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  • Les différents modèles d’intégration du BYOD

    Les différents modèles d’intégration du BYOD

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    Auteurs : Aurélien Fievez et Gabriel Dumouchel
    Illustration : Mélanie Leroux

     

    En pratique, des enseignants utilisent cette configuration en salle de classe lorsqu’ils permettent à leurs élèves d’amener leur(s) outil(s) technologique(s) personnel(s) afin de réaliser des tâches spécifiques. Cependant, cette nouvelle approche pédagogique apporte avec elle son lot de perspectives et de réalités.

    En effet, elle demande une préparation et une analyse approfondie de l’environnement d’enseignement-apprentissage afin de réussir son intégration.

     

     

    Ce dossier vise à apporter un éclairage pratique et scientifique sur l’utilisation du « Bring Your Own Device » (BYOD). Il devrait permettre aux enseignants, praticiens, acteurs pédagogiques, mais aussi aux chercheurs de comprendre les origines de son existence et les réalités qui l’entoure.

    Notons parallèlement que les technologies de l’information de la communication (TIC) font maintenant partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens du 21e siècle. D’ailleurs, le nombre d’individus possédant au minimum un téléphone portable, un ordinateur ou un téléphone intelligent est en constante progression.

    Selon l’INSEE, 77% des ménages français utilisent internet, soit une augmentation de 21% depuis 2007. Au Canada, 80% utilisaient Internet et possédaient l’un de ces outils (Statistique Canada, 2014). Au Québec, on note que 77% des individus possèdent un outil numérique. De leur côté, 81% des travailleurs dans les entreprises utilisent Internet et possèdent leur propre appareil.

    De ce fait, les entreprises ont compris qu’elles ne pouvaient pas ignorer cette nouvelle réalité. Ainsi, le BYOD a fait une entrée lente, constante et souvent efficace dans le milieu entreprenarial.

    D’ailleurs, les employés spécifient que le fait d’utiliser leur appareil personnel permet d’avoir à portée de main un outil qu’ils connaissent, facile d’accès et qui combine les informations personnelles et professionnelles de leur quotidien (Garlati, 2011).

    Cependant, de nombreux défis apparaissent comme l’accès aux réseaux sociaux, la protection des données ou encore la formation. Il a donc été nécessaire de mettre en place des règles, des mesures, mais aussi des outils afin d’aider les employés à travailler et à s’approprier efficacement ces technologies dans leur milieu de travail (Beckett, 2014 ; Émery, 2012).

     

    En corollaire, les établissements scolaires suivent cette tendance alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à permettre à leurs élèves d’apporter leur appareil personnel à l’école (Baker, 2014 ; Burns-Sardone, 2014).
    Les réalités soulevées par les entreprises se retrouvent partiellement transposées dans le contexte scolaire.

    Ainsi, certains avantages, comme une motivation accrue de l’utilisateur dans la réalisation de ses tâches, ou l’augmentation des compétences technologiques des apprenants (Benham et al., 2014) sont mis en évidence.

    Cependant, des inconvénients apparaissent également comme la distraction des élèves ou la gestion de l’enseignement-apprentissage qui se retrouve complexifiée.

    Alors, quelles sont les réalités, quels sont les prérequis et les aboutissants d’une intégration BYOD dans une salle de classe ? Comment les enseignants peuvent-ils jongler avec ces outils ? Quels sont les avantages réels et quels sont les inconvénients du BYOD en contexte scolaire ? C’est à l’ensemble de ces questions que ce dossier tentera d’apporter des éléments d’explication. Dans ce document, nous aborderons successivement la définition du concept, les perspectives pratiques de son utilisation, les ressources actuellement disponibles et nous terminerons par une conclusion globale amenant des pistes de réflexion.

    Que signifie BYOD ?

    Le BYOD, acronyme de « Bring Your Own Device », ou en français AVAN, pour « Apportez Votre Appareil Numérique », est apparu vers 2005 dans les entreprises ; il fait son apparition depuis peu dans les salles de classe.

    La perspective du BYOD est de permettre à l’utilisateur de travailler partout et à tout moment avec son appareil numérique personnel.

    Dans cette approche, les entreprises y ont vu des économies d’infrastructure alors que l’école y a vu un moyen de favoriser l’apprentissage des élèves.
    Selon certains, l’école et l’élève sont tous les deux gagnants,

    car l’élève choisit et utilise un outil (ordinateur portable, tablette, phablette ou téléphone intelligent) qu’il connaît et maîtrise.

    Bien que de plus en plus populaire, l’implantation de cette nouvelle pratique fait émerger de nombreux questionnements, notamment au sujet de la gestion de la classe, de la planification ou de l’équité entre les élèves.

    Par ailleurs, notons que la multiplicité des outils technologiques n’étonne plus personne. D’un point de vue global, le BYOD montre certes des perspectives intéressantes. De fait, les technologies utilisées intègrent de nombreux capteurs, comme l’accès à Internet et le « cloud » (l’infonuagique en français) afin de communiquer entre elles, permettant ainsi de favoriser l’enseignement et l’apprentissage.

    Cependant, ces outils sont souvent confinés dans la sphère familiale et n’entrent que progressivement dans la sphère scolaire.

    Pourquoi ne pas les utiliser plus souvent à l’école, demanderont certains.

    De cette manière, l’enseignant disposerait d’outils dans la salle de classe qui permettraient de réaliser des activités numériques et interactives facilement et rapidement.

    Bref, si le BYOD apporte des perspectives pédagogiques intéressantes, le tout sera d’intégrer efficacement cette méthode dans les salles de classe. Pour cela, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et proposent des approches distinctes. Nous avons synthétisé l’ensemble de ces approches afin de proposer un modèle qui permettra une intégration réussie.

    L’enseignant a le choix des outils et des plateformes qu’il veut (et peut) utiliser dans sa salle de classe. En fonction de la liberté qu’il donne aux élèves, différents modèles d’intégration du BYOD se dessinent.

    Un guide du ministère de l’Éducation de l’Alberta initie cette réflexion en mettant en évidence les différentes configurations possibles d’une infrastructure BYOD.

