Interview de Thierry Klein de la société Speechi lors du salon Educatec-Educatice sur le sujet de l’apprentissage de la programmation et des robots…
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Que tu t’intéresses ou pas aux technologies de l’éducation, il est difficilement concevable que tu n’aies pas entendu parler des MOOC dans les dernières semaines. Elles ont été partout. Dans le Monde, qui les annonce à Polytechnique , sur la 5 la semaine dernière sans compter les sujets divers et variés à la télé (C dans l’air), en bonne placedans la feuille de route numérique du gouvernement et sur les blogs de tout un chacun (sauf celui que tu es précisément en train de lire, cher lecteur, ce qui constituait certainement, jusqu’à présent, un retard inexcusable que je te prie néanmoins de bien vouloir excuser).
Un petit tour sur Wikipedia t’apprendra que le peu gracieux acronyme MOOC signifie « Cours en ligne ouvert et massif », le terme « massif » n’ayant bizarrement rien à voir avec l’importance délirante des moyens de communication visiblement mis au service du concept mais signifiant simplement qu’un grand nombre d’élèves peuvent suivre le cours. Wikipedia affirme même sans vergogne qu’ »il arrive fréquemment que 100 000 personnes soient réunies pour un cours » alors qu’un tel nombre est tout à fait exceptionnel (cela s’est passé moins de 5 fois depuis le Big Bang et encore – sans compter les fois où les cours ont dû être suspendus pour des raisons techniques comme à Georgia Tech, qui utilise, tiens donc, le même système que l’X).
Evidemment, la plupart des articles que tu peux lire sur le sujet sont dithyrambiques. Les MOOC, permettant de former des dizaines de milliers de personnes à la fois (restons modestes…), vont résoudre le problème de l’ignorance dans le monde, et ce de façon gratuite et non obligatoire, puisque n’importe qui est libre d’y participer.
Du coup, un certain nombre de professionnels du scrogneugneu s’offusquent (on est en France, après tout). Ainsi, Dominique Boullier, enseignant à Sciences Po, loin de se douter qu’il atteindrait ainsi l’état envié d’auteur cité dans un de mes billets, a recensé de façon intéressante l’ensemble des arguments contre les MOOC et si tu as 2 h 25 mn à perdre, cher lecteur, ainsi qu’une aspirine sous la main, tu peux aller lire son point de vue sur Internet Actu. Si tu n’as que 10 mn, ainsi qu’éventuellement un bon verre de cognac, et que tout ce qui t’intéresse, c’est, comme dirait l’autre, la substantifique moelle de l’argumentation, je te conseillerai plutôt de terminer la lecture du présent billet.
Car l’argument le plus convaincant des anti-MOOC se résume en quelques lignes. Le savoir est déjà disponible de façon massive et quasiment gratuite, depuis que le livre – disons depuis que l’imprimerie – existe – et un petit tour sur Wikipedia, m’enseignant que l’invention de l’imprimerie remonte à 1454, me permet de donner à bon compte une apparence d’érudition à ce billet. Ce savoir est disponible de façon instantanée et à distance depuis que la télévision hertzienne existe – et l’auteur de ces lignes peut modestement te témoigner, cher lecteur, qu’il pouvait suivre, dès 1985, tous les cours d’informatique de Stanford sur le réseau TV du campus – ces cours étaient alors relayés vers quelques centaines de personnes de la Silicon Valley externes à l’Université. Pourtant, la télé n’a toujours pas, que je sache,révolutionné le domaine de l’enseignement.
Comme on voit mal en quoi la télévision en ligne – j’allais dire en streaming mais je me retiens, forcé par le respect d’une certaine élégance classique que j’ai souhaité adopter pour cet article et à laquelle je te sais sensible, cher lecteur cultivé – comme on voit mal en quoi, donc, la télévision en ligne est un moyen de suivre un cours intrinsèquement supérieur à la télévision tout court – ou au livre, il est difficile d’admettre que les initiatives américaines ou françaises sur le sujet puissent réellement changer quoi que ce soit à l’enseignement: tout au plus assiste-t-on à l’ouverture de quelques chaines de télé en plus nommées MOOC, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
J’avoue, cher lecteur, une grande sympathie pour l’argument ci-dessus qui constitue grosso modo ma position sur le sujet.
Mais ce qui me gêne dans l’attitude des anti-MOOC, c’est qu’il me semble que les arguments employés sont des justifications a posteriori, des rationalisations plutôt que des clés d’analyse pour comprendre et pour agir. Les pourfendeurs des MOOC ne sont pas plus sages que leurs adeptes, ils sont juste plus lents, plus réactionnaires et tous leur beaux discours ne font que traduire une posture psychologique a priori : le refus du monde qui change, la frustration de constater que les évolutions viennent d’ailleurs, un certain anti-américanisme que je qualifierais volontiers de primaire si je n’avais pas déjà abusé des formules à l’emporte-pièce et des clichés tout au long de ce billet. Dans la suite de cet article, cher lecteur, j’appellerai « escargot » les critiques présentant un tel profil.
