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  • Ductilité des espaces créatifs dans le domaine des jeux vidéo

    L’ACTEUR ET LA MISE EN PLACE DE PROJETS CREATIFS

    1.1    L’acteur et ses projets de création dans le domaine du jeu vidéo

    Donner des compétences à l’acteur, lui faciliter l’accès et l’usage dans l’accomplissement d’actes créatifs au sein des dispositifs numériques, s’avèrent deux projets en phase avec le futur du développement et de la production ludique. Toutefois cet angle de vue informatique ne permet pas de partir de la projection de l’usager. En tant que chercheurs en communication, nous allons tenter de partir de l’acteur afin de voir comment il met en place des projets créatifs, par rapport aux outils existants. Nous nous demanderons :
    Comment l’acteur choisit-il des logiciels, pour quel usage, pour quel projet, pour quelle intention créative ?

    1.2    Un corpus composé d’usagers de forums de création amateur et d’étudiants.
    Notre corpus d’acteurs interviewés est essentiellement constitué d’usagers de forums de création amateur et d’étudiants suivant un cursus en formation « jeu vidéo » et utilisant ces outils de création de jeu.
    Nous analyserons les données recueillies à deux niveaux :
    – Au niveau de l’acteur, afin de trianguler  ses projets, ses logiques d’actions créatives et les potentialités proposées par les logiciels.
    – Au niveau de la créativité afin d’identifier, le domaine qui constitue un ensemble de règles et de procédures symboliques, le milieu constitué de personnes décidant d’inclure, ou non, une nouvelle idée dans le domaine et les différents processus de créativité.

    Au final, en comprenant les acteurs, leurs projets et dans quels contextes ils peuvent développer des actes créatifs numériques, on arrivera à mieux cerner ce que nous appelons un « champ propice »  soit: l’ensemble des états du monde qui autorise le passage et l’émergence de sens. Notre positionnement théorique présuppose que l’on doit sortir d’une représentation qui revendique que dès qu’il y a conception d’un dispositif, il y a réception des informations et actualisation par l’utilisateur. En effet, une émission peut rester vide de transmission de sens s’il n’y a pas de public apte à saisir le sens, à cause d’une carence de code commun (langue, terminologie…) ou d’une carence de capacité cognitive adaptée (niveau d’expertise exigé trop fort, dispositif trop complexe…). Ce champ dit propice  représente une complémentarité et une pertinence optimales entre le champ de l’expérience (champ des possibles projeté par l’acteur) et le champ de l’inter-action (champ de l’action créative numérique).

    2.    IDENTIFICATION DES PROFILS ET DES PROJETS D’ACTEURS DANS LE CHAMP DES POSSIBLES.

    2.1    Présentation des techniques de recueil de récits d’usagers
    Nous avons visité nombre de forums dédiés à cette activité, certains libres et brouillons d’autres organisés en association, fédérant autour d’un type de jeu, d’une technologie, d’outils. Nous avons organisé, comme dit précédemment, le recueil de données à partir de questions larges afin de laisser l’usager nous exposer sa vision des choses. Parfois nous y avons partagé intérêts et préoccupations pour mieux appréhender la posture. Enfin, intervenants dans le cadre d’une formation au design de jeux vidéo, l’observation du groupe étudiant au cours de l’année aura enrichi l’expérience. De ces investigations, de ces expériences vécues, nous présentons un constat que nous tenterons d’analyser un peu plus loin.

    2.2    Deux profils pour deux champs des possibles : la place de l’outil

    Qui sont ces candidats à la création vidéo ludique amateur et quelles sont leurs motivations ? Qu’espèrent-ils des outils qu’ils sollicitent et quelles potentialités ceux-ci leur proposent-ils ?
    Le profil du candidat créateur de jeu vidéo amateur n’est pas aisé à définir, mais deux types d’aspirations semblent présentes : Le joueur et l’inventeur.
    Le joueur : Il a pour ambition de faire mieux, plus, autrement, en prenant pour référence les jeux qu’il affectionne qui sont à la fois le terreau et l’horizon de ses projets.
    L’inventeur : Il se positionne en innovateur, constructeur de structures, de systèmes qui feront la démonstration de son talent créatif ou de sa maîtrise technologique et de son savoir faire à la manière d’un compagnon avec son chef d’œuvre.

    Alors bien sûr, ces types sont des caricatures à nuancer et en particulier par la nature et la biographie des acteurs. Sans grande surprise, l’âge du public correspond assez aux deux types d’acteurs,  décrivant des joueurs plus jeunes et des inventeurs plus âgés. La maîtrise d’un registre de compétences et souvent d’une expérience liée module, elle aussi, le type et l’orientation.
    Les artistes s’affichent peu sur les forums dédiés aux jeux vidéo, peut-être parce que leurs compétences peuvent s’épanouir dans d’autres champs artistiques, l’art numérique, le film d’animation, la B.D. Aussi quand on peut observer leur savoir faire c’est souvent parce qu’ils sont venu rejoindre un projet conséquent, organisé et déjà avancé. Les programmeurs, dont les réalisations sont avant tout fonctionnelles quand ils veulent s’émanciper, trouvent dans les jeux vidéo un support idéal d’évasion.

    En matière d’offre logicielle, si nous reprenons nos deux aspirations du départ, le créateur du type joueur et le créateur du type inventeur, les approches sont différentes.
    Les créateurs joueurs, rencontrent deux propositions, le « modding »  de jeux phares et l’utilisation des « factory’s »
    Le « modding », est un fantastique outil pour mobiliser des communautés en prolongeant le terme des jeux d’une durée impensable sans ce processus. Le moteur de jeu est fourni avec une version identique ou quasi identique de l’outil de level design  qui a été utilisé pour réaliser le jeu. L’utilisateur va ainsi pouvoir modifier, voire remplacer l’ensemble des graphismes du jeu, dessiner de nouvelles maps . Il pourra également intervenir sur les scripts de haut niveau pour modifier les comportements des entités entre elles ou avec le joueur. La pratique du mod attire beaucoup de monde, valorisante puisque permettant une sortie de qualité professionnelle, elle séduit graphistes musiciens et architectes de niveaux de jeux. Elle n’en est pas moins exigeante et ,quand un mod est remarqué et remarquable, c’est le résultat d’un investissement en temps et en compétence important.

    Les « factory’s », sont un peu le contre point du modding. Ici pas de jeu support, mais une usine à jeu, où à partir d’éléments préfabriqués, il devient possible de donner naissance à un jeu en quelques jours voire quelques heures pour une première version jouable. Une banque de ressources, des comportements types, une gestion d’événements et quelques idées de gameplay et le tour est joué. C’est l’outil type du hobbyiste, facile à prendre en main, mais limité. Limité par les contraintes du modèle, le type de jeu cible, les formats acceptés. L’essentiel des réalisations mime les productions 2D des années 80/90.
    La démarche est assez semblable pour les deux types. Une architecture 3D orientée FPS , une interface plus simple, qui invite à la création de jeux typés casual, arcade ou RPG.
    Deux constantes, pas ou peu de programmation, et la possibilité de réutiliser des ressources graphiques ou sonores existantes.
    Les créateurs inventeurs, selon qu’ils sont compétents en matière de programmation ou pas, se voient également offrir deux propositions. La première consiste à utiliser une palette d’outils, spécifiques ou packagés en AGL, organisés autour d’un langage de programmation.

