fonctionnement de l’objet « robot »? En d’autres termes, nous nous demandons si l’explication que donne l’enseignant pour l’allumage et la mise en action du robot induit chez l’enfant des actions plus adaptées que celles qu’il ferait sans avoir reçu d’explication.

    Pour ce faire, nous avons créée deux groupes : le premier qui a reçu des explications sur l’allumage, le changement de programme, la validation d’un programme et l’extinction, le second qui n’a pas reçu d’explication. Nous avons mené une expérimentation auprès de deux classes d’enfants de 7 à 9 ans du même établissement scolaire. Ceux-ci étaient répartis par binômes soit 7 et 8 binômes par classe.

    Thymio II est un petit robot mobile destiné à être utilisé par les enseignants des écoles primaires aux écoles supérieures. Il a été conçu en 2010 par des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse [EPFL] (Kradolfer, Dubois, Riedo, Mondada, & Fassa, 2014)

    Nos résultats montrent que tous les binômes sur toutes les tables ont réussi à allumer le robot après 15 à 20 secondes et qu’il n’y a pas de différence entre les groupes. Cela veut donc dire que le fait d’avoir reçu des explications et expérimenter l’allumage avant la phase de test n’a pas induit de meilleure performance que d’avoir « essayé » seul et sans explication. Ensuite pour activer un programme, tous les binômes ont réussi à le faire et à en activer au moins un. Comme pour l’allumage, on n’observe pas de différence entre les groupes qu’ils aient ou non reçu des explications préalables.

    Pour tous, il n’y a pas de programme qui a été plus fréquemment sélectionné ni de différence entre le début, le milieu et la fin de la session [après 5,10 et 15 min]. De même, la durée nécessaire [environ une minute] pour rendre opérationnelle Thymio la première fois, n’est pas différente entre le deux groupes. Enfin, la seule différence observée concerne l’extinction où l’on constate que le groupe qui a reçu des explications et testé avant, a eu nettement moins d’essais infructueux [52% versus 20%].

    Les analyses détaillées des vidéos de 15 binômes d’enfants qui expérimentent le fonctionnement du robot Thymio montrent qu’il n’y a pas de différence de temps, de performance ou de compréhension entre les élèves qui ont reçu des explications et ceux qui n’en ont pas eues. Nous pouvons en déduire que les affordances des actions possibles avec le Thymio sont suffisantes pour ne pas avoir besoin d’explications complémentaires. De plus, les explications données par l’enseignante, si elles sont utiles pour rassurer les élèves et leur donner une piste pour commencer l’exploration, ne permettent pas aux élèves concernés d’être plus performants. En est-il de même pour des tâches plus complexes comme la compréhension des différents comportements programmés du Thymio ?

    Positionnement Scientifique

     

    Notre contribution étudie comment des enfants s’approprient le fonctionnement d’un objet numérique particulier, le robot Thymio II.

    D’un point de vue théorique, cette recherche s’inscrit à l’intersection de trois domaines ; la pédagogie en étudiant l’impact d’une consigne, de l’affordance d’objet numérique dans le domaine de la psychologie des perceptions et enfin de l’ergonomie de l’objet « robot ».

    Pour ce faire nous avons mis en oeuvre une recherche expérimentale qui a pour but de comparer l’appropriation par des binômes d’enfant (de 7 et 9 ans) du robot, un groupe ayant reçu des explications sur le fonctionnement du Thymio, l’autre pas. Un groupe est composé de l’ensemble des élèves d’une classe qui passe simultanément les différentes phases de la prise de donnée. Ils sont répartis en binôme sur des tables munies d’une caméra.

    Pour mesurer les différences de comportement, nous avons filmé durant 20’ les interactions de chaque binôme avec le robot. Une analyse détaillée du déroulement de la séquence a permis de connaître à chaque instant les interactions entre les enfants et l’objet numérique.

    Remerciements

    Les données de cette recherche sont issues d’un subside “NCCR Robotics” obtenu grâce à une collaboration avec le Prof. Francesco Mondada du laboratoire de Systèmes Robotisés (LSRO) de l’école polytechnique de Lausanne (EPFL). Nous tenons également à remercier vivement Mmes Gaëlle Serquet et Sandrine Roche Duchesne pour leurs participations actives à cette recherche.

    Bibliographie

    • Gibson, J. J. (1977). The Theory of Affordances. In R. Shaw & J. Bransford (Eds.), Perceiving, Acting, and Knowing. Towards an Ecological Psychology (pp. 127–143). Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc.
    • Gibson, J. J. (1979). The ecological approach to visual perception. Boston: Houghton Mifflin Company.
    • Kradolfer, S., Dubois, S., Riedo, F., Mondada, F., & Fassa, F. (2014). A Sociological Contribution to Understanding the Use of Robots in Schools: The Thymio Robot. Paper presented at the International Conference on Social Robotics 27th – 29th October 2014, , Sydney, Australia.
    • Mubin, O., Stevens, C. J., Shahid, S., Mahmud, A. A., & Dong, J.-J. (2013). A Review of the Applicability of Robots in Education. Technology for Education and Learning, 1(1). doi: 10.2316/Journal.209.2013.1.209-0015
    • Papert, S. (1981). Jaillissement de l’esprit, ordinateurs et apprentissage. Paris: Flammarion.
    • PER. (2015a). MSN 25 — Représenter des phénomènes naturels, techniques, sociaux ou des situations mathématiques….Retrieved 5 mars, 2015, from http://www.plandetudes.ch/web/guest/MSN_25/
    • PER. (2015b). MSN 26 — Explorer des phénomènes naturels et des technologies à l’aide de démarches caractéristiques des sciences expérimentales….   Retrieved 5 mars, 2015, from http://www.plandetudes.ch/web/guest/MSN_26/
    • Petre, M., & Price, B. (2004). Using Robotics to Motivate ‘Back Door’ Learning. Education and Information Technologies, 9(2), 147-158.
    • Rogers, C., & Portsmore, M. (2004). Bringing Engineering to Elementary School. Journal of STEM Education, 5(3 and 4), 17-28.
    • Tricot, A., Plégat-Soutjis, F., Camps, J.-F., Amiel, A., Gladys, L., & Morcillo, A. (2003). Utilité, utilisabilité, acceptabilité: interpréter les relations entre trois dimensions de l’évaluation des EIAH Environnement Informatique pour l’Apprentissage Humain. Strasbourg.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs : Morgane Chevalier et Bernard Baumberger

  • Détourner la robotique pour concevoir des activités créatives

    Détourner la robotique pour concevoir des activités créatives

    [callout]Notre communication présente la mise en place d’un dispositif d’enseignement permettant de construire des séquences d’enseignement-apprentissage créatives et innovantes en intégrant la robotique dans le cadre de la formation des futurs enseignants-es du primaire[/callout]

    Ce module interdisciplinaire évolue depuis 5 ans. Pour favoriser davantage une approche créative et le développement de capacités transversales, nous privilégions une approche de pédagogie de projet. Aucune connaissance préalable de la robotique ou de l’informatique n’est requise pour ce module.