Les escargots, en général de beaux esprits, seront les premiers à se réjouir d’avoir su « raison garder » quand il sera devenu évident que les MOOC, sous la forme dont on en parle aujourd’hui en tous cas, auront échoué. Mais il sera alors trop tard. Les américains auront su en masse investir ce nouvel enseignement – ou ce qu’il sera devenu. Avec la formidable énergie qui les caractérise, qui n’a pas été entamée depuis Tocqueville, ils en auront été les pionniers. Ils seront déjà ailleurs, plus loin, pendant que ceux qui auront raté le train se féliciteront, à tort, de ne pas avoir payé le prix du billet.
Le monde des MOOC aujourd’hui : des dupes et des escargots. J’essaierai de proposer, dans mes prochains billets, un chemin qui passe à bonne distance des uns et des autres.
Ludovia Magazine : Dans le contexte de crise économique, est-ce que vous notez une perte de vitesse sur le marché e-éducatif ? Quels changements ? Quelles adaptations ?
Thierry Klein : La baisse du marché e-educatif est, grosso modo, un phénomène mondial, lié à la faillite des états occidentaux. Des sociétés spécialistes de l’éducation numérique, comme par exemple Smart ou Promethean, ont vu leur capitalisation boursière divisée par 10 au cours des 2 dernières années, ce qui crée des problèmes de développement industriel et peut être même de survie.
La France est relativement peu équipée par rapport à d’autres pays dans le domaine du numérique. Paradoxalement, ce n’est pas forcément une mauvaise chose car, actuellement, aucune étude fiable ne montre que l’investissement numérique se traduit par une amélioration du niveau des élèves. Au contraire, les études, lorsqu’elles ne sont pas directement ou indirectement financées par les constructeurs, montrent plutôt le contraire.
Malheureusement, le taux d’équipement relativement faible du pays n’est nullement le résultat d’une quelconque sagesse mais d’une certaine lourdeur administrative conjuguée à l’absence de moyens. Les investissements français en matière de numérique restent opportunistes et naïfs.
Opportunistes parce qu’ils sont un bon moyen pour les politiques de montrer leur attachement à l’école.
Naïfs parce qu’état et collectivités locales, dont la culture numérique reste faible, font beaucoup trop confiance au discours des constructeurs.
Les politiques, eux aussi peu formés au numérique, subissent de plein fouet le chantage à l’éducation numérique présentée par les constructeurs comme la seule façon de s’adapter au futur.
Aujourd’hui, l’industrie de l’éducation numérique est structurée un peu comme celle du médical. C’est un lobby qui cherche à influencer la puissance publique pour parvenir à ses fins en termes économiques et qui parfois y arrive remarquablement, comme l’a montré le récent rapport Fourgous. Mais alors qu’il existe des procédures rigoureuses pour valider l’intérêt d’un médicament, rien, absolument rien n’a été fait pour évaluer l’apport réel des outils numériques !
Même si on peut juger – c’est mon cas – que l’introduction des technologies numériques à l’école résulte avant tout d’une vision politique et que le développement du numérique en milieu scolaire est inévitable, il n’est pas admissible que les investissements se fassent en dehors de tout cadre sérieux d’évaluation des politiques. Cela nous nuit à tous en tant que citoyens et cela nuit aussi, à moyen terme, à l’industrie e-numérique qui sera complètement décrédibilisée le jour où la supercherie sera dévoilée.
Certains états, comme le Canada, vivent actuellement ce phénomène et d’ailleurs, la baisse du cours de bourse des principaux acteurs, que j’évoquais plus haut, le reflète en partie.
LM : Les annonces (recrutement d’enseignants… ) et le rapport sur la refondation de l’Ecole (inclus la concertation Etat-collectivités locales) vont-ils avoir des répercussions sur votre secteur d’activité en 2013 ? Comment l’appréhendez-vous ?
TK : D’abord, je ne sais pas si la concertation Etats – collectivités locales est une bonne chose en matière de politique e-numérique. Chaque région, chaque département, chaque mairie passe son temps à évaluer les technologies numériques de façon indépendante sans qu’aucun enseignement d’utilité générale soit réellement dégagé pour la collectivité dans son ensemble.
Henri Emmanuelli avouait récemment dans Ludovia magazine que 12 ans après le lancement de l’opération « Un collégien, un ordinateur » et malgré une enquête Sofres sur le sujet, il est difficile d’obtenir une analyse globale. Le principal enseignement semble être que « les résultats dépendent de l’implication des études éducatives ». Tout ça pour ça ? (On pouvait s’en douter…).
