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  • Deux très mauvaises raisons pour apprendre l’informatique dès la 6ème. Et aussi deux très bonnes.

    Deux très mauvaises raisons pour apprendre l’informatique dès la 6ème. Et aussi deux très bonnes.

    Commençons par le pire. Parmi toutes les raisons avancées pour faire entrer l’apprentissage du code au programme du collège, la plus utilisée est de loin la plus mauvaise. Pour Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’Etat au numérique ou pour Najat Vallaud-Belkacem, ancienne Ministre de l’Education :  « Coder, c’est un peu comme apprendre l’anglais ou le chinois« . Or cela n’a absolument rien à voir.

    Mauvaise raison n° 1 : un langage informatique n’est pas une langue

    Apprendre une langue est une énorme entreprise intellectuelle et culturelle, qui s’étend toujours sur plusieurs années et qui permet de découvrir en profondeur d’autres hommes ou d’autres cultures, mortes ou vivantes. Le vocabulaire à acquérir, qui ne représente qu’un aspect, peut-être le plus simple de l’apprentissage d’une nouvelle langue, comprend au minimum plusieurs milliers de termes.

    Un langage informatique ne comprend tout au plus que quelques dizaines de termes et s’apprend – à l’exception peut-être du tout premier- en quelques heures. Car bien connaître un langage informatique, c’est en quelque sorte les connaître tous.

    La connaissance de tel ou tel langage informatique n’étend en rien les horizons de l’étudiant. C’est l’utilisation, sur l’ordinateur, de l’outil qu’est le langage informatique qui va lui permettre de développer son intelligence et sa compréhension du monde. Les étudiants attirés par la maîtrise des langues étrangères ont des profils totalement différents de ceux attirés par le développement informatique – une tâche solitaire qui nécessite précision, capacité d’abstraction et le plus souvent une certaine dose de solitude. Le geek est rarement un animal très social.

    Au départ, l’apprentissage du code n’est donc pas une entreprise culturelle mais une entreprise scientifique et technique. Le bénéfice culturel, nous le verrons, n’est pas immédiat et n’apparaît que dans un second temps.

    Mauvaise raison n°2 : l’informatique offre de multiples débouchés professionnels

    Là aussi, c’est une mauvaise raison, même si, paradoxalement, celle-ci est vraie !

    L’informatique, tous les journaux économiques nous le ressassent jusqu’au dégoût, crée des emplois. Une bonne formation informatique permet d’éviter presqu’à coup sûr le chômage.

    Mais, au niveau du collège, et même sans doute au lycée, la plus-value économique ne doit pas être l’objectif prioritaire de l’école. L’école, depuis Jules Ferry, a d’abord eu pour but de former des citoyens libres, au sens du premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

    Qui plus est, plus on a recherché cette soi-disant « efficacité professionnelle », plus on a créé de l’inefficacité.

    Tout le système scolaire et universitaire français vit depuis trente ans comme pétrifié par la crainte du chômage.

    Toutes les réformes s’y sont faites au nom des sacro-saintes efficacités professionnelle et économique. L’enseignement des savoirs généraux a reculé au profit des « compétences » dites professionnelles, comme on l’a encore vu dans la récente réforme du Collège qui abandonnait en rase campagne les matières générales « inutiles » (par exemple Latin et Allemand) au profit des l’Anglais, langue professionnellement « utile ».

    Il se pourrait bien, au final, que l’efficacité professionnelle soit un bénéfice caché, à long terme, de l’émancipation qu’apporte la connaissance. En recherchant l’efficacité économique sans la connaissance, nous nous sommes coupés des deux.

    Mais quelle que soit la piètre qualité des justifications qu’on vous sert pour enseigner l’informatique, les bonnes, les très bonnes raisons, emportent tout sur leur passage.

    Bonne raison n°1 : la révolution numérique a rendu l’enseignement de l’informatique indispensable à la compréhension du monde

    Aux Etats-Unis, l’informatique, au sens de Computer Science, est devenue depuis longtemps une matière fondamentale. Les américains ont compris très tôt qu’elle était indispensable pour comprendre le monde qui nous entoure et y agir, comme l’histoire, la géographie, le latin ont pu l’être en leur temps. L’informatique, dans le supérieur, fait aujourd’hui partie du cursus des étudiants en littérature ou en sciences politiques, et ce à un niveau supérieur à ce qu’on enseigne dans la plupart des grandes écoles d’ingénieurs françaises.

    De fait, les effets de l’informatique sur notre vie sont aujourd’hui tels que seul l’enseignement de l’informatique peut permettre à tous les élèves – y compris ceux qui ne deviendront pas informaticiens – de comprendre le monde numérique qui les entoure.

    Au Moyen Age, on apprenait le latin qui était la langue de la religion, du droit et de la médecine. A l’âge de la Révolution industrielle, les mathématiques sont devenues l’outil généraliste par excellence pour le développement de nouvelles technologies et de nouvelles machines. A l’âge de la révolution numérique, il ne s’agit pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait alors de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens.

    Dire qu’il y a révolution numérique, c’est dire ceci : sans connaissance du codage, il est devenu impossible de comprendre le monde qui nous entoure.

    Bonne raison n°2 : l’informatique est devenue une science fondamentale, utile à toutes les autres sciences

    J’ai toujours été interloqué par la quantité des investissements visant à faire utiliser les technologies numériques par les élèves (écrans ou tableaux interactifs, classes numériques et autres formations Word…) et par l’absence, jusqu’à cette année du moins, de formations leur permettant de comprendre comment fonctionnent ces technologies, comment elles ont été conçues, développées.

    Pour comprendre tout ceci, il faut apprendre à coder, à développer, connaître les algorithmes – bref étudier la matière scientifique que les Américains nomment « Computer Science ».

    Cette science informatique a pénétré de façon profonde toutes les sciences, de la médecine à la biologie, en passant par la physique et la chimie. Grâce aux techniques statistiques de type « big data », elle est aussi en train de transformer les sciences humaines.

    Elle est devenue un outil d’exploration du monde aussi important, peut-être bientôt plus important encore, que les mathématiques (dont elle constitue par ailleurs l’une des branches).

    La querelle des Anciens et des Modernes

    On s’est écharpé sur les réseaux sociaux lors des discussions sur la récente réforme du Collège autour de la fin de l’enseignement du latin et de l’introduction de l’informatique au collège. Et grosso modo, les latinistes étaient contre le « numérique » et les « numéristes » étaient contre le latin.

    Dans ce débat, tout le monde, anciens et modernes, avait tort. Les « latinistes » étaient mal informés et assimilent l’ordinateur à un simple outil, à une simple technologie – cette vision est tout simplement erronée.  Et les « numéristes », ceux qui pensent simplement qu’il faut cesser le latin parce qu’il est peu utile professionnellement ou parce qu’il favoriserait une forme de reproduction sociale, manquaient tout simplement de vision et de culture.

    [L’auteur du paragraphe précédent a évidemment pu déjà constater, dans son âpre réalité, le côté éminemment impopulaire du précédent paragraphe. Il invite par avance tous les lecteurs en désaccord, et ils seront nombreux, à éviter l’insulte sauvage, mais il s’engage, dans l’esprit constructif qui le caractérise, à répondre aux objections argumentées.]

    En réalité, les deux matières, latin et informatique, sont utiles et émancipatrices pour éduquer des citoyens, des honnêtes hommes, capables de comprendre et de créer les outils de demain. Il ne s’agit pas de les opposer, il s’agit de les enseigner mieux et plus.

    Sans connaissance approfondie de l’informatique, nous ne sommes que des consommateurs de programmes structurés par d’autres programmeurs. Un élève qui fait une recherche dans Google est avant tout une ressource publicitaire pour Google, un enfant qui joue sur Facebook, n’est qu’une machine humaine à transmettre de multiples données (d’identité, de comportement, de position…) sur lui-même et ses « amis » permettant ensuite aux diverses publicités d’être toujours mieux ciblées. C’est précisément, cliniquement, ce qui caractérise une aliénation.

