Étiquette : autonomie

  • Evolution de la profession d’enseignant de langue vivante grâce aux TICE

    Evolution de la profession d’enseignant de langue vivante grâce aux TICE

    Par Dr. Virginie Privas-Bréauté, Université Jean Moulin – Lyon 3

    Dans son article « Évolution du métier de l’enseignant : de la rareté de la langue à la cacophonie mondiale », Christine Vaillant Sirdey confirme en effet que « l’évolution de métier d’enseignant est en route. » (Vaillant Sirdey, 2008 : 21).

    En confiant la responsabilité de leur apprentissage aux élèves tout en les accompagnant progressivement vers l’autonomie langagière, l’enseignant est devenu un animateur, un médiateur, un accompagnateur. Il peut ainsi être qualifié de « facilitateur d’apprentissage », expression que nous empruntons au psychologue américain Carl R. Rogers (1902-1987).

    Nous proposons ici d’étudier la nouvelle position de l’enseignant à partir de plusieurs expériences conduites avec des groupes d’étudiants en 1ère et 2ème année de DUT Gestion administrative et commerciale à l’IUT de l’Université Jean Moulin – Lyon 3.

    Une première expérience menée au début du premier semestre du DUT consistait à consolider les connaissances linguistiques, pragmatiques et culturelles en amont via la plateforme pédagogique numérique, pour ensuite les réutiliser en présentiel lors de jeux dramatiques avec pour objectif la socialisation en milieu professionnel.

    Une deuxième expérience, conduite en deuxième année, avait pour objet la préparation au recrutement en anglais et s’inscrivait dans le même cadre de formation hybride. D’autres mises en situation professionnelles, programmées sur les deux années, devaient permettre aux étudiants de négocier, discuter, argumenter à partir de divers dilemmes, le dispositif pédagogique étant identique aux deux expériences citées précédemment.
    L’objectif était d’amener les apprenants à l’autonomie en situation de communication réelle de manière progressive grâce à plusieurs micro-tâches et tâches en distanciel et en présentiel.

    Ainsi, l’attitude du professeur doit changer. Les découvertes de Carl Rogers en la matière nous permettront de définir ce changement étroitement lié aux évolutions des divers dispositifs nouvellement mis à sa disposition. Il ne s’agit non point d’effacer la place du professeur au profit de ces nouveaux outils qui se substitueraient à sa présence, mais bien d’articuler le rôle du professeur et l’utilisation des dispositifs, car donner plus d’autonomie à l’étudiant en présentiel requiert une participation intense du professeur en amont et en aval des séances de cours.
    La combinaison de ces deux éléments clés de l’enseignement faciliteront l’autonomisation de l’étudiant in fine.

    L’enseignant de langues comme observateur et maître de l’écoute

    Il est difficile de changer sa façon d’enseigner, notamment après des années de pratique professionnelle. Dans « Transformations, évolution : un regard sur la dynamique de notre métier », Gail Taillefer confirme que rares sont les enseignants qui remettent leur enseignement en question. Elle rapporte ainsi le compte-rendu de l’Inspection générale:

    « […] En janvier 2007, l’Inspection générale a dressé l’état des lieux de l’évaluation en langue vivante dans l’enseignement secondaire. Dramatiques, les conclusions sont pertinentes pour nous. Elles montrent que les pratiques pédagogiques changent très peu avec le temps, que le concept d’évaluation et son vocabulaire sont peu familiers, que les compétences orales des élèves sont peu évaluées, que la notation est peu lisible, et que l’impact du CECRL reste encore très limité (autour de 30 %). » (Taillefer, 2008 : para 17).

    Il devient donc urgent de faire évoluer le métier d’enseignant et de mettre en place des moyens pour rendre l’apprenant acteur de son apprentissage.

    L’approche éducative rogérienne, centrée sur le développement de la personne, répond à cette évolution où il faut non seulement transmettre son savoir mais également être pédagogue et faciliter l’apprentissage. Marie- Louise Poeydomenge dans « Le ‟Modèle” pédagogique rogérien : Une référence incontournable pour le XXIème siècle » observe que le pédagogue doit « maîtriser suffisamment la discipline enseignée pour pouvoir l’entrecroiser avec ces autres réalités que sont les élèves, en groupe-classe, en train d’apprendre, et son projet personnel d’enseignant éducateur et formateur. » (Poeydomenge, 2008 : 36).