    Un autre objectif de ce cours est l’appropriation d’activités liées à la technique, domaine qui est encore empreint d’images négatives pour nos étudiantes, futures enseignantes généralistes, qui l’associent au monde industriel et à des pédagogies de type behavioriste.

    L’objectif premier de ce module interdisciplinaire consiste à intégrer de la technologie dans les activités créatrices et manuelles, activités qui jusqu’alors intégraient peu l’électronique et l’informatique.

    Les objectifs de ces activités visent le développement des capacités transversales : réflexivité, communication, collaboration, créativité. Pour favoriser la créativité des étudiantes, nous privilégions la conception et la réalisation de projets en groupe. Nous intégrons la technologie au sein d’autres disciplines (français, arts). Notre approche par projet repose sur l’adaptation d’albums pour enfants remis en scène au moyen de robots.

    La créativité est abordée dans une approche multivariée (Lubart, 2003) et est mise en œuvre dans la conception de séquences d’enseignements-apprentissages destinées à des élèves de la scolarité obligatoire par les étudiants. L’utilisation des robots déjà construits (comme la Bee-bot, le Thymio[1]), ou des machines à concevoir soi-même (comme le permettent les kits lego We-Do ou Mindstorms) facilitent l’implémentation d’idées nouvelles et demandent une capacité d’adaptation au contexte (matériel, temps à disposition, public visé).

    Le module a lieu dans une salle d’activités créatrices et manuelles, équipée d’ordinateurs portables, de caméras numériques et de wifi, il est donc possible d’y travailler autant le bois, le carton, le papier, que les supports numériques.

    À partir de productions littéraires (contes, ouvrages illustrés), les étudiants choisissent quelques moments de ces histoires et se réapproprient des scènes et/ou des parties représentatives. Ces moments sont ensuite joués par des robots. Différents types de robots (déjà construits ou à réaliser soi-même) sont exploités dans cette approche. La conception et la réalisation, d’un story-board, d’un court métrage d’une courte pièce de théâtre, des personnages et des décors, transforment le robot en un objet culturel, et non plus un simple outil technique.
    Le robot devient un vecteur de sens, d’émotions et de culture.

    L’usager de cet objet est appréhendé en tant que public auquel est destinée la production culturelle. La transposition d’un média à un autre est ainsi travaillée (objectifs de français et de communication) : du texte au dialogue, puis de la représentation théâtrale à la réalisation d’un film. L’interface numérique de programmation est utilisée comme un langage pour réaliser une production culturelle.

    [1]Robot réalisé par l’école polytechnique de Lausanne, comportant de nombreux capteurs et ayant plusieurs comportements pré-enregistrés, il peut être utilisé en mode tactile par des élèves des 4-5 ans ou à partir de 8 -10 ans avec le mode de programmation graphique. https://aseba.wikidot.com/fr:thymio

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs : Florence Quinche et John Didier

  • De l’aérocombat au management : Trajectoire de détournement et d’appropriation du dispositif de simulation EDITH

    De l’aérocombat au management : Trajectoire de détournement et d’appropriation du dispositif de simulation EDITH

    L’entraîneur didactique interactif pour la tactique hélicoptère (EDITH) est un dispositif de simulation utilisé dans l’armée de Terre depuis 2001 (Lépinard, 2012). Développé par la société Thales Training & Simulation, il est destiné à la formation et à l’entraînement des pilotes d’hélicoptères de combat dans un contexte multijoueur : six équipages, soit douze personnes, travaillent au sein d’un même réseau afin de mener à bien les missions qui leurs sont proposées.

    Néanmoins, EDITH est plus proche du jeu vidéo que du simulateur d’aéronef comme on peut généralement l’imaginer.

    Il rentre en effet dans la catégorie du « serious gaming » (Lépinard, 2014 ; Martin, 2014). Il est composé de matériels informatiques du commerce et n’intègre aucun modèle de vol réel. Si l’ennemi peut détruire les hélicoptères joueurs (l’inverse est vrai aussi !), il n’est pas possible, par exemple, de s’écraser au sol ou de réaliser des manœuvres aériennes complexes à l’image des simulateurs d’apprentissage au vol classiques.

    Les objectifs pédagogiques recherchés par les instructeurs sont donc d’ordres différents. Il s’agit, d’une part, de travailler les procédures très structurées propres à l’utilisation des systèmes d’information et des systèmes d’arme (missiles, canons, etc.) embarqués et, d’autre part, de développer les soft skills des membres d’équipages : communication, leadership, gestion du stress, et, plus généralement, l’ensemble des compétences issu du concept aéronautique de CRM (crew/cockpit resource management).

    Les résultats particulièrement remarquables en termes de transfert des apprentissages grâce à l’utilisation du simulateur EDITH dans les régiments et écoles de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) ont fini par interpeller la sphère civile. Plus précisément, Thales Université a intégré, à partir de 2010, EDITH (devenu pour l’occasion SimLead ou « Simulateur de Leadership ») dans sa formation « Management d’équipe : du manager au leader ».

    On ne parle bien entendu plus d’aérocombat (missions de combat réalisées par les pilotes de l’ALAT). Les mises en situation collaboratives proposées aux cadres en activité sont humanitaires comme le secours de population après une catastrophe naturelle. L’environnement inconnu (l’aéronautique) dans lequel les apprenants évoluent est sensé développer ou consolider leurs compétences managériales à l’image de certaines techniques de team building.

    Notre communication souhaite examiner la démarche de conception du simulateur SimLead selon deux axes.

    Le premier concerne le détournement d’usage en lui-même et les conséquences sur les méthodes d’apprentissage qu’implique l’isomorphisme apparent des soft skills entre le monde militaire et le monde managérial. En d’autres termes, la transposition didactique et le transfert des apprentissages peuvent-ils se penser indépendamment du secteur d’activités des salariés lorsque les compétences non techniques semblent être identiques ?

    Le second point que nous souhaitons aborder est la question de l’appropriation du simulateur par des publics différents. Si ce jeu vidéo est clairement accueilli favorablement par les apprenants et les formateurs, qu’ils soient militaires ou civils, quant-est-il de son appropriation mise en regard avec son positionnement vidéoludique ? Afin de répondre à ces deux problématiques, nous nous appuierons sur nos expériences opérationnelles construites auprès des équipes des deux dispositifs afin de les mettre en perspective avec la littérature académique s’intéressant à l’apprentissage par les jeux vidéo et à l’appropriation des technologies.