    La seconde consistant à s’approprier à minima les compétences suffisantes pour trouver la première proposition satisfaisante. Pas d’espoir pour les « sans codes », et si l’on parle de « développement » de jeux vidéo, ce n’est pas anodin. Un jeu vidéo c’est avant tout un programme, un arrangement de bit, une affaire d’informaticien et l’essentiel de l’offre est pensé par et pour des informaticiens. Alors, pas d’espoir pour les créatifs ?

    Pour être objectif, le pur créatif n’y trouvera pas son compte sans changer un peu, sans oser s’aventurer hors de son espace. S’il campe sur ces positions, ses compétences resteront utiles voire indispensables dans un projet participatif, mais il ne peut envisager y aller tout seul. Le pur programmeur sera à son aise devant cet établi ou tous les outils lui seront familiers. Langages, compilateurs, API, bibliothèques, moteurs, et des potentialités presque sans freins. Encore faut-il voir pour quel projet.

    3.    COMPREHENSION DES ACTIONS D’ACTEURS DANS LE CHAMP DE L’INTER-ACTION 

    3.1    Le faire soi-même et l’usine à jeux
    Le bricoleur en matière de jeu vidéo n’est pas à rapprocher du vannier ou de l’amateur de macramé, du maçon du dimanche ou de l’apprenti électricien, ni même de l’architecte en herbe présentant fièrement à sa famille médusée la visite interactive de la demeure fantasmée. Il tiendrait plutôt de l’homme orchestre, celui, pour qui, construire intégralement une maison comme une voiture paraît somme toute envisageable. Enfin, c’est en tout cas le profil que l’on peut attendre de ceux qui  ambitionnent de se lancer dans une telle aventure. Ambitieux donc, le projet de celui qui veut faire soi-même un jeu vidéo ? Certainement et à plusieurs titres.

    Tout d’abord techniquement, parce qu’il ne s’agit pas d’approcher le geste, la connaissance ou la compétence de l’artisan, du seul spécialiste, mais bien de s’approprier un processus industriel en terme d’organisation, de méthodologie et de maîtrise des multiples compétences spécifiques dans toute leur complexité. Un jeu vidéo est une production numérique, donc bien évidemment du code et en ce sens, une affaire d’informaticien. Ensuite, un jeu vidéo c’est également une atmosphère, que soutient un graphisme, une ambiance sonore, une histoire, une interactivité. Autant d’axes de création et de compétences associées. Mais un jeu vidéo, c’est aussi et avant tout une invitation faite à l’usager d’évoluer dans un univers qui lui est dédié, univers dont les règles sont le fait de celui qui fait la proposition, le créateur, le concepteur.

    Ce jeu vidéo dont on parle, finalement qu’est-ce que c’est ? Quelle est la genèse d’un tel projet ? Et que veut dire pour un acteur, soit il amateur, créer un jeu vidéo ?
    Un jeu vidéo est une œuvre (d’art ou pas, le débat reste ouvert) multimédia numérique qui propose à son usager une interaction à visée de divertissement ludique par l’intermédiaire d’un écran et d’une interface. Qu’implique cette définition ? D’abord, qu’il est question de technologie et que cette technologie avant de servir de véhicule de médiation au joueur doit être maîtrisée par le concepteur. Ensuite, que cette technologie doit être au service du concepteur pour véhiculer les contenus et les constructions qui feront sens pour l’utilisateur à qui s’adresse l’œuvre.

    Dans l’industrie des jeux vidéo, une sectorisation s’est opérée et, bien que comme ailleurs coexistent des modes organisationnels différents, la spécialisation voire l’hyper spécialisation est la norme. Pour reprendre les termes de Rolling et Morris, l’organisation en « usine de développement » suivrait la division suivante :

    3     Conception et management
    4     Programmation
    5     Artistique graphique
    6     Musique et divers
    7     Support et assurance qualité.

    Ces secteurs recouvrent des rôles divers qui seront endossés par une ou plusieurs personnes selon les objectifs et l’ambition du projet. Un studio moyen de jeux vidéo mobilise sur un projet, selon les phases du développement, de dix personnes en phase de conception à cent personnes en phase de production. Pourtant, construire un jeu vidéo, c’est toujours le même schéma créatif, celui qu’utilisaient également les pionniers du genre. C’est cette image, celle de l’inventeur, qui attire encore dans ce processus créatif au risque de l’utopie.

    3.2    Un monde cruel
    Les projets sont innombrables, mais rares sont ceux qui dépassent le temps d’une présentation, de quelques messages échangés sur un fil de discussion ouvert à grand fracas de superlatifs. Le discours et l’effervescence démontrent la vivacité sans cesse renouvelée du public vers son sujet.

    Numéro un des messages écrits sur ces forums, l’invitation à participer au projet du siècle.
    Elle émane de l’un des deux profils cités, qui conscients de la complexité de leurs projets cherche le plus souvent sans succès à s’entourer. Mais régulièrement, ce sont des autoproclamés game designer qui sans complexes et sans compétences aucunes non plus, viennent rabattre les troupes propres à constituer la main d’œuvre de leur génial projet. Flop là aussi à l’arrivée, et malheureusement, consommateur de motivation pour ceux qui s’y seront laissés prendre.

    C’est aussi dans ce registre des projets collectifs, que l’on assiste heureusement à la naissance de belles aventures, technologiques, artistiques et humaines, structurés et ouverts à la fois ils sont moteurs et formateurs.

    Si aussi peu de projets aboutissent, les outils sont-ils responsables ?
    Les logiciels, promettent souvent tout, à la fois des possibilités informatiques ductiles et une prise en main directive pour ceux qui le désirent. Nous pouvons prendre la métaphore de la palette de peinture pour illustrer notre propos : Une palette de peinture permet de faire de l’abstrait, du représentatif, du monochrome ou du polychrome. On peut donc annoncer qu’elle a les potentialités pour faire tout cela. Mais c’est ensuite le peintre qui va, par son expérience, ses attentes et ses projections dans l’outil, créer et concevoir, voire inventer un style. Il en est de même avec les logiciels de création en jeux vidéo. Souvent, la palette des potentialités des logiciels s’avère supérieure aux compétences de l’acteur. Pourtant ce dernier va mettre en doute la performance de l’outil, puisque ce dernier n’arrive pas à réaliser ce qu’il a dans la tête. L’acteur projette ses attentes dans l’outil. Alors que c’est dans ses propres potentialités créatrices que se trouve la clé, comme illustré par l’exemple de la palette de peinture.
    Quels sont ces processus de la créativité et que peut-on appeler  « acte de création » en matière de jeux vidéo ?

