De fait, devenu postmoderne, l’homme s’invente désormais des objets, multiples prothèses, avec lesquels il travaille, vit, joue, voyage, se connecte sur une toile numérique. Il recrée, à sa main, un monde imaginaire et ce faisant ré-enchante le monde. De simple Homo Sapiens, le voilà devenu Homo Ludens, Imaginans et même Vertus.
En suivant les chemins empruntés par cet homme postmoderne, nous tenterons de démontrer que la Toile, et son accessibilité quasi universelle grâce aux mobiles, offre des espaces et modes de socialité qui permettent à chacun de faire de sa vie une œuvre d’art.
En effet, avec 77% de la population mondiale détentrice d’un téléphone mobile dont 30% de Smartphones en 2010[1], nous assistons à l’une des expériences que le sociologue Michel Maffesoli[2] nomme la postmodernité, cette nouvelle ère où l’instant prime sur le futur, le ludique sur la raison et le réseau sur l’individualisme.
Le web 2.0, fondé sur une culture de partage, répond aux besoins de l’individu, de communiquer et d’échanger avec les autres, de créer du lien, de combler ces «trous» du cercle en pointillé dont parle Michel Maffesoli, cet entre-deux où viennent s’insérer les innombrables interactions sociales «virtuelles» de la toile.
Aves leurs nouvelles fonctionnalités, caméra/appareil photo, prise de son, réception TV, accéléromètres, géo localisation et le passage récent du 3G au 4G, les téléphones mobiles désormais appelés Smartphones ne cessent d’offrir aux utilisateurs émerveillés que nous sommes de nombreuses possibilités et d’innombrables relations inter-personnelles, professionnelles, personnelles, ludiques et sérieuses.
Si l’on en croit Stéphane Hugon[3], qui évoque les travaux de Tönnies, le lien communautaire n’est pas un lien sociétal entre deux individus comme le serait un contrat, mais plutôt un lien qui l’unit à d’autres liens. De même, l’outil technique Smartphone, est donc le médiateur des internautes, et devient de ce fait le lieu d’expression de cette relation sociale entre utilisateurs du monde entier.
De fait, en vagabondant sur le net, sur différents canaux, différents sites, ou en utilisant les centaines de milliers d’applications apparues en moins de deux ans d’existence sur l’Appstore, l’utilisateur se crée des voyages, des identités, des parcours, qui lui permettent d’aller à la rencontre de l’autre, un autre lui même d’abord, voire même plusieurs, mais aussi un Autre qui va le compléter, le mettre en danger, le conforter. En participant aux différents rituels proposés, crées, inventés par les membres de s ces multiples réseaux accessibles d’un simple frôlement de pouce, le mobinaute vit de nouvelles expériences, ré enchante le monde, et, peut-être même, rend l’inaccessible enfin accessible.
Le terme «communauté virtuelle» a donné lieu à beaucoup de débats, les uns se refusant à accepter la virtualité d’une communauté, les autres remettant en cause la terminologie «virtuelle». Ce qui fait lien, dans ces communautés d’un nouveau genre, c’est donc l’intérêt partagé. Si la proximité géographique assurait le lien social traditionnel, codifié et encadré, dans une structure territoriale réelle, c’est le partage de valeurs communes qui crée aujourd’hui des nouvelles communautés, structurées en réseaux.
En effet, intégrant de nouvelles formes de socialité, ces échanges ritualisés analysés par Erwing Goffman[4], comme la politesse ou la prise de parole en groupe, ceux-là même qui font la trame et l’essence du social, les applications sur Smartphone et les expériences qu’elles proposent, recréent un espace de socialité qui n’a rien à envier à l’espace connu des nos rencontres quotidiennes réelles.
Ainsi, grâce au Smartphone, les mobinautes, membres d’une et même de plusieurs communautés virtuelles ou réseaux sociaux en ligne, se retrouvent en intimité sur le partage des pratiques de telle ou telle application, tel ou tel service via leur Smartphone. C’est donc bien la dimension culturelle du Smartphone qui offre une dimension collective, générée par les usages, et qui crée ainsi un espace communautaire d’identification que nous pourrons analyser en étudiant des applications ludo-consuméristes comme Geocaching, Foursquare, Plyce ou encore Scanbucks .
En quelques années, partager ses goûts, ses choix, ses émotions et toujours plus d’aspects de sacré, des plus futiles aux plus intimes, et ainsi, en quelque sorte faire de sa vie une œuvre d’art, est donc en passe de devenir une sorte de leitmotiv populaire ou le fait d’éprouver ensemble quelque chose est facteur de socialisation.
Nouvelles pratiques de communication, nouveaux usages, nouvelles relations sociales, les applications proposées par les Smartphones nous ouvrent les portes d’un nouvel espace postmoderne, celui du nomadisme numérique communautaire de type ludique, un nomadisme réticulaire basé sur le partage d’expériences et d’émotions, qui nous entraîne peut-être vers l’établissement d’un nouveau pacte social.
Communication présentée le Mardi 30 août sur Ludovia à 16h00 par France Vachey plus d’informations surwww.ludovia.org
[1] Chiffres donnés par Diane Taillard, directrice GS1 Global le 28/01/11 à Sierre en Suisse au Worshop “Internet+Mobile=Nouveaux consommateurs?” (www.gs1.org)
[2] Le Pogam Yves, Michel Maffesoli, analyste de la socialité émergente, , Corps et Culture, 1998, http://corpsetculture.revues.org/522
[3] Hugon Stéphane, Circumnavigations, CNRS Editions, Paris, 2010
[4] Goffman Erwing, Les rites d’interaction, Editions de Minuit, Paris, 1974