Auteur/autrice : Jean-Paul Moiraud

  • Elargir l’espace scolaire et le temps nouveau de la classe

    Elargir l’espace scolaire et le temps nouveau de la classe

    Un ensemble de questions sont posées à la communauté éducative, comment redéfinir l’espace architectural des bâtiments scolaires et universitaires ? Comment peut-on bâtir les espaces virtuels, leur donner du sens,les  cadastrer pour qu’ils renvoient du sens ?

    Apprendre et enseigner dans et hors la classe, c’est se mettre en capacité d’imaginer l’espace personnel qui, de facto, se professionnalise par intermittence. L’espace personnel des acteurs de la formation devient peu à peu un espace à réversibilité sociale.

  • Bricolage et bricoleurs dans l’éducation : c’est du sérieux !

    Bricolage et bricoleurs dans l’éducation : c’est du sérieux !

    Moiraud_bricolage310314Si l’on a résolu cette question, sait-on s’il est issu du monde de l’industrie où l’on fabrique des objets tangibles, s’agit-il d’un enseignant qui cherche à construire les apprentissages de ses élèves ou bien encore un artiste-artisan?

    Cherche t-il à bricoler parce que la réussite de son entreprise est son objectif ou bien parce qu’il cherche de façon plus ou moins consciente à subvertir son milieu? La réponse pourrait être cartésienne, tranchée, nette …

    Malheureusement (heureusement ?) la réponse est complexe, il n’y a pas de bricolage, il y a des bricoleurs.

     

    Suis je un bricoleur ? C’est fort possible ! Cerner le métier d’enseignant c’est chercher à comprendre ce qu’est le bricolage, notion élaborée à la fois dans les forêts du Brésil et dans les usines industrielles de la révolution du même nom.

    « C’est quoi un prof qui bricole ? » dira le quidam, « C’est quoi ce prof qui bricole » dira le parent d’élève inquiet. Bricoler est un verbe obscur qui inquiète. Peut-on bricoler l’immatériel ?

    C’est inquiétant un prof qui revendique son attachement au  bricolage, il dit haut et fort qu’il tâtonne, qu’il cherche, quand la société donne de lui l’image de celui qui sait, qui organise, qui programme (d’ailleurs il doit respecter le programme !). Serait-il la machine à ne pas douter, l’instrument d’un système huilé ?

    J’ai donc essayé, au gré de mes recherches, de cerner cette nébuleuse. J’ai bricolé (je continue de bricoler) un article fait de bribes de références, une forme de collage à la Breton pour m’aider à comprendre ce que je fais (ou de m’y perdre définitivement), ce que je ne fais pas aussi. Un travail commencé sans le savoir en côtoyant mes premiers élèves, poursuivi en (re)découvrant (assez tardivement) Claude Levi Strauss, formalisé (paradoxe ?) en intégrant l’INRP et poursuivi depuis.

    Voici mes collages, ils ne respectent pas un véritable ordre, si ce n’est celui du hasard programmé de mes lectures.

    Pris entre la posture de l’ingénieur et celle du bricoleur, ou est la place de l’enseignant ?

    Le bricolage ou des bricoleurs ?

    L’in[génie1]osité littéraire au service du bricolage …

    La référence sur le concept de bricolage est bien évidemment Claude Levi Strauss et le passage fameux de la pensée sauvage :

    «Une forme d’activité subsiste parmi nous qui, sur le plan technique, permet assez bien de concevoir ce que, sur le plan de la spéculation, put être une science que nous préférons appeler première plutôt que primitive : c’est celle communément désignée par le terme de bricolage.

    Dans son sens ancien, le verbe « bricoler » s’applique au jeu de balle et de billard, à la chasse et à l’équitation, mais toujours pour évoquer un mouvement incident: celui de la balle qui rebondit, du chien qui divague, du cheval qui s’écarte de la ligne droite pour éviter un obstacle. Et, de nos jours, le bricoleur reste celui qui œuvre de ses mains, en utilisant des moyens détournés par comparaison avec ceux de l’homme de l’art ». /…/

    Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord », c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures.

    L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d’ailleurs, comme chez l’ingénieur, l’existence d’autant d’ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ; il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit, et pour employer le langage même du bricoleur, parce que les éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que « ça peut toujours servir ».

