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Ressources numériques : l’offre des professionnels de la filière répond-elle vraiment aux besoins d’innovation pédagogique ?

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Faire entrer les ressources numériques dans l’Ecole : l’offre n’est plus le problème

Alain Laurent, Président du GEDEM, est formel : l’offre actuelle de ressources, qu’elles soient éditoriales ou produites par les enseignants, est suffisamment étoffée pour répondre aux besoins des enseignants.
Pour répondre à la question posée par cette table ronde, « l’offre des professionnels de la filière répond-elle vraiment aux besoins d’innovation pédagogique ? », Alain Laurent exprime son scepticisme par rapport au terme « d’innovation ». D’après lui, l’innovation ramène à l’expérimentation.

Cela fait 25 ans que nous expérimentons ; aujourd’hui, la question est celle de la généralisation, déclare t-il.

Jean-Marc Merriaux, Directeur général de Canopé, parlerait davantage d’initiatives pédagogiques que d’innovations pédagogiques.

Les enseignants, des producteurs de ressources ? Mais cela suffit-il vraiment ?

« Aujourd’hui, l’ensemble des outils doivent permettre de renforcer l’initiative pédagogique, et donc valoriser la liberté pédagogique de l’enseignant. Cette pratique pédagogique change les habitudes, par exemple, la posture de l’enseignant dans la classe est différente ».

Pour lui, le principe de granularité est encore à développer de même que la question de l’indexation de la ressource afin de permettre qu’elle soit utilisée par l’enseignant comme il le souhaite.

L’enseignant est un éditeur, souligne t-il.

« Il est amené à produire des contenus, il est un agrégateur de contenus ».

Un autre point fondamental que Jean-Marc Merriaux soulève est qu’une ressource aujourd’hui, quand elle est pensée, doit intégrer une dimension par rapport à des fonctionnalités.
« Jusqu’à présent, les ressources ont été pensées « enseignant centrées ».

Il signifie par cette remarque que la ressource numérique doit aussi être « élève centrée », afin de pouvoir être utilisée en autonomie par l’élève.

Véronique Saguez, responsable éditoriale aux éditions BORDAS mais aussi enseignante a l’avantage d’être de chaque « côté de la barrière ».
Quoique le terme de « barrière » soit un peu caricatural, force est de constater que le dialogue éditeurs-enseignants ne saute pas aux yeux à première vue.

Pour elle, l’enseignant ne peut se suffire des contenus qu’il produit. D’une part, parce qu’il a très peu de temps pour cette production et d’autre part, « parce que tout simplement, ce n’est pas notre métier ».

La majorité des enseignants a besoin de parcours tout faits et c’est le rôle des éditeurs que de créer ces contenus.

Les enseignants sont-ils capables de se retrouver dans ce marché foisonnant de ressources ? Et surtout sont-ils formés pour cela ?

C’est sur ce point que Véronique Saguez étend son propos ; en effet, bien que les ressources soient de plus en plus « innovantes », la formation des enseignants reste une part non négligeable à prendre en compte pour une équation parfaite.

Véronique Saguez propose la formule suivante :
4 euros pour l’école = 2 euros pour l’équipement, 1 euro pour la formation et 1 euro pour les ressources. Et elle ajoute qu’aujourd’hui, « on est loin de cette équation ».

Enfin, elle définit les besoins concrets pour un enseignant en classe : des ressources agrégeables, compatibles avec tous les environnements et libres de droit.

Sur les questions d’ordre économique, Hervé Borredon, Président de l’AFINEF apporte quelques précisions.

Le manque de visibilité économique ne motive pas les industriels du secteur à investir dans des ressources dites « innovantes ».

Au sujet de l’offre, le constat est clair : elle est plus importante pour le second degré que pour le premier degré.

« Au delà de ce constat, on pourrait penser que le premier degré a besoin de moins de ressources parce qu’ils n’ont pas de matériel mais cela amènerait à un raccourci un peu rapide ».

Hervé Borredon explique que la difficulté à laquelle se heurte les éditeurs du premier degré, ce sont les investissements très importants qui doivent être engagés pour produire ces nouvelles ressources (il faut compter sur un investissement de 2-3 ans pour pouvoir obtenir une ressource « innovante »).

La mise sur le marché est aussi très compliquée ; les produits peuvent être attractifs et plaire aux enseignants mais les réponses auxquelles se heurtent les éditeurs sont qu’il n’y a pas de budget.

Pour investir, il faut avoir des perspectives de retombées économiques et trouver un équilibre financier au projet, rappelle Hervé Borredon

« La filière manque cruellement de visibilité sur les budgets d’investissement et ce défaut de visibilité sur les budgets est encore plus prégnant sur le premier degré », ajoute t-il.

La problématique gratuit-payant est-elle encore au coeur du débat ? Les enseignants deviendraient t-ils des concurrents du secteur privé ?

Pour Alain Laurent, la cohabitation est tout à fait possible. Il rappelle l’expérience de Sésamaths, une action totalement collaborative qui a dépassé les ambitions premières des créateurs. Il explique qu’à un moment donné, Sésamaths a été confronté à une production des enseignants à grande échelle ; la question de trouver un éditeur s’est alors posée.

La société Génération 5 a alors travaillé avec Sésamaths.
« nous sommes tout à fait complémentaires ; nous avons apporté des compétences éditoriales (la relecture, la correction par exemples) tout simplement », souligne Alain Laurent.

Pour lui, l’éditeur a une réelle plus-value à apporter c’est pourquoi il a sa place dans le « paysage »,

A la question qui est posée par l’animateur de la table ronde, Eric Fourcaud, directeur de publication Ludomag, sur des enseignants qui fabriquent leur propre manuel numérique, Alain Laurent répond qu’il ne voit aucun mal à cela. Pour lui, ce sont des cas isolés.

« Cela demande beaucoup de temps de créer son propre manuel. Je préfère me concentrer sur le suivi et les pratiques de mes élèves », ajoute Véronique Saguez, en appuyant le propos d’Alain Laurent.

Enfin, Alain Thillay, chef du département du développement et de la diffusion des ressources numériques à la Direction du Numérique pour l’Education donne son point de vue sur les éléments qui ont alimenté le débat.

« Au delà de la production, il y a aussi à clarifier la distribution et la diffusion des ressources ».

L’élément perturbant est qu’aujourd’hui, il est question de contenus associés et plus seulement de ressources physiques. Le rôle de l’Etat est de donner des cadres (notamment par rapport aux règles sur les données personnelles, par exemple).

 Les enseignants sont des producteurs, c’est vrai ; mais ils ne sont pas des éditeurs de ressources, ils veulent les partager dans leur univers professionnel.

Alain Thillay réaffirme la position du Ministère quant au dialogue engagé avec les éditeurs pour arriver à « ce point d’équilibre ».

« Le rôle du Ministère est aussi d’avoir une approche de soutien à l’ensemble de la filière e-éducation », ajoute t-il.

 

 

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