    L’école actuelle a tenté, avec plus ou moins de succès et pour un coût considérable, d’enseigner les usages de l’informatique aux enfants. Ce faisant, elle a fait complètement fausse route. Si on veut donner à nos enfants des moyens d’action, il faut leur enseigner la programmation, pas le maniement de Word. Distribuer des ordinateurs ou des IPAD aux élèves est coûteux et voué à l’échec, de même qu’on ne crée pas un ingénieur mécanicien en formant au permis de conduire.

     

  • Autoportrait du blogueur en découverte de Médiation : guide du randonneur pédagogique à l’usage des rookies !

    Autoportrait du blogueur en découverte de Médiation : guide du randonneur pédagogique à l’usage des rookies !

    Cela faisait un moment que j’avais laissé mon carnet de voyage pédagogique prendre la poussière. Je ne sais plus comment doser et faire. Je me pose un tas de questions qui vont de la légitimité à la structure de la phrase. Je manque d’un médiateur d’écriture…

    En quête d’un chemin nouveau de lecture, j’ai relu l’Autoportrait de l’auteur en coureur de fond écrit par Haruki Murakami. Je suis un peu comme un rookie face à cet apologue en forme de carnet d’entraînement. En écrivant ces quelques lignes, je reprends après une période de diète kilométrique et, comme pour l’auteur, le plus excitant n’est pas la course mais le chemin pour y arriver.

    Autoportrait pourquoi ?

    J’ai lu, il n’y a pas si longtemps sur un fil twitter que le partage avait quelque chose à voir avec l’ego pour ne pas dire l’auto-promotion. C’est en partie vraie, écrire un article ou un billet est d’abord une aventure personnelle. C’est un partage et souvent on en attend quelque chose de l’autre. C’est un moment de profonde réflexion et d’engagement. Ecrire, comme courir, est un plaisir personnel qui n’a souvent de sens que pour soi.

    Murakami l’exprime bien lorsqu’il écrit“Je crois que j’ai pu courir depuis plus de vingt ans pour une raison simple : cela me convient. Ou du moins, je ne trouve pas cela pénible. Les êtres humains continuent naturellement à faire ce qu’ils aiment et cessent ce qu’ils n’aiment pas.

    Il y a une part de jubilation à l’écriture, comme à celle de la conception d’un scénario pédagogique.

    Un plan qui se déroule sans accroc ?

    On court pour soi mais on écrit, quelque part, pour être lu. Il faut alors que le texte fasse sens, favorise l’apprentissage de l’élève et satisfasse les besoins de l’enseignant. La relation professeur – élève a quelque chose de plus qu’écrivain – héros : la personnalité.

    Enseigner, c’est d’abord le plaisir de concevoir et de rêver. C’est la joie de l’interactivité qui fait qu’un plan ne se déroule pas sans accroc et tant mieux ! Nous ne sommes pas le Colonel Hannibal Smith et la scénarisation n’est pas l’Agence Tous Risques. Nos élèves nous demandent en permanence à (s’) ajuster. C’est une opération bien plus complexe que l’écriture d’un blog ou d’un billet. C’est un monologue interprétatif que j’entretiens avec le livre de Murakami. Avec l’élève, il faut passer au dialogue.

    Du dialogue ou de la médiation

    Si l’on prend la définition de wikipédia : “La médiation est une pratique ou une discipline qui vise à définir l’intervention d’un tiers pour faciliter la circulation d’information, éclaircir ou rétablir des relations. Ce tiers neutre, indépendant et impartial, est appelé médiateur”. Un premier problème se pose alors ; toute mon introduction est-elle donc un hors sujet magistral ? Pas si sûr ! Lire est un dialogue avec soi-même ; une occasion de penser le monde autrement et de se poser des questions. C’est vrai tout cela, mais c’est un peu juste pour parler de médiation. On est tout au plus en dialogue avec soi-même, et alors ?

    Baudelaire, le premier des médiateurs ?

    Oui, mais alors concrètement…. c’est quoi un médiateur et qu’est-ce que la médiation ? Je me souviens de mon formateur de lettres à l’IUFM (oui, oui, il y a eu quelque chose entre l’Ecole Normale et les ESPE) qui nous avait révélé un secret de la poésie. C’était un moment qui tenait moins de l’enseignement que du parcours littéraire. J’ai lu, souvent entendu, mais jamais vraiment écouté, ces quelques vers de Baudelaire :

    La Nature est un temple où de vivants piliers

    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

    L’homme y passe à travers des forêts de symboles

    Qui l’observent avec des regards familiers”.

    Oui, nos élèves et nos stagiaires traversent parfois nos formations un peu comme dans un tunnel. Le paradoxe : Baudelaire dans le poème Correspondance plaçait le poète entre l’humanité et le monde sensible. C’est l’intermédiaire, celui qui accompagne à la recherche du savoir. Accompagner, ce n’est pas faire à la place, mais donner la main.

    L’enseignant est médiateur car il facilite le chemin de l’élève. Sa qualité d’expert lui donne parfois les clefs qu’il convient de dévoiler à l’élève.

    Le plus dur aujourd’hui n’est pas d’accéder à l’information mais de la transformer en connaissance. Il est nécessaire alors d’avoir un intermédiaire. Comme le poète, l’enseignant écoute, transmet et parfois révèle. Le plus important n’est pas la réponse mais la question et la manière d’y répondre. Je suis sur la piste mais ce n’est pas suffisant… comment accompagner les élèves sur les sentiers de la connaissance ?

    Et si c’était finalement Socrate !

    Il y a quelque chose de la maïeutique dans la médiation.

    Pour pasticher, Socrate « L’art de faire accoucher les projets ».

    Il s’agit d’être à l’écoute, poser des questions, accompagner. On l’imagine se promener le long des allées d’Athènes à qui voulait l’entendre. Sa méthode est celle du parcours. Apprendre se fait au travers de l’échange avec l’autre.

    D’ailleurs, son élève Platon se moque un peu de lui quand il ne supporte pas celui-qui écrit au lieu d’écouter. Il y a une mise en abîme de notre sujet dans cet exemple car il a fallu la médiation de ses disciples pour que sa pensée nous arrive. C’est une belle leçon de se dire que celui qui transmet n’est pas le centre de la pièce. Il n’est qu’un intermédiaire au service de l’élève. L’élève n’est pas un passager que l’on prend en charge, c’est un acteur que l’on aide à progresser. L’ego, s’il y en a, ne s’exprime qu’au travers de la réussite de l’autre.

    Et pour aller au biomimétisme

    La comparaison semble facile et drôlement à la mode ; pourtant, il y a quelque chose que la nature nous inspire. La classe ou plutôt l’établissement est une ruche qui s’ignore. Elle permet de connecter des individus pour dépasser le cadre de sa communauté. Elle conduit progressivement l’élève à voler de ses propres ailes. L’École est un projet de société que l’enseignant médiateur fait partager. Il y transmet les valeurs des frontons de la République : liberté, égalité et fraternité. Il pollinise ces principes pour la réussite de tous et l’avenir de chacun.

    La médiation, une posture

    Dans cet incubateur pédagogique qu’est la classe, quelques règles sont à mettre en place : bienveillance, ne pas juger, échanger, partager son savoir, savoir-faire pour engager au changement. Parce qu’adopter la posture de médiateur, c’est accepter une partition qui se joue au rythme de l’apprenant. Peut-être que la médiation n’existe pas en elle-même car le chemin ne se fait jamais tout seul. Peut-être qu’il ne peut y avoir que co-médiation ?