    4.    PENSER UN CHAMP PROPICE POUR LE DO IT YOURSELF DANS LES JEUX VIDEO. 

    4.1    Sortir de la technique et entrer dans les compétences interactionnelles. 
    Finalement, nous pouvons considérer, eu égard à tout ce que nous venons de mettre en évidence, que l’avancée du Do it yourself se fera davantage dans le domaine de la créativité que véritablement dans le domaine informatique. La plupart des projets n’aboutissent pas car les auteurs manquent d’inspiration et d’esprit innovant quant aux scénarii et à la mise en scène des idées. L’image virtuelle se réapproprie et potentialise l’objet communicant, à la fois dans les registres ludique, imaginaire et complexifiant. Cette complexité ne se révèle pas dans la performance technique, mais, nous semble-t-il, davantage dans la performance communicationnelle. Nous constatons que les outils qui sont proposés omettent le travail de conception en amont qui servirait à construire une véritable matrice interactionnelle. C’est dans et à travers ladite matrice interactionnelle que les acteurs pourront s’identifier, s’exprimer, que ce soit par la performance, l’originalité ou le détournement.

    « Le jeu vidéo est basé en grande partie sur la notion d’interaction qui peut être perçue à plusieurs niveaux. Du point de vue du concepteur, l’interaction est avant tout régie par l’ensemble des règles du système à travers lequel il va pouvoir s’exprimer. (…) Aujourd’hui, force est de constater que les jeux sont rarement exclusivement basés sur un nombre élevé, cohérent et autosuffisant de règles interactives, alors que la puissance des machines disponibles pourrait théoriquement le permettre. En effet, la définition d’un tel système de règles pose deux problèmes. Tout d’abord, la complexité pour modéliser un monde cohérent croît avec le nombre de règles le décrivant, il en résulte alors une vraie difficulté d’interprétation et de prévision de l’interaction dans ce monde. Ensuite, le concepteur a pour rôle de régler un ensemble de « méta-paramètres » influant globalement sur l’intérêt du jeu, le rythme, la gestion du conflit et la création d’enjeux.»

    4.2    Passer à une modularité des possibilités

    4.2.1    Les processus de l’acte créatif comme modularité.
    D. Cage  souligne l’intérêt de laisser de la liberté aux joueurs, tout en gardant « un pilote à la voiture»: «l’histoire est comme un élastique que l’utilisateur peut déformer à sa guise, plus ou moins long, court, ou déformé. » Ce n’est pas différent pour l’usager créateur.

    Nous considérons que pour qu’il y ait acte créatif, il faut que soit rassemblé un ensemble de capacités intellectuelles que T. Lubart  a défini en sept grandes catégories. Nous allons nous baser sur cette grille pour penser des modularités. L’idée est de partir des capacités inhérentes à l’acte créatif pour proposer à l’usager, quelque soit son profil, de trouver dans un module une solution à son problème ou, du moins, une aide concernant une lacune ou une carence. Ainsi nous devrions pouvoir être au plus près de notre recherche d’un champ propice, chaque usager (quel que soit son projet, son expérience et ses compétences), pouvant aller puiser dans l’éventail des modules proposés. Les capacités répertoriées par T. Lubart seront, dès lors, pour notre propos, des processus à mettre en œuvre pour produire l’acte créatif. Ces processus sont à projeter comme structure constituante d’un outil 2.0 d’aide à la création comme nous le sollicitons.

    Nous reformulerons ces capacités de la manière suivante :
    Capacité de l’acte créatif (Lubart)    Processus à intégrer sous forme de module
    Identification, définition et redéfinition le problème    Recadrage
    Encodage sélectif : sélectionner les informations pertinentes    Sélection facilitante
    Comparaison sélective : capacité à observer des analogies entre des domaines différents qui éclairent un problème    Corrélation analogique
    Combinaison sélective : capacité à regrouper des éléments divers d’information, qui réunis, vont former une nouvelle idée (combinaison sélective)    Combinatoire constructive
    Pensée divergente : capacité à générer plusieurs possibilités, de manière pluridirectionnelle.    Kaléidoscopique
    Evaluation des idées : auto-évaluer sa progression vers la solution    Discernement
    Flexibilité : capacité à se dégager d’une idée initiale pour explorer de nouvelles pistes. Aptitude à appréhender une seule idée sous des angles différents.    Ductilité

    4.2.2    Processus de recadrage.
    Le module devra montrer comment pour un même problème, un changement d’angle peut permettre de trouver d’autres solutions plus abordables. Ainsi, il faudra transmettre le fait qu’il n’est, par exemple, pas obligatoire de se jeter à corps perdu dans la technique pour réaliser un effet, la même idée pouvant être communiquée d’une autre manière. La 3D par exemple devrait pouvoir être recherchée en réponse et non en principe.

    4.2.3    Processus de sélection facilitante 
    Chacun doit pouvoir trouver, suivant sa sensibilité créatrice et son niveau d’expertise, des informations qui lui correspondent et à travers desquelles il peut se projeter. Le but sera ici de trouver les bibliothèques et/ou les outils lui permettant d’accéder à une version « réalisable » de son projet. Ce qui implique deux choses, une adaptativité du dispositif et une ontologie large.

    4.2.4    Processus de corrélation analogique

    La métaphore est au cœur de la pensée créative. Il est donc important que l’acteur puisse s’inspirer de métaphores, d’analogies, surfer au cœur du symbolique, pour trouver le sens et l’esprit qu’il veut laisser transparaître dans son jeu vidéo. Banques de données, mind mapping, dictionnaires. Chaque idée doit pouvoir ouvrir sur un champ référentiel multiple.

    4.2.5    Processus de combinatoire constructive 
    L’idée est ici celle que nous retrouvons plus généralement dans l’idée d’intelligence collective : Soit la mise en commun de plusieurs idées construit une nouvelle idée. L’originalité de l’idée ne peut venir que de la richesse de la combinatoire. La co-construction de jeux grâce à des dispositifs collaboratifs (en réseau ou non) offre un gisement intéressant permettant de dépasser l’imagination individuelle des acteurs. Le brainstorming 2.0.

    4.2.6    Processus kaléidoscopique
    A partir d’un point de départ, ce processus va créer un grand nombre de possibilités, d’ouvertures différentes. Effets transformants et divergents d’une vision permettant d’avoir des pistes pluridirectionnelles. Une possibilité de déconstruction-reconstruction élémentaire qui permet à de nouveaux arrangements d’émerger.

    4.2.7    Processus de discernement
    Dans la continuité du processus kaléidoscopique, le processus de discernement va tenter de choisir, de trier les possibilités, pour n’en garder que les meilleures ; meilleures en terme de faisabilité et d’harmonie. Du chaos des éléments doivent émerger les formes d’arrangements qui répondent au choix de l’acteur.

    4.2.8    Processus de ductilité
    Ce concept de ductilité renvoie à l’idée de quelque chose de malléable. Le processus créatif ,pour véritablement émerger, doit pouvoir être flexible, adaptatif au point de créer des espaces novateurs, il doit ouvrir à la remise en question sans rompre. Le bouton d’annulation doit être multi directionnel, dimensionnel, contextuel, temporel. L’erreur n’existe pas : elle ne doit être que déformation ponctuelle.

    4.2.9    Inciter l’acte créatif, l’émergence du champ propice
    En référence à CSIKSYZENTMIHALYI, l’émergence d’un champ propice trouve écho dans la théorie du flow. Entre le défi que se lance l’acteur et les compétences qui feront réellement sens dans sa communication avec l’outil, un espace du plaisir de faire peut naître, un espace fixant les limites du champ propice.
    Ces limites sont étroites et l’acte créatif rare, l’exercice est difficile, il s’agit d’inciter sans guider pour qu’émerge le champ propice.