    Positionnement scientifique

    Nos travaux sont clairement interdisciplinaires. C’est à la fois ce qui en fait leur richesse et leur complexité.

    Ils font appels aux sciences de l’éducation (section CNU 70), aux sciences de gestion (section CNU 06) et à la psychologie (section CNU 16).

    La communication soumise au colloque scientifique international Ludovia 2015 s’appuie sur nos expériences complémentaires concernant les usages opérationnels des dispositifs EDITH et SimLead. Nous souhaitons proposer une lecture plus réflexive sur ces deux dispositifs semblables mais utilisés pourtant dans des sphères professionnelles relativement éloignées.

    Il s’agira donc de caractériser la trajectoire de conception de SimLead via une approche académique afin de participer aux réflexions et aux développements relatifs à l’insertion de dispositifs vidéoludiques dans le monde professionnel. Pour cela, nous nous appuyons notamment sur la littérature académique s’intéressant à la didactique professionnelle, à l’appropriation des technologies et à la place du jeu vidéo dans l’apprentissage.

    Références

    • Clot, Y., Lhuillier, D. (2010), Travail et santé : ouvertures cliniques, Érès, Paris.
    • Allerton, D. (2009), Principles of flight simulation, Wiley, Chicheste.
    • Altet, M. (2013), Les pédagogies de l’apprentissage, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Boet, S., Granry, J.-C., Savoldelli, G. (2013), La simulation en santé : de la théorie à la pratique, Springer, Paris.
    • Boudier, V., Dambach, Y. (2010), Serious Game : Révolution pédagogique, Hermes Science Publications, Paris.
    • Cantot, P., Luzeaux, D. (2009), Simulation et modélisation des systèmes de systèmes : vers la maîtrise de la complexité, Hermes Science Publications, Paris.
    • Certeau, M. D. (1990), L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, Paris.
    • Charlier, B., Henri, F. (2010), Apprendre avec les technologies, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Delacote, G. (1997), Savoir apprendre. Les nouvelles méthodes, Odile Jacob, Paris.
    • De Vaujany, F.-X. (2005), De la conception à l’usage : vers un management de l’appropriation des outils de gestion, Éditions EMS, Colombelles.
    • Fauquet-Alekhine, P., Pehuet, N. (2011), Améliorer la pratique professionnelle par la simulation, Octarès Éditions, Toulouse.
    • Feenberg, A. (2004), Repenser la technique, vers une technologie démocratique, La Découverte, Paris.
    • Grimand, A. (2006), L’appropriation des outils de gestion, vers de nouvelles perspectives théoriques ?, Publications de l’université de Saint-Étienne, Saint-Étienne.
    • Iacovides, I., Aczel, J., Scanlon, J., Taylor, J., Woods, W. (2011), “Motivation, engagement and learning through digital games”, International Journal of Virtual and Personal Learning, Vol.2, n°2, p. 1-16.
    • Hays, R. T., Jacobs, J. W., Prince, C., Salas, E. (1992), “Flight Simulator Training Effectiveness: A Meta-Analysis”, Military Psychology, Vol.2, n°4, p. 63-74.
    • Kirkpatrick, D. L., Kirkpatrick, J. D. (2006), Evaluating Training Programs: The Four Levels, 3ème édition, Berrett-Koehler Publishers, San Francisco.
    • Kolb, D. A. (1984), Experiential Learning: Experience as the Source of Learning and Development, Prentice Hall, Upper Saddle River.
    • Krathwohl, D. (2002), “A Revision of Bloom’s Taxonomy: An Overview”, Theory Into Practice, Vol.4, n°41, p. 212-218.
    • Kyle, R., Bosseau Murray, W. (2008), Clinical Simulation, Elsevier, London.
    • Lauzier, M. (2008), Le transfert des apprentissages : définition, système et principes diagnostics. Vers un modèle intégré des mécanismes sous-jacents au processus de transfert des apprentissages, Centre d’étude et de recherche sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (CEREST) de l’Université du Québec en Outaouais, Gatineau.
    • Lépinard, P. (2012), Sociomatérialité et systèmes d’information : le cas de la numérisation de l’aviation légère de l’armée de Terre, Atelier national de reproduction des thèses, Villeneuve d’Ascq.
    • Lépinard, P. (2014), “Du serious gaming au full flight simulator : proposition d’un cadre conceptuel commun pour la formation des formateurs en simulation”, Systèmes d’information et management, Vol.19, n°3, p. 39-68.
    • Lhuillier, B. (2011), Concevoir un serious game pour un dispositif de formation, FYP éditions, Mercuès.
    • Lhuilier, D. (2014), Construire le « faire ensemble ». Santé Mentale, n°186, p. 20-27
    • Martin, L. (2014), “Les Serious Games, instruments de transformation des situations de travail”, Éducation permanente, n°198, p. 218-229.
    • McGaghie, W., Issenberg, B., Petrusa, E., Scalese, R. (2010), “A Critical Review of Simulation-Based Medical Education Research: 2003–2009”, Medical education, n°44, p. 50-53.
    • Michel, H., Kreziak, D., Héraud, J.-M. (2009), “Évaluation de la performance des Serious Games pour l’apprentissage : Analyse du transfert de comportement des éleveurs virtuels de Vacheland”, Systèmes d’information et management, Vol.4, n°14, p. 71-86.
    • Paquelin, D. (2009), L’appropriation des dispositifs numériques de formation : du prescrit aux usages, L’Harmattan, Paris.
    • Pastré, P. (2004), “L’ingénierie didactique professionnelle”, in Traité des sciences et des techniques de la formation, 2ème édition, P. Carré & P. Caspar (Eds), Dunod, Paris, p. 465-480.
    • Pastré, P. (2009), “Didactique professionnelle et conceptualisation dans l’action”, in Encyclopédie de la formation, J. Barbier, É. Bourgeois, G. Chapelle & J. Ruano-Borbalan (Eds), Presses Universitaires de France, Paris, p. 793-825.
    • Pastré, P. (2011), La didactique professionnelle : approche anthropologique du développement chez les adultes, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Pastré, P., Rabardel, P. (2005), Apprendre par la simulation : de l’analyse du travail aux apprentissages professionnels, Octarès Éditions, Toulouse.
    • Silberman, M. L. (2007), The handbook of experiential learning, Pfeiffer, San Francisco.
    • Smith, R. S. (2009). Military Simulation & Serious Games: Where we came from and Where we are going, Modelbenders Press, Orlando.
    • Raynal, F., Rieunier, A. (2012), Pédagogie, dictionnaire des concepts clés : Apprentissage, formation, psychologie cognitive, 9ème édition, ESF Éditeur, Issy-les-Moulineaux.
    • Roussel, J.-F. (2011), Gérer la formation, viser le transfert, Guérin universitaire, Montréal.
    • Van West J., Lane-Cummings K. (2007). Microsoft Flight Simulator X for Pilots: Real World Training, Wiley Publishing, Indianapolis.
    • Williams, B. (2006), Microsoft flight simulator as a training aid: a guide for pilots, instructors and virtual aviators, Aviation Supplies & Academics, Newcastle.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
    A propos des auteurs  Lydia Martin et Philippe Lépinard

  • FabCamp Ludovia#11 : pédagogie de projet et créativité par Audrey Bardon

    FabCamp Ludovia#11 : pédagogie de projet et créativité par Audrey Bardon

    Ludovia_fablab_020914Article par Lyonel Kaufmann

    Mais d’abord qu’est-ce qu’un FabLab?