    En effet, la maîtrise de son sujet ne suffit pas à changer le formateur. Il lui faut aussi prendre conscience des besoins de ses étudiants et partir de cela. L’enseignant doit observer, être à l’écoute de chaque étudiant, et le guider. Dans la traduction française de l’ouvrage de Rogers, intitulé Liberté pour apprendre, Daniel Lebon explique en introduction :

    « Pour [Rogers], l’enseignant ne doit pas être un “maître à penser”, mais un “facilitateur d’apprentissage”. L’auteur invite l’enseignant à faciliter l’auto-détermination de chacun. Par cette définition, loin d’isoler l’élève dans une position d’autodidacte, il précise bien quelle relation doit à ses yeux unir élèves et enseignants. » (Rogers, 1969 : 18).

    Aussi, lorsque le professeur débute sa carrière, notamment à l’université où les domaines de spécialité sont variés et les besoins linguistiques des étudiants spécifiques, il doit se plonger dans les matières qu’il va enseigner. Ce ne sera que quelques mois, voire quelques années, plus tard qu’il maîtrisera le sujet, analysera les besoins de son public et pourra réellement y répondre. Sa façon d’enseigner changera donc d’une année à l’autre. Plus il maitrisera son sujet, plus il sera à l’écoute de ses étudiants, et mieux se passera la transmission de son savoir.

    En février 1958, Carl Rogers fut invité à conduire un séminaire sur le sujet « Les Applications de la psychothérapie à la pédagogie » (Rogers, 1961 : 188). Il y mit en évidence l’existence d’une « thérapie centrée sur le client » et détermina les « conditions qui facilitent l’acquisition » (Rogers, 1961 : 202). Il nomma la première de ses conditions la « congruence » et expliqua :

    « On a découvert que le changement de la personne se trouvait facilité lorsque le psychothérapeute est ce qu’il est, lorsque ses rapports avec le client sont authentiques, sans “masque” ni façade, exprimant ouvertement les sentiments et attitudes qui l’envahissent à ce moment-là. Nous avons forgé le mot “congruence” pour essayer de décrire cet état. » (Rogers, 1961 : 45).

    Il appliqua ensuite cette théorie à l’enseignement pour remarquer :

    « L’apprentissage authentique peut, semble-t-il, être facilité si l’enseignant est “congruent”. Ceci implique qu’il soit véritablement lui-même, et qu’il soit pleinement conscient des attitudes qu’il adopte, ce qui signifie qu’il se sente en état d’acceptation à l’égard de ses sentiments réels. Il devient ainsi une personne authentique dans sa relation spécifique avec les étudiants. » (Rogers, 1961 : 195).

    Pour Rogers, la relation interpersonnelle est centrale dans l’apprentissage. L’enseignant doit avoir confiance en lui mais aussi en son élève. Il se doit d’accepter l’étudiant tel qu’il est et de comprendre les sentiments qu’il éprouve. Au cours de sa pratique professionnelle de thérapeute, Rogers a constaté les relations qui unissent le patient et le thérapeute pour noter :

    « Plus le client voit dans le thérapeute un être vrai et authentique, empathique, lui portant un respect inconditionnel, plus il s’éloignera d’un mode de fonctionnement statique, fixe, insensible et impersonnel, et plus il se dirigera vers une sorte de fonctionnement marqué par une expérience fluide, changeante et pleinement acceptante de sentiments personnels nuancés. » (Rogers, 1961 : 49).

    Il transféra également cette idée à l’enseignement et remarqua :

    « L’enseignant qui peut accueillir avec chaleur, qui peut accorder une considération positive inconditionnelle, qui peut avoir de “l’empathie” pour les sentiments de crainte, d’attente et de découragement inclus dans la rencontre d’une nouvelle matière d’étude, aura fait beaucoup pour établir les conditions d’une véritable connaissance. » (Rogers, 1961: 195-196).

    En somme, l’enseignant doit considérer l’étudiant comme une personne avant toute chose afin de pouvoir créer un climat d’apprentissage propice et l’aider à accéder à l’autonomie. Il doit en outre optimiser l’utilisation des dispositifs mis à sa disposition pour faciliter cet accès à l’autonomie car, selon Rogers, lui seul ne peut suffire.

    L’enseignant de langues comme maître du jeu, metteur en jeu, metteur en scène

    Le Programme Pédagogique National du DUT Gestion administrative et commerciale considère l’anglais comme une langue de communication en premier lieu, puis comme une langue de spécialité en 2ème année. Il fut alors décidé de faire prendre conscience à nos étudiants dans quelle mesure l’anglais était une langue de communication et nous nous sommes consacrés au déploiement de dispositifs de manière à mettre en exergue sa valeur « communic’ actionnelle » pour reprendre l’expression de Claire Bourguignon.