Comprenez moi bien le problème que j’ai avec ce type d’expérimentation n’est pas leur coût, ni leur échec. Mon problème est qu’il est impossible d’en retirer quelque généralisation ce soit parce qu’il n’y a aucun cadre d’étude préalable mis en place.
Comme aucun cadre un peu structurant pour analyser les initiatives n’est mis en place, presque toute l’activité e-numérique se ramène à une sorte de mouvement brownien, les gagnants étant ceux qui communiquent le plus ou qui dépensent le plus. Tout ça n’a rien à voir avec l’intérêt profond des élèves.
Le plan numérique annoncé par Vincent Peillon ne me semble pas de nature, pour l’instant, à changer radicalement les choses. Au-delà du côté purement politique de certaines annonce, une erreur majeure sous tend le plan, qui, comme les précédents, vise à développer les usages plutôt que l’enseignement du numérique.
L’enseignement du numérique lui-même est bouclé en 2 petites lignes totalement marginales (“Extension progressive d’une option “sciences du numérique” dans l’éventail des options proposées en terminale générale et technologique“). Or, le numérique est une matière à part entière.
Je suis frappé par la multiplication des investissements visant à faire utiliser les technologies numériques (tableaux interactifs, classes numériques…) par les élèves et la quasi-absence, avant le niveau bac, des formations leur permettant de comprendre comment ces technologies sont développées – je parle de cours de programmation, de génie logiciel, d’algorithmie et d’architecture des ordinateurs, bref, de tout ce que les anglo-saxons recouvrent sous l’appellation “Computer Science”.
De telles formations sont devenues indispensables pour comprendre le monde qui nous entoure. Elles font partie de la culture générale que devrait avoir tout bachelier qui se destine à faire des études supérieures (avec – et non pas contre – le latin, la philo, les maths…).
Il ne s’agit pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens. Simplement de créer des citoyens cultivés dans ce domaine, capables de comprendre et, pour les meilleurs, de créer les outils de demain. On n’obtient pas cet effet en faisant utiliser des IPADs aux élèves, mais en leur expliquant comment ils sont faits – pas plus qu’on ne formerait des cuisiniers en se contentant de leur faire manger des plats.
L’informatique est devenue une science indispensable à l’honnête homme de notre temps, mais sa présence dans le socle scolaire commun est quasi-nulle.
Pour moi, l’éducation nationale fait fausse route en s’attaquant au retard dans les usages qui est un symptôme et non pas la source du problème.
LM : Au delà des annonces, pour l’instant théoriques, quelles mesures pensez-vous qu’il faudrait privilégier pour l’avenir du numérique en éducation ?
TK : Le foisonnement actuel des expériences n’est pas spécifique à la France. La maîtrise du numérique créera, demain, les avantages compétitifs des états. Tout le monde en a conscience. La difficulté est que tout le monde a un avis, autorisé ou non, sur la question. Au nom de leurs visions respectives sur l’école, les nombreux ministres de l’Education Nationale n’ont cessé, depuis 30 ans, de secouer l’Education Nationale.
Pour l’un, la clé est dans l’apprentissage de la lecture. Pour l’autre, c’est le soutien individualisé. Pour un troisième, il s’agit de la motivation des professeurs, du nombre d’élèves par classe, du rythme scolaire ou bien encore de la quantité de graisse disponible sur le mammouth. On voit bien que de telles initiatives imposées par le haut, quelle que soit leur pertinence, ne font pas avancer l’école.
Malheureusement, la vérité ne sortira pas non plus d’un quelconque consensus. Le grand débat national sur l’école organisé il y a 10 ans, qui avait recueilli quelque 50 000 contributions, n’a pas non plus fait bouger quoi que ce soit. Et d’ailleurs, rien ne prouve, en matière d’éducation, que les mesures obtenues de façon consensuelles soient intrinsèquement meilleures que la vision d’un ministre, d’un professeur ou d’un chef d’entreprise !
Jusqu’à présent, le développement du numérique en classe a été uniquement basé sur les usages. Or, il se trouve que la technologie numérique nous apporte aussi des méthodes d’évaluation nouvelles qui nous permettent de trancher presque tous les problèmes concrets de méthodologie, de rythme scolaire, d’usage qui se posent dans l’éducation aujourd’hui.
Ces techniques ont été négligées jusqu’à présent mais représentent bien à elles seules une révolution : en gros, la méthode expérimentale peu, pour la première fois, être appliquée à l’école et la pédagogie scolaire, qui n’a que peu évolué depuis l’antiquité, va pouvoir suivre un chemin d’amélioration permanent, continu et observable, comparable à celui que la science a suivi depuis l’écriture du Discours de la méthode.