    Dans le cadre de ce chapitre, nous avons ajusté ce modèle en fonction de nos constatations et de nos recherches afin de créer un modèle d’intégration du BYOD (figure 1). En salle de classe, chaque étudiant apporte avec lui un outil particulier et différent ; l’enseignant doit alors combiner et parfois jongler avec l’ensemble de ces artefacts technologiques. En analysant les différentes possibilités, nous pouvons relever quatre différentes approches d’intégration.

    Ainsi, les enseignants définissent le degré d’intégration de la technologie qu’ils veulent voir dans leur salle de classe. En tant que « maitres d’orchestre de l’apprentissage », ils choisissent les instruments qui seront utilisés. En fonction du degré choisi, différentes réalités apparaissent.

    L’approche de l’utilisation restreinte demande à l’enseignant de choisir un outil en particulier

    (par exemple un iPad Air 2 de 64 Go), unique pour tous.

    Ce modèle permet d’avoir un contrôle aisé sur l’enseignement et l’apprentissage, rendant l’appropriation de la technologie plus facile par l’enseignant.

    Ce dernier choisit l’outil et les logiciels/applications que les apprenants vont utiliser. Il peut ainsi se former facilement et aider ses élèves d’un point de vue technique, mais aussi pédagogique. Par contre, les élèves doivent apprivoiser un outil qu’ils n’utilisent pas forcément habituellement et qui est imposé.

    Ce modèle restrictif présente des avantages pour les enseignants, mais il limite l’innovation pédagogique; la caractéristique « BYOD » est donc peu présente ici.

    L’approche de l’utilisation ciblée laisse le choix de l’appareil à l’élève

    (par exemple une tablette ou un ordinateur). Il doit cependant respecter certaines caractéristiques techniques (comme le processeur ou la mémoire minimale requise). Il lui faut également respecter le choix des logiciels/applications prévus par l’enseignant.

    Celui-ci maîtrise les logiciels/applications et les plateformes utilisées. Les cours peuvent se baser sur des outils précis et la latitude de l’enseignant est assez présente.

    Cependant, la liberté pédagogique de l’élève est encore limitée.

    L’approche de l’utilisation ouverte unique permet à l’élève de choisir son outil et ses logiciels/applications.

    La liberté de l’élève est plus importante, cependant l’enseignant doit s’adapter aux différentes plateformes, il doit montrer de la flexibilité dans son enseignement.

    Enfin, l’approche de l’utilisation ouverte multiple recouvre toutes les perspectives du BYOD.

    Il permet à l’élève d’utiliser n’importe quel outil et même plusieurs outils en salle de classe. La flexibilité de l’enseignant est importante et la gestion de la classe plus complexe, mais l’innovation pédagogique est également plus grande.

    Par ailleurs, notons qu’il est nécessaire de prendre en considération les différents facteurs externes et internes qui viendront influencer l’utilisation du BYOD dans la salle de classe. De fait, les moyens financiers, techniques et pédagogiques à la disposition de l’enseignant sont des éléments importants à considérer lors de l’intégration d’une approche BYOD.

    Le fait d’avoir dans sa classe des outils numériques pour les élèves ne pouvant se prémunir d’un outil personnel est primordial.

    Aussi, un soutien extérieur de la part d’un conseiller pédagogique ou d’un formateur sera d’une aide certaine pour l’enseignant. L’ensemble de ces facteurs détaillés dans la figure 1 viendront influencer l’efficacité et la réalisation de l’intégration BYOD.

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    Ces différentes approches que nous avons présentées dans notre modèle d’intégration du BYOD donnent lieu à des perspectives différentes de l’utilisation des technologies en salle de classe. En fonction du choix de l’enseignant et/ou de la direction, la flexibilité de l’enseignant et/ou de l’élève se trouvera ajustée.

    Par conséquent, il conviendra de d’identifier l’approche la plus adéquate en fonction des objectifs envisagés.

    D’ailleurs, le but n’est pas de transformer la classe en un lieu commun pour les outils technologiques personnels de l’élève, mais bien de l’amener à les utiliser à des fins d’apprentissage.

     

  • Ennui et plaisir du numérique

    Ennui et plaisir du numérique

    Les objets numériques sont mis en avant pour leurs fonctions d’efficacité, de divertissement et de communication. En les valorisant sur les segments de l’efficience et du plaisir, la mercatique a certainement favorisé leur omniprésence. Il suffit désormais d’évoquer la perte d’un ordiphone ou des données informatiques personnelles, pour éveiller une angoisse significative.

    L’éducation tente d’ailleurs de se saisir de l’engouement suscité par ces dispositifs en apprentissage. Cela dit, une frange de la population semble prendre du recul. Cette position touche même des jeunes qui ont pourtant connu les ordinateurs et les réseaux pendant presque toute leur vie.

    Ce faisant, ils esquissent une notion du plaisir qui ne s’opposerait plus de manière classique à la douleur, mais à l’ennui et à l’effort.

    Au contact des outils numériques, les sujets n’opposent plus le plaisir à la douleur mais à l’ennui, à l’effort intempestif et la défiance. Cette évolution sémantique pourrait structurer en partie les pratiques et les usages de médiation techniques où l’ambivalence semble succéder peu à peu à vingt-cinq ans d’apologie de la technologie.

     

    Référence :

    Gobert T. (2013), « Les outils numériques comme ennui : une nouvelle opposition au concept de plaisir lors de l’échange interactif ? « Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n° 14/2b, 2013, p. 33-47, URL : http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/2013-supplementB/03Gobert/index.html

    Gobert T. (2012), « Du plaisir au dégoût des outils digitaux, le regard de ceux qui tentent de limiter leurs usages ou qui y ont renoncé », Plaisir et numérique, Ax-les-Thermes : Ludovia 27 au 30 août 2012.

    Gobert T. (2014). Ennui du numérique, l’identifier pour motiver, UPVD Mag, hors-série recherche n° 3, pp. 30-31. URL : www.medialogiques.com

     

    Source image : pixabay.com

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  • Facebook : l’irruption en pédagogie

    Facebook : l’irruption en pédagogie

    L’utilisation des technologies de l’information en pédagogie est fortement valorisée. La littérature scientifique, la presse spécialisée et les médias citent régulièrement le caractère novateur de la démarche qui pourrait même « prolonger le temps de l’école par le numérique, favoriser l’égalité des chances et la réussite scolaire » (Fourgous, 2010 : 216).