    L’idée est d’aller un bout plus loin que les ExplorCamps. Ces derniers consistent en la présentation d’activités ou d’outils pédagogiques numériques. Dans un FabCamp, il s’agit pour les participants de mettre concrètement « la main à la pâte« .

    Dans ce premier atelier, animé donc par Audrey pour le compte de l’Association Science Animation, l’objectif pour les participants consistait à tester des méthodes de créativité autour du thème « La classe du futur», un thème souvent présent à Ludovia.

    Rien de très numérique, puisque les participants ont travaillé avec des post-it, mais en lien avec le numérique par le thème (la salle de classe du futur) et le thème du colloque de cette édition «Consommation, création et pédagogie».

    Avant l’atelier, Audrey Bardon a présenté son association Science Animation. Cette association anime des ateliers permettant aux élèves ou enseignants d’apprendre à travailler par projet et à l’aide de méthodes de créativité sur la base de projets fictifs. Il s’agit par exemple d’un projet Ludovia_scianimAudreyBardon_020914de sensibilisation à la gestion des déchets pour un collège ou un lycée.

    Pour les participants de Ludovia, il s’agissait d’élaborer la classe du futur dans un lycée. Dans un premier temps, les participants ont été répartis en deux groupes et disposaient de post-it pour travailler le thème. La méthode choisie était donc « le brainstorming« .

    A partir du moment où le groupe commençait à s’essouffler, Audrey a relancé les groupes au moyens de la méthode des experts virtuels. Chacun des participants endossait l’habit d’un expert (Picasso, Gustave Eiffel, Zidane, etc.) pour formuler de nouvelles propositions, validées ensuite par le groupe.

    Deux autres méthodes ont ensuite été évoquées : la méthode des 6 chapeaux (fr.wikipedia.org/wiki/Méthode_des_six_chapeaux) et la méthode des 5 «comment».

    La méthode des 6 chapeaux

    1. Le chapeau blanc symbolise l’objectivité et la neutralité. Avec ce chapeau, des informations sont collectées, sans être évaluées. Les informations disponibles sont ciblées objectivement – sans faire intervenir une opinion personnelle.
    2. Le chapeau rouge symbolise l’émotion, contrairement au chapeau blanc. Avec ce chapeau, on peut laisser libre cours à ses émotions. Des informations teintées de sentiments, d’intuitions et de pressentiments peuvent être articulés, sans pour autant être justifiées.
    3. Quant au chapeau noir, il s’agit de faire des objections en soulignant les dangers et les risques qui attendent la concrétisation de l’idée. Lorsque le chapeau noir est porté, le groupe s’efforce de découvrir tous les aspects négatifs d’un sujet.
    4. Le chapeau jaune, c’est tout le contraire du chapeau noir. Ici, il s’agit de découvrir le côté positif, de ce qui est bon. Lorsque le chapeau jaune est porté, le groupe essaie de découvrir toutes les chances et tous les points positifs, mais aussi d’exprimer des espoirs réalistes et des objectifs attrayants.
    5. Le chapeau vert symbolise la créativité, le développement et les nouvelles idées. Avec le chapeau vert, on recherche des solutions de rechange, des alternatives. Avec ce chapeau, toutes les pensées – même les plus folles et les plus irréalistes – peuvent être exprimées, pour autant qu’elles apportent de nouvelles idées et un nouveau point de départ.

    Retrouvez aussi « l’interview d’Audrey Bardon » par Lyonel Kaufmann sur ludovia.org/2014

    Le compte Twitter d’Audrey : https://twitter.com/audrey_bardon et celui de Science Animation : https://twitter.com/ScienceAnim

    A voir aussi :

    Comptes-rendus du FabCamp, « souk numérique » de Ludovia#11 :
    Marie Soulié et sa création d’un journal scolaire sur iPad
    Tablettes…tablettes ! avec notamment Aurélie Boussac, Animatrice TICE de l’Ariège

  • Création d’un journal scolaire avec l’ipad

    Création d’un journal scolaire avec l’ipad

    journalscoUne

    Problématique :

    Préparer une sortie scolaire avec l’iPad, explorer le terrain, prélever des informations, rédiger un journal web de voyage sur la tablette.

    Scénario proposé :

    Lorsqu’on organise une sortie pédagogique ou un voyage scolaire, se pose le problème de la mise en activité des élèves sur les différents sites. L’iPad va permettre à l’élève de créer un véritable web journal très facilement et de le mettre en ligne rapidement .

     Etape 1: Préparation de la sortie en classe journalsco3

    Les élèves utilisent l’application Plans pour se situer et repérer leur lieu de visite . Captures d’écran, calcul de distance, itinéraire, exploration du terrain. Mise en évidence du milieu.

     

     

    Etape 2: Annotation des images capturées. journalsco2

    Fonction d’une légende. Utilisation de l’application Skitch ( exemple : plan d’une église)

     

     

    Etape 3: Création sur site du web journal . journalsco

    Mise en place des photos, rédaction des textes…Utilisation d’iPhoto

     

    Etape 4 : Mise en ligne du web journal et consultation des parents ( iCloud et Safari)

    Etape 5: Au retour, rédaction d’un livret  ( Pages)  journalsco4

    Voir la biographie de Marie Soulié sur Ludovia 2014

  • Rendre l’élève acteur de ses apprentissages : la classe inversée avec l’iPad

    Rendre l’élève acteur de ses apprentissages : la classe inversée avec l’iPad

    imageUne

    Problématique :

    Lors de la mise en place de la classe inversée, l’utilisation de l’iPad va permettre aux élèves de suivre toutes les étapes de la démarche, de la consultation de contenus jusqu’à la production du « chef d’oeuvre ».

