Le mot selfie (« photo autoportrait ») a été choisi comme mot de l’année 2013 par les Dictionnaires d’Oxford et inclus sur OxfordDictionaries.com en août dernier [1], et même s’il n’est pas encore présent dans les dictionnaires français, personne n’a pu y échapper ou tout au moins en entendre parler. Ainsi, l’année passée a été marquée par le développement d’une nouvelle « mode » et une simple consultation des moteurs de recherche les plus populaires indique que le phénomène est largement répandu. Popularisé auprès du grand public principalement par les people, mais aussi par le pape François qui s’est prêté au jeu [2], le selfie est pris à bras portant avec son Smartphone et destiné à être posté sur les réseaux sociaux numériques (RSN) comme Facebook, Twitter, Instagram ou encore Flickr.
Si comme le souligne D. Wolton, « l’individu est d’autant plus « interactif » que les contacts réels sont difficiles »[3], le selfie permettrait en plus de favoriser de nouvelles relations, de s’affranchir d’une autre barrière dans les échanges, celui de la maîtrise de la langue. On pourrait ainsi communiquer par photos interposées et signaler à/avec l’autre que l’on partage une idée, mais aussi un moment, par l’intermédiaire, d’un « j’aime », d’un « retweet » ou d’un « cœur ».
Il s’agit donc, au travers de ce travail, d’étudier la construction de la relation entre les producteurs et les récepteurs de selfies, au travers de la transmission de ces images de soi.
André Gunthert, enseignant-chercheur en culture visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), propose une définition du selfie qui, selon lui, serait « une image connectée, qui se présente comme une proposition d’interaction, dans un contexte conversationnel. C’est donc un outil d’échange social »[4]. Ainsi, le selfie serait un nouveau mode d’expression numérique lié au développement des TIC et s’inscrirait dans la continuité des échanges SMS sur les téléphones mobiles et des chats sur Internet.
Ainsi, nos questions de départ sont : De nos jours, comment créons-nous nos identités numériques ? Pourquoi les selfies (même les amateurs) sont-elles souvent retouchées avant d’être utilisées ? Quelles sont les éléments que l’individu cherche à développer, à acquérir, en postant des selfies sur le net ?
Pour mener cette recherche, nous utiliserons des méthodes d’enquêtes qualitatives et quantitatives. Ainsi, dans un premier temps, par l’intermédiaire d’entretiens semi-directifs réalisés sous la forme de focus group, nous établirons un panel de participants. Ces entretiens auront pour objectifs de mettre en contexte la production de selfie et de voir comment les images sont choisies, selon quels critères, mais aussi de comprendre ce qui est attendu, en retour de publication, par les participants. Dans un second temps, à l’aide des résultats obtenus au cours des entretiens, nous pourrons mettre en place une enquête plus générale, par exemple de type « en ligne », afin de recueillir des résultats nous permettant de dégager des tendances quant aux objectifs de notre recherche.
Nous pensons que cette recherche peut intéresser notre communauté scientifique de par son originalité, car le sujet est récent et actuel, et pourra également venir compléter les notions déjà développées sur les interactions entre les utilisateurs des TIC, les thématiques liées à la création du lien social et les interrogations sur les mises en œuvre des identités numériques.
[1] URL : www.oxforddictionaries.com, consulté le 19 février 2014
[2] URL : www.lemonde.fr/europe consulté le 19 février 2014
[3] Wolton, D. (2007). Sauver la communication… (Vols. 1-1). Paris, France, Flammarion, p.31
[4] URL : www.liberation.fr, consulté le 19 février 2014
Bibliographie :
- Breton, P., & Proulx, S. (2012). L’explosion de la communication : introduction aux théories et aux pratiques de la communication (Vols. 1-1). Paris, France : la Découverte, DL 2012.
- Chapouthier, G., Dallet, S., Noël, E. (2009). La création, définitions et défis contemporains, Paris : L’Harmattan
- Goffman, E. (1974). Les rites d’interaction. (A. Kihm, Trans.) (Vols. 1-1). Paris, France : les Éd. de Minuit, impr. 1974, cop. 1974n.
- Le Breton, D. (2008). L’interactionnisme symbolique (Vols. 1-1). Paris, France : Presses universitaires de France, DL 2008.
- Wolton, D. (2007). Sauver la communication… (Vols. 1-1). Paris, France : Flammarion.
- Wolton, D. (2010). Internet, et après ? une théorie critique des nouveaux médias (Vols. 1-1). Paris, France : Flammarion.
Articles en ligne :
- Les jeunes et la nouvelle culture Internet – cairn.info. (n.d.). Retrieved February 19, 2014, from www.cairn.info/
- Fanny Georges « Représentation de soi et identité numérique », Réseaux 2/2009 (n° 154), p. 165-193. URL : www.cairn.info/revue-reseaux
Note de positionnement scientifique
[callout]Chercheur en 18e section, mention études culturelles, depuis septembre 2013, je travaille sous la direction de Bernard Darras, sur un projet intitulé « Image Éducation » au sein du laboratoire ACTE- UMR CNRS 8218. Ce travail porte sur la conception/la production et la réception des images publicitaires notamment les affiches, les publicités dans l’espace public et en ligne. Dans la cadre de ce projet, j’interroge les designers, les producteurs et les récepteurs d’images présélectionnées pour cette enquête.
En parallèle, je travaille également sur la création et la mis en ligne des images de soi à travers des Selfie par exemple. Pour le Colloque Scientifique International Ludovia, j’ai décidé de présenter une proposition intitulée « Créations d’identité numérique à travers des photos de type selfies ». Les hypothèses préalables à cette recherche sont que :
- La création et la publication de selfie est une recherche d’interaction dont le but est d’être identifié par une communauté et de marquer son appartenance à un groupe.
- Cette création par l’image, selfie, est une forme de narcissisme moderne où le seul objectif est de plaire et donc de développer une bonne image de soi.[/callout]
Voir le profil de Mona Junger-Aghababaie sur Ludovia 2014
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