    Ces dispositifs sont en concurrence et de plus en plus nombreux. Dans un tel contexte, les supports socio-numériques comme Facebook apparaissent comme porteurs d’atouts car la plupart des apprenants les emploient déjà. Ce sont d’ailleurs eux qui les ont introduits dans les établissements.

    Les pédagogues ont naturellement cherché à s’en emparer pour bénéficier de la motivation qu’ils drainent.

    Mais il semblerait que leur « scolarisation soit vécue comme une atteinte (…) à l’espace-temps privatif des apprenants » (Cerisier, Popuri, 2011).

    L’éducation ferait donc irruption dans le milieu des sites de réseautage social auquel elle emprunte notamment les modalités de gestion de groupe et les ancrages collaboratifs.

    C’est sous cet angle que l’interview aborde les motivations de choix d’objets communicants, le plus souvent effectués en faveur des outils privés et non des ENT. Elle évoque la gestion d’un DU à Carcassonne où les apprenants sont placés par leur référent pédagogique en situation d’utiliser le site social comme un dispositif sociopédagogique. Ces apprenants, après avoir recherché une autre plateforme sont revenus… à Facebook, même si cela ne les satisfait pas.

    Alors que l’ENT est soit ignoré, soit jugé peu pratique et insuffisant, Facebook apparaît comme une opportunité difficile à contourner, faute de mieux.

    Son « organisation » de type blog où les contenus plus anciens sont recouverts par les nouveaux ne correspond pas à une approche de gestion de projet et finit par faire perdre du temps. Malgré cela, Facebook peut favoriser la collaboration à condition d’apprendre à l’utiliser. Ainsi, l’appropriation par la pédagogie de cet outil participe-t-elle au renouvellement des dispositifs pédagogiques auquel appelle Romainville (2000).

    Référence : Gobert T. (2014), Le métissage des outils communicants, un complément pour les ENT ? Dispositifs, jeux, enjeux, hors jeu, Toulon : TICEMED 9, 15 au 16 avril 2014.

    A propos de l’auteur :

    Thierry Gobert est maître de conférences de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) au Centre de Recehrche sur les Sociétés et les Environnements Méditerranéens (CRESEM) et associé à l’Institut des Recherches en Sciences de l’Information et de la Communication (IRSIC) d’Aix-Marseille Université. Il dirige le Diplôme d’Unviersité (DU) Photojournalisme, Communication et Images Aériennes en partenariat avec Visa pour l’Image et préside le comité directeur Languedoc Roussillon de la fédération française d’ULM.

    Après une première carrière dans le privé à concevoir des produits culturels et à participer au déploiement d’Internet en France, Thierry Gobert intègre l’enseignement et la recherche. D’abord intéressé par les relations homme machine et l’analyse des interfaces, il s’est tourné vers les pratiques et usages qui leur sont liés sur des terrains variés en aéronautique, éducation et praxis sociales.

    E-mail : tgobert@univ-perp.fr
    Page personnelle : www.medialogiques.com
    DU Photojournalisme : www.photocom.eu

     

  • Collaborer, partager et échanger : des notions familières chez les jeunes et pourtant…

    Collaborer, partager et échanger : des notions familières chez les jeunes et pourtant…

    [callout]Sommes nous condamnés à apprendre tout au long de la vie ? Comment développer notre Environnement Personnel d’Apprentissage et de Développement dans un contexte numérique ? Collaborer n’est-ce pas une composante essentielle de l’apprendre enrichie par les outils numériques ?
    A partir des aptitudes initiales de l’enfant à apprendre, à collaborer, à s’organiser, les moyens numériques offrent de nouvelles opportunités de développement de chacun. Or le système scolaire, marqué par l’empreinte du livre et de la forme scolaire, semble s’opposer aux deux dynamiques, celle du développement propre de l’enfant et l’envahissement progressif de la sphère sociale par le numérique. Malgré le volontarisme des décideurs, l’organisation scolaire a encore bien du mal à généraliser, à banaliser le numérique. Or le système scolaire ne peut pas, ne doit pas laisser l’opportunité de ces évolutions s’il veut continuer à garder son rôle dans la société.[/callout]

    Les trois vidéos proposent trois champs de réflexion, parmi d’autres, qui peuvent inciter les acteurs de l’éducation à faire avancer non seulement la réflexion collective, mais surtout les actions concrètes du plus grand nombre. En prenant conscience des enjeux qui se révèlent de plus en plus clairement, chaque éducateur aura à coeur de faire évoluer ses pratiques et de les partager avec les autres.

    Dans cette troisième vidéo, Bruno Devauchelle propose une réflexion sur les notions de collaboration et d’échanges e sur « l’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes ».

    Les jeunes aiment interagir pour apprendre ; ainsi, un petit enfant interagit avec ses proches puis dans la cour de récréation, il interagit avec les autres.

    On dit même que la socialisation est un élément important du travail de développement de la personne.

    Avec l’arrivée des nouvelles technologies, les gens se sont mis à rêver qu’elles pourraient permettre encore plus d’échanges ; de là, les emails ou encore les forums, se sont développés.

    « Nous nous sommes donc rendus compte que les jeunes utilisaient ces nouveaux moyens pour enrichir leur propre expérience, partager ce qu’ils faisaient et interroger ».

    « L’élève qui, en classe, n’ose pas lever le doigt, est le même qui va poser des questions via les réseaux ou forums en tout genre », souligne Bruno Devauchelle. Il tient à démontrer que les jeunes ont envie de partager mais qu’en même temps, « le modèle de la scolarisation est un modèle porté sur l’individu et la réussite personnelle ».

    Comment faire en sorte que cette envie de partage chez les jeunes soit mise à profit pour leurs apprentissages ?

    Nous ne sommes pas encore passés à l’étape où mettre à disposition ce que je fais, partager, échanger, aller voir ce que font les autres et me l’approprier, est quelque chose de naturel.