    Scénario proposé :

     Etape 1: La production de la capsule vidéo et sa mise à disposition image-2

    –    La capsule est créée très facilement avec l’application Adobe Voice

    –    L’élève la visionne de chez lui ou en classe dans l’application iTunes U

     

    Etape 2: la phase d’interaction image

    -travail en îlot sur une tâche complexe

    -élaboration par chaque groupe d’une carte heuristique

    -Projection des cartes

     

    Etape 3: Phase de construction image-1

    Echanges et mise en commun

    Trace écrite collaborative. Utilisation d’iCloud et de Pages.

     

    Etape 4: production du chef d’oeuvre  image-3

    Création de capsules par les élèves

     

    Voir la biographie de Marie Soulié sur Ludovia 2014

  • Développer le travail en autonomie devant une tâche complexe avec l’iPad

    Développer le travail en autonomie devant une tâche complexe avec l’iPad

    systeme-solaire

    Problématique :

    Mettre les élèves en situation d’explorateurs dans un scénario qui va aviver leur créativité et leur curiosité.

    S’exprimer à l’oral, expliquer, décrire.

    Exemple du scénario en sciences -1er degré mais transposable dans plusieurs disciplines.

    Scénario proposé :

     Etape 1: Découverte de la mission par les élèves

    • Une mission est confiée au groupe : une nouvelle planète a été découverte, vous êtes présentateur d’un célèbre journal télévisé ,vous devez préparer votre reportage.
    • Mise à disposition des ressources sur l’iPad à partir d’un diaporama ( Keynote) et de l’application Star Walk

    Etape 2: préparation de l’infographie

    • Chaque groupe prépare son explication et sa présentation de la nouvelle planète avec l’application Explain everythings.

    Etape 3: Enregistrement du journal télévisé sur iMovie

    • création du générique du JT
    • Présentation
    • insertion de l’infographie
    • Bande son sur GarageBand

    Voir la biographie de Marie Soulié sur Ludovia 2014

  • Consocréation : la quête de l’originalité dans la consommation comme illusion de compétence créatrice

    Consocréation : la quête de l’originalité dans la consommation comme illusion de compétence créatrice

    tagcolloque-scientifique

    Le terme consocréation est un oxymore. Il décrit le lien indissociable entre la consommation de la création. Déjà fortement présents avant l’apparition d’Internet, les outils consocréatifs sont ceux qui proposent un encadrement technique à base de masques, de modèles ou de thèmes. L’utilisateur et ses destinataires s’en suffisent mais ils pensent créer alors qu’ils consomment des fonctionnalités de « personnalisation ». Avec la généralisation des blogs puis des réseaux sociaux où il est possible de « créer » sa page sans programmation (d’ailleurs, le mot n’apparaît sur aucun dispositif socionumérique), l’illusion de compétence est portée à son plus haut degré. Les attentes et la réception des contenus ainsi mis en ligne revoient une image positive car chacun fait de même et ne recherche plus la créativité dans ces cadres imposés mais l’originalité.

    Introduction

    Ce travail revisite l’oxymore « consocréation » qui avait été proposé en 2008 à Ludovia pour désigner les conséquences du lien indissociable entre consommation et création lors de l’utilisation d’outils innovants. Depuis, la pénétration dans les espaces publics et professionnels des dispositifs socio-numériques en ligne comme Facebook a généralisé des pratiques et des usages inédits. Dans le fond il ne s’agit que d’un véhicule de communication de plus, un « cas particulier des transports » (Escarpit, 1986, p. 9) supplémentaire. Facebook, LinkedIn, Tumblr, Ask et Racontr sont autant d’applications qui portent sur des segments thématiques connexes et le plus souvent juxtaposés. Comme ils ont pris énormément d’importance dans les budgets temps consacrés à l’utilisation des ordinateurs, tablettes et téléphones depuis le colloque « Do it Yourself », il est intéressant de questionner l’actualité du concept de consocréation dans ce nouveau cadre.

    En effet, la part de la consommation apparaît avoir à ce point pris de l’importance qu’elle semble diminuer la part de créativité pourtant mise en avant sous couvert de montration identitaire, de « partage » de contenus personnels ou de ressources entre « amis ». Après avoir évoqué les éléments définitionnels et les ancrages théoriques en esthétique et SIC, la communication aborde un terrain travaillé de manière qualitative. La population d’apprenants en IUT est choisie pour sa proximité temporelle avec le Lycée, moment où les pratiques socio-numériques se sont mises en place – et l’orientation de leurs usages vers davantage de compétence professionnelle. Les résultats montrent une ségrégation entre les espaces numériques, une évolution du vocabulaire liée aux sollicitations sémantiques de ces nouvelles interfaces et une confusion entre consommation et création.

    « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux »

    En 2008, le colloque Ludovia avait pour thématique « Do it yourself ». Ce choix entrait en résonance, entre autres, avec le travail de Marcel Duchamp sur les « ready-mades ». Pour l’auteur de l’Ingénieur du temps perdu, « il y a le pôle de celui qui fait une œuvre et le pôle de celui qui la regarde ». Pour autant, il « donne à celui qui la regarde autant d’importance qu’à celui qui la fait » (Duchamp, 1976 p. 122). Dans le monde multimédia où il est impossible de ne pas consommer, ce discours peut être transposé à la relation indissociable qui rassemble la consommation avec la création en précédant les processus de réception et d’interprétation. Nous avions donc suggéré de rapprocher les deux termes dans un oxymore. Résultant de la contraction des deux mots, « consocréation » qualifiait sur un continuum les activités où la consommation serait perçue comme indissociable de la création et où l’acte créatif serait précédé et procédé par et pour la consommation. Cela concerne l’ensemble des activités numériques. Par exemple, le travail graphique de photographie et l’écriture avec un traitement de textes nécessitent du temps logiciel. Cette forme de consommation recèle en outre des consommations secondes telles que la durée de l’apprentissage, etc. Elle intègre également une dimension créative car les hommes fonctionnent et agissent de manière relativement personnelle lorsqu’ils manipulent un outil. La séquence de consommation serait donc un processus de création et inversement. C’est pourquoi le marketing des TIC vend de la potentialité créative en démontrant ce que l’on peut faire en consommant des outils innovants.

    Le travail de 2007-2008 s’appuyait sur un terrain empirique réalisé avec une population de sujets étudiants en IUT (premier cycle) invités à répondre à une enquête tout en effectuant une production de développement graphique. Internet était déjà très employé mais les sites de réseautage social comme Facebook n’avaient pas encore pris la place qu’ils occupent aujourd’hui. Depuis, les habitus ont changé. Certaines pratiques se sont amplifiées tandis que d’autres ont périclité. C’est pourquoi il est intéressant de revisiter le concept de consocréation avec un public de même nature alors que les dispositifs socio-numériques sont devenus un pôle motivationnel majeur de l’emploi des machines numériques. En outre, ces dispositifs favorisent la création de textes, c’est-à-dire d’écrits, d’images, de vidéogrammes. Cette production ne comporte pas seulement des « menus propos (Goffman, 1953, p. 107) permettant de maintenir l’interaction et qui s’épuiseraient vite » (Papi, 2007, p. 185). Elle se compose également de réalisations plus construites qui peuvent être personnelles et ne résultent pas seulement de l’identification d’informations déjà existantes à « partager ».