    4.3    L’acte de création dans le jeu vidéo

    Qu’est-ce que c’est, avoir une idée ? Qu’est-ce que c’est avoir une idée au cinéma ?
    C’est ainsi que Gilles Deleuze ouvrait sa conférence à la FEMIS en 1987.
    Nous pourrions reprendre mot par mot ses réflexions et les appliquer au cas du jeu vidéo. « Avoir une idée, ce n’est pas courant, c’est un événement (…) avoir une idée, ce n’est pas quelque chose de général, on n’a pas une idée en général, une idée est déjà voué, comme celui qui a une idée est déjà voué à un domaine (…) avoir une idée c’est tantôt une idée en roman, une idée en philosophie, une idée en science, une idée en art, et ce n’est pas le même qui a toutes ces idées. »

    Avoir une idée en jeu vidéo, ce n’est donc pas avoir une idée en général, je ne peux avoir une idée que sur ce que je connais, et pour avoir une idée en jeu vidéo, il me faut le connaître, le pratiquer, le réaliser, ou peut-être même simplement l’aimer, mais le connaître.

    « Le philosophe invente des concepts, le cinéma des blocs de mouvement / durée, et chacun raconte des histoire avec (…) le peintre invente des blocs de ligne / couleur, la musique des blocs d’un autre type, la science n’est pas moins créatrice elle invente des fonctions (…)  pas d’opposition entre art, science et philosophie »

    Qu’invente le créateur de jeux vidéo ? Nous proposerons, des blocs de situation / action. L’observation du contenu de jeux vidéo fait apparaître comme l’ont montré de nombreuses études qu’au-delà des typologies habituelles, existent à un niveau plus fin ce que l’on peut qualifier d’arrangements ludiques. Une situation et une proposition d’action. L’auteur et le joueur partagent une culture de ces arrangements, et conservatisme et tentative d’innovation s’y confrontent aussi fréquemment que dans les autres champs de créativité.

    Une mise en situation du joueur dans un univers pensé et réglé par le concepteur. 
    L’exercice implique le travail sur l’idée, qui ne jaillit pas toujours d’un éclair de génie, puis sur l’écriture, parce qu’un jeu vidéo c’est parfois une histoire qui est raconté,  mais toujours celle que le joueur va écrire. L’auteur, nous pouvons l’appeler ainsi, va habiller ensuite son univers de ces blocs de situation /action qu’il va puiser dans sa culture vidéoludique, comme le philosophe puise dans les concepts et le savant dans ses fonctions. Parfois, parce qu’il a besoin d’autre chose ou  parce qu’il n’arrive pas à exprimer, peut être parce qu,e comme disait Deleuze, «le créateur ne crée que par nécessité », alors il invente un nouveau bloc situation / action. L’acte est rare et précieux. Quand on veut avoir des idées en jeu vidéo, c’est l’ambition qui doit nous nourrir. Pour que ces blocs de situation / action arrivent jusqu’à l’usage, les fonctions du savant, l’informaticien dans notre cas,  seront indispensables, et si percepts et affects se manifestent c’est que l’art n’est pas très loin. Dans l’acte de création il y invention, mais celle-ci ne se fera innovation que si le succès la légitime.

    «  La personne créative devient ainsi : celui ou celle dont la pensée ou les actions font évoluer un domaine ou en créent un nouveau. Il convient toutefois de ne pas oublier qu’un domaine ne peut-être modifié sans le consentement implicite ou explicite du milieu concerné. »

    Conclusion
    En conclusion, le créateur joueur semble y trouver son compte et la production amateur témoigne qu’outils techniques et créativité semblent ne pas trop mal s’associer au service de ce profil d’usager. Le créateur inventeur, par contre, s’il veut se lancer seul, se devra d’être ou de devenir multicompétent pour envisager de donner forme à sa créativité. Le wysiwyg  du jeu vidéo n’est pas encore là, est-ce nécessaire dirons les uns, la masse de candidats pour le peu d’élus répond en écho que la question vaut d’être examinée.

    Dans la majorité des cas, entre les projections de l’acteur et sa confrontation à l’acte de création l’espace à combler ressemble à un abîme. L’offre logicielle tout autant que l’acteur négligent les phases de conception et les réalisations avortent faute de consistance. L’appropriation du modèle fonctionnel de l’industrie est difficile pour l’acteur seul et la fierté de faire son propre jeu est au prix d’un investissement sans failles.
    Il faut penser les outils du créateur en prenant du recul, élargir le champ pour que de la palette on passe à l’établi et qu’apparaissent marteau burin ou glaise. Il faut aussi laisser du champ, faire apparaître les tiroirs cachés quand ils sont nécessaires. L’idée doit pouvoir faire son chemin, se construire, pendant qu’outils et mode d’emploi ne lui seraient, que contextuellement proposés.
    Le do it yourself 2.0 en matière d’outil créatif multimédia, comme son éponyme web ne peut se suffire de cette dimension dynamique, il doit engager l’étape sémantique pour rejoindre les projets de l’acteur.
    « Rien de ce qui est construit, s’il fait sens, ne peut être entièrement pré-spécifié ; car anticiper ce n’est pas seulement déterminer le futur à partir du présent, c’est aussi relancer l’ouverture constitutive, ajuster indéfiniment dans l’expérience ce qui doit rester vague, à raison même de l’ouverture constitutive de cette expérience. Construire est toujours en même temps reconstruire en réinventant. »

    Communication Scientifique Colloque Ludovia 2008 (Extraits)
    Claire NOY
    Université Paul Valéry
    Montpellier III
    n° 71
    claire.noy@univ-montp3.fr
    Thierry SERDANE
    Université Paul Valéry
    Montpellier III
    n° 71
    thierry.serdane@serendiconcept.fr

  • La conception de jeux vidéo éducatifs

    La conception de jeux vidéo éducatifs

    SAINTPIERRE1410200813
    Le site web qui explique en détail la méthodologie développée, qui est composée de quatre capsules décrivant les potentialités des jeux vidéo éducatifs tout en présentant les concepts théoriques et pratiques nécessaires à la compréhension et à la pratique de la conception multimédia.

    Les capsules sont accompagnées d’exemples permettant d’expérimenter des jeux éducatifs, d’un glossaire pour enrichir la compréhension du domaine ainsi que d’une liste de sites Web abordant des questions connexes à la conception de jeux éducatifs.

    Capsule 1 : Domaine du Multimédia
    Les applications multimédias peuvent prendre une multitude de formes et répondre à des besoins pour des publics très diversifiés. 
    Cette capsule vise à définir le concept du multimédia interactif et d’identifier la forme des grands genres et des publics ciblés par de telles applications. Elle vise aussi à définir le processus de développement d’une application multimédia incluant les fonctions de travail, le rôle du concepteur/scénariste ainsi que les aspects logiciels et matériels utiles à la conception, à la production et à la diffusion d’un projet multimédia.