    Bruno Devauchelle est persuadé que ces échanges existent déjà entre jeunes, depuis qu’ils sont tout petits, et il se pose la question de savoir comment un système académique, scolaire ou universitaire peut mettre à profit cette capacité.

    Sur la notion d’échanges et de partage, Il donne l’exemple d’étudiants de l’Ecole Polytechnique de Lausanne qui ont demandé à avoir une salle à disposition pour qu’ils puissent visionner à plusieurs, les vidéos d’un MOOC ; une sorte de condition pour qu’ils acceptent de suivre le MOOC…« Car ils savent que l’entraide, c’est le meilleur moyen de se développer et de progresser », souligne Bruno Devauchelle.

    Pourquoi notre système scolaire reste fondé sur la réussite individuelle et est très en difficultés dès lors que l’on fait du travail de groupe ? Pourquoi ne valorise t-on pas davantage les activités collectives en projet ou simplement en réflexion alors qu’on en connaît le bienfait ?

    Voici les questions que Bruno Devauchelle se pose et soumet à notre réflexion dans ce dernier épisode.

  • Les vidéos et informations dynamiques favoriseraient les apprentissages

    Les vidéos et informations dynamiques favoriseraient les apprentissages

    « La plus-value des technologies est de pouvoir proposer des informations dynamiques comme la vidéo ou les animations », explique Franck Amadieu.

    Les animations dynamiques peuvent-elles vraiment faire apprendre mieux ?

    Depuis une quinzaine d’années, de nombreux travaux sont menés sur l’impact de ces informations dynamiques sur les apprentissages et il s’avère que « les résultats ne sont pas très encourageants ».

    Les travaux portent sur la comparaison de compréhension d’un phénomène à l’aide d’images dynamiques ou statiques (Franck Amadieu prend l’exemple de la formation d’une tornade).
    « Et on s’aperçoit que, soit l’animation n’apporte pas de gain particulier et les élèves n’apprennent pas plus qu’à partir d’une image, voire parfois, ils apprennent moins bien », souligne t-il.

    L’important serait de comprendre comment les personnes peuvent apprendre avec ce type d’animations : « comment concevoir des animations qui soient relativement efficaces » ?

    Structuration des animations : un meilleur schéma à trouver pour coller aux ressources cognitives des individus.

     

    La difficulté de ces animations vient du fait qu’il faut traiter simultanément plusieurs informations, d’autant plus que « l’œil est attiré par tout ce qui est dynamique », précise Franck Amadieu. Il est donc nécessaire de savoir sélectionner l’information.
    Le rythme, l’aspect continu d’une information, sont autant de critères à prendre en compte pour ces animations.

    Ces informations dynamiques sont donc assez exigeantes cognitivement ; des travaux ont donc mis en lumière qu’il fallait certaines compétences chez les élèves voire « de bonnes habiletés spatiales » – pour reprendre l’expression de Franck Amadieu – pour pouvoir sélectionner les informations présentées.

    En créant des animations qui respectent certaines règles, on peut parvenir à des résultats. Pour exemples, on peut aider l’élève à sélectionner l’information qui lui sera utile, en signalant à l’aide d’indices visuels (de la couleur, des flèches…) et donc orienter son attention sur les éléments pertinents à un moment t de l’animation.

    « De ce fait, on réduit considérablement les exigences de prise de décision sur la sélection de l’information », ajoute Franck Amadieu.

    Et il conclut sur le fait que « les animations deviennent de plus en plus intéressantes car nous commençons à comprendre comment les individus traitent ces informations et également quelles caractéristiques nous devons leur donner pour qu’elles soient efficaces et faciles à traiter par les apprenants ».

    Plus d’infos sur les auteurs :
    André Tricot est enseignant-chercheur en psychologie ; il exerce à l’ESPE de Toulouse et également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.
    Franck Amadieu est enseignant-chercheur en psychologie cognitive, Maître de conférences et exerce également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

     

  • Numérique éducatif : faut-il désespérer des politiques publiques ?

    Numérique éducatif : faut-il désespérer des politiques publiques ?

    Par Jean-François Cerisier – Directeur du laboratoire TECHNE (EA 6316) –
    Université de Poitiers

    [callout]Que retient-on de ces trente dernières années de notre histoire des technologies éducatives ? Posez-vous la question et complétez cette expérience introspective en interrogeant votre entourage ! Je l’ai fait.[/callout]

    Les réponses varient bien sûr selon les âges et le positionnement socioprofessionnel de chacun. Pourtant, c’est presque toujours aux différents plans d’équipement que l’on se réfère et non aux transformations des pratiques pédagogiques ou à l’évolution des missions, objectifs et responsabilités que l’immanence des technologies numériques impose à l’École.JFCerisierphoto_art1recherche_230215

    Alors qu’un nième plan d’équipement est annoncé par le chef de l’Etat lui-même, on peut s’interroger sur son intérêt et espérer que la concertation nationale sur le numérique pour l’éducation qui prendra fin le 9 mars prochain donnera un deuxième souffle à la « stratégie pour faire entrer l’École dans l’ère du numérique ». Initiée par Vincent Peillon en 2012, elle misait sur une approche ambitieuse et systémique qui articule les différentes dimensions éducatives mais aussi les différents acteurs publics et privés concernés .

    Parmi d’autres, les travaux de recherche conduits par les chercheurs du laboratoire TECHNE questionnent la pertinence des politiques publiques dans ce domaine. Les problématiques relatives à l’équipement systématique des élèves avec des matériels informatiques mobiles ne sont pas nouvelles.
    On se souvient bien sûr des projets « Un collégien, un ordinateur portable » dans les Landes et « Ordina 13 » dans les Bouches-du-Rhône lancés dès 2009. Plus tôt encore, il y avait eu les programmes internationaux « Magallanes » et, surtout, « One Laptop Per Child » initié par le Media Lab du MIT en 2005 et qui perdure aujourd’hui encore.
    Des chercheurs de TECHNE ont été impliqués dans tous ses projets.