    De tels éléments sont donc à demi particularisés : suffisamment pour que le bricoleur n’ait pas besoin de l’équipement et du savoir de tous les corps d’état, mais pas assez pour que chaque élément soit astreint à un emploi précis et déterminé. Chaque élément représente un ensemble de relations, à la fois concrètes et virtuelles ; ce sont des opérateurs, mais utilisables en vue d’opérations quelconques au sein d’un type. /…/Claude Levi Strauss (1962) – La pensée sauvage – Agora

    La littérature regorge d’exemples qui peuvent servir d’appui pour illustrer les réflexions sur le bricolage en pédagogie. Ces passages ne sont pas forcément issus des réflexions de sciences de l’éducation mais elles aident à cadrer le concept :

    Le cas de l’ouvrier Demarty à l’usine Citroën

    Après les évènements de 68, Robert Lihnart intègre l’usine Citroën et les chaines de montage de 2 CV. Il y décrit un ouvrier, Demarty, chargé de «décabosser» les ailes. Pour accomplir sa tâche, il a, au fil du temps, construit un établi …

    «Le plus étonnant, c’est son établi. Un engin indéfinissable, fait de morceaux de ferraille et de tiges, de supports hétéroclites, d’étaux improvisés pour caler les pièces, avec des trous partout et une allure d’instabilité inquiétante. Ce n’est qu’une  apparence. Jamais l’établi ne l’a trahi ni ne s’est effondré. Et, quand on le regarde travailler pendant un temps assez long, on comprend que toutes les apparentes  imperfections de l’établi ont leur utilité : par cette fente, il peut glisser un instrument qui servira à caler une partie cachée ; par ce trou, il passera la tige d’une soudure difficile» – L’établi de Robert Lihnart (1978)

    Le cas de Monsieur Quignon à la poste

    Fabienne Hanique analyse les stratégies de modernisation au sein de  l’entreprise « La Poste » qui s’attache à conduire «la modernisation des agents», pour transformer les postiers en «acteurs associés au changement».

    Dans ses observations, elle évoque le cas de Monsieur Quignon, un vieil homme qui vient quotidiennement au bureau de poste pour vérifier l’état de son compte postal. Tous les agents savent qu’il ne perçoit que deux fois par mois sa maigre pension, le reste du temps le compte est vide. Les impératifs de rentabilité imposeraient de lui consacrer le minimum de temps.

    Pourtant… à l’encontre des règles managériales qui recommandent une distance avec le client, une rentabilité et une rapidité de l’opération, les guichetiers s’occupent de Monsieur Quignon, lui consacrent du temps. Ils prennent le temps de vérifier chaque jour son compte postal, ils lui adressent un mot gentil même si le résultat est connu d’avance. Les guichetiers ont bricolé la règle, ils l’ont adapté en fonction des besoins locaux.

    «La conduite qu’avait initialement adopté Annie n’était en rien critiquable au regard des procédures et des règles de l’efficacité managériale qui commandent notamment de diminuer le temps d’attente des clients et d’améliorer le temps de traitement et d’améliorer le temps de traitement des opérations. L’échange de regards avec les deux «anciens» l’a pourtant amenée à renoncer à cette posture pour se ranger aux «règles» locales de cette micro-société.

    Les enjeux sous-jacents sont importants pour l’ensemble des protagonistes / Pour Micheline et Jackie, il convient de vérifier qu’en la présence d’Annie, on peut travailler, c’est-à-dire non seulement mobiliser la réglementation et les procédures, mais aussi cette jurisprudence spécifique, véritables présupposés sociaux de l’activité personnelle, qui constitue le «genre de la maison». Libre à Annie de s’y plier ou pas … mais ne pas s’y résoudre peut être coûteux. Cela reviendrait à l’isoler et, du même coup, à la priver de la possibilité de mobiliser le collectif pour faire face à des situations que la réglementation prescrite seule ne peut plus suffire à affronter. Elle serait alors conduite, pour faire face à des situations codifiées, à produire des «inventions» ou des «bricolages» que l’absence de validation du collectif renverrait au rang de transgressions.» – Le sens du travail – Fabienne Hanique (2002) – éres

    Michel De Certeau et la perruque

    Dans son ouvrage l’invention du quotidien M. De Certeau évoque la notion de perruque dans le monde ouvrier. C’est le temps qui est détourné par les ouvriers pour fabriquer des objets personnels. Subversion du temps normé à des fins personnelles.

    « C’est la cas de la perruque. Ce phénomène se généralise partout, même si les cadres le pénalisent ou « ferment les yeux » pour n’en rien savoir. Accusé de voler, de récupérer du matériel à son profit et d’utiliser les machines pour son compte, le travailleur qui « fait la perruque » soustrait à l’usine du temps (plutôt que des biens, car il n’utilise que des restes) en vue d’un travail libre, créatif et précisément sans profit. Sur les lieux mêmes où règne la machine qu’il dit servir, il ruse pour le plaisir d’inventer des produits gratuits destinés seulement à signifier par son oeuvre un savoir faire propre et à répondre par une dépense à des solidarités ouvrières ou familiales » Michel de Certeau – L’invention du quotidien &. arts de faire – Folio essais page 45.