    Nous avons d’abord décidé de promouvoir le jeu de rôle dès la 1ère année GACO et mettions régulièrement nos étudiants dans des situations de communication.

    Dans son article « Drama in Teaching English as a Second Language – A Communicative Approach », Sam Wan Yee écrit : « a “fluent” and an “accurate” user of the language would be facilitated by the use of the “communicative” activities » (2).

    Le recours aux activités de communication, tels les jeux de rôle et la simulation où la créativité de l’étudiant est également sollicitée, nous a effectivement immédiatement séduits car les activités discursives étaient mises en relation avec les contextes d’utilisation de la langue. Dans « Enseigner/apprendre les langues de spécialité à l’aune du Cadre Européen Commun de Référence », Claire Bourguignon rappelle combien cette mise en relation est essentielle lors de l’apprentissage d’une langue qu’elle soit de spécialité ou non :

    « Basé sur les travaux d’Austin et ses “actes de parole” d’un côté, et sur ceux de Hymes autour de la “compétence de communication” de l’autre, l’enseignement de la langue de spécialité s’appuie sur les spécificités discursives d’une langue en liaison avec son contexte d’utilisation. » (Bourguignon, 2008 : 40).

    Pour Wan Yee, les activités de communication facilitent l’apprentissage et permettent de faire évoluer le rôle de l’enseignant :
    « Only by practising communicative activities would students learn to communicate. The role of the teacher thus changes. She no longer dominates the learning situation. She is there to provide all the help the student needs to play an active role in his own learning. » (Wan Yee, 1990 : 3).

    Néanmoins, après avoir consacré de nombreuses années à l’étude du théâtre et de l’art dramatique anglophone contemporain, nous souhaitions dépasser le simple jeu de rôle en cours et tentions l’expérience d’importer le jeu dramatique[1] dans nos cours de travaux dirigés en DUT. Si le jeu dramatique peut encore être mal perçu par certains enseignants ayant peur de perdre le contrôle en laissant trop de liberté aux élèves, Lilliana Russo Rastelli confirme les bénéfices de cette pratique dans la classe de langue dans son article « Drama in Language Learning ». Elle explique : « Drama interaction should be encouraged because it is a practice which […] gives many benefits to teachers and students alike. » (Russo Rastelli, 2006 : 82).
    En effet, de nombreux chercheurs (tels Joëlle Aden, Jean-Pierre Ryngaert, Christiane Page) se sont penchés sur la valeur de l’art dramatique et ont démontré son caractère formateur. Wan Yee les résume ainsi :

    « […] Drama heighten[s] self-esteem, motivation, spontaneity, increase[s] capacity for empathy, and lower[s] sensitivity to rejection. All these facilitate communication and provide an appropriate psycholinguistic climate for language learning.» (Wan Yee, 1990 : 4).

    Rogers, comme d’autres didacticiens, confirmait qu’il ne faut pas négliger la dimension socio-affective dans l’apprentissage, dans notre cas, d’une langue.

    C’est pourquoi le seul jeu dramatique ne peut suffire à faciliter l’apprentissage tant l’hétérogénéité existe au sein des groupes. L’enseignant doit mettre à la disposition de ses étudiants d’autres ressources et dispositifs, qui viendront combler les manques, notamment linguistiques ou socio-linguistiques, de ceux et celles qui n’auront pas réussi à atteindre le niveau requis.

    Aussi, dans le cadre des cours en DUT GACO, nous décidions d’utiliser tous les outils traditionnels d’enseignement tels que le tableau blanc, le rétro-projecteur, les ouvrages spécialisés, à notre disposition mais aussi de recourir aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

    De nombreuses études réalisées sur l’introduction des TICE dans un cours pour faciliter l’apprentissage ont mis en évidence le caractère multi-canal des TICE favorisant motivation, curiosité, intérêt et apprentissage différencié.

    Les TICE libèrent les élèves des contraintes physiques de la classe, et, en recentrant l’apprentissage sur eux, les mettent au cœur de leur développement. C’est ainsi que nous prîmes le parti d’inscrire notre premier chapitre de cours dans le cadre d’une formation hybride où les étudiants se voyaient proposer divers jeux dramatiques sur quatre semaines de cours en présentiel et où il devait consolider leurs connaissances linguistiques, socio-linguistiques et pragmatiques à distance via la plateforme pédagogique numérique sur laquelle nous déposions régulièrement des ressources.