    Aujourd’hui, nous travaillons dans le cadre du projet TED, en Saône-et-Loire, mais aussi du projet Edutablettes 86 dans la Vienne et nous venons de démarrer l’accompagnement scientifique du projet Living Cloud du Lycée Pilote Innovant International (LPII) en janvier. Les questions de recherche qui motivent notre participation à tous ces projets sont diverses mais, portent d’une façon ou d’une autre sur l’appropriation des matériels et des ressources par les élèves et les enseignants.

    En règle générale, nous ne cherchons pas à évaluer l’impact des programmes d’équipement sur les apprentissages des élèves mais à comprendre ce que les différents acteurs font des matériels et ressources disponibles, pourquoi ils le font et comment et en quoi la médiation opérée par les technologies numériques modifie les activités et leurs acteurs.

    Le numérique joue plusieurs rôles à l’Ecole et la réflexion gagne à les distinguer clairement. Le numérique représente un moyen d’apprentissage, un objet d’apprentissage mais aussi le contexte actuel de l’École.

    Enseigner avec le numérique constitue une obligation de moyens

     

    Le plus souvent, c’est la mobilisation du numérique pour des apprentissages tiers, c’est-à-dire dans toutes les disciplines et pour tous les thèmes qui est mise en avant. C’est bien sûr légitime et, de ce point de vue, l’École se trouve à l’évidence devant une situation d’obligation de moyens. Comment pourrait-elle ne pas recourir aux technologies numériques quand elles augmentent l’efficacité et parfois l’efficience des dispositifs d’apprentissage ? La question centrale est celle de l’activité des élèves, exprimées en termes d’ensembles de tâches à réaliser, scénarisés par les enseignants avec l’ensemble des ressources dont ces derniers disposent : équipements, services et documents numériques, bien sûr, mais aussi locaux, mobiliers, compétences professionnelles …

    Pour l’essentiel, les pratiques pédagogiques avec le numérique restent à inventer alors que les orientations données aux enseignants par l’institution se précisent sans constituer pour autant un cadre d’action clair et rassurant.

    Si cette ingénierie pédagogique relève bien des compétences et responsabilités des enseignants, ceux-ci l’exercent dans un contexte très incertain et changeant.

    Les enseignants ont besoin de plus de formation et l’on attend beaucoup des ÉSPÉ à cet égard. Ils ont aussi besoin de plus d’accompagnement et d’une véritable dynamique collective pour développer ces nouvelles pratiques à l’articulation de la pédagogie de terrain, des attentes institutionnelles et des apports de la recherche. Il leur faut pouvoir agir au sein d’un cadre organisationnel exigeant mais bienveillant, favorable à la prise d’initiatives. Cela va de l’existence d’un projet d’établissement structuré et porté par l’équipe de direction jusqu’à l’accompagnement soutenu des corps d’inspection relayant une politique nationale et locale réaliste mais audacieuse, entreprenante mais suffisamment pérenne dans ses grandes orientations.

    La fréquence d’utilisation n’est pas un indicateur d’efficacité permanent

     

    Si l’efficacité de l’instrumentation numérique de certaines activités d’apprentissage institue la responsabilité de l’École à s’approprier ces technologies (au même titre que bien d’autres artefacts), elle n’en fait pas pour autant la réponse unique à tous les besoins d’apprentissage.
    De ce fait, la fréquence d’utilisation du numérique ne constitue pas un (bon) indicateur de son efficacité.

    Y recourir parcimonieusement pour des activités qui en exploitent réellement le potentiel est bien préférable à la fuite en avant du tout numérique.

    Il convient de se méfier du stéréotype qui pourrait s’installer et qui exigerait des enseignants qu’ils mobilisent fréquemment les technologies numériques pour être considérés comme de bons enseignants. On observe aujourd’hui beaucoup de pratiques pédagogiques où le numérique instrumente des activités préexistantes, sans que cette médiation instrumentale soit véritablement mise à profit pour en améliorer l’efficacité. Il faut probablement accepter l’idée qu’il s’agit d’une étape inéluctable compte tenu de ce que l’on sait des processus d’appropriation. Pour autant, il nous appartient de réduire ces phases d’appropriation qui sont très inconfortables pour les enseignants et potentiellement nuisibles aux apprentissages des élèves.

    L’enseignement du numérique est une impérieuse nécessité sociale

     

    Apprendre avec le numérique n’est finalement que la partie émergée de l’iceberg, celle que l’on appréhende le mieux mais aussi celle qui masque d’autres dimensions de la plus grande importance. L’École porte aussi la responsabilité de la formation des jeunes au numérique. Différents travaux montrent depuis une dizaine d’années combien le prêt-à-penser qui leur attribue de grandes compétences numériques est faux.

    Le mythe du digital native, par lequel Marc Prensky a très judicieusement attiré l’attention du plus grand nombre sur l’ampleur des transformations opérées par la disponibilité permanente des technologies numérique a vécu. Les adolescents développent des compétences numériques dont certaines ébahissent parfois (légitimement) leurs aînés. Ils le font essentiellement par l’expérience, seuls ou dans l’interaction avec leurs pairs.

    Pour autant, ce contexte ne leur permet pas de construire toutes les compétences requises aujourd’hui pour devenir des citoyens autonomes et responsables, termes centraux du projet et des promesses de l’École républicaine.

    Des activités d’apprentissage explicites sont indispensables. Comment se résoudre à ce que seuls les jeunes ayant la chance de grandir dans un environnement familial particulièrement favorable puissent espérer accéder à cette émancipation citoyenne ?

    Le principe de nécessité posé, reste à imaginer ce que pourrait être un enseignement efficace du numérique. Les questions sont nombreuses. Elles s’expriment en termes de contenus (quel socle de connaissances et de compétences numériques), de méthodes (quelle didactique ? code / pas code … ), de stratégie et de moyens (qui le fait et quand, quelle évaluation et quelle prise en compte dans les cursus … ). Elles ont déjà suscité beaucoup de travaux et d’autres sont en cours. L’équation à résoudre est simple.

    Peut-on renoncer à enseigner le numérique dès aujourd’hui au motif que les différentes recherches et expérimentations de terrain n’ont pas encore permis de s’accorder sur la conduite à tenir ?