    Philippe Perrenoud

    Il évoque le bricolage chez les enseignants :

    « Les enseignants bricolent, ce qui ne signifie pas qu’ils font n’importe quoi et qu’ils ne font que cela. Le bricolage n’est pas antinomique avec la planification, la préparation, la référence à des théories éducatives. C’est ce que rappelle Philippe Perrenoud dans son article intitulé « La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage » (4).

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    Génie au sens de la science des ingénieurs

    (4) « La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage », Philippe Perrenoud, 1983 http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1983/1983_01.html

     

     Plus d’infos : retrouvez tous les billets de JP Moiraud dans notre rubrique « Entre ingénieur et bricoleur, un espace à investir chez les enseignants » et sur son blog

  • Histoire des technologies

    Histoire des technologies

    Je viens de trouver trois magnifiques vidéos des années 1960 sur l’histoire de la technologie. Y sont notamment interviewés André Leroi-Gourhan et Gilbert Simondon. C’est une émission de 1967 qui est d’un extraordinaire intérêt, la science diffusée via les ondes pour le plus grand nombre avec l’appui de brillants intellectuels.

    Il me semble que cela doit nous permettre de mieux comprendre les enjeux actuels de la formation, de relativiser ce que nous pensons être des nouveautés absolues et de penser la façon dont sont construits les dispositifs de formation actuels. Des archives qui ne peuvent pas nous laisser de marbre.

    L’introduction

    La partie 2

     

    La partie 3

     

  • Et si l’enseignant innovant était un concept utile pour … ne pas innover ?

    Et si l’enseignant innovant était un concept utile pour … ne pas innover ?

    JPMoiraud_Art1_260214

    N’est-il pas désormais un concept dépassé ? Il a été utile, nécessaire et indispensable pour passer du 1.0 au 2.0, le pionnier a eu une fonction sociale mais la modernité s’est installée, instillée, développée.

    L’innovant s’est épuisé, il lui arrive même de se démobiliser, de douter.

    Peut-on aujourd’hui se contenter de  n’avoir que des enseignants innovants, isolés, atomisés, sympathiques curiosités du monde enseignant ? Ce serait vrai si le système éducatif se réduisait au seul monde enseignant ; or nous savons tous que le système est complexe. Il est difficile de parler d’éducation, d’enseignement et d’apprentissage sans évoquer les apprenants, les chefs d’établissement, les corps d’inspections, les administrations, la recherche, les syndicats, les parents d’élèves,  j’en oublie certainement.

    L’enseignant innovant est un concept dépassé. Il nous faut maintenant penser l’innovation comme un instrument global. C’est ici que se justifie mon titre car mettre la focale sur l’enseignement innovant permet, à bien des égards de conserver le système en l’état. En détournant le regard sur un « objet » que j’ose qualifier d’anecdotique (que mes collègues innovants m’excusent par avance de la violence voulue du terme anecdotique). Seul, l’enseignant innovant s’épuise, il se coupe petit à petit de son milieu, se marginalise car il avance au sein d’un système qui stagne.

    Comme dans toute greffe il faut que le corps accepte la greffon faute de quoi c’est le rejet qui s’impose.

    En glorifiant l’enseignant innovant on lui rend un mauvais service et on rend un mauvais service à l’institution. Nous nous trompons depuis des années, nous focalisons notre attention sur quelques individus quand c’est le système qu’il faut analyser. L’enseignant innovant est mort, que vive la structure innovante.

    Si l’on veut innover, alors regardons où sont les équipes innovantes, celles qui savent collaborer, travailler de concert, savent intégrer l’interdisciplinarité comme vecteur de la réussite. Ne plus regarder son voisin de classe, son pair d’amphithéâtre comme un étrange étranger mais comme un allié précieux.

    Si  l’on veut innover, alors regardons où sont les chefs d’établissements  innovants, ceux qui acceptent de prendre le risque de modifier les habitudes, les usages confortablement acceptés pour être tranquilles ; le chef d’établissement global, expérimentateur qui ose le dialogue horizontal en complément du nécessaire hiérarchique.

    Si l’on veut innover alors regardons où sont les IEN / IPR innovants, ceux qui osent valoriser le savoir académique comme la compétence acquise et développée ; savoir encourager l’innovation sans qu’elle se fasse au prix d’un renoncement salarial.

