Étiquette : Stephanie de Vanssay

  • L’élève connecté

    L’élève connecté

    Nous ne sommes pas dans le futur, juste dans un présent qui aurait intégré le numérique à l’école permettant à l’élève d’être aussi connecté concernant sa scolarité qu’il l’est pour sa vie personnelle…

    Ce scénario suppose aussi que ces usages scolaires soient sereinement accompagnés par tous les adultes de la communauté éducative et que les élèves, à qui l’on fait confiance par défaut, soient responsabilisés.

    Une charte est bien sûr élaborée avec les élèves mais pas dans l’objectif de réprimer ou interdire les usages, seulement de les réguler. Dimanche soir, 21h30, Zoé jette un dernier coup d’œil avant de se coucher via son smartphone à l’appli du collège… Le cours de 8h est annulé car son prof de maths est malade, elle le sait depuis plusieurs heures déjà, par contre la prof de techno assurera son cours à 9h, bon une heure de plus de sommeil, c’est toujours ça de gagné ! Elle règle son réveil et se couche en visionnant avant de s’endormir le dernier épisode de sa série préférée.

    7h30 le radio réveil de Zoé se met en marche,

    suivi de peu par le bourdonnement de son smartphone lui indiquant un rappel en lien avec le collège (pour les trucs perso ce sont des gazouillis). Elle doit penser à réviser une dernière fois en vue de l’exposé d’histoire prévue en fin de matinée. Avec Jonathan et Alice, ils ont préparé leur intervention par visio-conférence les jours précédents et ont enregistré leurs diverses prises de paroles, Zoé se repasse la séquence en avalant son bol de céréales puis elle visionne le diaporama et relit ses notes sur sa tablette dans le bus. Elle a une idée pour améliorer la conclusion dont Alice est chargée, elle ajoute une suggestion sur le document collaboratif qu’ils ont préparé, une alerte va avertir ses camarades sur leurs téléphones qui pourront valider ou non cette modification, au besoin ils en discuteront vite fait pendant la récré.

    Arrivée au collège, l’appli de l’établissement lui indique le numéro de la salle prévue pour son premier cours,

    elle retrouve ses camarades devant la porte. En techno ils doivent assembler un détecteur de fumée en suivant des instructions précises qui sont disponibles au choix sur papier ou consultables sur les ordinateurs et tablettes présents dans la salle. Il est aussi possible d’y accéder sur sa tablette personnelle ou son téléphone via l’ENT. Chacun s’affaire, quelques-uns s’entraident, certains sont déjà en train de découvrir le projet suivant qu’il faudra mener en groupe à partir de la semaine prochaine. La prof de techno circule, donne un conseil par-ci, des félicitations par là, attire l’attention sur un montage hasardeux… L’ambiance est un peu bruyante mais studieuse ! C’est déjà la récré, pas besoin de consulter Alice et Jonathan pour l’exposé, ils ont tous deux validé son idée, elle a vu les notifications pendant le cours de techno.
    Elle jette un œil sur son fil Twitter et apprend que Malika a un truc à lui raconter « en privé » et lui donne rendez-vous près du banc… elle y court !

    Cours d’histoire, Zoé a l’estomac un peu noué en attendant le moment de l’exposé,

    prendre la parole devant toute la classe ça fiche quand même la trouille… un peu ! En attendant elle écoute d’une oreille distraite le début du cours, heureusement que l’enregistrement complet sera disponible en ligne, elle pourra le réécouter plus tard. Il est midi, l’exposé s’est plutôt bien passé, le prof d’histoire-géo les a félicité tout en pointant quelques points à améliorer.
    Il a déjà renseigné sur l’espace personnel de Zoé ce qu’il trouve acquis et des conseils d’amélioration pour la prochaine fois. Il a noté que Zoé parle trop vite, elle va y faire attention pour l’intervention qu’elle doit préparer prochainement pour le cours de mathématiques.