    À ce compte, je pense que l’École n’aurait jamais dû décider l’enseignement de la lecture … Il faut se lancer !

    Il faut refonder l’Ecole sans attendre pour l’adapter aux évolutions sociétales

     

    Finalement, la partie principale de l’iceberg n’est peut-être ni le recours au numérique pour des apprentissages tiers, ni l’apprentissage du numérique mais l’impact du numérique sur la forme scolaire et ces corollaires que sont les contrat didactique et pédagogique qui organisent le rapport de l’élève à l’École.

    L’immanence du numérique, particulièrement vraie pour les plus jeunes de plus en plus équipés de matériels personnels, mobiles, puissants et connectés, bouleverse leur rapport au monde et singulièrement à l’institution scolaire. Ces transformations portent sur les principales dimensions qui définissent l’École : leur rapport à l’information et aux savoirs, au temps et à l’espace, à autrui, aux normes sociales et aussi et peut-être surtout à la possibilité d’agir, seul ou collaborativement.

    L’Ecole, comme toutes les autres institutions (à commencer par la famille) est mise sous pression et l’on ne saurait imaginer qu’elle puisse résister sans une adaptation assez radicale qui lui permette de faire face à cette nouvelle donne culturelle pour remplir son rôle sans rien abandonner de sa mission.

    Si l’on prend en considération les autres évolutions sociétales d’ampleur auxquelles l’Ecole doit faire face, et en particulier à l’augmentation des inégalités sociales, c’est à une véritable refondation de l’Ecole qu’il est nécessaire de procéder.

    L’Etat s’y est engagé dans le discours par la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’Ecole. Le chantier semble piétiner …

    L’équipement massif en tablettes est une solution périmée

     

    La question de l’équipement ne saurait se réduire à celle de l’actualité commerciale des fabricants, intégrateurs ou distributeurs de matériels. Le deuxième marché que constitue l’éducation pour les tablettes a déjà généré des projets de grande ampleur.

    Pour autant, nos travaux montrent que les programmes d’équipement systématique des élèves et de leurs enseignants avec des tablettes tactiles, que celles-ci soient livrées avec un environnement scolaire complet (SQOOL, Bic Education … ) ou non (Edutablettes 86, Living Cloud … ), représentent une option pédagogique très spécifique dont l’intérêt est très limité.

    La qualité des tablettes et des environnements (applications, services et ressources) qu’elles embarquent éventuellement n’est pas en cause. Les tablettes présentent des caractéristiques très intéressantes qui ne sont pas toujours exploitées : démarrage très rapide, encombrement et masse très faibles, interface tactile, mobilité, connectivité, équipement natif avec micro, caméras, gyroscope, GPS … ). D’autres sont une gêne, voire un obstacle pour certaines activités. Il est difficile de tracer une figure géographique avec un doigt, de produire un texte avec un clavier virtuel …

    Bref, la tablette est un assez bon équipement de consultation de documents mais n’est qu’un piètre outil de production quand les apprentissages reposent justement en grande part sur l’activité productive des élèves.

    De ce point de vue, un plan d’équipement systématique des élèves et des enseignants serait un contresens pédagogique. S’il fallait généraliser un équipement individuel, on gagnerait à envisager des matériels plus polyvalents comme des portables éventuellement dotés d’une dalle tactile ou d’une interface leap motion.

    Le BYOD vient renouveler fondamentalement le débat sur l’équipement des élèves

     

    L’équipement des élèves ne pose pas seulement la question du choix des bons matériels, tablettes ou autres, mais celle de l’opportunité de les équiper alors que les élèves sont de plus en plus nombreux à s’équiper eux-mêmes. Cette situation n’est pas nouvelle. L’École a déjà dû faire face à ce type de question à partir de la fin des années 70 avec l’arrivée des calculatrices.

    Doit-on équiper les élèves systématiquement lorsqu’ils le sont déjà tous ou qu’ils le seront presque tous sous peu ? Doit-on leur proposer un deuxième équipement ?

    Si l’on observe les données d’équipement, telles qu’elles sont publiées régulièrement, notamment par le CREDOC, on constate que l’équipement des adolescents s’accroît rapidement et que l’âge moyen du premier équipement personnel diminue. Les lycéens et le collégiens sont nombreux à apporter leurs équipements à l’École. C’est le BYOD (Bring Your Own Device).

    Les stratégies publiques d’équipement ne peuvent ignorer cette situation avec ses implications techniques, pédagogiques et sociales. Il semble essentiel de prendre en compte ces équipements personnels autant qu’il est possible de le faire et de les compléter par des équipements plus spécialisés, notamment pour faciliter les interactions entre les élèves et les activités collaboratives, tout en ayant le souci de mettre des matériels à la disposition des élèves qui ne sont pas équipés à titre personnel.

    Cette approche qui s’impose à l’Ecole sans qu’elle l’ait choisi, n’est pas une solution de facilité. Mettre en œuvre le BYOD pose à la fois des questions techniques pour assurer la connectivité de tous les équipements dans un environnement sécurisé, des questions de responsabilité portant à la fois sur l’intégrité des matériels et sur la nature des usages réalisés depuis l’enceinte de l’établissement, des questions sociales pour garantir l’équité entre les élèves et des questions pédagogiques.

    Prendre en compte un parc d’appareils disparates suppose non seulement une ingénierie technique complexe et nouvelle mais aussi une transformation de l’attitude des enseignants quant à la conduite des activités qu’ils organisent. Il leur faudra apprendre à travailler avec des groupes classes où tous les élèves seront équipés de façon différente. Il faudra sans doute aussi imaginer l’équipement de quelques salles et/ou classes mobiles afin de pouvoir organiser les activités qui requièrent un matériel particulier configuré de façon spécifique (EXAO, laboratoires de langue … ).

    Les ressources numériques restent encore à inventer

     

    Les ressources et services numériques actuellement disponibles restent finalement assez insatisfaisants. L’exemple du manuel scolaire est emblématique. Il reste pourtant une ressource centrale plébiscitée par les enseignants pour l’organisation des activités d’apprentissage et par les élèves et leur parents à la recherche de documents structurants.