Un grand nombre d’élèves, dès le plus jeune âge (qu’on le déplore ou pas) disposent aujourd’hui de téléphones intelligents, tablettes pouvant être utilisés en permanence pour mener des évaluations agiles, peu coûteuses et rapides dont des résultats statistiques significatifs peuvent être dégagés. Ces outils (aujourd’hui interdits à l’école !) peuvent permettre de réaliser des évaluations selon la technique dite « aléatoire » et ainsi de faire bouger les pratiques.
La méthode aléatoire repose sur des évaluations faites sur des petits groupes (quelques centaines d’élèves) dont les caractéristiques sont identiques au départ. Un de ces petits groupes adopte un “processus nouveau” (par exemple il va utiliser une méthode de lecture nouvelle jugée prometteuse, tester un rythme scolaire différent). On compare ensuite, sur des critères précis, la performance de ces groupes (rapidité de lecture, compréhension, etc.).
Depuis quelques années, Esther Duflo, a utilisé la méthode aléatoire pour évaluer les effets des politiques de lutte contre la pauvreté avec des résultats remarquables. Les techniques qu’elle a développées peuvent être appliquées à l’école.
Avec des moyens très faibles, la méthode aléatoire a donné, en Inde, plus de renseignement sur les usages du numérique que dans tous les pays développés.
Les processus d’évaluation actuels sont lourds, coûteux, longs et ne peuvent pas influencer les politiques d’éducation. En les remplaçant, ou en les complétant, par un grand nombre de micro-évaluations aléatoires peu coûteuses, rapides à effectuer, bien ciblées et déterminées avec méthode, on peut disposer d’un outil remarquablement efficace, permettant d’obtenir des premiers résultats en quelques mois, d’infléchir les politiques, de mieux dépenser l’argent public et de sortir de l’inefficacité actuelle.
LM : Au regard de ce qui se passe sur les marchés internationaux, européens et autres, quelles préconisations pourriez-vous soumettre au Ministère de l’éducation nationale français ?
TK : Quels que soient les affirmations et le lobbying des constructeurs, un taux d’équipement numérique faible ne traduit pas en soi un retard. Le Royaume-Uni a équipé intégralement ses écoles de tableaux interactifs sans amélioration quantifiable du niveau des élèves et le principal avantage qu’ont les anglo-saxons sur nous aujourd’hui, c’est qu’ils comprennent de mieux en mieux que l’avenir n’est pas forcément dans les usages. Je pense en synthèse qu’il y a trois types de mesure à adopter pour mener une politique numérique efficace et cohérente :
1. Enseigner l’informatique plutôt que les usages (j’en ai parlé plus haut)
2. Créer des écoles numérique pilotes et un cadre d’expérimentation simple, léger et rigoureux.
Le Ministre actuel fait souvent référence à Jules Ferry mais l’époque ayant changé ne peut gérer l’Education Nationale avec les mêmes méthodes. En revanche, il faut se souvenir que Jules Ferry avait accompagné et soutenu le développement de l’école Alsacienne pour l’expérimentation de méthodes pédagogiques nouvelles . Il faudrait créer un nombre importants d’écoles numériques pilotes (peut être 50) et y rassembler des professeurs d’élite, ceux qui comprennent le mieux la technologie numérique et qui innovent, de façon à pouvoir évaluer un grand nombre de nouveautés pédagogiques induites par la révolution numérique.
Ces enseignants existent évidemment et nous en connaissons un certain nombre chez Speechi. Le recrutement initial dans ces écoles serait effectué sur la base du volontariat, complété ensuite par un concours.
Les innovations pédagogiques pourraient toucher à tous les domaines de la pédagogie, de la société, de l’environnement de l’école. Les enseignants auraient carte blanche à partir du comment où le processus d’évaluation suivi est rigoureux et agile.
Dans cette tâche, ils seraient aidés par des fonctionnaires issus de l’INSEE et de la Direction de l’Evaluation du Ministère de l’Education Nationale.
3. Utiliser les nouvelles technologies pour développer le savoir et pas pour détourner du savoir.
Le potentiel éducatif d’Internet est immense et Google a pour objectif de numériser tous les livres. Mais, comme personne n’a la possibilité physique de lire toutes ces pages, tout ceci ne constitue que le savoir disponible potentiel. Dans la réalité, un outil comme Google a pour but de créer du trafic sponsorisé par des bandeaux publicitaires et ces bandeaux sont optimisés de façon à maximiser le nombre de clics, c’est-à-dire que toute recherche faite à travers Google soumet un étudiant à une pression publicitaire qui le détourne du savoir (et ceci de la façon la plus rapide et la plus efficace possible).
