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Activité créatrice du spectateur dans les dispositifs d’art numérique : entre potentialité et occurrence

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Comme le soulignent Edmond Couchot et Norbert Hillaire, dans leur ouvrage « L’art numérique, comment la technologie vient au monde de l’art », une des caractéristiques de l’art numérique est de remettre en question les définitions d’auteur, de spectateur et de statut de l’œuvre. Avant « l’ère du numérique » ces entités avaient une relative autonomie et leur statut étaient définis dans une certaine détermination et clôture.

Avec le numérique, le statut de l’œuvre va pourtant être bouleversé puisque celle-ci est modifiable, variable et déclinable en autant de versions possibles qu’il y a de spectateurs. L’artiste lui, se voit contraint de limiter la forme esthétique aux possibilités du programme numérique qui intègre les données extérieures que produit le spectateur. Le spectateur se voit invité ou obligé de participer au dévoilement de l’œuvre qui se construit et se révèle en fonction de certains paramètres qu’il offre au programme.

Dans les conclusions de son ouvrage Qu’est-ce qu’une œuvre musicale ?, le philosophe Roman Ingarden, propose une définition de l’œuvre musicale comme la combinaison d’une partition écrite et de ses possibles occurrences – ses interprétations –  qui nous semble pouvoir éclairer la compréhension de l’œuvre interactive : le programme de l’œuvre d’art interactive serait ainsi comme une partition et le spectateur serait l’interprète de l’œuvre à déployer.

En prenant appui sur le processus poïétique des autres disciplines artistiques, nous tenterons ainsi de développer une réflexion qui aborde davantage l’idée que le spectateur n’est pas un co-créateur mais qu’il s’approcherait plutôt d’un interprète qui confronte désormais l’artiste plasticien à une écriture temporelle jusqu’à présent absente du domaine des arts plastiques.

Concernant le statut du spectateur nous partirons du constat que l’œuvre est nécessairement écrite par avance et attend une activité déterminée du spectateur limitée aux possibles définis dans le programme écrit par l’artiste. L’œuvre est alors le résultat d’une gestualité spectatorielle attendue offrant néanmoins des interprétations diverses de l’œuvre. L’enjeu de l’expérience artistique interactive s’amorce par les choix d’écriture et les possibilités d’action laissées aux spectateurs. En nous appuyant sur une œuvre en cours de réalisation, nous tenterons de montrer de quelle manière le dispositif tient pleinement compte du spectateur et quelles sont les problématiques d’écriture temporelle ouvertes par l’outil du numérique.

Celle-ci confrontent l’artiste plasticien à des questions d’écriture scénaristique qui bouleversent sa méthodologie créative et qui est à la frontière du statut du compositeur, du metteur en scène, du chorégraphe et dont la forme s’apparente davantage aux jeux vidéos. En effet comment est-il aujourd’hui possible d’inventer une interaction qui ne soit pas régie par un schéma mécanistique du type action/réaction et qui prolonge les œuvres d’art de la première interactivité ? Les œuvres de la seconde interactivité auraient davantage permis d’approcher l’idéal du co-créateur développé par Edmond Couchot.

Ces œuvres sont dotées d’algorithmes génétiques et de loi de la vie artificielle ce qui permet de donner l’impression aux spectateurs que l’œuvre co-évolue en fonction de son implication dans celle-ci et qu’il a un réel impact dans le devenir de l’œuvre.  Pourtant cette forme d’art peu développée délègue le résultat de l’écriture formelle à des algorithmes évolutifs et qui ne permettent pas à l’artiste d’écrire de manière choisie le déroulement du scénario de l’œuvre. Nous essayerons ainsi d’examiner l’actualité des termes de spectateur-acteur théorisé par Edmond Couchot.

Quels choix d’écriture sont-ils actuellement accessibles à l’artiste pour créer une expérience interactive entre ces deux formes d’interactivités ? N’existe-t-il pas une voie médiane qui permette à l’artiste de développer une interaction suffisamment complexe pour ne pas réduire le spectateur à la simple expérience de la réponse programmée sans pour autant tomber dans une œuvre régie par des algorithmes évolutifs qui permettront d’impliquer certes l’activité du spectateur dans l’évolution de l’œuvre, mais dont le résultat  n’en reste pas moins une forme indéterminée qui ne laisse que peu de manœuvre d’écriture scénaristique à l’artiste ?

Voir le programme du colloque scientifique Ludovia#11
Voir la bio de Edwige Armand et Julien Rabin sur Ludovia 2014

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