    L’enseignant de langues comme accompagnateur facilitant l’autonomie

    Dans une étude sur l’enseignant et les TICE intitulée « Rôle de l’enseignant-formateur : l’accompagnement en question », Marie-José Barbot qualifie le maître d’« accompagnateur autonomisant » et écrit :

    « L’accompagnement autonomisant implique d’adopter une perspective de complexité englobante. Il s’agit de se placer sur un plan affectif, celui de la motivation, sur un plan cognitif et sur un plan social et interculturel pour s’adresser à la personne dans sa globalité et lui permettre de s’approprier son apprentissage. » (Barbot, 2006 : 40-41).

    Elle observe que l’autonomie de l’étudiant se crée par et à travers l’accompagnement. Et, déjà en 1994, Jean-Pierre Narcy Combes le rappelait dans « Autonomie : Evolution ou Révolution ? » :

    « Dès le premier pas vers l’autonomie, une aide méthodologique devra être donnée à l’apprenant puisque celui-ci doit s’investir personnellement. Il est de plus en plus admis que l’autonomie de l’apprenant n’est pas une caractéristique innée, qu’elle prend des formes multiples et que sa mise en place peut (et doit) être facilitée par l’enseignant. » (Narcy Combes, 1994 : 430).

    C’est pourquoi le rôle de l’enseignant reste indispensable : il ne peut pas être remplacé par d’autres dispositifs. Dans leur article « Plus jamais seul ? De nouveaux rôles pour l’enseignant et pour l’apprenant lors de l’introduction d’un dispositif transversal d’apprentissage en ligne », Jemma Buck et Patrick Doucet rassurent les enseignants encore réticents à l’idée d’utiliser les TICE de peur de voir disparaître le bien-fondé de leur intervention et remarquent :

    « Dans un dispositif d’apprentissage en autonomie, l’aide de l’enseignant est indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble ; elle conditionne la poursuite des activités par les étudiants au-delà de la simple curiosité initiale, vers une systématicité permettant l’efficacité de l’entraînement. » (Buck & Doucet, 2008 : 28).

    Marie-Françoise Narcy Combes s’est quant à elle penchée sur les impressions des enseignants qui avaient recours aux TICE et en a recueilli le sentiment suivant : « [les professeurs contactés] considèrent que leur rôle est bien de guider les apprenants dans la construction de leur savoir et suggèrent l’utilisation du tutorat et des TICE pour échanger plus facilement avec les étudiants. » (Narcy Combes, 2008 : para 26). Ils sont donc tout à fait favorables à leur promotion.

    Toute l’énergie et le temps que requiert la mise en place de dispositifs à distance ou le jeu dramatique en amont des séances de cours montrent combien l’enseignant se soucie de l’apprentissage de ses étudiants et leur donne les moyens de réussir.

    Bien loin de le desservir, son investissement sans limite revalorise son rôle. Rogers observe que « le professeur qui s’intéresse à libérer le potentiel de l’étudiant manifeste à un degré élevé ces attitudes qui facilitent l’apprentissage. » (Rogers, 1969 : 173). Pour Rogers, le professeur se rend disponible pour ses étudiants, il leur met à disposition ses connaissances et son expérience, mais ne s’impose jamais à eux. De la même façon, les matériaux, les ressources qu’il déploie « doivent être mis à la disposition des étudiants et non pas imposés. » (Rogers, 1961 : 196)

    Appliquée à la didactique des langues vivantes étrangères, le dessein de l’enseignant est donc de faciliter l’apprentissage des apprenants pour les rendre autonomes en situations de communication. Mais il doit aussi leur faire prendre conscience de leur potentiel. C’est pourquoi l’approche éducative rogérienne souligne l’importance du développement méta-cognitif dans l’apprentissage.

    Dans un article intitulé « L’Attitude ‟rogérienne” en classe : contribution à la gestion de la crise de l’école », Jean-Daniel Rohart affirme que « l’attitude rogérienne consiste en effet à réveiller en chacun la conscience de ses propres ressources intérieures. » (Rohart, 2008 : 104).

    Aussi l’enseignant doit-il encourager l’auto-observation et le développement méta-cognitif de l’apprenant à travers les dispositifs mis en place.