    Pour autant, les manuels numériques actuels ne conviennent pas. Il ne suffit manifestement pas, même si c’est important, de découper un manuel en « granules », voire de l’enrichir avec des enregistrements sonores, des vidéos, des animations ou même des QCM et autres tâches du même ordre pour disposer de ressources pleinement exploitables dans ce nouveau contexte technopédagogique.

    On lit tous les jours ou presque dans la presse, les attentes des éditeurs qui ont raison de souligner qu’ils agissent dans le cadre d’un marché en cours de maturation et donc très incertain. Pour autant, un saut qualitatif est indispensable et la logique de marché a fait la preuve qu’elle n’était pas suffisante pour y parvenir.

    L’institution scolaire doit devenir un bon client, c’est-à-dire un client qui sait exprimer clairement ses besoins avant de faire confiance aux capacités d’innovation des entreprises, un client qui sait évaluer l’efficacité et l’efficience des services et des biens qu’il acquiert afin de mieux piloter ses futurs investissements.

    Autrement dit, il ne suffit pas de contribuer au financement des projets éditoriaux des entreprises du domaine. Il est indispensable de contribuer, financièrement mais pas seulement, à l’élaboration de dynamiques de recherche-innovation qui associent les usagers, les entreprises, les services et grands établissements de l’Etat, les collectivités territoriales et les laboratoires de recherche.

    L’intelligence territoriale doit prolonger l’action structurante de l’État

     

    Finalement, c’est la question de la conduite du changement ou, pour le dire autrement, des conditions de l’innovation qui est soulevée. Les observations sont concordantes, l’appropriation efficace des technologies numériques par les acteurs de l’Ecole suppose :

    – de la confiance pour libérer les initiatives ;
    – de l’exigence pour la qualité de ces initiatives ;
    – un pilotage politique fort ;
    – une mobilisation coordonnées de tous les acteurs ;
    – une démarche systémique qui articule les problématiques pédagogiques et éducatives avec les questions de filières eEducation, de création de richesse et d’emplois.

    Certains territoires ont bien compris que de telles stratégies étaient pertinentes à la fois pour contribuer à l’évolution et l’amélioration des services éducatifs dont ils ont la charge et pour créer de véritables filières eEducation avec de significatives retombées en termes de création de richesse et d’emplois.

    C’est d’ailleurs le cas de la Région Poitou-Charentes qui a inscrit la eEducation comme l’une de ses stratégies de spécialisation intelligente et qui travaille efficacement à l’animation de cette filière. Le laboratoire TECHNE est bien sûr pleinement associé à cette démarche.

    C’est ainsi et ainsi seulement que nous pourrons dépasser les échecs et les désillusions que nous connaissons depuis 30 ans.

    Rien ne condamne le numérique éducatif à la malédiction des Danaïdes et la promesse de la corne d’abondance continue de nous faire rêver.

     

    JFCerisier_art1recherche_230215Les Danaïdes, William Waterhouse, 1903

    Les Danaïdes sont les cinquante filles du roi Danaos.
    Pour aider leur père qui fuit les cinquante fils d’Egyptos, ses neveux, elles proposent une réconciliation, épousent leurs cousins et les assassinent le soir des noces.

    Elles sont condamnées, aux enfers, à remplir indéfiniment un tonneau sans fond.

     

    JFCerisier2_art1recherche_230215Hadès tenant une corne d’abondance, détail d’une amphore attique à figures rouges, v. 470 av. J.-C

    Un jour, Zeus empli de colère, et voulant jouer, jeta la chèvre Amalthée contre les parois de la grotte qui l’abritait. Amalthée y perdit une corne.

    Pour se faire pardonner, Zeus prit la corne et lui conféra des pouvoirs magiques.

    La corne fût nommée Corne d’abondance car elle se remplissait de fruits de toutes sortes au fur et à mesure qu’elle se vidait.

  • Avec le numérique, ça va coûter moins cher !

    Avec le numérique, ça va coûter moins cher !

    Des économies financières avec le numérique : un mythe pour l’enseignement ?

    « Beaucoup de personnes ont argumenté depuis vingt ans, une économie des coûts de production, de diffusion, de reproduction liés au numérique pour l’enseignement et la formation professionnelle etc. En regardant de plus près, on a souvent une opinion beaucoup plus nuancée », explique André Tricot.

    Il est vrai que dans certains cas, André Tricot admet que l’utilisation du numérique peut s’avérer moins coûteuse qu’une situation dans le monde réel. Il donne l’exemple d’un simulateur de vol pour les pilotes d’avion ou encore l’utilisation de la chimie qui pourrait s’avérer dangereux en situation réelle et qui, dans le virtuel, prend tout son sens.

    Mais tout cela a fonctionné comme l’arbre qui cache la forêt.

    Pour exemples, dans le domaine des serious games, « produire un outil pédagogique de qualité, est extrêmement cher ».

    Le mythe de la gratuité : une vraie réalité dans l’enseignement

    « De plus en plus de ressources sont accessibles gratuitement où on ne paie pas de droits d’inscription », souligne André Tricot. Et il donne le cas typique des MOOCs ou de Wikipédia où l’accès à ces supports se fait sans frais.

    Pour André Tricot, « c’est de la fausse gratuité ». Il argumente son point de vue en prenant l’exemple des grandes universités américaines qui ont la stratégie marketing de rendre gratuit l’accès à certains cours pour attirer les étudiants et donc de diminuer les chances de survie d’universités plus petites.

    Le mythe de la gratuité s’illustre aussi par la caractéristique de ne pas payer celui qui fabrique les contenus.

    « Personnellement j’ai énormément de mal à imaginer un monde dans lequel les personnes qui fabriquent des contenus, feraient ça gratuitement car je me demande tout simplement de quoi vont vivre ces personnes », conclut André Tricot sur ce point.

    A suivre prochainement dans le dernier épisode : Franck Amadieu et « le mythe des animations et informations dynamiques qui favoriseraient les apprentissages« .