    Qu’en est-il de l’influence de la consommation d’une part et des limites des outils communicants d’autre part dans le processus créatif ? Certes, ces limites peuvent engendrer une créativité nouvelle par leur dépassement mais simultanément, elles imposent une standardisation de la production et donc une habituation du regard. L’illusion de compétence entretenue par les outils s’est-elle encore développée et si oui, a-t-elle changé les représentations de la créativité ? La question mérite d’être posée au moment où « faire le buzz », c’est-à-dire acquérir de la notoriété, ne nécessite plus d’être créatif personnellement, mais d’être capable de dépister et de valoriser ce qui chez les autres est porteur d’une co-création entre auteur, diffuseur et récepteurs de l’œuvre (partages et portails).

    Ces phénomènes de consocréation ne sont pas neutres dans l’espace social. Certes des internautes mettent en ligne des pages personnelles dans lesquelles ils décrivent comme « citoyenne » la participation à l’évolution des produits pour « donner du sens à la consommation » (Perchat, 2006) et ces retours participent du processus de reverse ingineering à l’origine de l’amélioration des produits. Toutefois, cet aspect participatif ne doit pas masquer l’approche critique que portent les sciences de l’information et de la communication (SIC) et donc leur capacité de revenir sur un terrain qui parfois résiste mais mérite d’être travaillé.

    C’est pourquoi les observations concernent le même type de population que celle qui avait été travaillée en 2008. L’établissement, l’IUT de Perpignan est identique et concerne 63 étudiants de L2 et 59 inscrits en licence professionnelle. L’effectif est moitié moindre mais il est pertinent au regard de la méthodologie retenue. En effet, tous les apprenants participent à des sessions avec le chercheur qui est le référent pédagogique. C’était déjà le cas précédemment et nous avions retenu de l’expérience qu’un nombre de sujets plus réduit était suffisant pour vérifier les hypothèses par la méthode qualitative. Cette dernière est toutefois complétée, afin de servir de repère, par un questionnaire administré en ligne en début de session et par le suivi des productions effectuées avec l’outil informatique pendant les semestres 2 et 5. Le travail souffre néanmoins d’un biais, qui s’est finalement révélé fécond car le responsable d’une licence professionnelle a demandé de supprimer le travail d’exploitation à l’oral de Powerpoint du programme car « tout le monde le connaît » et de le remplacer par une « sensibilisation aux bonnes pratiques et à une utilisation responsable » des matériels et des ressources.

    Consommer pour créer : les outils

    Six ans seulement se sont écoulés depuis le colloque « Do it Yourself ». Pourtant, les changements sont sensibles. Ils concernent l’utilisation de produits qui en ont supplanté d’autres et l’abandon de ceux qui leur ont cédé le pas. Malgré son gigantisme, Live Messenger est ainsi passé de l’omniprésence au quasi-oubli. Certains évoquent déjà la décroissance de Facebook (Eldon, 2011) au profit d’ask.fm (Belot, 2013) et d’autres applications en ligne. Faut-il s’interdire d’imaginer celle de Google ? Le gigantisme n’est pas une garantie de pérennité. Sur le versant professionnel, l’outil de création multimédia Director a été abandonné. Il en va de même pour son module Flash qui lui a un temps succédé. Cette disparition n’est d’ailleurs pas sans poser des difficultés à la communauté éducative qui l’utilisait en pédagogie. Étonnamment, la disparition de ces outils créatifs n’est pas liée à un manque d’engouement de la part des développeurs[1]. Après leur rachat, ce sont les politiques globales de segmentation des produits d’Adobe qui ont conduit à leur retrait.

    Cela met en exergue, s’il en était besoin, la place forte tenue par le marketing stratégique, et donc de la consommation dans les processus créatifs assistés par des outils numériques. Certes, des peintres, des sculpteurs et des musiciens composent encore des œuvres en dehors du champ informatique, même s’ils emploient les médias digitaux[2] pour communiquer. Alors que le support de l’œuvre a toujours été un enjeu majeur pour assurer sa pérennité, les créateurs ne disposent plus d’aucune visibilité sur la compatibilité de leurs fichiers de travail avec les outils qu’ils emploieront dans l’avenir ni sur la lisibilité de leur fichier final dans le temps. Cela s’est déjà vu… Entre 1986 et 1992, il s’est vendu en France plus de 500 000 ordinateurs Atari 1024 et Mega ST. Leur succès était notamment dû aux prises MIDI qu’affectionnaient les musiciens. Le format des images était.IMG. Depuis, ce format a été rétribué aux images… Disque et non plus aux fichiers bitmap. En d’autres termes, les créateurs qui n’ont pas converti leurs travaux avant de changer de machine ont connu de très lourds problèmes de récupération de leurs données graphiques.

    Les applications en ligne, qui semblent pourtant toutes fonctionner sur la base de langages communs, sont elles-mêmes à considérer comme un produit dont le cycle de vie est conçu a priori de la naissance à la mort. Ils ont ceci de particulier qu’ils touchent tellement de personnes dans le monde que leur utilisation engendre l’apparition de postures collectives dans les manières de créer, dictées par les effets facilitateurs et limitants des logiciels. Avec les outils numériques, il faut donc chercher l’acte créatif soit de manière classique dans l’emploi des applications qui permettent de créer de toutes pièces une œuvre nouvelle – comme un dessin avec Illustrator – ou dans le dévoiement des applications – comme employer Facebook comme une plateforme pédagogique alors qu’il n’est pas fait pour cela. L’initiative esthétique, la créativité et la production de qualité, dans le cadre des contraintes de la consommation des outils innovants et de l’éducation du regard des récepteurs de l’œuvre sont donc toujours d’actualité. L’univers de développement – puisque c’est le terme employé – est un théâtre numérique. Cette nouvelle scène reprend les contraintes déjà évoquées en son temps par Jean-Baptiste Poquelin et résumées par André Gide pour qui « l’art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté » (Gide, 1929, p. 437) [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    L’illusion de contrôle de la compétence

    La majorité des utilisateurs de ressources numériques ne crée pas de sites Internet complexes avec Drupal et n’édite pas ses images avec Lightroom. Pour développer sa clientèle, le marketing entretient dans le grand public l’illusion que l’accès aux fonctionnalités d’un outil permet à tout un chacun de créer des contenus dits « professionnels ». Nombre de logiciels ont d’ailleurs pour dénomination commerciale leur nom de marque suivi du dénominateur « Pro ». Cette stratégie a été mise en place au moment de la pénétration de la bureautique dans les foyers et elle perdure. La quête de l’autonomie était alors présente dans le noyau central des représentations sociales de l’ordinateur individuel (Gobert, ibid.) car les professionnels travaillaient sur des machines identiques. C’était oublier que réaliser un document en appliquant de-ci de-là des fonctionnalités diverses et des réglages automatiques ne pouvait absolument pas abuser le regard d’un expert. Cette croyance semble néanmoins toujours d’actualité, même si elle ne se situe plus au premier plan des représentations.