    Pour en revenir à mon problème du début, il y a quelque chose de l’ego dans le fait d’écrire ou d’enseigner pour les autres. Il y a celui de penser que l’on a les qualités pour transmettre aux élèves. Il y a aussi la force du temps qui passe qui nous rend toujours plus humble.

    A ce stade de ce qui ressemble à une conclusion, je n’ai toujours pas parler de numérique. C’est normal, dans ludomag, comme à ludovia,

    ce qui compte c’est le projet de l’élève, par l’élève et pour l’élève. L’outil numérique est le facilitateur au service de la réussite de nos jeunes.

    Vous l’aurez compris, je ne suis pas un spécialiste de la médiation mais j’ai un début de piste : car le plus important ce n’est pas d’écrire mais de réfléchir ensemble.

     

    Sources :
    Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Haruki MURAKAMI, Belfond, 2009
    Médiation, wikipédia
    Les fleurs du mal, Baudelaire, 1857           

     

    Photos : pixabay.com

  • Ma sélection des twittos francophones inspirants

    Ma sélection des twittos francophones inspirants

    La métaphore est un peu facile en cette veille de championnat d’Europe des Nations de football mais je tente quand même la figure de style. Un peu en avance sur notre sélectionneur, j’ai décidé moi-même de rendre hommage et de remercier cette équipe qui m’a permis de progresser.

    Sans l’équipe, on n’est personne. L’enseignement, ce n’est pas une culture de travail hors sol ou plutôt hors relation sociale.

    Enseigner c’est être avec les autres pour la seule victoire qui compte : la réussite de l’élève.

    Une liste est forcément incomplète, sinon, il aurait fallu citer l’ensemble de ma TL car chacun oeuvre dans l’essaim en harmonie et pour le bien de l’autre. Comme pour une écriture contrainte, je vais tenter de m’en tenir à 22 noms. Promis j’essaierais de ne pas tricher : pas de trucage, pas de simulation.

    Du point de vue tactique comme technique

    En football, on fait des mathématiques. C’est un véritable code restreint pour le profane : 3.5.2, 4.5.1… Comme, j’ai le droit à 22 noms et comme finalement pour les listes inspirantes il n’y a pas de règles (de toute manière, c’est ma chronique !). Je tente, donc, le 0.0.22 soit une liste pédagogique 100 % offensive engagée pour la réussite de l’élève.

    Quand on parle tactique, je ne peux m’empêcher d’évoquer le catenaccio. Cette approche, dite du verrou, est rassurante du point vue pédagogique car elle ferme toute possibilité à l’imprévu mais ne donne pas l’espace suffisant à la créativité du joueur et donc pour nous à l’élève comme à l’enseignant (Je file la métaphore mais j’oublie peut-être de constituer ma liste).

    Quand je me suis intéressé au numérique pédagogique, j’ai eu la chance de suivre deux comptes inspirants : @mdrechsler et @mlebrun2. Tous deux m’ont permis de voir tout de suite qu’au delà de l’outil numérique, c’est l’engagement pédagogique qui comptait le plus. il faut pour devenir un bon alchimiste avoir les bons grimoires : @thot , @lasphere, @FCpixel, @anaerevue, @cafepedagogique, @Classe_Inversee et bien sur : @ludomag (N’aie pas peur, je ne nous ai pas oubliés @aurelie_julien !). Alors si quelqu’un pense que je triche déjà sur mes 22 noms, il aurait raison.

    Une liste pas un classement

    Je crois qu’il est important d’en venir à l’équipe et d’en préciser la construction. Cette liste n’a aucune vocation de classement, elle n’est pas exhaustive. Je n’ai que des comptes que je trouve chouette de suivre pour le partage professionnel mais aussi pour l’humanité qu’il y transparaît. Il y a ce que l’on pourrait appeler des jeunes rookies et des pionniers du numériques.

    En tout cas, ils appartiennent tous à mon EAP : mon équipe d’apprentissage professionnel. Je suis en contact avec certains, parfois je les ai vus en réalité mais souvent je ne connais d’eux que le profil (et c’est dommage !). Chacun a une belle interprétation du “jeu” pédagogique et cela m’a permis d’avancer.

    Je me lance

    @outilstice et @Ticeman01 parce que même si on a des intentions pédagogiques, la technique cela aide aussi. Le numérique c’est un état d’esprit collaboratif, une forme d’altruisme et de générosité. Il ne faut, jamais, oublier que derrière cette masse d’information et de tutos, il y a des heures de travail. Je ne peux que saluer l’engagement et le travail accomplis au service des collègues. Pour être moins ampoulé : simplement merci !

    @nbenyounes, @batier, @frompennylane, @Nipedu, @Karabasse77, @profdesecoles, @nicoguitare, @jourde , @marie34, @lvighier et @yannhoury a force de les lire, de consulter les blogs et les partages, j’ai l’impression d’être tout petit face à un monde d’innovation immense. Des pionniers au sens noble du terme. Que ce soit pour l’usage des réseaux sociaux, de la twittclasse, du transmedia, de l’audioguide ou bien du podcast… on a en face de nous des aventuriers. Eux aussi Ils me font penser à ces explorateurs qui tracent des voies pour que l’on puisse prendre le sentier de l’école buissonnière. Avec eux et pour paraphraser les Nipédus : on parle Pédagogie, École, Numérique et surtout Élève. On se nourrit les uns les autres et j’aime beaucoup cela.

    @VPatigniez, @karen_prevost, @infoprofdoc et @Tricardstef Mon équipe EMI quand tu nous tiens, au delà de la compétence, c’est le partage qui compte et les conseils. Il facilite la plus simple et la plus dure des questions “et toi comment tu ferais ?” J’y ai découvert trois professeurs documentalistes survitaminés à la pédagogie et au numérique. Il y en avait plein d’autres et je m’excuse de ne pas les avoir cités comme @roselyneberthon (je triche là non ?) Avec eux, j’ai parlé de différenciation, d’auto-socio-construction et de politique documentaire.

    Ils m’ont montré à quel point, il était important de ne pas rester enfermer dans son silo disciplinogeographique.

    @Fabmarrou, @ProfChrismath (qui doit rire quand il calcule ma sélection de 22 comptes), @YannPoirson @MurielMeillier et @AnneCeGabarrou c’est ma team #fabnum. On vient d’horizons différents, on n’est pas toujours d’accord mais c’est comme cela que l’on progresse ensemble. Comme des passionnés de Vespa, on se penche autour du moteur pour le plaisir de poser des questions, de travailler ensemble et de résoudre des énigmes.

    @PMarques_HG @igruet. Je ne peux m’empêcher de faire un détour par ma Bretagne natale (d’abord parce que c’est le coin le plus beau du monde !). Au delà de l’instinct grégaire, j’ai envie de dire quelle curation ! Une de mes principales sources d’information et de formation personnelle.

    Il serait étrange d’annoncer une équipe francophone uniquement composée de personnes habitant la France. Ce serait injuste car la pédagogie n’a pas de frontière et l’inspiration non plus. J’ai plein de noms en tête… mais comme je triche déjà un peu sur le nombre. Je vous partage deux profils : @BrigitteProf et @anneandrist car franchement je ne peux que leur dire merci pour tout ce qu’elles nous montrent et apportent. C’est important de regarder sur l’autre berge !

    J’entends déjà mon collègue et ami @lenyrobin18 avec son sourire malicieux me dire tu ne peux pas te contenter d’être d’accord avec les autres. Il faut plus d’ambition et se confronter à la parole de l’autre. Pas d’empathie sans altérité ! C’est là que mon non moins ami et collègue @cpoupet me dirait il te faut des profils “rantanplans”. Je n’aime pas trop l’expression un tantinet dévalorisante. Il est certain que si l’on rêve encore d’un internet espace ouvert, il est indispensable de s’ouvrir aux autres si l’on veut faire progresser le savoir échanger et finalement le vivre ensemble.