    Elle a faim, l’appli du collège lui indique que la file d’attente de la cantine est très modérée pour le moment mais que d’ici une dizaine de minutes elle devrait être plus dense, elle se dépêche donc pour éviter la cohue tout en regardant les plats proposés au menu …

    Dans la queue elle discute avec ses meilleures copines Malika qui est près d’elle

    et Julia qui est dans une salle d’attente à l’hôpital pour des examens mais qui chatte avec elles via Facebook. Elles continuent d’échanger ainsi pendant une partie du repas jusqu’à ce que Julia entre dans le cabinet du médecin. Pour les cours à rattraper aucun stress, Julia sait qu’elle trouvera tout ce qu’il lui faut sur l’ENT et ses copines vont lui passer leurs notes, Malika a pris des photos de son cahier et Zoé, qui préfère les prendre sur sa tablette, lui a déjà transféré les fichiers sur son espace scolaire personnel.

    Cours de Français maintenant avec prise de notes collective sur un document numérique collaboratif !

    Zoé aime bien cet exercice où par groupe de 5 ils doivent noter ce qui est dit sur le texte étudié par le prof et par les élèves qui interviennent. Il faut à la fois écouter, noter, organiser, corriger les erreurs d’orthographe et améliorer les phrases. Elle adore ce sentiment de pouvoir gérer plusieurs choses à la fois et d’améliorer ensemble, au fur et à mesure du cours la qualité des notes et leur présentation.

    En plus, le prof vérifie pendant le cours (et après si besoin) que les textes produits tiennent la route et corrige s’il y a des erreurs ou des contresens. Finies les notes prises à la main difficiles à relire à la maison ! Zoé sort sa tablette, certains leurs téléphones et d’autres se mettent sur les ordinateurs à disposition dans la salle.

    Pendant une heure trente le cours se déroule puis la dernière demi-heure sert à peaufiner la mise en forme des notes de chaque groupe. Toutes les versions sont ensuite rendues disponibles sur l’ENT et deux élèves sont chargés d’en tirer un article pour le blog de la classe où chaque texte étudié fait l’objet d’un résumé critique.

    La journée de collège se termine par un temps obligatoire de travail personnel

    mais où chaque élève a le choix de ce qu’il fait selon ses préférences et ses besoins. On peut aller au CDI, en salle informatique, en permanence ou dans une salle de travail en groupe, solliciter ou non l’aide d’un professeur ou d’un assistant d’éducation, revoir les cours de la journée, préparer un contrôle ou un projet, s’entraîner sur des logiciels dédiés pour l’orthographe, le calcul mental et tout ce qui relève de la mémorisation si un professeur a pointé des lacunes ou seulement si l’élève ressent le besoin de s’auto-évaluer.
    Cela sera enregistré dans son espace personnel scolaire à côté des compétences validées et à travailler renseignées par les différents professeurs. Zoé profite de ce moment pour ré-écouter le début du cours d’histoire de ce matin et faire les exercices que le prof de maths, absent ce matin, a envoyé sur l’ENT pour compenser l’heure perdue.

    Quand elle rentre chez elle, Zoé a fait l’essentiel de son travail scolaire et n’a quasiment pas besoin d’y revenir.

    Elle aime bien cependant regarder les capsules vidéo de sa prof d’anglais le soir avant de se coucher, elle a l’impression que ça l’aide à bien mémoriser et pour progresser elle a décidé de commencer à essayer de regarder ses séries en VO sous-titrées… elle va commencer ce soir d’ailleurs !

     

    Source : cet article a été écrit pour le Cahier Éducation & Devenir n° 2015-25 « Qu’est-ce qu’un élève ? » il a été republié ici avec l’aimable autorisation de l’association Éducation & Devenir.

  • Quelle stratégie adopter pour éviter que votre projet pédagogique soit refusé ?

    Quelle stratégie adopter pour éviter que votre projet pédagogique soit refusé ?