    Lors des séances de travaux dirigés portant sur l’image, les apprenants manquent rarement de préciser que « les règles doivent être dépassées ». En langage étudiant, cela signifie qu’il n’y a donc pas besoin de les connaître : il suffira de les apprendre plus tard en cas de besoin. Ce point signe l’existence d’un premier volet de l’illusion de contrôle. Cette illusion est celle qui consiste à croire que l’on sera en capacité de solutionner dans le futur un problème qui se présente aujourd’hui à minima. Gabriel Moser l’avait décrite comme un mécanisme de défense qui permettait de lutter contre les stress urbains (Moser, 1992). Dans le cadre numérique, elle pourrait être comprise comme une illusion de compétence, un moyen de gestion des incompréhensions et de la pression sociale devant lesquelles nous place la technologie (Gobert, 2010, 2013). En effet, malgré les promesses d’un monde meilleur, les technos sciences sont anxiogènes du fait de l’incapacité à suivre le rythme de leur développement et de la dépendance à autrui qu’elles créent. L’illusion de compétence est une des réponses qu’apportent les individus pris dans l’engrenage pour gérer le stress induit par le contexte des technologies.

    En outre, la mercatique nourrit l’impression trompeuse que l’accès à l’outil est la portion la plus complexe du chemin. Investir financièrement dans des applications ou être dépendant de quelqu’un qui soit capable d’installer les logiciels en les « piratant » peut apparaître comme une contrainte. Le modèle de la gratuité, qui s’est imposé avec les logiciels et les systèmes d’exploitation libres peut apparaître comme la solution à ce problème. Il semble cependant que l’effet soit plus nuancé. Il augmenterait paradoxalement la tension car le sujet, placé devant ses méconnaissances techniques et qui ne souhaite pas les acquérir doit alors recourir à des aides et des forums en ligne. Fortement chronophages, ils ont pour prix le temps de recherche des informations, de leur organisation et de leur compréhension. Certes l’autopoiésis, où le sujet se réalise par lui-même avec ses apprentissages en autonomie (Varéla, Maturana, 1974) est possible. Elle ne semble concerner qu’un petit nombre d’individus fortement motivés et entretient chez les autres une illusion de compétence. Cette illusion peut se résumer de la manière suivante : « si je veux me former, je pourrai le faire. Dans l’immédiat, ce n’est pas d’actualité car je ne dispose ni du temps ni de la motivation nécessaire, mais si j’en ai besoin, je sais que je pourrais. C’est moi qui décide quand et comment ».

    Depuis l’apparition des réseaux sociaux, un ordinateur non connecté n’est plus intéressant (Gobert, 2009, 2010). Il est devenu un terminal relié à Internet qui contient non seulement une banque d’informations et de soutiens potentiels, mais également le moyen de gérer son gisement de relations sociales. Cette gestion, portée par des techniques en ligne de storytelling et de fonctions synchrones de communication instantanée, constitue l’un des premiers vecteurs de motivation de l’utilisation des réseaux. Sur le plan créatif, une page Facebook suffit à la majorité des utilisateurs. Par exemple, bien que nous encouragions vivement les étudiants désirant intégrer le monde du travail à compléter leur CV et leur lettre de motivation par une page personnelle, ceux-ci éprouvent des difficultés à s’investir. La question qui revient le plus fréquemment et que tous les référents pédagogiques connaissent bien dès lors que s’élève le degré de liberté dans le choix d’un sujet est « donnez-nous des idées ». C’est d’ailleurs pourquoi Facebook préremplit des champs à saisir afin de lancer les processus d’écriture. Cette interrogation signe l’emprise de la consommation sur la création car l’accompagnement logiciel prend le pas sur la compétence du sujet. Dans une vision compendieuse où la création suppose une maîtrise préalable des techniques, la consommation semble nourrir dans l’espace social une illusion de créativité. [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    Croire que l’on crée alors que l’on consomme

    Pour le Robert, création et consommation sont opposées. Dans ce dictionnaire, la création serait « l’action de donner de l’existence, de tirer du néant (…), de faire, d’organiser une chose qui n’existait pas » (Rey, 1993 p. 505). Cette définition correspond à « create », employé en bureautique pour créer un nouveau fichier tandis que « edit » désigne le travail de création des contenus d’un document. Cela fonctionne comme si un peintre « créait » son tableau quand il prépare son fond de toile et « l’éditait » au moment de peindre. La création désigne encore ce qui en « résulte » (Souriau, 1990, p. 522), l’œuvre en l’état, comme l’ensemble du vivant serait l’aboutissement contemporain d’un processus qui aurait débuté avec la séquence fondatrice de la genèse. La création serait donc une production destinée à satisfaire un besoin dans le temps alors que la consommation « détermine la satisfaction immédiate d’un besoin ». Il s’agit de « faire des choses une utilisation qui les détruit ou les rend ensuite inutilisables » même si ce « n’est pas une destruction de matière mais une destruction d’utilité » (Rey, ibid. p. 450).

    Réunir les deux termes signe l’existence d’un système dialectique qui tisse un lien inédit. La consommation d’une technologie la fait exister, lui donne corps. Elle ne peut se développer que de cette manière. Sans utilisateurs, elle est vouée à l’oubli et n’existe plus. S’il y a usure, c’est par lassitude à force d’usage. Comme les sociétés dans l’histoire, les applications en ligne connaissent un cycle de vie avant de décliner au profit d’une autre. Mais globalement, des lignes de force s’esquissent. L’une d’elles semble sourdre de l’émergence depuis la fin des années 1990 des applications, en ligne ou non, intégrant des modèles, thèmes ou masques de saisie. Ces outils ont vocation à débarrasser l’utilisateur de l’ensemble des contraintes techniques liées au soubassement informatique. C’est cette caractéristique que nous retenons principalement pour désigner la programmation consocréatique d’un applicatif on line. Ainsi, la consommation serait l’acte de créer sans apprentissage préalable ou avec un apprentissage réduit des contenus qu’il ne serait pas possible de réaliser avec aisance autrement qu’en bénéficiant de l’accompagnement technique automatisé.