C’est ce que voulait dire Steve Jobs quand il affirmait que « Sur le Web, la publicité détourne du contenu ».
De même, le potentiel pédagogique des IPADs est énorme, mais malheureusement, ces outils ne sont pas utilisés pour apprendre mais pour jouer.
C’est ce que veut dire Obama lorsqu’il déclare que « Avec les iPods, Ipads, Xbox et autres Playstations, l’information devient une distraction, un détournement, une forme d’amusement vain, plutôt qu’un outil qui ouvre des possibilités, qui permet une vraie émancipation. » (ce qui montre la différence de culture numérique entre les dirigeants américains et les dirigeants français, qui se cantonnent, au mieux, à la contemplation admirative des nouvelles technologies numériques – avec tendance extatique prononcée).
Il faudrait aussi, très tôt, former les élèves aux dangers de la distraction numérique. Pour les petits, cet enseignement devrait être dispensé en cours d’instruction civique (numérique). Au niveau du lycée, tout élève devrait être initié, en cours de géographie ou d’économie, aux modèles de revenu de sociétés telles que Google, Apple ou Facebook.
La politique éducative en matière de technologie numérique, au sens noble du terme, doit avoir pour but de réduire le décalage entre “la promesse” et l’utilisation réelle, moyenne, statistique, des technologies numériques (aujourd’hui, une vraie catastrophe).


Réduction du nombre de professeurs, tentative de transformation d’un métier de vocation en un métier technique rémunéré “à la pièce”, mise à bas de la carte scolaire, augmentation du nombre d’élèves par classe, presque tout est allé dans le même sens: celui des opposants aux idéaux de 1789 qui, depuis Jules Ferry, cherchent à affaiblir l’école. Au final, on a fini par censurer les études qui faisaient mal et par leur substituer des papiers de pure propagande (j’avais parlé en 2011 de dévoiement politique à ce sujet).
Ce débat sur la semaine de quatre jours a un côté presque caricatural. D’un côté un Ministre qui prône l’intérêt des élèves et de l’autre, de l’autre une opposition (Xavier Bertrand) qui lui répond au nom de l’intérêt des familles (qui devront organiser leurs gardes différemment, qui ne pourront partir en week-end…).
Cet argument de l’intérêt des familles est vieux comme Jules Ferry et si l’école est obligatoire, c’est bien que la gratuité ne suffit pas – aux débuts de l’école, il a fallu parfois venir chercher les enfants avec des gendarmes pour forcer leur scolarisation. L’école républicaine est aussi un outil au service des enfants contre certaines formes d’aliénation familiale. Et je ne parle pas, pour rester correct, du lobby hôtelier qui pousse pour la semaine de quatre jours car elle fait monter le taux de réservation des hôtels !
Ne croyez pas cependant ceux qui vous disent qu’il est “prouvé” que la semaine de quatre jours est meilleure pour les enfants que celle de cinq. Les soi-disant “preuves” n’existent pas car toutes ces études sont contestables et n’ont pas de valeur probante au sens où elles ne résultent pas de statistiques faites en double aveugle sur des populations comparables.
D’un côté, Vincent Peillon prône le retour de l’évaluation statistique – ce qui est une excellente idée – et de l’autre, sa première mesure échappe, presque par nature, à toute évaluation statistique !
En rétablissant la semaine de cinq jours, Vincent Peillon est lui aussi dans une certaine forme d’idéologie pédagogiste et c’est bien le danger qui guette l’école aujourd’hui.
A droite, la destruction organisée résultant de la lutte des classes. A gauche, des mesures coûteuses et inefficaces, résultant de parti-pris idéologiques.
Il me semble possible de sortir de ce double enfermement – j’y reviendrai.
Source : Thierry Klein, speechi story

La grande idée révolutionnaire repose sur la conviction que l’éducation pour tous, dès l’enfance, est la meilleure façon d’assurer l’égalité et la liberté réelle des hommes, telle qu’elle est inscrite dans l’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme et que c’est à l’Etat de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’obtention de l’égalité.
L’école a permis de propager les valeurs de la révolution, liberté, égalité, fraternité, la langue et la culture françaises (et aussi, à certains moments, le patriotisme et le respect des frontières).
Les besoins du capitalisme
Jules Ferry réinvente l’école à l’heure de la révolution industrielle et le système scolaire qui en résulte est centré sur les besoins d’une économie de production. L’école crée des corps d’ingénieurs et d’ouvriers spécialisés performants pour l’industrie : les ressources nécessaires pour faire de la France une grande nation industrielle. Elle est elle-même organisée – taylorisée – par Jules Ferry comme une gigantesque usine.