    Si l’on veut innover, regardons quelles sont les positions syndicales qui permettraient d’avancer dans le sens de l’innovation sociale.

    Si l’on veut être innovant regardons du côté des collectivités locales qui engagent des politiques innovantes en osant imaginer des établissements adaptés aux modes collaboratifs et coopératifs.

    Savoir intégrer la technologie pédagogique au-delà de l’acte d’investissement simple dans le registre du dialogue ordonnateur / comptable.

    Si l’on veut être innovant regardons du côté des modifications structurelles qui pourraient être envisagées.

    L’innovation pourrait tangenter vers la reconnaissance d’un temps numérique effectif dans les services, vers la reconnaissance d’un espace recomposé qui reconnaîtrait, à côté des espaces réels, les espaces numériques ; vers la reconnaissance des efforts engagés et des compétences acquises par les acteurs éducatifs.

    Si l’on veut innover faisons en sorte que le continuum lycée université soit aussi une réalité pour les enseignants.

    Osons donc penser l’innovation comme la préoccupation de chacun, à tout instant ; l’innovation oui mais pas seulement pour les enseignants.

    Et si on en discutait plus avant ?

    Plus d’infos : retrouvez tous les billets de JP Moiraud dans notre rubrique « Entre ingénieur et bricoleur, un espace à investir chez les enseignants » et sur son blog

  • L’identité numérique

    L’identité numérique

    JPMoiraud_identiténumeriqueLe thème de la semaine est l’identité numérique. Un vaste sujet comme à chaque fois dans Itypa. Il revient donc à chacun d’entre nous de traiter le sujet selon sa sensibilité. J’aimerai marier ce sujet avec celui de l’EPA.

    Nous avons, au cours de notre vie professionnelle à gérer une grande quantité d’identités numériques selon nos lieux d’exercice (vie professionnelle, vie privée, vie sociale).

     

     

    Les identités peuvent être choisies, elles peuvent être aussi imposées. Pendant plusieurs années, j’ai assuré la fonction de Iatice (interlocuteur académique pour les Tice), j’avais régulièrement pour mission de rappeler que l’adresse académique (prénon-nom@ac-lyon.fr) devait être utilisée.

    Rappel en pure perte, les enseignants préféraient leur boite personnelle comme si l’identité numérique proposée par l’administration était un poids, une atteinte à une forme de liberté et l’adresse personnelle un gage de liberté.

    Je traite peut-être l’identité par le petit bout de la lorgnette mais cet exemple me paraît significatif des enjeux.

    Notre vie numérique est multiple, elle réfère à un ensemble d’espaces de notre vie. Sous quelle identité faut-il être épinglé ? Celle qui est professionnelle ou celle qui est choisie ? Faut-il une identité numérique en rapport avec notre état civil ou faut-il faire le choix du pseudo ?

    Le choix de ses identités numériques renvoie aux enjeux de notre vie sociale et au cadre juridique qui l’encadre.

    Travailler son identité professionnelle c’est représenter son employeur, c’est s’inscrire dans un cadre normé où s’exerce notamment l’obligation de réserve. Il est toujours surprenant de lire dans les profils cette phrase surprenante « Les propos n’engagent que moi« .

    L’identité professionnelle, bien au contraire, engage l’auteur en tant que membre d’une structure identifiée, le propos doit être calibré dans un cadre normé.

    Le pseudo est une autre solution pour gérer son identité :

    Il est la possibilité de s’exprimer sans exposer sa réelle identité. C’est d’ailleurs une histoire ancienne, en témoigne le pseudo de « Jacques Mandrin » utilisé en son temps par des politiques pour publier leur ouvrage, ou bien celui de Caton utilisé en son temps par un personnage célèbre. Le numérique donne un nouvel élan à la place du pseudo car les traces restent que l’on soit célèbre ou pas.

    Il est aussi la possibilité de donner une couleur spécifique à son identité selon l’espace que l’on investit. Les mondes virtuels en sont un exemple caractéristique. Il est d’usage d’utiliser un pseudo d’avatar. En ce qui me concerne je suis « John Broadbent » lorsque je travaille dans Second Life pour déployer les cours de simulation.

    La personne qui investit les espaces numériques devra envisager sa gestion de ses identités en oscillant entre l’identité réelle, le pseudo de dissimulation volontaire et le pseudo de métaphorisation de son identité.

    La multiplication des identités nous amène à nous poser la question de notre identité numérique et de son exposition sur le web. Comment faire pour rendre cohérente la diversité. Et si le portfolio était une partie de la réponse ?