    Comme chaque année en septembre de nombreux collègues qui voulaient se lancer dans un nouveau projet se heurtent à un refus de leur IEN ou de leur chef d’établissement. Ils ont pourtant peaufiné leur projet, l’ont expliqué, rédigé soigneusement et voilà qu’on leur oppose un “Non, ça ne va pas être possible / c’est interdit / je ne veux pas…”.

    Alors ils se tournent vers la communauté des enseignants qui mènent déjà ce type de projet, demandent des conseils pour tenter de remédier à ce problème de refus mais… hélas, dans l’immense majorité des cas, il est trop tard !

    Même si les raisons du refus ne tiennent pas la route, même si d’autres collègues mènent déjà des projets similaires avec une reconnaissance institutionnelle, même si aucun élément tangible ne vient à l’appui de la raison invoquée pour dire non, il est extrêmement difficile de faire revenir quelqu’un, qui plus est un supérieur hiérarchique, sur une interdiction qu’il a posée. En effet, même si on est de bonne foi, qu’on peut prouver avec des textes clairs qu’on a raison, qu’on a des appuis plus haut placés, on a toutes les chances de se heurter à un mur et si on obtient gain de cause de le payer, hélas, un jour ou l’autre.

    Faire perdre la face à un supérieur hiérarchique n’est jamais une vraie bonne solution ! Alors comment faire ? Et bien, il faut se montrer malin, anticiper et mettre en oeuvre une stratégie du détour ! Le secret réside dans la mise en place d’un contexte rendant le “non” impossible.  

    Quand vous savez que vous allez bientôt vous lancer dans un nouveau projet, il faut tout de suite échanger avec des collègues qui l’ont fait avant vous. Non seulement cela va vous permettre de peaufiner votre variante du projet en évitant certaines erreurs qu’ils auront repérées mais vous pourrez déterminer les points d’attention, les choses qui pourraient faire peur ou coincer. Pensez à prendre alors les devants en prévoyant un cadre, une charte, la communication aux parents… et tout ce qui permettra de montrer que vous ne partez pas à l’aveugle sans avoir réfléchi à ce qui peut poser problème.

    Toujours avec l’aide de ces collègues précurseurs, documentez-vous sur les mises en oeuvre de projets similaires qui ont donné lieu à des publications sur des sites institutionnels (nationaux ou académiques) ou dans des revues / sites / livres d’associations pédagogiques et de chercheurs. Vérifiez aussi dans l’Expérithèque qui recense les expérimentations présentées lors des journées de l’innovation organisées par le Ministère de l’EN. Faites bien figurer dans votre projet des références à toutes ces publications. Le cas échéant, si des textes autorisent de façon explicite ce que vous proposez dans votre projet citez-les aussi et bien sûr appuyez-vous sur les programmes, les parcours, le Socle Commun, les directives ministérielles, les rapports qui pourraient être en lien, la recherche…

    Faites “valider” votre projet en amont en le soumettant pour avis et conseils. Là l’objectif est double : améliorer votre projet et surtout pouvoir le présenter avec la mention “projet élaboré avec l’aide de…”. De qui ? Là est la bonne question ! Cela dépend de votre projet mais aussi et surtout des personnes dans les différents services / organisations qui pourront être intéressées par votre projet. N’hésitez pas à vous faire aiguiller par les collègues de votre secteur, votre section locale syndicale peut aussi être à même de vous conseiller utilement sur l’interlocuteur qui sera le plus adapté.

    Cela peut être : le CARDIE (Conseiller Académique Recherche – Développement, Innovation, Expérimentation, ils sont listés ici), le DAN (Délégué Académique au Numérique, ils sont listés ), votre antenne CANOPÉ, le Clemi, votre conseiller pédagogique… Indiquez bien de façon explicite dans votre projet rédigé qu’il a été conçu avec cette aide.