Les besoins de la nation
L’administration de l’Ancien Régime littéralement décapitée par la Révolution, Napoléon invente alors les élites scolaires à la française pour donner des cadres dirigeants à son nouvel état qui reste centralisé.
Les fonctionnaires, les membres des grands corps d’état (le plus souvent des ingénieurs) et bien souvent les cadres des grandes entreprises publiques ou privées privilégient la reconnaissance sociale sur la rémunération pure. Jusque dans les années 1990, il n’y a pratiquement d’élites en France qu’à travers l’école. A l’exception de quelques fortunes familiales, dont d’ailleurs les rejetons dirigeants sont souvent diplômés des grandes écoles (Michelin, Dassault, Peugeot…), tous les cadres dirigeants des grandes sociétés et tous les hauts fonctionnaires, une grande partie du personnel politique exécutif, sortent d’une petite dizaine de grandes écoles ou de facultés d’élite.
L’idée révolutionnaire que l’école est libératrice, bonne pour les hommes, la nation, etc.. est une très grande idée, une idée à laquelle je suis très attaché mais en tant que telle, c’est une idée non prouvée, un parti-pris idéologique et politique: une illusion. J’emploie ce terme au sens Freudien où une illusion n’est pas forcément une erreur ni un mensonge, mais plutôt une idée reçue, qu’on ne peut ni prouver ni réfuter.
Contrairement à ce qu’affirment tous les candidats à la Présidentielle, il n’est pas prouvé qu’investir dans l’école soit en soi rentable, libérateur, nécessaire à la démocratie, la solution à la crise économique actuelle, etc…
L’école de Jules Ferry ne peut donc pas être vue comme un simple projet pédagogique.
Tout projet d’éducation de masse est en fait une nécessaire rencontre entre une illusion (l’idéologie), des moyens de production et un état social. Il ne peut fonctionner que s’il y a cohérence et complémentarité entre ces trois points.
Or, s’il y a encore encore consensus en France sur ce que doit être le rôle de l’école (le premier point), il n’y a plus de complémentarité possible parce que les besoins du capitalisme ont évolué et parce que le pacte social qui liait les élites à la Nation s’est effondré.
Depuis le début des années 80, la mondialisation a radicalement changé les besoins du capitalisme. Les ouvriers nationaux, mis en concurrence avec ceux des pays en développement, sont marginalisés. Avec Internet, la production de masse est remplacée par la consommation de masse de produits virtuels. Le marketing et la communication prennent le pas sur l’ingénierie. Le monde devient connecté, outillé, créatif. Les besoins de formation et les formes d’éducation qui en résulte doivent être radicalement transformés.
Simultanément, les élites françaises s’effondrent. L’Etat est de plus en plus déconsidéré et de moins en moins reconnu. Le nombre de grands projets diminue. Le « deal » qui consistait à échanger richesse contre honneur ne fonctionne plus pour les hauts fonctionnaires, qui pantouflent, affaiblissant encore plus l’état qui en outre, alors qu’il est de moins en moins performant, alors que ses prérogatives diminuent, continue à grossir et à recruter, presque sans limite, des fonctionnaires.
Ce phénomène, qui a commencé au début des années 70 avant la mondialisation, mais qui a ensuite été amplifié par la mondialisation, sera expliqué de façon plus approfondie dans un prochain billet.
Ce n’est pas l’école qui a failli, c’est le monde qui a changé. Et tout nouveau projet politique de l’école ne peut être pensé que comme une réponse à la question suivante : alors que l’école ne répond plus, pour des raisons qui lui sont tout à fait extérieures, ni aux besoins économiques, ni aux besoins sociaux de la Nation, comment peut-on la faire évoluer, la corriger pour qu’il y ait à nouveau convergence ? Comment conserver vivant le mythe pédagogique, comment en faire le terreau de l’égalité entre les citoyens ?
Les candidats à la présidentielle, en se focalisant exclusivement, idéologiquement, sur l’école font fausse route. Il ne s’agit pas d’embaucher plus de professeurs, de les faire travailler plus, d’arrêter l’enseignement du latin ou de l’histoire sous prétexte que ces matières ne sont pas « utiles » – j’arrête ici parce que j’ai du mal à qualifier l’inanité de ces propositions qui viennent de bords très différents mais qui ont toutes les mêmes conséquences: faire de l’école non pas un investissement pour le futur mais un puits de dépenses sans fond – car sans fondement.
J’essaierai pour ma part, dans de prochains billets, d’apporter des éléments complémentaires d’analyse et de réponse pour le développement d’une nouvelle école.