    Capsule 2 : Récit et Hypermédia
    La pratique de la conception hypermédia met en jeu de nouvelles manières de jouer, de communiquer et d’apprendre. 
    L’interacteur est maintenant placé au coeur d’un système dynamique où il devient un acteur pouvant intervenir sur les éléments d’un espace qui raconte une histoire.
    Cette capsule vise à sensibiliser le concepteur/scénariste à certains aspects du langage cinématographique pouvant être utilisés lors de projets d’écriture multimédia. Elle vise aussi à définir les caractéristiques des hypermédias, les formes qu’ils peuvent prendre et les différentes modalités opératoires par lesquelles l’utilisateur peut interagir avec les contenus les composant.

    Capsule 3 : L’apprentissage par le jeu vidéo
    La pratique des jeux vidéo favorise certains processus affectifs, cognitifs et communicationnels ouvrant la voie à l’émergence de savoirs et de connaissances. 
    Cette capsule vise à situer les tendances d’évolution des jeux vidéo éducatifs dans une perspective historique. Par ailleurs, elle permet d’identifier les grands courants théoriques à partir desquels les pédagogues et les concepteurs peuvent s’inspirer pour développer des scénarios d’apprentissage adaptés aux jeux vidéo éducatifs. Enfin, cette capsule observe un domaine de recherche en émergence qui s’intéresse plus particulièrement à l’apprentissage faisant usage de jeux vidéo « grand public » ou encore de jeux vidéo créés spécifiquement pour un contexte pédagogique particulier.

    Capsule 4 : Modèle pour la conception de jeux vidéo éducatifs
    De la complexité des formes, des méthodes, des techniques et des procédés émerge un modèle destiné à simplifier le travail de conception multimédia.
    Cette capsule permet d’appréhender un modèle systémique qui intègre à partir de l’intention, l’ensemble des composants d’information, d’interface et d’interactivité d’un projet de conception de jeu vidéo éducatif. Elle présente également les éléments essentiels devant figurer dans un devis de conception multimédia.

    Travaux issus de la Thèse Doctorale de René Saint-Pierre Doctorat en Études et Pratiques des Arts Université du Québec à Montréal (UQAM) (Résumé)

    Source : par email René Saint-Pierre

  • « Faire soi-même » les jeux vidéo : l’exemple de l’additiel

    Au fur et à mesure de leurs expériences ludiques et du développement des jeux vidéo, les joueurs acquièrent une expertise qui enrichit leur encyclopédie et leur permet d’interagir avec le jeu. L’encyclopédie est l’ensemble des connaissances et expériences d’un individu ou d’une collectivité auxquelles l’individu se réfère pour construire le sens du monde qui l’entoure (Eco, 1984). L’encyclopédie du joueur est constituée des expériences perceptives, des affects et des connaissances spécifiques ou non aux jeux vidéo et est sans cesse réutilisée pour reconnaître, comprendre et interagir avec le jeu. Cette encyclopédie se transforme au fil des expérience de vie et de jeu du joueur et son enrichissement permet un plus grand contrôle sur l’expérience de jeu : des connaissances plus grandes du jeu vidéo permettent non seulement de « jouer le jeu », mais aussi de se l’approprier à son avantage (corrélation foucaldienne entre le savoir et le pouvoir).

    En effet, si l’espace de jeu est délimité par un cadre conceptuel et technologique dont le joueur doit tenir compte, à l’intérieur de ces limites, le joueur possède un espace d’appropriation suffisant pour percevoir, interpréter et évaluer le jeu de manière unique pour ensuite interagir avec les éléments du jeu.

    Les choix de jeu mis en place par les concepteurs offrent un cadre interprétatif aux joueurs qui borne les possibilités d’action dans le jeu, mais qui ne les prédétermine pas entièrement. L’espace d’appropriation, non seulement rend possible le déploiement du jeu puisque, par définition, il permet l’existence d’un espace de jeu (de mouvements), mais, en plus, il permet de transformer le jeu (de manière physique ou interprétative). Le joueur, en maîtrisant les signes et les règles organisant les jeux vidéo, peut s’approprier le jeu, le faire sien et devenir alors le créateur de sa propre expérience ludique. Les jeux vidéo sont principalement développés par les concepteurs et éditeurs de jeux vidéo, mais les joueurs participent à l’élaboration des représentations, des significations et des usages. Grâce à leurs connaissances, les joueurs peuvent agir sur le jeu et peuvent « faire (en partie) eux-mêmes » les jeux vidéo – particulièrement les jeux vidéo en ligne.

    S’approprier le jeu

    Définition du jeu
    L’expression « faire soi-même » les jeux vidéo ne réfère pas à tous ces joueurs qui créent leurs propres jeux vidéo, indépendants, et qui sont diffusés à l’extérieur des circuits commerciaux ni au fait que les concepteurs soient, dans la presque totalité des cas, eux-mêmes des joueurs. Il est plutôt question ici de ces joueurs qui ne travaillent pas pour un éditeur de jeux, mais qui participent tout de même, à leur manière, au développement des jeux vidéo commerciaux ou, du moins, qui leur donnent de nouvelles significations.

    En effet, une partie de la communauté des joueurs expérimentés s’approprie les jeux vidéo pour les développer ou faire des détournements de sens et d’usage. Cela ne concerne pas l’expérience que vivent tous les joueurs, mais présente une réalité vécue par une partie de la communauté et est le reflet d’une certaine mentalité présente chez des joueurs, surtout ceux qui sont expérimentés (hardcore gamers). Les jeux vidéo commerciaux sont des produits finis, mais, pourtant, une fois mis sur le marché, ces jeux continuent d’être transformés grâce à l’intervention de certains joueurs.

    D’un point de vue philosophique, la liberté des joueurs de « faire soi-même » le jeu est inscrite dans la définition même du jeu. Selon Colas Duflo, le jeu est « l’invention d’une liberté dans et par une légalité » (1997 : 57), le point de rencontre entre la liberté et les contraintes étant justement le jeu. Le « jeu » est cet interstice entre des pièces, c’est-à-dire un espace libre permettant le mouvement, mais qui est encadré par des barrières définies. La contingence fait partie de la définition du jeu et cette marge assure l’exercice du jeu, qui se renouvelle sans cesse. Si celui-ci est un ensemble de règles et de représentations données a priori, seul le joueur en actualise l’expression : le jeu est nécessairement « performé » par le joueur et dépend de l’attitude qu’il adopte face au jeu.

    Ce dernier devient ce que le joueur en fait comme expérience, mais, si le joueur affecte le jeu, il est aussi affecté par lui d’une manière qui n’est jamais statique. Même en suivant les règles à la lettre, le joueur donne une forme nouvelle au jeu, grâce à son encyclopédie (perceptuelle, conceptuelle et affective), et rend possible l’existence du jeu. Son expérience de jeu, d’une partie à l’autre, d’une fois à l’autre, ne sera jamais la même, car l’encyclopédie du joueur évolue et, par le fait même, l’interprétation et l’expérience qu’il fera du jeu.