    En tout cas, j’espère que comme moi, vous arriverez à trouver votre équipe !

     

  • L’usage de l’agrafeuse pourrait éradiquer l’échec scolaire !

    L’usage de l’agrafeuse pourrait éradiquer l’échec scolaire !

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    L’agrafeuse, a pour usage premier de relier ensemble des feuilles de papier, auparavant éparses. Cela a un sens très fort si on l’applique aux Savoirs, notamment à la nécessité de relier entre elles différentes disciplines pour avoir une vision globale et sensée des concepts étudiés à l’école.

    Une étude menée par Jacques Graphe montre très clairement que faire agrafer aux élèves des feuilles de notes issus de différents cours mais traitant de sujets semblables ou complémentaires facilite grandement la mise en lien cognitive de ceux-ci dans le cerveau des enfants.

    Attention, cela doit être fait par l’élève lui-même après avoir déterminé, en groupe ou avec l’aide d’un professeur, ce qui doit être agrafé ensemble et dans quel ordre ! Il semblerait également que cet usage pourrait aider les professeurs de collège à élaborer des EPIs (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) pertinents et cohérents dans le cadre de la réforme des collèges.

    Autre avantage non négligeable de l’usage de l’agrafeuse, son aspect dangereux… En effet, on peut se pincer très fort, ou pire, s’enfoncer une agrafe dans un doigt si on n’y prend pas garde ! L’agrafeuse est donc un excellent outil d’éducation à la prudence et à la gestion du danger. Les élèves qui en ont un usage régulier développent une vigilance particulière pour un usage raisonné et responsable nous a confirmé le psychologue Tim Héraire.

    Enfin, l’agrafeuse est un objet technique complexe sous son apparente simplicité, en effet, l’ouvrir pour la recharger (avec les agrafes de la bonne taille, mises dans le bon sens, ni trop nombreuses ni trop peu) est une opération délicate. Éviter qu’elle ne se coince, et y remédier le cas échéant, suppose patience et ténacité. Le goût de l’effort et l’ingéniosité des élèves sont donc mis à rude épreuve et c’est une excellente chose !

    Pourquoi ne pas équiper rapidement chaque élève d’une agrafeuse à l’aide d’un plan ambitieux ? L’Éducation Nationale y songerait très sérieusement, affaire à suivre…

    Ce billet est un hommage rendu à Stéphanie Fontdecaba qui a eu l’intelligence de dire le 7 mars dernier à la journaliste Christelle Brigaudeau du Parisien qu’ « une tablette ne lutte pas mieux qu’une agrafeuse contre l’échec, ce qui compte c’est ce qu’on fait, pas l’outil ». Elle a dit cela très à propos lors d’un reportage fait dans sa classe, où elle utilise des tablettes, suite à la sortie du rapport de l’Institut Montaigne qui prétend, très sérieusement, que le numérique pourrait diviser par deux l’échec scolaire !

    Le numérique est là dans notre société, il est bien plus qu’un simple outil puisqu’il provoque des changements profonds et crée une culture, l’école doit le prendre en compte c’est évident. Néanmoins, le numérique est ce que nous en faisons dans nos classes, il peut être un levier formidable d’émancipation intellectuelle mais il peut aussi automatiser sans sens des apprentissages scolaire et être un outil de pilotage rationnalisant et déshumanisant. Parer bêtement le numérique et ses outils de « pouvoirs magiques » n’aide personne, il vaut bien mieux apprendre à le connaître, à l’apprivoiser, pour l’intégrer à des pratiques pédagogiques émancipatrices pour les élèves et leurs professeurs ! 

    Source image : Pixabay CC0 Public Domain  

     

  • L’UPSTI se positionne sur le numérique à l’Ecole

    L’UPSTI se positionne sur le numérique à l’Ecole

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    L’UPSTI rappelle que l’informatique est déjà enseignée dans les collèges et les lycées et propose de la développer dans toutes les disciplines.

    En effet, « la programmation informatique » est enseignée dans les programmes de technologie collège, et dans certaines options du baccalauréat général et technologique. La culture numérique est enseignée via le B2i (Brevet informatique et internet) préparé au collège et au lycée auquel on pourrait ajouter la programmation informatique.

    Hervé Riou affirme que « créer une nouvelle discipline informatique entre en contradiction avec la vision pluridisciplinaire de la formation des élèves, renforce la sectorisation des enseignements, et ne permet pas aux élèves de s’inscrire durablement dans de l’enseignement intégré de sciences et technologies. »

    A la proposition du CNN de remplacer les heures de technologie en 3ème par des heures d’informatique, Hervé Riou rappelle que « l’enseignement de la technologie en 3ème est utile pour tous les élèves et que la pédagogie utilisée leur permet de s’inscrire dans le mode d’apprentissage par projet. Enfin, en proposant une telle suppression, on dessert les élèves qui s’orientent (en majorité) dans les filières technologiques et professionnelles.»

    Le CNN propose de créer un bac Humanités numériques en filière générale.

    L’UPSTI propose :

    – de généraliser l’enseignement « Informatique et Sciences du Numérique » à toutes les filières générales et les filières technologiques et professionnelles. Par exemple, la technologie et les sciences de l’ingénieur sont déjà pleinement axées sur l’apprentissage de la conception des objets connectés.

    – de valoriser et de développer le baccalauréat technologique STI2D SIN qui s’appuie déjà sur la culture numérique et le codage et qui n’est pas évoqué dans le rapport du CNN.

    Le CNN préconise de créer un CAPES et une agrégation d’informatique pour recruter des professeurs d’informatique.

    L’UPSTI propose :

    – d’encourager les professeurs de sciences et de technologie à passer les certifications nécessaires et à mieux les rémunérer en conséquence. A l’instar des professeurs en Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles, les professeurs de toutes les disciplines scientifiques et technologiques des collèges et des lycées peuvent enseigner l’informatique à leurs élèves.

    – d’introduire dans les épreuves d’admission des concours de recrutement des professeurs, la possibilité pour les candidats de défendre des projets pédagogiques qui prennent appui sur le numérique. Dans certaines agrégations, comme celle de sciences industrielles de l’ingénieur, cela se fait déjà. La formation de tels professeurs les rend d’ailleurs aptes à enseigner la programmation informatique.

    Concernant la fourniture d’une tablette numérique à tous les élèves de 5ème, Hervé Riou souligne que « c’est un progrès à condition d’un accompagnement pédagogique associant tous les professeurs et plus généralement tous les acteurs de l’éducation tels que les éditeurs ou les constructeurs de matériel, afin de créer un grand mouvement de l’école vers un projet commun ».

    Plus d’infos :
    Hervé Riou, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, est professeur en classe préparatoire aux grandes écoles, chercheur à l’ENS Cachan, et Président de l’UPSTI depuis 2008. L’UPSTI est l’Union des Professeurs de Sciences et Techniques Industrielles. Créée en 1982, elle fédère et crée un réseau de plus de 700 Professeurs de Sciences de l’Ingénieur, répartis dans plus de 200 établissements, en France et à l’étranger.

    L’UPSTI entretient un dialogue privilégié avec les Grandes Ecoles et l’ensemble des acteurs institutionnels de la formation d’ingénieur. Elle participe à tous les débats concernant la formation scientifique et technologique, et est un laboratoire d’idée permettant de regarder l’avenir de la formation scolaire pour l’adapter aux défis industriels de demain.

    Au sujet du rapport du CNN, voir aussi www.ludovia.com/2014/10/jules-ferry-3-0

  • Le numérique : simple et efficace ?

    Le numérique : simple et efficace ?