Source : Thierry Klein, Président de Speechi, voir le blog


Une année dans une des prestigieuses Waldorf Schools californiennes coûte entre 13 000 € (école primaire) et 19 000 € (secondaire). Ces écoles sont littéralement remplies des enfants des cadres supérieurs des entreprises high-tech de la Silicon Valley (le Directeur Technique d’eBay, un grand nombre de cadres d’Apple, de Google, de Hewlett-Packard y envoient leurs enfants).
Ce qui distingue ces écoles ? Les ordinateurs, ainsi que toutes leurs déclinaisons (IPAD, Smartphone…) sont interdits dans les salles de classe. (Et l’usage en est déconseillé à la maison).
Quelles sont les raisons profondes qui poussent les parents – parmi les plus savants au monde en matière de technologie, on ne peut donc parler de “manque de connaissance” ou de “non prise en compte des enjeux de demain”… – à payer si cher pour mettre leurs enfants dans ces écoles ?
Il y a bien sûr la conviction, étayée maintenant par de nombreuses études, que la technologie n’améliore pas, ou pas beaucoup, le niveau des élèves.
Mais le facteur clé qui justifie cet ostracisme est la conviction qu’ont les parents que non seulement la technologie n’est pas utile en classe, mais divertit les élèves, les détourne du savoir.
Celui qui va sur Internet – ou qui utilise un IPAD – rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la bourse, les résultats sportifs, chatter sur MSN…).
Les concepteurs des machines que sont Google, l’IPAD ou encore eBay sont parfaitement conscients du phénomène d’addiction qu’ils créent et veulent en préserver leurs enfants. C’est d’un cynisme génial.
C’est aussi un point de singularité de l’histoire du monde. Quand Marx décrivait la religion comme un opium du peuple, il décrivait essentiellement un phénomène de structure, inconscient chez les classes dirigeantes mêmes – puisque leurs enfants étaient traditionnellement élevés dans le cadre d’une église. D’inconscients chez Marx, les oppresseurs sont devenus conscients aujourd’hui, mais cette prise de conscience n’empêche nullement le phénomène de se propager.
La politique éducative en matière de technologie numérique, le “projet” numérique au sens noble du terme, doit avoir pour but unique de réduire le décalage que entre “la promesse marketing des technologies” (leurs avantages potentiels tels qu’ils sont vantés par Apple, Google et les sociétés qui développent ces technologies) et l’utilisation réelle, moyenne, statistique, des technologies numériques (aujourd’hui, un usage addictif, qui abêtit élèves et parents).
En référence à ce sujet : www.nytimes.com/2011/
Ce qui revient à dire que l’Education Nationale ne navigue même plus à vue, mais à l’aveugle !
J’ai déjà commenté le consternant pavé Fourgous sur l’Ecole Numérique. Ce rapport a l’épaisseur et le style d’une étude sérieuse, pourtant il n’est qu’un subterfuge: les données reprises ne sont pas crédibles et le lobbying industriel est partout présent derrière la soi-disant analyse.
Or, dans le domaine du numérique, l’évaluation statistique est encore plus nécessaire qu’ailleurs. Parce que la France a peu d’expérience en ce domaine, parce que les intérêts économiques en jeu (et donc les pressions qui s’exercent) sont importants, parce que tout le monde (vous, moi et même Fourgous, mais peut-être quand même pas Chatel, il ne faut pas exagérer non plus) a un avis sur la question et qu’en l’absence de statistique valable, tous les avis sont aussi bon ou mauvais les uns que les autres.
Sans un bon outil pour trancher, il n’est donc pas de politique numérique qui tienne.
En matière d’Education Numérique, il faudrait absolument multiplier les micro-études, effectuées sur quelques centaines de classes ou d’élèves, de matière à pouvoir tester très rapidement les différents paramètres, selon la méthode aléatoire, mise au point par Esther Duflo. La méthode aléatoire repose sur des évaluations faites sur des petits groupes dont les caractéristiques sont identiques au départ.
Un de ces petits groupes adopte un «processus nouveau» (par exemple un tableau interactif) et on compare ensuite, sur des critères précis, la performance de ces groupes (leurs connaissances, leur performance dans telle ou telle matière…). Avec des moyens très faibles , la méthode aléatoire a donné, en Inde, plus de renseignement sur les usages du numérique que dans tous les pays développés !
Contrairement aux études actuelles menées par la DEPP (études de masse sur des millions de personnes, lourdes et longues à mettre en place et dont les résultats arrivent trop tard, « après la bataille »), ces micro-évaluations sont légères, menées sur quelques centaines de personnes et les résultats disponibles en quelques mois, de façon à influencer, année après année, la politique numérique. Elles sont utiles car elles permettent de répondre à des questions bien concrètes telles que la formation nécessaire de l’enseignant, l’impact des différents outils numériques sur le potentiel des élèves, les méthodes de mise en place, etc…
Leur résultat doit être incontestable: les études ne peuvent être conduites par la direction qui a en charge la politique évaluée, elles sont menées de façon indépendante des constructeurs et elles respectent les critères de méthodologie scientifique nécessaires. La méthode aléatoire permet d’obtenir des résultats rapides de façon peu coûteuse et à partir de là, d’infléchir les politiques. En mesurant l’efficacité relative de différentes mesures, les expérimentations aident les décideurs à mieux dépenser l’argent public.