    Le copier-coller, toujours fortement pratiqué par les étudiants, en est une variante. Les étudiants y voient un gain de temps. Il est en effet plus facile de compiler des données plutôt que de les créer en rédigeant. Cela conduit un acte de réorganisation de l’information plutôt qu’à une production originale, encore que cette réorganisation puisse elle-même être originale et considérée comme une forme de création. Le côté créatif ne fera assurément pas l’unanimité, et d’aucuns parleront davantage de plagiat. La fonctionnalité de « partage » sur Facebook, que ce soit des liens ou directement des contenus déjà « trouvés » par d’autres, inscrit la rediffusion de contenus dans le champ d’une sorte de post-création incitant les « amis » et « groupes » à la consommation de ces contenus. Le gisement de pages Facebook, contient ainsi très peu de créations originales mais plutôt des mises en avant de textes (images, films, dessins, etc.) déjà créés par d’autres. La messagerie et les statuts favorisent la production écrite personnelle. À la limite, il est possible de dire que jamais, depuis l’apparition de ces outils et leurs approches de storytelling, les sujets n’ont autant lu et écrit et lu, même s’il s’agit de menus propos. Ceux-là mis à part, les serveurs de Facebook doivent contenir un catalogue de doublons sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La fonction partage a d’ailleurs certainement été mise en place dans le but de limiter le copier-coller qui consommait trop d’espace inutile sur les serveurs. Cet aspect met en lumière, s’il en était besoin, le paradoxe qu’il y a ente la mise à disposition d’un outil favorisant les créations textuelles, graphiques et musicales sans précédent et son utilisation première comme média de rediffusions multiples de contenus. La capacité à trouver une ressource encore ignorée et susceptible de faire le buzz devient un acte signifiant alors que dans le cadre du copier-coller c’était l’inverse : on cherchait plutôt à dissimuler cette fonction de « partage ».

    Il semble donc que l’on consomme davantage que l’on ne crée. Or comme chacun fait de même, la pratique devient socialement acceptable. Le regard de l’autre, co-créateur des contenus textuels mis en ligne accepte comme « sympa » la proposition d’un lien utile ou humoristique. Une certaine originalité finit par se dégager car aucune page ne ressemble à une autre. Elles renvoient en fin de compte l’image d’une création alors qu’il ne s’agit que de consommation des possibilités techniques d’un espace applicatif. Nous désignons comme « espaces applicatifs » des sites où le sujet emploie des fonctionnalités logicielles comme des thèmes ou des modèles de documents dans lesquels il ne gère ni la mise en forme ni les contenus mais où il est exclusivement invité à poster des contenus et personnaliser sa page avec les options disponibles. Cela n’est pas sans créer une certaine uniformisation qui freine l’originalité créative. Toutefois, cette limitation engendre une production de contenus jamais égalée. [Les éléments d’observation liés à la population cible seront ajoutés dans l’article final].

    Conclusion

    Au cours de cette communication, nous avons souhaité revisiter l’oxymore « consocréation » proposé en 2008 lors d’une précédente édition de Ludovia. Basé sur des observations de 2007 alors que Facebook était peu présent dans l’hexagone, le travail précédent nécessitait d’être revisité dans le contexte de massification des dispositifs socio-numériques. Les observations sont réalisées selon une méthodologie qualitative dans un IUT pendant des sessions de formation. Toutefois, la posture critique des sciences de l’information et de la communication, qui analyse la production de textes et observe les rapports entre les personnes est privilégiée. Elle met en lumière la part croissante de la consommation et de l’hybridation des contenus sur la créativité originale. Elle montre par ailleurs la progression du mécanisme des illusions de contrôle et de compétence comme régulateurs du stress technologique et de l’urgence communicationnelle connectée. Simultanément, le masquage de la complexité du soubassement informatique aux yeux des utilisateurs cosocréatifs, c’est-à-dire de la majorité de la population observée, favorise l’émergence d’une production, qui si elle n’est pas forcément renouvelée, a le mérite d’exister et de drainer des apprentissages incidents difficiles à mettre en place dans le contexte institutionnel. Ainsi, comme l’a souligné Gilbert Simondon, le « geste du travailleur sur sa machine prolonge l’activité d’invention » (Simondon, 1989).

    Références bibliographiques

    • Belot Laure 2013, Ask.fm affole les ados en quête de cyber-frissons, Le monde, 3 juin 2013.
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    • Duchamp Marcel 1976, Ingénieurs du temps perdu, entretien avec Pierre Cabane, Paris : Belfond, ed. orig. 1966
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    • Ellul Jacques 1990, La Technique ou l’enjeu du siècle, Paris : Economica.
    • Gide André 1929, Prétextes, L’Évolution du théâtre, Essais critiques.
    • Gobert Thierry 2000, « Consocréation : approche prospective des usages de Wanadoo », Journées de la Net Compagnie, EuroDisney : France Telecom, 19 au 23 juin 2000.
      2008, « Consommer pour créer, créer en consommant : la consocréation », in Do it yourself 2.0, Ax-les-Termes : Ludovia, 27 au 29 août 2008.
      2010, « Sites sociaux et dispositif pédagogique : des atouts nouveaux pour l’accompagnement à des compétences numériques ? », Actualité de Recherche en Education et Formation, Genève : AREF, 13 au 16 septembre 2010.
    • Moser Gabriel 1992, Les stress urbains. Paris : Armand Colin.
    • Papi Cathia 2009, « Sympathiser à distance ou la création des cadres de l’interaction », Education et formation, mars 2009 (290), 93-107.
    • Perchat Boris 2006, « C’est quoi au juste la consocréation ? » Créons ensemble de nouvelles richesses, http://boris.typepad.fr/chasseur_de_futurs/la_consocration/index.html
    • Rey-Debove Josette, Rey Alain 1993, Nouveau petit Robert, Paris : Dictionnaires Robert.
    • Simondon Georges 1989, Du mode d’existence des objets techniques, Paris : Aubier.
    • Souriau Etienne 1990, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF.
    • Varela Francisco, Maturana Humberto, Uribe Ricardo 1974, Autopoiesis : the organization of living systems, its characterization and a model, Biosystems 5, pp. 187–196.

    Voir la bio de Thierry Gobert sur Ludovia 2014

    Voir le programme du colloque scientifique dans son intégralité


    [1] Les créateurs professionnels ne se disent pas « artistes » mais « développeurs ».

    [2] Nous qualifions les outils basés sur des techniques informatiques de « numériques » et leur utilisation à des fins sociales de « digitale » (Gobert, 2013)