    Dans le cadre des séances en DUT Gaco, il a été alloué un temps de réflexion autour de l’activité proposée et un temps de parole au groupe-classe à l’issue de chaque séance de jeu dramatique.
    De cette façon, les apprenants purent s’exprimer sur ce qu’ils avaient appris et comment ils l’avaient appris et le professeur pu vérifier si ses objectifs pédagogiques furent bien atteints. Ce temps de réflexion indispensable doit permettre aux étudiants de faire le lien entre les objectifs d’apprentissage d’une langue et l’ancrage dans la situation de communication.
    Si les apprenants font bien le lien alors le jeu dramatique prend tout son sens pour eux, n’est pas un simple jeu conduit en vain, et devient même une expérience mémorable.

    De la même façon, l’utilisation des TICE doit permettre aux apprenants de mener une réflexion méta-cognitive sur leur apprentissage. Ceci dit, ils n’ont pas forcément le temps de s’y consacrer ou n’éprouvent pas la motivation nécessaire car Marie-Françoise Narcy Combes explique que « pour que les plates-formes fonctionnent, il faut des étudiants motivés, prêts à s’investir dans leur travail, mais aussi des enseignants prêts à se mobiliser pour mettre en place les tâches et être présents pour accompagner les étudiants.» (Narcy Combes, 2008 : para 27).

    Il est à notre sens nécessaire de faire évoluer les Programmes Pédagogiques Nationaux de tous les diplômes, et intégrer les TICE à l’apprentissage des étudiants de manière à ce qu’ils puissent atteindre cette réflexion méta-cognitive et cette autonomie recherchée.

    Intégrer les TICE de manière officielle permettrait également aux enseignants de s’investir plus dans l’enseignement. A l’issue de l’expérience de formation hybride que nous proposions à nos étudiants de 1ère année de DUT Gaco, nous leur administrâmes un questionnaire sur le cours pour recueillir leurs impressions mais aussi leur faire prendre conscience de leurs atouts, de leurs faiblesses, et de leur capacité à prendre de la distance vis à vis de leur apprentissage de l’anglais.

    Pour conclure, nous dirons que retracer les contours de la profession d’enseignant selon une approche rogérienne revient à revoir la relation interpersonnelle qui lie le maître et l’élève. Ceci présuppose une évolution de l’attitude du professeur qui doit avoir confiance en les capacités de sa classe, créer un climat favorable et faciliter l’apprentissage.

    Il s’agit aussi d’accompagner les étudiants vers l’autonomie grâce à la mise en place de plusieurs dispositifs tels le jeu dramatique et/ou les TICE. Le professeur doit aider les étudiants à prendre de la distance par rapport à leur enseignement et apprentissage et leur permettre d’entamer une réflexion méta-cognitive. S’il faut bien détecter leurs besoins, il faut surtout faire en sorte qu’ils en prennent conscience et y répondent par eux-mêmes. Ici, l’enseignant est un facilitateur dans la mesure où il doit faciliter ce travail à l’aide des outils dont il peut disposer.

    Faciliter l’apprentissage selon une approche rogérienne s’inscrit dans une démarche profondément humaniste[2]. Daniel Lebon souligne l’intuition centrale de Rogers : « la confiance dans l’homme … libéré de certaines contraintes et par là-même orienté vers la créativité. » (Rogers, 1969: 18).

    Néanmoins, l’administration doit donner les moyens de mettre en place ce travail au professeur désireux de s’y consacrer. En effet, Gail Taillefer note que « l’autonomie des apprenants dépend de l’autonomie des enseignants, en particulier de la capacité de ces derniers à réfléchir à ce qu’ils font.» (Taillefer, 2008 : para 31).

    Le changement d’attitude de l’enseignant engendrera un changement d’attitude de l’apprenant : Rogers parle de « révolution pédagogique » qui engage donc tous les acteurs de l’éducation nationale.

     

    Bibliographie

    BARBOT, Marie-José. 2006. « Rôle de l’enseignant-formateur : l’accompagnement en question ». In Mélanges CRAPEL, n°28. http://www.atilf.fr/spip.php?article3691.

    BOURGUIGNON, Claire. 2008. « Enseigner/apprendre les langues de spécialité à l’aune du Cadre Européen Commun de Référence ». In Les cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008 L’évolution du métier d’enseignant de langue de spécialité, pp. 40-48.

    BUCK, Jemma et Patrick DOUCET. 2008. « Plus jamais seul ? De nouveaux rôles pour l’enseignant et pour l’apprenant lors de l’introduction d’un dispositif transversal d’apprentissage en ligne ». In Les cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008 : L’évolution du métier d’enseignant de langue de spécialité, pp.108-124.