    La suite de ce billet dans un second billet et commentaires intéressants ici

     

  • 10 ans pour le Tutorat @ Distance

    10 ans pour le Tutorat @ Distance

    Le Tutorat à distance, c’est quoi ? Par Jean-Paul Moiraud, en vidéo


    L’introduction massive des solutions numériques dans les formations (initiales et continues) a fait entrer le e-learning comme élément de l’enseignement et de l’apprentissage.

    Les apprenants ont besoin d’accompagnement dans ces dispositifs. Les tuteurs exercent un rôle déterminant, leurs compétences sont le gage du bon accompagnement des apprenants et au final de leur réussite.

    Jacques Rodet qui est consultant et maître de conférence associé s’est engagé depuis plusieurs années dans une réflexion sur le tutorat.

    Il est le rédacteur du blog de t@d qui réunit des billets d’actualité et de fond sur les différents aspects du tutorat à distance et de la revue les Tutorales.

    Pour les 10 ans se son activité, Jacques Rodet, a souhaité donner une résonance particulière au concept et à l’activité de tuteur.

    IL y aura donc au cours de cette année un ensemble d’événements faits de conférences en ligne. Les 10 ans de t@d sont parrainés par des acteurs de la formation en ligne.
    L’année sera rythmée par un ensemble de conférences , données sur trois espaces différents, en hangout, sur la solution classilio et dans les mondes virtuels (second Life).

    Le programme des différentes conférences est consultable . vous pouvez vous inscrire aux conférences en cliquant sur le lien ici

    les 10 ans de t@d peuvent être suivis sur les réseaux sociaux. Vous pouvez vous inscrire sur la page Facebook et en suivant le # tad10 sur Twitter.

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    Séminaire en ligne du 1er octobre au 12 décembre 2013
    Toutes les conférences se dérouleront de 19h à 20h (Paris)

    En octobre
    Présentation du séminaire par le Comité d’organisation
    Conférence d’introduction du séminaire par Geneviève Jacquinot
    Retour sur les 10 ans de t@d par Jacques Rodet
    Accompagner l’apprentissage en formation à distance : le rôle des tuteurs par Nathalie Deschryver
    Les temps du tutorat à distance par Margarida Romero
    Clientèles émergentes et étudiants en situation de handicap : qui sont-ils et comment adapter le tutorat pour répondre à leurs besoins ? par Caroline Brassard
    Certificat d’université en tutorat à distance : une approche de formation isomorphique pour acquérir des compétences de e-tuteur par Brigitte Denis
    De la diversité du tutorat de pairs par Cathia Papi
    La comptabilisation du temps de travail des tuteurs par Corinne Allavoine-Morin
    Tutorat et espaces de formation par Jean-Paul Moiraud

    En novembre
    Peut-on parler du « métier » de tuteur à distance ? par Viviane Glikman
    La syndicalisation des tuteurs de la Téluq : origines, enjeux et résultats ? par Sylvie Pelletier
    Tuteurs, apprenants, enseignants. Similitudes et différences, constantes et évolution des compétences pour la formation à distance par Lucie Audet et Michel Richer
    Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révolution par Olivier Dulac
    Présentation La coordination en formation à distance et la gestion des tuteurs par Nathalie Deschryver

    En décembre
    Retour sur un dispositif tutoral à l’université par Sylvain Vacaresse
    Conférence de clôture par Pierre Gagné

    Retrouvez toutes les infos ici
    Les premières vidéos sont en ligne ici

  • Mobilité des corps dans l’espace réel ou mobilité dans les espaces numériques  ?

    Mobilité des corps dans l’espace réel ou mobilité dans les espaces numériques ?

    La problématique définie par les organisateurs étaient la suivante : « il y a dix  ans les premiers bricolages [1] arrivaient sur le marché, les ordinateurs et TNI sur roulette étaient invités ! Aujourd’hui, passées les expérimentations, de distribution de portables aux collégiens, les opérations tablettes, le BYOD. Et si la mobilité c’était les MOOC, les univers virtuels ou l’apprentissage à distance ? »

    J’ai choisi de ne pas assoir mon propos en décrivant les avantages réels ou supposés des tablettes numériques, j’ai préféré centrer ma réflexion sur la notion de mobilité pédagogique. Que recouvre le concept de mobilité ? Est-il un concept lié à l’arrivée des technologies numériques ? la mobilité est –elle celle des corps ou celle des espaces ? mobilité des corps, mobilité des ressources, mobilité des outils, mobilité des cloisons dans les établissements scolaires. Il est nécessaire de baliser ces champs.