En refusant de recourir aux études pour diriger sa politique, en affaiblissant la Direction de l’Evaluation alors qu’il conviendrait au contraire de la renforcer – tout en redéfinissant ses objectifs, le Ministre s’enlève lui-même, quel que soit le discours affiché en la matière, tout moyen de réussir la transition vers le numérique. C
’est une énorme faute politique. Et si vraiment les études sont biaisées ou censurées, il s’agit même d’un dévoiement politique, car le Ministre se doit, au contraire, d’être garant de ces études.

Principalement parce que la France s’est équipée tardivement et a donc eu accès à des technologies plus récentes (contrairement au Royaume-Uni, par exemple, qui s’étant équipé au début des années 2000, n’a eu accès qu’aux technologies fixes). Ensuite parce que des sociétés françaises (dont Speechi), se sont focalisées sur le développement de ces technologies nomades et ont inventé des outils et des usages spécifiques. A titre d’exemple, une mallette nomade ITsac, totalement pré-câblée, permet aujourd’hui à un professeur de déployer l’ensemble des outils d’une classe interactive en moins de 2 minutes.
Les marchés du TBI mobile et du TBI fixe sont bien séparés, avec des caractéristiques différentes, mais nous constatons depuis quelques mois que le marché du TBI fixe se déplace de plus en plus vers l’utilisation des vidéoprojecteurs interactifs. Le vidéoprojecteur interactif, récemment arrivé sur le marché français, intègre l’interactivité du tableau interactif dans le vidéoprojecteur lui-même. Comme le TBI mobile, il peut donc être utilisé sur toute surface (table, tableaux blancs émaillés, etc.).
Aujourd’hui, la demande sur le fixe a donc chuté de façon brutale. Seul le TBI mobile, fort de ses nombreux avantages, résiste face au vidéoprojecteur interactif. Le TBI mobile se partage notamment entre enseignants, réduisant ainsi d’un facteur 5 à 10 le coût d’acquisition d’un équipement numérique (source interne Speechi), qui reste onéreux pour les collectivités.
Selon moi, nous allons arriver à une situation où le TBI mobile occupera un tiers des parts de marché de l’interactif, et le vidéoprojecteur interactif à peu près 50% de ce marché. Le reste du marché est réservé aux TBI fixes traditionnels et ira decrescendo.
Comment évoluera, selon vous, le marché français d’ici un an ?
En fait, ce sont les collectivités ont le plus besoin, c’est d’une offre mixte. Lorsque la collectivité est en cours d’équipement (taux d’équipement de moins de 30%), le TBI mobile est irremplaçable car, comme il se partage entre enseignants, il donne à tous les enseignants l’accès à la technologie interactive, instantanément.
Lorsque l’on dépasse 50% de taux d’équipement -ce qui n’arrivera peut être jamais en France !- il devient nécessaire d’équiper certaines salles de façon permanente, avec du matériel fixe. Celui-ci sera, dans le cas de la France, plutôt un vidéoprojecteur interactif à cause de l’avantage matériel et logistique qu’il présente sur le tableau fixe. En effet, son installation est extrêmement simple et il se réduit ainsi à une sorte de cube très facile à installer par rapport à un TBI classique.
Je pense donc que, dans les prochaines années (phase d’équipement), la part de matériel mobile va continuer à augmenter. Puis diminuera (en part de marché) si le taux d’équipement dépasse 50% – nous en sommes actuellement à 10% environ en France.
Comment imaginez-vous l’équipement de la classe de demain ?
L’approche «couplée» fixe et mobile présente un triple avantage. Cela laisse la possibilité d’équiper en vidéoprojecteur fixe – ou tableau fixe – quelques salles «stratégiques» ou quelques enseignants désireux d’utiliser le matériel en continu, puis d’équiper le reste, en tableau mobile. Les établissements scolaires peuvent ainsi à tout moment faire évoluer leur parc matériel en «mobilisant» ou en «immobilisant» quelques TBI, selon les usages et les moyens. Car le TBI mobile est totalement reconvertible, à tout moment, en une version fixe ! Autrement dit, une école peut très bien commencer par investir dans un nombre réduit de TBI mobiles et décider d’équiper ensuite les salles en vidéoprojecteurs interactifs fixes, en fonction de l’accroissement des demandes.