    CONSEIL DE L’EUROPE. 2000. « Apprentissage des langues et citoyenneté européenne ». Un Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues : apprendre, enseigner, évaluer. Strasbourg : Division des politiques linguistiques.

    NARCY-COMBES, Marie-Françoise. 2008. « Les plates-formes : une réponse aux problèmes de l’enseignement-apprentissage des langues dans le contexte universitaire ? ». In Les cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008 : L’évolution du métier d’enseignant de langue de spécialité, pp. 92-107.

    NARCY, Jean-Pierre. 1994. « Autonomie : Evolution ou Révolution ? ». In Die Neueren Sprachen 93 : 5. pp.430-441.

    POEYDOMENGE, Marie-Louise. « Le ‟modèle” pédagogique rogérien : Une référence incontournable pour le XXIème siècle » in ROHART, Jean-Daniel. (dir.). 2008. Carl Rogers et l’action éducative, Lyon : Chronique Sociale, pp.36-69.

    ROGERS, R. Carl.[1961]. Le Développement de la personne, Paris : Interéditions, 2005.

    ROGERS, R. Carl. [1969]. Liberté pour apprendre, Paris : Dunod, 2013.

    ROHART, Jean-Daniel. « L’attitude ‟rogérienne” en classe : Contribution à la gestion de la crise de l’école », in ROHART, Jean-Daniel. (dir.). 2008. Carl Rogers et l’action éducative, Lyon : Chronique Sociale, pp. 101-120.

    ROHART, Jean-Daniel. (dir.). 2008. Carl Rogers et l’action éducative, Lyon : Chronique Sociale.

    RUSSO RASTELLI, Liliana. 2006. « Drama in Language Learning ». In Encuentro, n°16, pp. 82-94. http://www.encuentrojournal.org/textcit.php?textdisplay=383#SlideFrame_1

    TAILLEFER, Gail. 2008. « Transformations, évolution : un regard sur la dynamique de notre métier ». In Les cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008 L’évolution du métier d’enseignant de langue de spécialité, pp. 49-65.

    VAILLANT SIRDEY, Christine. 2008. « Évolution du métier de l’enseignant : de la rareté de la langue à la cacophonie mondiale ». In Les cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008 L’évolution du métier d’enseignant de langue de spécialité, pp. 10-21.

    WAN YEE, Sam. 1990. « Drama in Teaching English as a Second Language – A Communicative Approach ». In The English Teacher, Vol XIX, July.

    [1] La différence majeure que nous faisons entre le jeu de rôle et le jeu dramatique réside dans la dimension esthétique de ce dernier mais aussi dans la capacité de l’étudiant à se détacher de son statut d’étudiant et à prendre de la distance par rapport au rôle qu’il peut jouer. Nous nous référons ici aux théories brechtiennes du théâtre.

    [2] Même si quelques limites sont à déplorer. Par exemple, Rogers préconise l’absence d’évaluation (Rogers, 1969 : 204), ce qui est impossible à mettre en place en France.

     

    A propos de Virginie PRIVAS-BRÉAUTÉVirginiePrivas_univlyon3
    Professeure certifiée en anglais – Qualifiée MCF en 11ème et 18ème sections
    Docteur en Littératures et Civilisations des mondes anglophones
    Responsable des Relations Internationales – IUT
    Responsable des stages – département GACO
    Institut Universitaire de Technologie
    Université Jean Moulin Lyon 3

  • La classe est-elle plus mobile avec le numérique ?

    La classe est-elle plus mobile avec le numérique ?

     

    Ludovia_T4Introduction par Corinne Martignoni
    Qu’est-ce qui est vraiment mobile ? est-ce que cela met en cause le concept de classe ou cela l’enrichit-il ? quel bilan des expérimentations ?


    Marie-Noëlle Martinez, chercheur de l’Académie de Toulouse
    (expérimentation tablettes au collège d’Albi, classe de 6ème)
    Elle suit une expérimentation de tablettes dans un collège à Albi. Elle note la volonté de faire entrer l’école dans l’ère numérique. Cependant, nous disposons de très peu de retour sur les expérimentations de tablettes qui ont débuté en 2010. Dans l’AC Toulouse, 2 expérimentations. Une troisième a été mise en place de telle sorte que chaque système d’exploitation soit testé (Apple, Android, Microsoft).
    Méthodologie employée : un questionnaire initial a été distribué aux élèves, enseignants et parents pour recueillir les représentations, puis un questionnaire final (bilan). A cela s’ajoute l’observation en classe et l’évaluation des résultats scolaires.