     

    Plus d’infos sur les auteurs :
    André Tricot est enseignant-chercheur en psychologie ; il exerce à l’ESPE de Toulouse et également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.
    Franck Amadieu est enseignant-chercheur en psychologie cognitive, Maître de conférences et exerce également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

     

  • Le médiatique n’est pas soluble dans le numérique

    Le médiatique n’est pas soluble dans le numérique

    [callout]Au cours des deux premiers épisodes, vous aurez compris que pour Divina Frau-Meigs, le numérique se définit par les cultures de l’information.[/callout]

    « Mais l’information qui n’est pas communiquée est une information qui “dort“ ou qui risque de disparaître, qui peut être trompeuse ou encore falsifiée ». Il est donc primordial de réfléchir à la communication, « y compris dans la classe ».

    Le numérique apporte l’interactivité à la communication actuelle, plutôt médiatique : « c’est le numérique des réseaux sociaux qui, depuis 2007, permettent à des millions de personnes d’interagir sur des plateformes ».

    Ces plateformes ne sont pas considérées comme des médias. « Et pourtant, elles le sont ! », précise Divina. En n’étant pas considérées comme des médias, ces plateformes ne sont pas astreintes à certaines lois ou obligations de service public des médias.

    Pourtant, Youtube est une des plus grosses plateformes à diffuser des images et des vidéos ; Facebook en fait de même avec les messages.

    En fait, nous sommes face à des médias qui passent sous le radar.

    Ils ont la même activité que les médias comme par exemples, une fonction de filtrage, une fonction d’agenda où ils peuvent décider des priorités d’information ; enfin, ils font de la corrélation etc.

    Le système de ces plateformes est totalement médiatique, ce qui signifie « qu’il faut une éducation aux médias en ligne comme on fait une éducation aux médias hors ligne ».

    C’est cette éducation aux médias qui forge l’esprit critique, qui permet de construire et de déconstruire l’information et c’est elle qui permet d’être éditeur de sa propre information.

    La nouveauté pour les enseignants et les formateurs réside dans le fait que l’individu qui possède un objet connecté se transforme en un média à lui tout seul ; « un média qui envoie de l’information, qui peut l’éditer, qui peut la filtrer, qui peut la charger sur Youtube, qui peut la transformer etc ».

    Pour Divina, il est essentiel d’avoir cette réflexion sur l’éducation aux médias afin de ne pas « naturaliser le numérique », c’est à dire le considérer comme quelque chose d’ambiant, de naturel ou de neutre.

    Elle préconise de se méfier de la convivialité des réseaux sociaux où on a comme une obligation de “liker“ tout le monde « mais où on ne peut pas “déliker“ », précise t-elle.

    Il faut donc faire attention à cette obligation de choix, « car dès qu’il y a obligation, la personne n’est plus libre ; il faut donc libérer l’information y compris sur sa vie privée et donc ne pas la donner lorsqu’on n’en a pas envie ».

    « L’éducation aux médias nous alerte à cela et nous forme à cela tout au long de la vie », conclut Divina.

    Revoir le premier épisode « La « révolution numérique », une révolution des cultures de l’information« 
    Revoir le deuxième épisode « La “Small“ Data : un nouveau concept à utiliser pour l’enseignement ?« 

     

  • Numérique et éducation : mythe de l’autonomie des apprentissages

    Numérique et éducation : mythe de l’autonomie des apprentissages

    Peut-on concevoir des outils numériques qui vont prendre en compte la manière dont les gens apprennent, se comportent, interagissent et leur donner un “feedback“ qui soit adapté ?

    Franck Amadieu pose le débat de l’autonomie et définit cette notion de manière plus précise :
    est-ce que l’autonomie signifie d’être seul face à une tâche d’apprentissage sans avoir besoin de régulation extérieure, par exemple d’un enseignant ?

    L’autonomie dans les apprentissages n’est pas forcément facilitée par numérique.

    Franck Amadieu précise que, dans la réalité, les résultats sur cette notion d’autonomie facilitée avec les outils numériques, sont loin d’être très probants.

    « Lorsqu’on regarde la formation à distance, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup d’échecs et beaucoup d’abandons dans des situations d’autonomie avec ces apprentissages numériques », souligne t-il.

    Il cite comme exemples les taux d’abandon dans les MOOCs qui sont le phénomène « à la mode », il est clair que « persévérer dans les tâches avec le numérique à distance, ce n’est pas si simple ».

    Il poursuit sa réflexion en citant d’autres travaux qui montrent que le fait d’être seul face à ce type d’outil amène à des apprentissages autorégulés, par l’apprenant et non par l’outil. C’est donc une certaine forme d’autonomie mais qui demande des compétences chez l’apprenant.

    Acquérir des compétences pour être autonome : une qualité de l’apprenant, pas celle des outils numériques.

    Franck Amadieu parle de compétences métacognitives pour les apprenants, c’est à dire « être capable d’avoir les bonnes stratégies, par exemple de planification de son apprentissage, d’adaptation face à des difficultés, d’aller chercher de nouvelles ressources etc ».

    La compétence d’autoévaluation est aussi très importante : « l’apprenant va t-il être capable de mesurer sa performance, de savoir si il apprend bien avec les outils à sa disposition » ?

    En résumé, pour être efficace côté apprenant avec les nouvelles technologies, il faut avoir les bonnes compétences. Celles-ci s’acquièrent par l’expérience et la pratique de l’apprenant mais également sont liées aux motivations qui le guident dans la voie de l’apprentissage.

    « Plus les gens sont engagés et plus ils sont persévérants ; cela contribue donc à l’autonomie car face à un échec, je n’abandonne pas », décrit Franck Amadieu.

    Enfin, comment le numérique peut-il prendre en compte ces exigences d’autonomie ?

    La réponse de Franck Amadieu en images, à la fin de la vidéo ci-contre…

    A suivre prochainement dans l’épisode 3 : André Tricot et le mythe du : « avec le numérique, ça va coûter moins cher » !

    Plus d’infos sur les auteurs :
    André Tricot est enseignant-chercheur en psychologie ; il exerce à l’ESPE de Toulouse et également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.
    Franck Amadieu est enseignant-chercheur en psychologie cognitive, Maître de conférences et exerce également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

    Revoir le premier épisode de la série « Rendre les savoirs plus accessibles avec le numérique : la fin de l’enseignement ? »