    Définition

    Avant toute analyse il convient de s’interroger sur le sens des mots utilisés en pédagogie de façon générale [2], sur la mobilité en particulier, sur son étymologie. Il est assez fréquent que nous employions à longueur de billets, d’articles et de discussions des termes sans en cerner parfaitement les contours et les subtilités [3].

    Alors même que nous sommes enclins à envelopper la mobilité dans une gangue positive, l’étymologie nous invite à un peu plus de prudence :

    Dans le dictionnaire étymologique en ligne il est dit :

    « Le Dialoge Grégoire, éd. W. Foerster, p.92, 9); b) 1667 le définit ainsi « inconstance et instabilité » c’est aussi selon Bossuet, Premier sermon pour le dimanche de la quinquagésime, 1 ds Littré Add. 1872) la «facilité à passer d’un état psychologique à un autre» [4].

    Là où la technologie semble vouloir nous parler de libération des méthodes, l’étymologie nous engage à observer avec prudence le propos, nous aurons l’occasion d’interroger la notion d’état psychologique plus avant.

    L’introduction des tablettes et autres solutions mobiles nous fera-t-elle entrer dans l’ère de l’inconstance et de l’instabilité ? Ce n’est certes pas ma conclusion mais il est évident que la question mérite d’être approfondie. J’ai, à propos du temps de travail des enseignants, commencé à poser des jalons [5].

    Historiquement

    La tablette et la mobilité, à juste titre, ont été largement évoquées dans les débats et ont été associées à la nouveauté. Est-ce une évidence ? Ce n’est pas sûr, il suffit pour cela d’interroger l’histoire.

    JPMoiraud_180913La tablette est à la source de notre histoire, les sumériens écrivaient sur des tablettes d’argiles, le musée du Louvre nous donne l’immense joie de pouvoir les admirer. Certes, entre les tablettes contemporaines et les inscriptions sur argile existe un gouffre technologique mais la passerelle de la mobilité est un lien fort. Cela doit nous interroger.

    Je me plais très souvent à citer Alberto Manguel et son livre une histoire de la lecture. Il cite le cas de ce Prince Perse qui avait dressé ses chameaux (transportant ses ouvrages) à se déplacer selon l’ordre alphabétique : « Au Xème siècle, par exemple, le grand vizir de Perse, Abdul Kassem Isma’il, afin de ne pas se séparer durant ses voyages de sa collection de cent dix-sept mille volumes, faisait transporter ceux-ci par une caravane de quatre cents chameaux entraînés à marcher en ordre alphabétique [6]»

    Les moines Irlandais de Kells créaient des mini bibles pour le lecteur itinérant. Les exemples foisonnent car la mobilité et le savoir ont, me semble-t-il toujours été associés.

    De façon plus contemporaine, dans les années soixante, la génération du Baby-boom a appris la poésie, la musique classique grâce à la radio scolaire sous l’ égide de l’OFRATEME [7]. En raison de l’ajum de l’âge de l’obligation scolaire il fallait former en masse des instituteurs et des élèves. La radio scolaire s’est inscrite comme élément technologique fort pour la formation. Une mobilité réelle de savoirs via les ondes.

    La mobilité est donc bien inscrite dans notre histoire de l’enseignement et de l’apprentissage, le numérique lui a donné une tournure sans précédent, nous pouvons apprendre et enseigner « everywhere and anytime ». Le rapport Bardi-Bérard [8], en 2002, a mis en évidence le phénomène de porosité de l’espace éducatif. Nous sommes devenus mobiles, il est de bon ton d’être mobile, la mobilité est devenue une compétence exigée dans les fiches de poste des DRH, le contrat de travail peut prévoir une clause de mobilité [9]

    Mobile certes, mais s’agit-il de la mobilité du corps ou de la mobilité dans les espaces ? il s’agit bien de savoir si la mobilité influe nos pédagogies, si elle la rend plus efficace ?

    Mobilité des corps et mobilité dans les espaces

    La mobilité des corps

    Avec la généralisation des tablettes dans les classes, il est normal d’interroger le concept de mobilité. Il nous est loisible de nous déplacer et d’avoir accès en permanence au savoir, aux ressources pédagogiques. L’ère de l’informatique avait spatialement organisée le corps : un Homme assis devant un écran, lui-même installé sur un bureau.

    JPMoiraud2_180913Le numérique nous fait entrer dans l’ère des écrans multiples et de la mobilité des corps. Nous pouvons nous déplacer avec l’écran (tablettes, smartphones, lunettes),  poser notre corps dans des endroits protéiformes pour accéder aux informations, au savoir. Nous entrons dans un système où apparaît la posture de la consultation multi-écrans.