    Perception de l’utilité des tablettes ; 89 à 100% des élèves, enseignants et parents pensent que l’usage des tablettes a une influence positive sur les apprentissages. Peu de différence après 5 mois d’utilisation, néanmoins ce sont les enseignants qui sont les plus sceptiques (89%) au départ et les plus convaincus après 5 mois (100%).

    L’outil est perçu comme un outil facile d’utilisation et donc utile dans le travail.

    Au début, les problèmes techniques sont un frein. Après 3 mois, on note une adaptabilité des enseignants et des élèves. De plus, les enseignants disposent de solutions de rechange en cas de problème technique (préparation de matériel de secours au format papier par exemple).

    Les plus-value sont difficilement mesurables. Néanmoins, 100% des parents souhaitent la poursuite de l’expérience. La motivation est très forte de la part des parents, des enseignants et des élèves.

    Il y a une corrélation entre l’utilité et l’affect: si l’élève aime l’outil, il en verra l’utilité et inversement.

    L’élève est sous influence de l’enseignant: comment influencer l’enseignant dans ses pratiques?  Par la formation ? Il n’a pas été noté de corrélation des parents sur les élèves: si le parent n’aime pas la tablette, l’élève l’aime quand même.

     

    André Delacharlerie de la Délégation de Wallonie intervient à son tour.
    On passe en Wallonie et leur utilisation de la tablette dans une éducation par et au numérique. Compte-rendu en 1ère primaire (CP) par une enseignante qui utilise 12 tablettes android et un projecteur.

    Apprentissage, différenciation et remédiation sont les axes d’utilisation des tablettes. L’avantage spécifique de la tablette, c’est sa mobilité : travail individuel avec ou par pair, puis travail par groupe en emportant à chaque fois sa tablette. Possibilité de l’utiliser en rue comme en classe. Les élèves peuvent expliquer les choses devant la caméra et ainsi, structurer leur pensée.

    La tablette a changé sa manière d’enseigner. Certaines choses ne seraient pas possibles au moyen de papier/crayon. Tablette et mobilité sont des concepts qui se chevauchent.

    Le rendement de travail est meilleur : l’enseignante constate 3 fois plus de travail en classe. L’outil est vite maîtrisé : la tablette est un couteau suisse.

    La tablette est un outil intéressant, mais pas le seul. D’autre part, beaucoup trop de logiciels partent de ce que savent faire les développeurs, mais pas des besoins des enseignants. Les enseignants ont besoin de logiciels ouverts (souples), simples et ergonomiques. L’utilisation du « Cloud » est aussi une demande importante en terme de portabilité (école/domicile/maison).

    20 tablettes, ce sont 20 cerveaux qui fonctionnent. Combien de cerveaux sont mobilisés avec un TNI ?

    Acquisition des apprentissages : il est important de  promouvoir la collaboration entre enseignants. L’enseignant ne doit pas inventer et développer seul les ressources.

    Pour lui, les nouvelles technos fonctionnent si on s’investit beaucoup.

    Intervention de Jean-Loup Burtin, Directeur de la société FORMATICE pour BIC Education,
    «On ne peut pas faire fi de son passé» Quelques jalons de réflexion :

    Quelques interrogations : la tablette pour parler de mobilité et nomadisme ? problématique des ressources ? Pas d’écosystème créé . Quels sont les usages pédagogiques des TICE ? Derrière les disciplines il y a bien de la didactique, quel est l’apport du numérique ?
    Le contexte de l’école et des élèves a changé: comment la pédagogie évolue ?

    Comment les élèves apprennent ? Le numérique outil discriminant selon l’accès au numérique.

    Les Lieux et temps d’apprentissage et d’éducation sont modifiés par le numérique. Il faut prendre en compte ces changements.

    JL Burtin évoque le problème de l’évaluation des usages de l’ENR qui n’a pas été fait.
    On a pas encore défini ce qu’est le numérique éducatif et son apport à l’enseignement.

    On est passé d’un empilement d’ordinateurs  à un empilement de tablettes.

    Le matériel devrait nous servir à réfléchir sur la finalité de leur utilisation en classe.