    Une démarche de diffusion…

    Si on y regarde de près, sur le terrain des buts à atteindre, la connaissance précise des objectifs à se fixer et des étapes à franchir impose une conception méticuleuse des outils de régulation.

    Cette conception induit la possibilité d’une régulation rapide et efficace en temps réel.
    Ce dispositif a longtemps été valorisé, et le demeure, sur le terrain des applications ‘ouvertes‘ permettant à l’utilisateur de pouvoir y apporter les corrections nécessaires ou interventions souhaitées très rapidement.Ce concept fait les beaux jours des suites bureautiques (et en particulier les tableurs) ou, phénomènes encore récents, des livres à construire (type ibook, diaporama ou didapage), objets de création à partager que ce soit entre concepteurs ou du concepteur vers l’utilisateur.Ce mécanisme d’échange a produit de nombreux outils des plus simples aux très évolués qui ont impulsé un mouvement conséquent qui met en évidence une problématique réelle liée à la logique de son utilisation. On peut dire aujourd’hui que le numérique ne rencontre que peu d’obstacle à son utilisation de fond, mais par contre, se heurte assez souvent à l’écueil de la forme.Dans un précédent article, je mettais en avant la valeur de l’enseignant/développeur. Il apparaît incontournable de considérer ce propos comme allant au-delà d’une manifestation corporatiste qui renvoie dos à dos les éditeurs et les utilisateurs, et il s’agit bien de revenir sur cette notion de fond déterminante pour la valeur d’un outil. Un fond qui se construit sur l’idée et l’expérience.

    MartialP3_310314Des outils classiques aux outils numériques…

    J’ai un exemple très précis que j’utilise très souvent et dont je souhaite à nouveau me servir. Le relevé d’une performance temps : le chronomètre.Outil indispensable du professeur d’EPS, il symbolise aussi très certainement ce que peut être l’outil de base dans une discipline.Ce chronomètre, outil ‘classique‘ est devenu avec la technologie tactile un outil ‘numérique‘.
    Nous partons d’un usage simple, facile d’accès, y compris pour nos élèves, que nous passons de sa forme basique (un boîtier, 3 boutons, pour une somme modique) à une forme élaborée (un écran tactile, pour une somme plus conséquente). Sur le fond, il n’y a pas grand chose à avancer. On lance une activité de chronométrage, on valide des temps… Sur la forme, il apparaît plus compliqué de valoriser l’usage du numérique pour un coût bien supérieur et en considérant simplement la saisie de temps de course.Hors, la plus-value issue de ces actes simples s’attache à la manière dont est pensé l’application sur le support technique qui lui est attribué. Comment rester simple tout en offrant un service supplémentaire et de qualité aux utilisateurs, dont l’objectif principal demeure la mise en évidence du progrès, la valorisation des apprentissages et l’atteinte des meilleurs résultats ?
    Tout d’abord, bien penser que l’on ne peut pas tout demander au numérique. Son utilisation demeure, comme à beaucoup d’occasions, un acte ponctuel dont la vocation est de valoriser l’instant par la possibilité d’avoir une connaissance plus approfondie du résultat.
    L’acte pédagogique premier n’est pas d’offrir un résultat traité, mais bien de mettre en avant la réponse à des consignes, orientées par des buts et ponctuant l’atteinte progressive d’objectifs. De ce fait, la complexification permanente des outils n’est pas une mesure de l’évolution de ces mêmes outils, mais une complexification de l’utilisation qui finira par se transformer en abandon, pour ne pas dire rejet !MartialP_310314Une application faisant tout à ‘ma‘ place aurait en effet dévastateur sur l’image de ce qu’est apprendre, la position de l’enseignant et la valeur de l’essai/erreur avec une interaction humaine.
    L’association par la suite, d’information d’un nouveau genre (dans l’exemple la vitesse, l’amélioration par rapport à la performance précédente, l’atteinte de la meilleure performance) apportera le plus nécessaire à la valorisation de l’action et à la relation privilégiée à l’outil qui accumule des capacités qu’il est difficile d’avoir pour un enseignant en dehors d’une organisation méticuleuse mais ‘chronophage‘ !
    Très concrètement, je vous invite à aller faire le tour des différents Market pour y relever, dans cet exemple très précis, l’ensemble des applications gratuites et payantes qui se proposent de rendre ce service. Et la mission qui vous incombe est de pouvoir relier en un temps record (celui que vous impose la participation optimale de chaque élève lors d’une séance de pratique) la performance à celui qui l’a réalisé tout en lui permettant d’avoir accès à un bilan immédiat à la fin du cours ainsi qu’en rentrant chez lui.
    Et pour corser le tout, permettre de diffuser cette information dans le temps, de l’uniformiser dans une équipe éducative, car il me semble important d’offrir une formation de qualité à l’ensemble des élèves d’un établissement et pas seulement à quelques groupes par manque de formation et de moyens.
    Pour arriver à cela, il apparaît que la mise en place de telles séances doit être intuitive. Tirées des problématiques de terrain, des contraintes du quotidien et de la connaissance des moyens en place, un nombre restreint d’applications peuvent prétendre répondre à ces aspects, tout en gardant une fonction simple, ponctuelle et peu contraignante.La prise en compte minutieuse des manipulations nécessaires à l’organisation d’une séquence de prise de performance, de la création des groupes et des épreuves à l’apprentissage des manipulations à effectuer pour chronométrer, permet d’optimiser la valeur du numérique et renforce le côté performant de l’information supplémentaire décrit précédemment.
    Plus qu’une formation devenue nécessaire face à la multiplication des propositions d’application, d’usages et d’expérimentations, la structure des produits proposés par les développeurs revêt une importance capitale dans le choix d’entrer dans le numérique comme celui d’y poursuivre et y avancer.
    MartialP2_310314N’oublions pas que les outils passent de l’enseignant à l’élève. Si ce n’est pas le cas, ils doivent y passer obligatoirement. Pour arriver à ce que cet acte de confiance et de responsabilisation se fasse, il faut bien que chacun, à son tour puisse maîtriser dans sa quasi totalité l’application utilisée pour la fonction à laquelle il la destine et que cette application, ponctuellement, accomplisse ce à quoi on la destine… simplement…

    Les contraintes du changement…

    Par rapport à ce que nous connaissions des fichiers que nous échangions, et que nous échangeons encore, l’arrivée des tablettes et de nouvelles technologies ont considérablement réduit les utilisations tout en offrant malgré tout une vision très encourageante des avancées.La nécessaire adaptation à la mobilité s’est faite au travers de l’apparition d’outils d’un nouveau genre, fermant de manière évidente l’accès à des modifications personnelles, mais ouvrant l’usage à des publics variés, développant de ce fait une nouvelle pédagogie, numérique et résolument évolutive.L’école avance dans l’ère du numérique. Et ce ne sont pas les propositions les plus technologiques qui en sont la cause, mais bien les idées les plus adaptées, souvent simples, mais répondant de manière précise à des préoccupations précises.A cette place encore, nous trouvons les principaux intéressés. Eux-mêmes sous la pression de leur public quotidien.

    Il s’agit bien des enseignants et de leur capacité à juger de l’efficacité de ce qui leur est proposé au regard des résultats qu’ils recherchent, non pas pour que la technologie les remplace, mais bien pour qu’elle les épaule. Et simplement.
  • Bricolage et bricoleurs dans l’éducation : c’est du sérieux !

    Bricolage et bricoleurs dans l’éducation : c’est du sérieux !

    Moiraud_bricolage310314Si l’on a résolu cette question, sait-on s’il est issu du monde de l’industrie où l’on fabrique des objets tangibles, s’agit-il d’un enseignant qui cherche à construire les apprentissages de ses élèves ou bien encore un artiste-artisan?