    Bien sûr, certains jeux, comme le jeu vidéo, peuvent conditionner à certains types d’expérience et il peut être difficile de maîtriser l’objet. Or, il est impossible de circonscrire complètement ce que deviendra le jeu : une fois sur le marché, rien n’en garantit son interprétation et son usage et des connaissances et/ou une imagination suffisantes dans le domaine (liées à une attitude face au jeu) permettent aux joueurs d’agir sur le jeu. La rencontre entre les limites du jeu vidéo et les possibilités d’interprétation et d’action est le lieu de médiation, le lieu où le joueur s’approprie le jeu pour en répéter les règles ou les transformer – en d’autres mots, pour singulariser son expérience ludique grâce à l’appropriation.

    L’espace d’appropriation
    L’espace d’appropriation est un espace plus ou moins créatif pour interpréter le monde et, éventuellement, l’adapter (plus ou moins consciemment) à son usage. Le joueur s’approprie le jeu et peut pousser ses règles, les suivre, les transformer, les réinventer. Le joueur est un médiateur qui, pour reprendre les mots de Latour (1997), peut traduire ce qu’il transporte, le redéfinir, le redéployer et le trahir. L’espace de jeu a une autonomie à part entière et les concepteurs de jeux, bien qu’ils instaurent des limites (conceptuelles et technologiques) au média, ne peuvent en contrôler l’entière utilisation : en tant que médiateur, un joueur peut entretenir des rapports imprévisibles avec le jeu.

    Le joueur, même placé au cœur d’un cadre solide, se construit un espace de jeu pour faire sien l’univers qui lui est présenté et procéder à des détournements (De Certeau, 1980). La pratique et l’attitude des joueurs définissent ainsi ce que sont les jeux vidéo et ce, dans un processus en constant devenir qui n’est pas (entièrement) contrôlé par les concepteurs (Malaby, 2007).

    Ces façons de s’approprier le jeu, qui ne sont parfois pas prévues par les concepteurs et éditeurs de jeux, permettent un équilibre entre ce que le jeu propose et la façon dont le joueur en dispose. Plusieurs joueurs font preuve d’initiatives dans l’appropriation des jeux vidéo et cette appropriation prend différentes formes : une appropriation ludique, comme, par exemple, le fait de jouer à la cachette ou aux dominos géants dans un jeu de tirs à la première personne (shooter) tel que HalfLife; une appropriation sociale où, dans un jeu de rôle en ligne tel que World of Warcraft, des joueurs organisent des initiations ou des fêtes via des avatars; une appropriation politique, où, dans un jeu de rôle tel que SecondLife, des joueurs se réunissent, via leurs avatars, pour manifester ou faire des campagnes de sensibilisation; une appropriation économique comme, par exemple, le fait de développer une économie parallèle en vendant des objets pixellisés en échange de dollars dans des jeux tels que EverQuest; une appropriation éthique, comme, par exemple, dans le jeu de stratégie en temps réel, Mankind, où des joueurs se sont spontanément faits les « gardiens du Bien »; une appropriation esthétique comme, par exemple, tous ces jeux qui servent de décor pour la création de films ou de vidéoclips par des joueurs (ce qu’on appelle des machinimas).

    Les additiels

    Ce qu’est un additiel
    De nombreux autres exemples d’appropriation pourraient être cités, car il ne faudrait pas croire que ces cas sont isolés. Cependant, dans le cadre de cette communication et dans l’optique du « faire soi-même », l’exemple le plus probant de la participation des joueurs au développement des jeux vidéo commerciaux grâce à leur appropriation est le développement d’additiels (add-ons) par certains joueurs expérimentés. En effet, les joueurs qui veulent améliorer le jeu ou leur expérience ludique programment des additiels qui viennent se greffer au jeu.

    L’additiel est un petit programme qui est ajouté au logiciel du jeu et qui permet d’effectuer certaines fonctionnalités.Dans un jeu tel que World of Warcraft, la plupart des additiels ont une fonction informative et/ou ils facilitent les actions dans le jeu. Par exemple, un additiel appelé Healbot permet non seulement d’afficher la ligne de vie de tous les joueurs qui sont dans la même équipe qu’un healer (la fonction de certains joueurs est de donner de la vie), mais aussi de donner de la vie directement, à l’aide d’un seul clic pour l’ensemble des joueurs (au lieu de sélectionner les joueurs les uns après les autres, ce qui peut être particulièrement difficile en pleine bataille).

    D’autres additiels indiquent les sorts que sont en train de lancer les ennemis, le niveau de dommages que les joueurs font, la valeur des objets à l’encan, etc.

    Ces additiels sont créés par les joueurs eux-mêmes et échangés gratuitement sur des sites qui leur sont spécifiquement dédiés, tels que wowace.com et curse.com pour World of Warcraft. Les joueurs téléchargent et installent les additiels dans un dossier spécifique du jeu. Une fois le jeu lancé, le joueur peut mettre en fonction l’additiel et parfois décider de son lieu d’affichage. Certains joueurs peuvent en installer plus d’une centaine : on constate alors que non seulement leur interface de jeu n’est plus du tout comme celle d’origine, mais l’expérience même de jeu est différente. Le contrôle, la performance et les facultés requises ne sont plus les mêmes et le jeu se trouve passablement transformé.

    Certains joueurs, d’ailleurs, reprochent aux additiels de trop simplifier la vie des joueurs et sont qualifiés de tricherie (« ce n’est plus le jeu ») alors que d’autres affirment qu’ils sont un moyen de jouer plus efficacement (« c’est le jeu, en mieux »). D’ailleurs, il est fort probable que les additiels créés par les joueurs, dans le jeu World of Warcraft, ont été la cause d’une réussite si rapide du jeu en entier par les joueurs (le fait que les joueurs complétent si rapidement le jeu, lors de son expansion Burning Crusade, par exemple, a surpris l’éditeur du jeu, Blizzard Entertainment).

    En fait, les additiels offrent des avantages indéniables aux joueurs qui les possèdent : ces utilisateurs ont plus d’informations, peuvent prendre de meilleures décisions, réagir plus vite, être plus efficaces. En d’autres mots, les additiels permettent d’améliorer la performance de jeu en fournissant des informations supplémentaires au joueur et/ou en réduisant son temps de réaction. Il faut bien comprendre que dans le type d’univers tel que World of Warcraft, une majorité de joueurs veulent être performants.

    Pour cela, ils doivent contrôler le plus possible le jeu et ce contrôle passe par l’expérience, par l’accumulation de connaissances, par la réception d’informations en temps réel et par un temps de réaction le plus court possible. Les joueurs passent des heures à s’informer auprès des autres joueurs au moment du jeu, mais aussi lorsqu’ils quittent l’interface de jeu : ils fréquentent des sites web créés par des joueurs, lisent de la documentation aussi préparée par des joueurs, consultent des livres, etc. Certains joueurs rédigent des « manuels » d’utilisateurs pour aider les autres joueurs ou développent des méthodes de calculs statistiques pour améliorer leurs performances et celles des autres joueurs. L’éditeur du jeu n’a rien à voir avec le contenu de ces documents, entièrement faits par les joueurs et partagés entre eux.