    Évitez de demander l’autorisation ! En effet l’idéal est d’informer votre chef d’établissement ou votre IEN sans solliciter frontalement une autorisation qu’il risquerait de vous refuser. Il faut rester sur la ligne de crête entre “faire dans son dos” et demander humblement son aval. Vous lui présentez un projet, bien ficelé, documenté, relu / complété / validé / fait avec le CARDIE / le DAN / CANOPÉ / le Clemi / le CPC qu’il ne pourra pas vous interdire de mettre en oeuvre, tout au plus pourra-t-il, s’il veut vraiment pinailler, vous ajouter des contraintes à respecter.

    Voilà, normalement, en procédant ainsi vous ne devriez pas essuyer de refus !  

    Source image : pixabay.com

  • Les élèves ne sont pas des tomates ! 2e article, droit de réponse

    Les élèves ne sont pas des tomates ! 2e article, droit de réponse

    L’interview de Philippe Bihouix parue dans Libération le 2 septembre dernier «Avec l’école numérique, nous allons élever nos enfants « hors-sol », comme des tomates» est, comme le livre du même auteur, un ramassis de poncifs anti-numériques agglomérés pour arriver à la conclusion que nos établissements scolaires devraient rejeter les écrans pour se concentrer sur les FONDAMENTAUX !

    Tout d’abord, les élèves ne sont pas des tomates !

    Ils ne sont pas passifs à l’école en attendant gentiment que les professeurs les exposent aux savoirs et les nourrissent de contenus scolaires… Ce sont les enfants qui apprennent et cela suppose une mise en action, une appropriation volontaire et donc oui, des situations engageantes, motivantes et le numérique peut-être un des ingrédients -pas le seul !- utile pour ça.

    Et cela notamment parce que le numérique permet de publier son travail, de le rendre utilisable par d’autres et de le mettre en forme de façon attractive et valorisante.

    Une école sans numérique serait une école hors-sol

    Aucun syndicat de personnel enseignant, même le plus réactionnaire, ne rejette la nécessité de travailler avec et sur le numérique dans les établissements scolaires. Notre société est numérique, le numérique est loin d’être seulement un outil au service des apprentissages des élèves, il est aussi et surtout un contexte et une culture.

    L’évacuer de l’école est juste un non-sens. La question n’est pas : “les élèves apprennent-ils mieux avec le numérique ?” mais “est-ce bien raisonnable de vouloir préparer nos enfants à vivre, à être citoyen et à travailler dans un monde numérique sans les y préparer avec les outils d’aujourd’hui ?

    Les études montrent qu’ils n’apprennent pas moins bien avec le numérique (au regard des critères d’évaluation classique) ce qui est déjà une bonne nouvelle ! Et la note de la DEPP de janvier 2016 sur les collèges connectés montre clairement que “faire utiliser le numérique en classe par les élèves va de pair avec des pratiques pédagogiques « actives »« .

    Après, personne de sérieux ne prétend que le numérique, à lui seul et de façon “magique” améliore les apprentissages des élèves. Philippe Bihouix utilise ici la stratégie de l’épouvantail qui consiste à présenter de façon caricaturale et fausse un soi-disant argument de ses adversaires. Je profite de l’occasion pour recommander ici l’excellent ouvrage “Halte aux arguments fallacieux !” qui est très utile et éclairant.

    L’argument suprême et imparable

    Je passe sur la fracture numérique qui est on le sait bien dans les usages et non dans les équipements (ce qui pénalise d’autant plus les enfants de milieux défavorisés si l’école n’intègre pas le numérique), sur le raccourci “numérique = temps d’écran” et aussi sur le danger des ondes (présent dans le livre mais pas dans l’article) pour passer à l’argument suprême de monsieur Bihouix : “Je sais utiliser un ordinateur et Internet alors que je n’en avais pas au collège”. Là, tout est dit : JE sais parfaitement bien faire sans, donc c’est inutile d’apporter autre chose aux élèves que ce que J’ai eu, JE suis l’exemple vivant que c’est possible et que cela doit être la norme de toute éternité ! CONSTERNANT…