    Cherche t-il à bricoler parce que la réussite de son entreprise est son objectif ou bien parce qu’il cherche de façon plus ou moins consciente à subvertir son milieu? La réponse pourrait être cartésienne, tranchée, nette …

    Malheureusement (heureusement ?) la réponse est complexe, il n’y a pas de bricolage, il y a des bricoleurs.

     

    Suis je un bricoleur ? C’est fort possible ! Cerner le métier d’enseignant c’est chercher à comprendre ce qu’est le bricolage, notion élaborée à la fois dans les forêts du Brésil et dans les usines industrielles de la révolution du même nom.

    « C’est quoi un prof qui bricole ? » dira le quidam, « C’est quoi ce prof qui bricole » dira le parent d’élève inquiet. Bricoler est un verbe obscur qui inquiète. Peut-on bricoler l’immatériel ?

    C’est inquiétant un prof qui revendique son attachement au  bricolage, il dit haut et fort qu’il tâtonne, qu’il cherche, quand la société donne de lui l’image de celui qui sait, qui organise, qui programme (d’ailleurs il doit respecter le programme !). Serait-il la machine à ne pas douter, l’instrument d’un système huilé ?

    J’ai donc essayé, au gré de mes recherches, de cerner cette nébuleuse. J’ai bricolé (je continue de bricoler) un article fait de bribes de références, une forme de collage à la Breton pour m’aider à comprendre ce que je fais (ou de m’y perdre définitivement), ce que je ne fais pas aussi. Un travail commencé sans le savoir en côtoyant mes premiers élèves, poursuivi en (re)découvrant (assez tardivement) Claude Levi Strauss, formalisé (paradoxe ?) en intégrant l’INRP et poursuivi depuis.

    Voici mes collages, ils ne respectent pas un véritable ordre, si ce n’est celui du hasard programmé de mes lectures.

    Pris entre la posture de l’ingénieur et celle du bricoleur, ou est la place de l’enseignant ?

    Le bricolage ou des bricoleurs ?

    L’in[génie1]osité littéraire au service du bricolage …

    La référence sur le concept de bricolage est bien évidemment Claude Levi Strauss et le passage fameux de la pensée sauvage :

    «Une forme d’activité subsiste parmi nous qui, sur le plan technique, permet assez bien de concevoir ce que, sur le plan de la spéculation, put être une science que nous préférons appeler première plutôt que primitive : c’est celle communément désignée par le terme de bricolage.

    Dans son sens ancien, le verbe « bricoler » s’applique au jeu de balle et de billard, à la chasse et à l’équitation, mais toujours pour évoquer un mouvement incident: celui de la balle qui rebondit, du chien qui divague, du cheval qui s’écarte de la ligne droite pour éviter un obstacle. Et, de nos jours, le bricoleur reste celui qui œuvre de ses mains, en utilisant des moyens détournés par comparaison avec ceux de l’homme de l’art ». /…/

    Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord », c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures.

    L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d’ailleurs, comme chez l’ingénieur, l’existence d’autant d’ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ; il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit, et pour employer le langage même du bricoleur, parce que les éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que « ça peut toujours servir ».

    De tels éléments sont donc à demi particularisés : suffisamment pour que le bricoleur n’ait pas besoin de l’équipement et du savoir de tous les corps d’état, mais pas assez pour que chaque élément soit astreint à un emploi précis et déterminé. Chaque élément représente un ensemble de relations, à la fois concrètes et virtuelles ; ce sont des opérateurs, mais utilisables en vue d’opérations quelconques au sein d’un type. /…/Claude Levi Strauss (1962) – La pensée sauvage – Agora

    La littérature regorge d’exemples qui peuvent servir d’appui pour illustrer les réflexions sur le bricolage en pédagogie. Ces passages ne sont pas forcément issus des réflexions de sciences de l’éducation mais elles aident à cadrer le concept :

    Le cas de l’ouvrier Demarty à l’usine Citroën

    Après les évènements de 68, Robert Lihnart intègre l’usine Citroën et les chaines de montage de 2 CV. Il y décrit un ouvrier, Demarty, chargé de «décabosser» les ailes. Pour accomplir sa tâche, il a, au fil du temps, construit un établi …

    «Le plus étonnant, c’est son établi. Un engin indéfinissable, fait de morceaux de ferraille et de tiges, de supports hétéroclites, d’étaux improvisés pour caler les pièces, avec des trous partout et une allure d’instabilité inquiétante. Ce n’est qu’une  apparence. Jamais l’établi ne l’a trahi ni ne s’est effondré. Et, quand on le regarde travailler pendant un temps assez long, on comprend que toutes les apparentes  imperfections de l’établi ont leur utilité : par cette fente, il peut glisser un instrument qui servira à caler une partie cachée ; par ce trou, il passera la tige d’une soudure difficile» – L’établi de Robert Lihnart (1978)

    Le cas de Monsieur Quignon à la poste

    Fabienne Hanique analyse les stratégies de modernisation au sein de  l’entreprise « La Poste » qui s’attache à conduire «la modernisation des agents», pour transformer les postiers en «acteurs associés au changement».

    Dans ses observations, elle évoque le cas de Monsieur Quignon, un vieil homme qui vient quotidiennement au bureau de poste pour vérifier l’état de son compte postal. Tous les agents savent qu’il ne perçoit que deux fois par mois sa maigre pension, le reste du temps le compte est vide. Les impératifs de rentabilité imposeraient de lui consacrer le minimum de temps.

    Pourtant… à l’encontre des règles managériales qui recommandent une distance avec le client, une rentabilité et une rapidité de l’opération, les guichetiers s’occupent de Monsieur Quignon, lui consacrent du temps. Ils prennent le temps de vérifier chaque jour son compte postal, ils lui adressent un mot gentil même si le résultat est connu d’avance. Les guichetiers ont bricolé la règle, ils l’ont adapté en fonction des besoins locaux.

    «La conduite qu’avait initialement adopté Annie n’était en rien critiquable au regard des procédures et des règles de l’efficacité managériale qui commandent notamment de diminuer le temps d’attente des clients et d’améliorer le temps de traitement et d’améliorer le temps de traitement des opérations. L’échange de regards avec les deux «anciens» l’a pourtant amenée à renoncer à cette posture pour se ranger aux «règles» locales de cette micro-société.

    Les enjeux sous-jacents sont importants pour l’ensemble des protagonistes / Pour Micheline et Jackie, il convient de vérifier qu’en la présence d’Annie, on peut travailler, c’est-à-dire non seulement mobiliser la réglementation et les procédures, mais aussi cette jurisprudence spécifique, véritables présupposés sociaux de l’activité personnelle, qui constitue le «genre de la maison». Libre à Annie de s’y plier ou pas … mais ne pas s’y résoudre peut être coûteux. Cela reviendrait à l’isoler et, du même coup, à la priver de la possibilité de mobiliser le collectif pour faire face à des situations que la réglementation prescrite seule ne peut plus suffire à affronter. Elle serait alors conduite, pour faire face à des situations codifiées, à produire des «inventions» ou des «bricolages» que l’absence de validation du collectif renverrait au rang de transgressions.» – Le sens du travail – Fabienne Hanique (2002) – éres

    Michel De Certeau et la perruque

    Dans son ouvrage l’invention du quotidien M. De Certeau évoque la notion de perruque dans le monde ouvrier. C’est le temps qui est détourné par les ouvriers pour fabriquer des objets personnels. Subversion du temps normé à des fins personnelles.

    « C’est la cas de la perruque. Ce phénomène se généralise partout, même si les cadres le pénalisent ou « ferment les yeux » pour n’en rien savoir. Accusé de voler, de récupérer du matériel à son profit et d’utiliser les machines pour son compte, le travailleur qui « fait la perruque » soustrait à l’usine du temps (plutôt que des biens, car il n’utilise que des restes) en vue d’un travail libre, créatif et précisément sans profit. Sur les lieux mêmes où règne la machine qu’il dit servir, il ruse pour le plaisir d’inventer des produits gratuits destinés seulement à signifier par son oeuvre un savoir faire propre et à répondre par une dépense à des solidarités ouvrières ou familiales » Michel de Certeau – L’invention du quotidien &. arts de faire – Folio essais page 45.