    Qui ne s’est pas allongé dans son canapé pour regarder la télévision tout en consultant sa tablette ?. Cela favorise-t-il la pédagogie [10] ? Nous sommes entrés résolument dans l’ère de la mobilité exacerbée, les espaces se diluent, le temps s’accélère.

    Cet ensemble de questions nous oblige à penser le corps mobile via divers prismes. Quelle architecture à l’heure de la mobilité, comment place t-on le corps des apprenants et des enseignants dans un environnement contraint par le numérique ?

    Le design social s’est emparé de cette question délicate en formalisant des scénarios [11]. Le corps dans la classe, le corps hors la classe expression de la mobilité est un sujet que nous ne pouvons plus ignorer.

    Cependant qu’elle est la plus-value pédagogique ? Le corps libéré des murs aide-t-il à mieux apprendre ?

    Cette question doit (devra) être menée par les collectivités locales qui ont en charge les bâtiments scolaires. Elles ont à mener une réflexion sur deux axes, les bâtiments à venir et les bâtiments existants.

    Il semble acquis, à l’aune des technologies existantes, que l’acte d’enseignement n’est plus seulement organisé sur le principe de la tragédie grecque (unité de temps et de lieu). Nous devons nous interroger sur la définition contemporaine à donner au concept d’ établissement scolaire.

    D’une certaine façon il faut libérer les corps de l’enceinte classe, le lycée d’Orestad [12] tente de donner des réponses à cette question.

    Dans la mesure où les technologies font voler en éclat les murs de la classe,  déconstruisent, d’une certaine façon, la conception traditionnelle de l’établissement, faut-il tenter de redéfinir ses contours ?

    L’établissement scolaire, à fortiori l’université, est-il uniquement délimité par des murs ? Le corps apprenant est il cantonné à circuler, apprendre dans un espace physique unique ? l’apprentissage en ligne (pour les apprenants et les enseignants) étend l’école à l’espace privé.

    On peut aprendre chez soi, le numérique n’est-il pas en train de professionnaliser l’espace privé en des temps déterminés ? L’espace public dans la sphère privée et la sphère privée dans l’espace public, [13].

    La vraie mobilité n’est-elle pas celle des espaces ? Nous disons fréquemment « accéder à internet », nous pénétrons de nouveaux espaces dans lesquels nous nous mouvons. Nous les nommons ENT, world of warcraft [14], second Life, cyber espace, e. mail …

    La mobilité dans les espaces numériques

    Il devient très difficile d’opposer le réel et le virtuel puisque notre activité sociale s’y exerce alternativement. Le numérique nous permet d’investir d’autres espaces dans lesquels nous circulons, nous nous socialisons [15].

    Je voudrais à ce titre, citer un passage du livre de Milad Doueihi [16] : « après une longue absence, le corps fait donc irruption dans notre environnement numérique. « « On ne peut penser et écrire qu’assis (Gustave Flaubert). – Je te tiens nihiliste ! Être cul de plomb, voilà, par excellence, le péché, contre l’esprit ! Seules les pensées que l’on a en marchant vâlent quelque chose. » Il semble que notre réalité numérique soit plutôt Nietzschéenne, mais au lieu de se promener dans la nature, on se balade dans les espaces urbains, investis par le numérique. C’est précisément ce mouvement continu vers la mobilité qui caractérise l’urbanisme virtuel au cœur de l’humanisme numérique » (Milad Doueihi page 21)

    Je pense que les tablettes et autres solutions mobiles ne sont que des artefacts qui nous ouvrent de nouveaux horizons pour explorer ce «far web [17]».

    Je pose la question (convaincu que je n’ai pas de réponses) : La vraie mobilité ne réside-t-elle pas dans la capacité des enseignants à élaborer des scénarios pédagogiques instrumentant le numérique [18] ?

    La tablette n’est mobile que si elle permet d’explorer les vastes étendues numériques. L’enseignant est un bâtisseur, il norme des espaces, il les agence, il donne à ses élèves une cartographie numérique, il plante des panneaux qui indiquent la direction de la coopération, de la collaboration et peut être de l’intelligence collective. Là est la vraie mobilité, en tout cas j’ai la faiblesse de le croire.

    Ce n’est, me semble t-il qu’à cette condition, que l’on peut commencer à penser la mobilité dans le monde réel.