    Se pose ensuite la question des ressources à mettre à disposition. Dans la mesure où les lieux et les temps d’apprentissage sont modifiés par le numérique, l’organisation spatiale de la classe serait à repenser ainsi que les modalités d’apprentissage avec le numérique.

    Avantages :

    • travail scolaire bonifié : gain de temps et meilleur répartition du travail. On note aussi un accès accru à l’information actuelle (à jour)
    • les facteurs psycho-sociaux de la réussite scolaire : si la motivation est une tarte à la crème sans y ajouter l’intérêt de l’apprentissage. L’attention est néanmoins améliorée
    • Interactions entre les acteurs (profs, parent, élève)
    • Equité et ouverture sur le monde

    L’école est plus sur la mobiquité (un usage sédentaire d’outils mobiles) que sur la mobilité.

     

    2ème temps de la table ronde  Retour d’expérimentation tablettes tactiles

    Michèle Monteils, chef projet tablettes à la DGESCO
    La tablette s’inscrit dans le prolongement des expériences faites avec les ordinateurs portables. Des témoignages d’usages à retrouver sur Eduscol : usages très variés selon les académies. Les expérimentations de tablettes ont lieu plus massivement dans les collèges.

    15000 tablettes sont actuellement en expérimentation en France dans 119 écoles, 174 collèges et 42 lycées.

    Avoir une tablette sous la main représente un changement notable dans la présence du numérique en classe, car elle est vraiment sous la main et devient un outil parmi d’autres sur la table de l’élève.
    Dans de nombreuses disciplines, elle a un impact positif dans les apprentissages, mais toutes les disciplines ne sont pas égales en cette matière. La possibilité de faire des photos ou des vidéos est notamment mise en avant, notamment dans le contexte d’une sortie de classe.
    Une réserve est émise par Michèle Monteils sur l’utilisation et la plus-value de la tablette en mathématiques.

    L’aspect couteau suisse de la tablette est à nouveau mis en avant. Par contre, Michèle Monteils observe peu d’innovations des pratiques via la tablette. [Remarque perso : mais les expérimentations n’ont que 3 ans… stade normal de l’introduction d’un nouvel outil, on sait que l’enseignant adapte d’abord l’outil à ses pratiques habituelles avant de, peut-être, modifier ses pratiques]

    Quelles perspectives?
    Pour Michèle Monteils, la tablette mobile va l’emporter à l’école sur la tablette personnelle. Volonté de contraindre à l’activité des élèves au travers de dispositifs techniques permettant à l’enseignant de garder la maîtrise de l’accès aux applications et la connexion à internet. L’avenir est-il à la tablette hybride permettant d’être à la fois ordinateur et tablette ou à des tablettes dédiées (et donc fermées) – dans ce dernier cas pour le primaire.

    Elle dresse quelques constats sur des retours d’expériences :

    • rapidité de mise en œuvre  / autonomie / légèreté / simplicité d’utilisation / mobilité
    • Peu de mobilité hors de la classe : frilosité à sortir de la classe.
    • Modification des usages des tice en classe : outil parmi d’autres sur la table. Bonne séance quand l’enseignant suscite le désir de savoir, d’apprendre.
    • Impact positif sur les apprentissages de nombreuses disciplines : plus-value pour les langues / mobilité en cours d’EPS, modification des stratégies d’apprentissages quand il y a sortie / réserve sur l’usage en maths.
    • Alternance travail individuel/ collectif : tablette et tableau se complètent
    • Apparente simplicité : à nuancer
    • Contraintes techniques : nécessitent des compétences que ne maîtrisent pas tous les enseignants
    • Évolution rapide, offre qui se diversifie

     

    Jean-Paul Moiraud intervient à son tour
    Mobilité des corps ou des espaces? Inconstance et instabilité forment la définition première de la mobilité.

    La mobilité est souvent donnée comme égale à tablette. Or, il n’en est rien. Les ENT sont aussi un moyen d’être mobiles et sans tablette. Par ailleurs, la mobilité à l’école n’a pas attendu le numérique. Jean-Paul Moiraud rappelle que, dans les années 60, la mobilité des objets existait déjà en classe : ainsi en était-il des émissions de radio scolaire qui apportaient l’éducation musicale dans la classe. (cf entretiens de Jean Valérien). «On réinvente  ce qui existe déjà».

    Mobilité des espaces: Exemple des « maternages par skype » des nounous  philippines qui sont mamans à distance. Les espaces virtuels permettent la mobilité…
    La mobiquité  : on peut être mobile sans bouger…

    Ludovia_T4bis