    Philippe Perrenoud

    Il évoque le bricolage chez les enseignants :

    « Les enseignants bricolent, ce qui ne signifie pas qu’ils font n’importe quoi et qu’ils ne font que cela. Le bricolage n’est pas antinomique avec la planification, la préparation, la référence à des théories éducatives. C’est ce que rappelle Philippe Perrenoud dans son article intitulé « La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage » (4).

    ——————-

    Génie au sens de la science des ingénieurs

    (4) « La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage », Philippe Perrenoud, 1983 http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1983/1983_01.html

     

     Plus d’infos : retrouvez tous les billets de JP Moiraud dans notre rubrique « Entre ingénieur et bricoleur, un espace à investir chez les enseignants » et sur son blog

  • Les supports pédagogiques, des créations pleines de ressources

    Les supports pédagogiques, des créations pleines de ressources

    Quelle différence y a t-il entre une ressource et un support ?

    « Une ressource, cela se matérialise de différentes manières : par des documents, des personnes, … tandis qu’un support, c’est ce que va vraiment utiliser l’enseignant dans son enseignement », définit Bruno Devauchelle.

    Il utilise les supports pour illustrer ses cours, aider les élèves à apprendre ou laisser une trace aux élèves.

    Les enseignants utilisent de plus en plus de supports (documents) pour enrichir leurs cours. Les traditionnelles cartes murales chères à notre imaginaire scolaire collectif sont désormais davantage des objets de collection (cf le livre de Michel Picouly) que des outils de travail.

    L’enseignant peut trouver des supports tout faits, par exemple auprès des éditeurs ou auprès de Canopé, « mais en réalité, quand on regarde les enseignants travailler, on se rend compte qu’ils détournent une partie de ces supports et ils en fabriquent une partie », souligne Bruno Devauchelle.

    Ce que regarde en premier un enseignant est comment il va pouvoir adapter le support à ses besoins pédagogiques.

    « En fait, peu d’enseignants utilisent des supports tout faits ; le manuel scolaire est d’ailleurs un très bon exemple et il a beaucoup évolué passant d’une forme linéaire à une forme kaléidoscopique ».

    Le tableau noir a été remplacé par le tableau blanc et désormais, le tableau se numérise. L’évolution des vecteurs de diffusion a permis une variété importante de pratiques et donc de supports.

    Les acétates (rétroprojection) introduites dans les années 60, la télévision petit à petit arrivée dans les salles de classe et désormais internet via les ordinateurs et autres appareils mobiles, enrichissent, voire remplace les supports plus anciens.

    Au delà de cette évolution et cette variété, est apparue, ou plutôt s’est développée, la possibilité pour chacun de concevoir et construire ses propres supports.

    Certes, il y a bien longtemps que les enseignants construisent et « bricolent » des supports. Outre les petits « bricolages », l’arrivée du photocopieur, par exemple, a fortement marqué le travail enseignant ainsi que celui des élèves. La photocopie est devenue très rapidement le prolongement efficient de cette manière de personnaliser les supports destinés aux élèves.

    Les éditeurs ont toujours lutté contre le « photocopiage », en particulier ceux spécialisés en éducation, qui ont obtenu le maintien de l’interdiction dans la loi sur l’exception pédagogique. La mise sur le marché de supports avec droits de reproduction n’a pas connu de franc succès, laissant le champ à un contournement toujours d’actualité.

    Utiliser légalement ou pas, un supports de cours reste un élément de base de la profession enseignante. Une pratique complémentaire existe et demande aussi à être analysée : l’enrichissement des supports existants.

    « Les enseignants ont une tradition d’enrichissement de supports ; avec le numérique, cela devient plus compliqué ».

    Bruno Devauchelle parle alors de « clans » qui se créent.

    En première typologie de support, « on a tout simplement la sélection d’un support : parmi un ensemble de documents, j’en sélectionne un que je vais fournir à mes élèves, soit sous forme vidéo-projetée, soit sur l’ENT, soit sous forme papier ».

    La deuxième typologie est l’assemblage qui consiste à rapprocher plusieurs objets qui ne sont pas ensemble à l’origine. Le troisième niveau est celui où l’enseignant met sa touche personnelle ; « plus que du bricolage,  il s’agit, selon la loi, d’oeuvre de création par assemblage ».

    Reste une question essentielle qui soutient les pratiques : quelles sont les compétences nécessaires pour parvenir à enrichir des supports existants ?

    Selon l’objectif visé et les objets techniques sollicités, elles sont très diverses et pas forcément toutes faciles à maîtriser. Il semble bien que ce soit l’un des freins, au moins partiel.

    Avec l’arrivée des moyens numériques, les niveaux techniques ont fortement augmenté. D’ailleurs, l’utilisation des photocopies n’a encore que peu diminué, contrairement à ce que l’on pouvait croire. D’un autre coté, les manuels scolaires numériques et les éditeurs éponymes n’ont pas encore apporté suffisamment d’accessibilité et d’utilisabilité pour encourager le développement de telles pratiques.

    Enrichir des supports reste une pratique artisanale et relativement modeste, bien que largement répandue en quantité.

     

  • Quelle école pour demain ?

    Quelle école pour demain ?

    Philippe_chavernac_070314« Réformer le mammouth ! » disait un ancien ministre de l’Education nationale pour souligner d’une part la nécessité d’engager des réformes, d’autre part pour stigmatiser la taille importante du ministère dont il avait la charge.

     

    Un rapport de la Cour des comptes (« Gérer les enseignants autrement », mai 2013) rappelle la prééminence de l’Education nationale dans le budget de la nation :

    « En raison de leur nombre (837 000 en 2012, soit 44% des agents publics employés par l’Etat et du poids de leurs rémunérations (49,9 Md€ en 2011, soit 17% du budget général de l’Etat), leur gestion est déterminante ».

    Comment le simple citoyen, au delà de toute appartenance politique ou idéologique, peut-il contribuer à réfléchir à la place de l’école dans notre société ? Les professeurs ont-ils trop de vacances ? Les rythmes scolaires sont-ils bénéfiques aux apprentissages ? Comment adapter la pédagogie des nos jours quand les élèves utilisent et s’approprient les résultats donnés par les moteurs de recherche ?

    De nombreuses questions récurrentes, d’éternelles critiques souvent sans fondement, qui sont peut-être exprimées pour se défausser de son rôle de parent… Et si la solution passait par une réflexion basée sur le bon sens ? Quelques idées simples, de la bonne volonté et surtout une prise de conscience du vivre ensemble pourraient changer le cours des choses. Passons de la communauté scolaire à la communauté nationale pour appréhender le devenir de l’école. Regardons autour de nous, et surtout au niveau européen, pour prendre le « meilleur » des systèmes étrangers.

    Améliorons le système de « gestion des enseignants pour redresser les résultats des élèves ». Demandons aux « politiques » d’avoir le courage nécessaire pour faire évoluer le système éducatif français et ainsi le réformer.

    Il est toujours utile de se référer au passé et de nombreux ouvrages ne manquent pas de nous le rappeler. A quoi ressemblait la classe de nos grands parents ? Le fameux tableau noir qui reste dans notre imaginaire collectif, le pupitre de l’écolier immortalisé par les photographies de Doisneau, la craie, la tablette de l’élève sont des images toujours présentes dans nos esprits.