    Le partage des additiels

    Ce qui est fascinant avec l’exemple donné par les additiels, c’est qu’ils sont partagés entre tous les joueurs alors que ceux-ci sont très compétitifs entre eux et cherchent par tous les moyens à améliorer leur performance. Le joueur qui crée (code) un additiel, au lieu de le garder pour lui-même et d’avoir cet avantage sur les autres joueurs (et pouvoir être le meilleur), le donne en accès libre pour que tous puissent en profiter. Tous les joueurs ont accès à ces additiels et peuvent, à leur tour, transformer une partie du jeu. Il faut beaucoup de connaissances, autant du jeu que de l’informatique pour pouvoir programmer un additiel et la réalisation de ces ajouts au jeu n’est pas donnée à tous. Cependant, plus les joueurs enrichissent leur encyclopédie, plus ils sont à même d’agir sur le jeu : plus ils ont de connaissances, plus les joueurs ont un pouvoir direct sur le jeu et son expression et peuvent, par exemple, créer des additiels.

    Il faut aussi mentionner que tous les additiels sont écrits en code source ouvert et tous peuvent les modifier pour les améliorer. Ces modifications sont ensuite partagées avec la communauté des joueurs qui effectuent à leur tour d’autres améliorations ou en créent carrément des nouveaux. L’esprit de cette communauté de joueurs est que le partage de leur travail est le meilleur moyen de tester et d’améliorer leurs habiletés en programmation, d’apprendre grâce aux commentaires et suggestions des autres (feedback) et de développer de meilleurs additiels en mettant en commun les forces de tous les programmeurs. « Faire soi-même » des additiels pour des jeux vidéo est un moyen d’apprendre qui passionne plusieurs joueurs.

    En fait, outre l’amélioration de ses compétences, le joueur créateur d’additiels obtient une reconnaissance de la part de la communauté des joueurs – reconnaissance de sa valeur comme joueur, mais aussi reconnaissance de ses talents en informatique et du don qu’il a fait. La communauté de joueurs joue un rôle important dans l’expérience de jeu et dans l’apprentissage faite de la programmation et cette communauté ne doit pas être sous-estimée quant à son pouvoir d’agir sur les jeux vidéo et leur développement.

    Les passionnés d’un jeu vidéo unissent leurs forces pour développer des additiels (mais aussi des usages particuliers) et leur travail et expériences sont partagés dans la communauté des joueurs (principalement grâce à Internet). Cette façon de penser n’est d’ailleurs pas étrangère à la culture hacker et à cette communauté. Avant d’aller plus loin, il faut préciser que le mot hacker ne doit pas être confondu avec le mot « cracker », qui désigne les pirates informatiques ayant l’intention de nuire (to crack – briser). Les hackers sont plutôt des passionnés d’informatique associés au mouvement du logiciel libre et des valeurs qui y sont véhiculées.

    Les joueurs/Hackers

    La mentalité hacker

    Toute la mentalité des hackers se base sur la coopération, l’échange, la « gratuité », l’enseignement participatif, le partage, la considération pour les autres, l’ouverture, la liberté d’expression, la créativité, la passion, le respect de la vie privée, la résolution de problèmes en groupe, le développement de meilleurs outils utiles à tous, la liberté d’utilisation et de critique, la possibilité de participer au développement, un pouvoir décentralisé et l’absence de hiérarchie autre que celle basée sur les résultats produits par chacun. Bien sûr, comme le souligne Himanen, qui a écrit le livre L’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information (2001), ces valeurs sont des idéaux, pas nécessairement toujours atteints, mais qui sont tout de même une direction qui guide le mouvement hacker du « libre ».

    Ces valeurs d’égalité sociale, de participation du citoyen et de reconnaissance de la créativité de l’individu ne sont pas sans rappeler les bouleversements sociaux qui ont eu lieu en Occident dans les années 1960-1970, au moment même de la révolution informatique et des balbutiements des premiers jeux vidéo. Des noms tels que Russells, Wozniak, Thompson, Ritchie, Jobs, Bushnell, Pajitnov, Cerf, Berners-Lee, Andreessen, Torvalds, Joy et Stallman sont associés à l’histoire de l’informatique et des jeux vidéo.

    Ces passionnés d’informatique ont développé l’ordinateur personnel, les premiers logiciels et consoles de jeux vidéo, le réseau Internet, la Toile (World Wide Web), le protocole TCP/IP, les serveurs Apache, différents logiciels dont un fureteur et même un système d’exploitation (Linux). Ils ont eu une influence majeure dans la révolution de l’informatique, eux-mêmes inspirés par les « pères de l’informatique », John von Neumann (1903-1957), Alan Turing (1912-1954) et autres Shannon qui ont, selon l’éthique scientifique, partagé leurs connaissances et leurs découvertes avec l’ensemble de la communauté pour favoriser l’émergence du savoir (en l’occurrence, l’informatique moderne).

    L’histoire de l’informatique et celle des jeux vidéo sont donc intimement liées à l’histoire du mouvement hacker. Bien que l’entreprise privée ait désormais pris le contrôle presque total du développement des jeux vidéo commerciaux, la mentalité du « libre », à travers le Web (qui, rappelons-le, échappe encore aujourd’hui au contrôle de l’État ou de l’entreprise privée), continue d’influencer les esprits. Les joueurs sont baignés dans cette culture du « libre » et les jeux se pratiquant sur le réseau sont d’autant plus influencés par la culture hacker.

    À travers l’histoire du développement des jeux vidéo, les exemples sont nombreux démontrant les diverses manières dont les joueurs se sont appropriés les jeux vidéo, conformément à la mentalité hacker, ou ont participé directement au développement de certains jeux.

    Le développement des jeux vidéo par les joueurs

    Les concepteurs du premier jeu vidéo de tir à la première personne (FPS) en réseau avaient d’ailleurs bien compris que la culture hacker profiterait à l’industrie du jeu vidéo, si elle était bien « canalisée ». L’éditeur de jeux vidéo Id Software, créé en 1991 suite au succès du jeu Commander Keen, réunit trois jeunes hackers qui réalisent le célèbre Wolfenstein 3D. En 1992, ils éditent le jeu Doom, un  jeu de tir se jouant à quatre joueurs. La première partie du jeu (sur les trois développées) a été distribuée gratuitement sur Internet et les copies se sont multipliées, de façon tout à fait légale. Les joueurs, s’ils avaient apprécié cette première partie, pouvaient obtenir le jeu au complet pour une modique somme transitée sur le web. Id Software n’ayant pas à faire affaire avec le système de distribution (avec plusieurs intermédiaires à payer) s’est vu récolter tous les profits directement, inaugurant ainsi un nouveau modèle économique conforme à l’ère du commerce électronique (Ichbiah, 2004 : 192). Les joueurs ont d’ailleurs fait eux-mêmes la publicité pour ce jeu, qui s’est rapidement dissiminé grâce à Internet.

    Plus intéressant encore, le moteur du jeu a été rendu disponible pour les joueurs et ils ont pu le modifier pour développer leurs propres environnements. Ainsi, Doom a été développé grâce à la participation des joueurs et hackers qui se sont littéralement appropriés le jeu, conformément à l’éthique hacker.