    Les mondes virtuels qui structurent mes activités sont un bon exemple pour illustrer cette mobilité numérique [19]. Les scénarios qui se construisent  intègrent une réflexion sur le sens à donner aux espaces [20] (exemple, quel sens donner à une ville virtuelle), à la façon dont on se déplace, aux interactions qui s’y exercent. On doit imaginer comment le corps réel s’exprime sous sa forme métaphorisée de l’avatar [21].

    La mobilité en tant qu’objet d’analyse pédagogique doit dépasser le simple slogan fédérateur,  car elle engage des transformations profondes. Elle nous amène à penser le temps et l’espace et ses enjeux de scénarisation [22], à réintroduire des instruments d’interaction comme la voix [23].

    En conclusion de ce début de réflexion, je voudrais souligner le risque à s’engager dans une réflexion uniquement centrée sur un outil, même s’il représente un tournant technologique évident. Être mobile c’est plus une posture intellectuelle, qu’une adaptation à un outil. C’est probablement Stefana Broadbent qui jalonne le mieux ces enjeux pour la pédagogie (même si ce n’est pas son propos central) dans son livre l’intimité au travail [24]

    Nous devons poursuivre cette réflexion, car la mobilité est un enjeu fort pour les années à venir, des concepts émergent comme le BYOD (bring your own device), en fait ne s’agit-il pas plutôt du BYSE ? (Bring Your Space Everywhere)

     


    [3] C’est pour cette raison que j’ai tenté de cerner les  termes de coopération et de collaboration – http://moiraudjp.wordpress.com/2011/06/09/terminologie-cooperatif-collaboratif/

    [4] http://www.cnrtl.fr/lexicographie/mobilité

    [5] Le temps aveugle des enseignants  http://moiraudjp.wordpress.com/2011/07/08/temps-aveugle-des-enseignants/ et la perruque comme métaphore du temps de travail des enseignants http://moiraudjp.wordpress.com/2012/12/19/perruque-inversee/

    [6] Edward G. Browne, A literary historic of Persia, 4 vol. (Londres,  1902-1924)

    [8] Rapport Bardi – Bérard ( 2002) L’école et les réseaux numériques  http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d0210b.htm

    [10]Ce qui est en train de se passer, explique-t-il, avec la montée en puissance des systèmes de sur-stimulation, de sur-attention, de sur-information, de sur-investissement, détruit l’appareil psychique de l’enfant et rend impossible le travail éducatif. Car ce dernier – et les pédagogues le savent depuis longtemps – travaille précisément sur le sursis à la réalisation immédiate de la pulsion, pour permettre l’émergence du désir dans la temporalité” in Philippe  Meirieux – “Quelle stratégie pour les militants pédagogiques aujourd’hui ?”  http://meirieu.com/ARTICLES/militants_pedagogiques.pdf

    [11]  La 27ème Région – Mon lycée demain : premiers scénarios – http://blog.la27eregion.fr/Mon-lycee-demain-premiers

    [12] Le lycée d’Orestad, Educavox,  http://www.acteurs-ecoles.fr/contact/le-lycée-d-orestad/

    [13] L’intimité au travail, Stefana Broadbent

    [14] Jean-Paul Moiraud – South Park et les mondes virtuels – http://moiraudjp.wordpress.com/2011/11/16/south-park-et-les-mondes-virtuels/

    [15] Les liaisons numériques –Antonio Casili

    [16] Pour un humanisme numérique, la librairie du XXI siècle, Seuil (2011)

    [18] Les scenarios de pédagogie embarquée (SPE)  – http://eductice.ens-lyon.fr/EducTice/recherche/scenario/spe

    [19] Le tutorat dans les monde virtuels Jean-Paul Moiraud et Jacques Rodet – http:// tutvirt.blogspot.com

    [21] Tutorat immersif et avatar – Jean-Paul Moiraud et Jacques Rodet – http://moiraudjp.wordpress.com/2013/01/08/e-learning-temps-et-espace-elements-de-reflexion-pour-une-scenarisaion-operationnelle/

    [22] Temps et espace pour une scénarisation opérationnelle – http://moiraudjp.wordpress.com/2013/01/08/e-learning-temps-et-espace-elements-de-reflexion-pour-une-scenarisaion-operationnelle/

    [23] Le numérique, la reconquête de la voix, la reconquête de l’espace – http://moiraudjp.wordpress.com/2013/04/04/le-numerique-la-reconquete-de-la-voix-la-reconquete-de-lespace/

    [24] Sefana Broadbent – l’intimité au travail, la vie privée et les communications personnelles dans l’entreprise , éditions FYP (2011). Voir notamment page 152 l’école.