    Mais encore faut-il replacer l’école d’autrefois dans son contexte où il y avait peu de bacheliers et où deux systèmes étaient juxtaposés (l’enseignement primaire supérieur dans les écoles primaires supérieures et le lycée qui couvrait l’enseignement de la sixième à la terminale pour une catégorie sociale plus aisée). De plus, les comparaisons internationales étaient inexistantes, ce qui n’est pas le cas de nos jours. En effet, comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes, la France « se situe au 18ième rang de l’OCDE pour la performance des élèves […] et connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier ».

    Pour cette institution, ces résultats « passables » (un professeur pourrait porter l’appréciation suivante : « peut mieux faire »…) proviennent en partie d’une « utilisation défaillante des moyens existants ». Le rapport souligne l’inadéquate utilisation des moyens humains :

    « les heures de cours entrent dans le cadre hebdomadaire fixe sans que cela corresponde nécessairement aux besoins des élèves ».

    Au niveau national, les auteurs du rapport mentionnent le difficile travail pour répartir sur tout le territoire les enseignants, entre la volonté du professeur de retourner dans son académie d’origine et les besoins de certaines régions qui sont déficitaires en personnels qualifiés. Et de souligner en gras la phrase suivante : « les postes d’enseignants sont répartis sur le territoire selon des critères qui ne caractérisent que partiellement et indirectement les difficultés des élèves ».

    Cela entraîne de nombreux effets pervers :

    « Dans le second degré, 45% des jeunes enseignants affectés sur leur premier poste le sont dans les deux académies les moins attractives, provoquant par la suite des départs massifs ».

    Parallèlement, nous pouvons aussi nous interroger sur la sous-utilisation des locaux ? On peut se référer aux expériences, baptisées « école ouverte », qui pendant les vacances, montrent qu’un public est près à venir dans l’établissement en dehors des horaires « normaux ».

    En effet, les élèves qui sont souvent issus de milieux moins favorisés n’ont pas les moyens d’aller à l’étranger pour suivre des cours de langues ou d’avoir des stages de pratique sportive. Pouvoir les accueillir, leur proposer des activités ludo-éducatives permet d’entretenir un lien social fort avec ces populations. On peut en profiter pour avoir une relation plus individuelle, les « voir » autrement, « casser » un peu cette relation frontale maître-élèves.

    De la maison à l’école, l’élève, à part peut-être à la bibliothèque ou au centre sportif, ne fréquente pas régulièrement d’autres lieux. A l’inverse, on constate que les espaces virtuels sont surencombrés. L’établissement scolaire reste un repère essentiel dans le processus de socialisation de l’élève et participe à la construction de son identité. Ce lien permet aussi de se retrouver entre pairs, de se rencontrer, et d’échanger.

    D’ailleurs, l’école n’est-elle pas un bien public financée par l’impôt ? Comment accepter qu’elle soit fermée après 18 heures, souvent les samedis et pendant toutes les vacances ? Comment vaincre cette bureaucratie qui empêche d’ouvrir les espaces où les « jeunes » pourraient trouver un sens nouveau à leurs actions, encadrés bien sûr par un personnel compétent et rémunéré.

    S’appuyant sur les recommandations du rapport de la Cour des comptes, on peut espérer quelques changements et en particulier une affectation des professeurs « en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement ». On peut aussi envisager de « mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel et des équipes ».

     

    Ce constat étant posé, on en revient toujours au même. Quand on annonce aux élèves l’absence de leur professeur cela provoque chez eux des cris de joie. Notre système est fortement basé sur un lieu, la salle de classe, un face à face, professeur élèves et des programmes nationaux. Quelques expérimentations peuvent faire la une de la presse locale mais cela reste limité à peu d’établissements.

    L’école Steiner, au Royaume Uni, révolutionne le cadre scolaire par la volonté de travailler autrement à des rythmes différents et en choisissant ses matières. Sans adopter cet extrême, ne pourrions-nous pas faire évoluer cette relation frontale entre professeur et élèves ? Si le TNI (Tableau Numérique Interactif) a remplacé l’historique tableau « noir », il n’en reste pas moins des dispositifs qui ne bougent pas.

    Ne peut-on, à l’instar du système universitaire américain, travailler sur des thématiques et des problématiques que les élèves résoudraient progressivement en utilisant un centre de ressources ? L’apprentissage individuel de la pédagogie par projet pourrait être plus largement mise en œuvre. En effet, comme l’écrit Catherine Reverdy dans un intéressant dossier d’actualité (« Des projets pour mieux apprendre ? », Dossier d’actualité Veille et analyses, n°82, février 2013) de l’Institut français de l’éducation (Ife) :

    « L’apprenant possède des connaissances et des compétences sur lesquelles il va s’appuyer pour construire son projet […] il construit son savoir au fur et à mesure, en faisant et réparant ses erreurs ». Cette pédagogie pourrait se mettre en place dans le CDI (Centre de Documentation et d’Information).

    De plus, nous constatons dans nos pratiques quotidiennes de nouveaux supports pour la lecture et l’écriture. La quête de l’information pour construire un exposé passe par l’utilisation des moteurs de recherche via l’emploi de mots-clés. L’intégration du numérique dans les programmes des disciplines scolaires a été un des thèmes d’une passionnante conférence nationale organisée à Lyon les 21 et 22 mai 2013 et intitulée : « Cultures numériques, éducation aux médias et à l’information ».

    Eric Sanchez (maître de conférences, École normale supérieure de Lyon – Institut français de l’éducation) et Paul Mathias (inspecteur général de l’Éducation nationale) rappellent dans la présentation de leur table ronde (« Cultures numériques : quelles responsabilités de l’école ? ») qu’il « est devenu capital de penser une refondation numérique de l’Ecole et de comprendre comment elle peut se confronter aux évolutions de notre société en s’y adaptant mais aussi en les accompagnant ».

    De nombreuses expérimentations dans l’utilisation de nouveaux supports ont, d’une part, témoigné d’un réel engouement des élèves et d’autre part de la mise en place d’une pédagogie vraiment différenciée. On constate, peut-être avec raison, une grande prudence des collectivités territoriales pour investir dans ces matériels. Comme le souligne Michel Perez (inspecteur général de l’Éducation nationale) : « la responsabilité de l’école sans laquelle celle-ci n’a aucune chance d’entrer dans le numérique, sera de donner aux enseignants les moyens d’être capables de médiatiser l’accès à la connaissance dans ses nouvelles modalités issues du monde numérique ».

     

    De même, il serait temps de favoriser les échanges au niveau européen et de simplifier les procédures d’inscription (voir le programme Comenius).

    Pourquoi ne pas permettre à un professeur de passer trois mois ou plus dans un autre pays de la Communauté européenne. Comment vraiment apprendre une langue sans séjourner dans un pays étranger ?

    L’Europe se fera sur cette prise de conscience que nous appartenons à la même communauté et la barrière de la langue ne sera franchie que par l’immersion complète dans un pays étranger. Et pour finir, comment accepter qu’un jeune professeur lauréat fasse toute sa carrière devant les élèves ?
    Pourquoi les ressources humaines au sein de l’Education nationale en particulier et de l’administration en général sont elles si peu ouvertes aux évolutions de carrière ? N’y a-t-il pas chez certains une lassitude qui s’instaure ? Et comment leur permettre d’évoluer avant une retraite qui s’annonce de plus en plus lointaine…

    Beaucoup de questions sont posées dans cet article qui demanderaient des réponses de bon sens… Mais comme l’écrivait Michel Crozier, dans son livre d’il y a déjà quarante ans (La société bloquée, Le Seuil, 1970), sans une révolution la France est-elle capable de changer ? Puissent ces quelques remarques susciter la réaction ainsi que le débat et l’entreprise ne sera pas totalement vaine…

    Auteur : Philippe CHAVERNAC, professeur documentaliste, LP Gustave Ferrié Paris
    Retrouvez le sur son blog : supercdi.free.fr