    La communauté Internet a contribué à l’amélioration du jeu. Partout dans le monde, des joueurs se sont affairés pour développer de nouveaux décors pour Doom. Certains programmeurs de haut niveau ont même « démonté » le logiciel et créé des outils permettant de le faire évoluer. Une fois qu’un joueur avait terminé Doom, il pouvait donc récupérer les centaines de niveaux disponibles sur Internet. Bien qu’id Software n’ait tiré aucun profit direct d’une telle ébullition, celle-ci a amplifié le phénomène Doom. Ce jeu s’étant ainsi vu doté d’une forme d’évolution spontanée (Ichbiah, 2004 : 193).

    Pour la suite de Doom, id Software a mis en ligne trois niveaux de son nouveau jeu, Quake (qui se joue à 16 joueurs simultanément), pour qu’il soit testé par les joueurs eux-mêmes. « Deux jours plus tard, des listes d’anomalies affluent dans la boîte aux lettres électronique des programmeurs. Certains ‘bidouilleurs’ ont eux-mêmes concoctés des corrections et ne sont que trop heureux de les fournir à id Software (Ichbiah, 2004 : 202) » . D’ailleurs, le fait que Quake puisse se jouer à seize joueurs entraîne la création de serveurs par des joueurs passionnés par le jeu et le succès du jeu est garant de l’apport des joueurs pour le développer et le diffuser (et d’autres jeux, tel que Team Fortress, seront développés à partir de l’engin de Quake).

    Sur le même modèle économique et selon la même éthique hacker seront aussi développé les jeux de tir Duke Nukem, Unreal et Counter Strike (un mod du jeu Half-Life qui deviendra extrêmement populaire). D’autres types de jeux se font littéralement approprier par les joueurs qui en développent des usages (tel que le conc jumping) ou même du contenu (avec les additiels ou des objets intégrés au jeu). Herz, dans son article « Gaming the System », donne l’exemple de Sim City: le jeu a été accompagné d’outils pour permettre aux joueurs de créer leurs propres éléments dans le jeu. Rapidement, les joueurs se sont mis à fabriquer leurs propres objets et à personnaliser leur jeu (custom).

    Cette décision de la compagnie de permettre aux joueurs de développer le jeu a été un succès à tous les niveaux : les joueurs ont apprécié personnaliser leur expérience ludique, créer leurs propres éléments du jeu et échanger leur production alors que les concepteurs profitaient de cet engouement qui n’exigeait aucun investissement. Tellement que, selon Herz, quatre-vingt-dix pourcent du contenu du jeu était, en 2002, produit par les joueurs eux-mêmes. Selon l’auteur, la principale motivation des joueurs serait la reconnaissance des autres joueurs face à leur production et Herz parle de la « social ecology of videogames » (2002 : 91). Créer une partie du jeu, c’est prolonger l’expérience ludique du joueur et, désormais, grâce au réseau d’Internet, ces créations peuvent être partagées avec des milliers, sinon des millions de joueurs.

    It is this web of relationships between players that sustains the videogame industry […] it was not hardware or software that drives innovation in videogames. Rather, it is the intersection of open architecture and on-line social dynamics that drives the medium forward. A highly networked, self-organizing player population is given the tools to customize and extend games, create new levels, modifications and characters (Herz: 2002: 93 et 97).

    Certains partisans du « libre » ont d’ailleurs affirmé que, sans l’intervention des hackers, nombre des réalisations liées aux nouvelles technologies n’existeraient tout simplement pas aujourd’hui. Nous pourrions ajouter que le dévelopement des jeux vidéo serait différent sans l’apport des joueurs/hackers. Le développement du jeu s’inscrit dans cet héritage du « libre » et une partie des joueurs continue de faire des usages originaux des jeux vidéo et de les transformer, conformément à l’éthique hacker du partage, de l’enseignement coopératif et de la passion. L’exemple de l’additiel est, à cet égard, révélateur, mais plusieurs autres exemples, pour différents types de jeux, pourraient être donnés démontrant à quel point le développement des jeux vidéo commerciaux a été garant et dépend encore aujourd’hui en partie de l’usage fait par la communauté des joueurs.

    Conclusion

    Bien sûr, dans cette présentation, seuls quelques exemples ont été donnés et certains aspects importants de la question n’ont pas été abordés. Par exemple, il n’a pas été question de la façon dont les développeurs et éditeurs de jeux exercent un contrôle à la fois sur l’expérience de jeu des joueurs et sur les possibilités de développement du jeu. Pour revenir au jeu World of Warcraft, il faut mentionner que Blizzard Entertainment, l’éditeur du jeu, intègre, tolère ou interdit chacun des additiels qui sont ajoutés au jeu et a toujours un droit de regard sur les additiels qui sont utilisés.

    Blizzard Entertainment a toujours le dernier mot sur l’usage qui est fait du jeu et demeure le propriétaire de tout le matériel qu’il s’approprie (de tous les additiels intégrés au jeu). L’éditeur demeure le principal producteur du contenu du jeu et l’apport des joueurs demeure modeste par rapport à la programmation réalisée par les employés de la compagnie. Blizzard Entertainment n’a pas le contrôle total lors de l’actualisation du jeu, mais il fait en sorte d’avoir le plus de pouvoir possible (autant d’un point de vue de la programmation que d’un point de vue juridique ou autres).

    Cependant, la compagnie n’a pas intérêt à empêcher complètement les joueurs de développer des additiels, car, parmi ces productions et ces usages, plusieurs ont été ou seront reprises dans les versions subséquentes du jeu. Ces joueurs informaticiens qui programment des additiels développent le jeu et leurs créations peuvent être intégrées à la plate-forme ludique sans rénumération de la part de Blizzard Entertainment. En outre, des usages ludiques ou artistiques tels que les machinimas constituent un outil de promotion pour les compagnies, car ces films produits dans les décors de leurs jeux peuvent être visionnés des milliers de fois grâce à une diffusion sur Internet. Si la mentalité hacker imprègne une grande partie de la communauté des joueurs et du web 2.0. en général, les éditeurs de jeux vidéo commerciaux profitent de ces créations, même si c’est parfois de manière marginale.

    En regardant l’exemple des additiels, il est vrai de dire que très peu de joueurs verront leurs productions être intégrées aux jeux vidéo commerciaux. Cependant, tous les joueurs, à des échelles différentes, s’approprient le jeu et font preuve, à un moment ou un autre, de créativité, ne serait-ce que dans l’interprétation et l’expérience, nécessairement uniques, qu’ils en font. Les jeux vidéo prédisposent certainement à un certain type d’interprétation et d’usage, mais, au bout du compte, ils ne prédéterminent pas ce que le joueur en fera.

    S’il n’était pas possible, pour le joueur, de s’approprier le jeu et d’exercer sa liberté dans la contingence du jeu, l’expression des jeux vidéo ne serait pas celle qui est observée actuellement : il est d’ailleurs fort à parier que, si les joueurs étaient aussi contraints que certains l’affirment et qu’ils ne pouvaient pas « faire (en partie) soi-même » le jeu, les joueurs ne joueraient pas autant… Comme dirait Duflo, l’humain joue pour apprendre sa liberté (1997 : 75).

    Communication scientifique LUDOVIA 2008 par Maude BONENFANT (extraits)
    HOMOLUDENS, Groupe de recherche sur la communication et la socialisation dans les jeux vidéo
    GERSE, Groupe de recherche sur la sémiotique des espaces
    Université du Québec à Montréal (UQAM)