Catégorie : retrospective

  • La ronde des mots sur tablette en classe de 6ème

    La ronde des mots sur tablette en classe de 6ème

    tablette en classeApprivoiser le matériel : un challenge remporté facilement par les élèves

    Après trois semaines d’utilisation de la tablette en classe, tout le monde semble déjà être très à l’aise avec la manipulation du matériel, aussi bien du côté des élèves que du côté de l’enseignante.

    Cette tablette offre la possibilité d’écrire en tactile avec ou sans stylet, mais aussi de manière plus «standard » avec un clavier et une souris. Les enfants ont le choix mais nous notons tout de suite que le tactile ne sort pas favori.

    C’est majoritairement en mode « classique », clavier accroché à l’écran, la souris à ses côtés, que les enfants répondent aux exercices de grammaire donnés par Jacqueline. Il faut dire que ces enfants sont encore jeunes, comme le fait remarquer David Arderiu, référent numérique de l’établissement.
    « Ce sont des élèves de 11 ans donc il faut se rappeler que la technique pour eux correspond à 11 ans de vie, même seulement 2-3 ans pour certains ».

    La tablette en classe, c’est donc tout nouveau pour ces élèves de 6ème qui sont encore des «apprentis du numérique » ; peut-être ont-ils déjà pris des habitudes d’utilisation avec un ordinateur, le clavier leur semble alors plus évident ?

    A ce sujet, notre enseignante en français nous répond que c’est aussi pour des raisons pratiques que les élèves utilisent plus facilement le clavier lorsqu’ils doivent rédiger quelque chose.

    « En début de cours,  je leur laisse le choix ; dès les premiers jours, c’est vrai qu’ils étaient attirés par le tactile avec le stylet ; mais comme en français, on est amené à beaucoup écrire, l’écriture stylet est complexe pour eux et quand ils font apparaître le clavier tactile, il ne demeure plus qu’une partie très étroite de l’écran (…) et ça leur pose problème. C’est pourquoi, ils ont vite adopté le clavier et ont même sorti la souris» !

    D’après Jacqueline, c’est donc pour un confort personnel de visibilité de l’écran que les élèves ont choisi seuls, le mode d’écriture « classique » au détriment du « moderne » tactile.

    Elle fait également remarquer que la classe choisie pour l’expérimentation regroupe un certain nombre d’élèves plus fragiles que d’autres, dyslexiques ou dyspraxiques, qui favorisent le mode clavier lorsqu’il s’agit d’exercices d’écriture ; le mode tactile n’est pas délaissé pour autant et est utilisé pour des recherches, par exemple.

    Les élèves se sont très bien accoutumés à jongler d’un mode à l’autre.

    Usages au quotidien de la tablette en classe : une vraie collaboration pour l’équipe d’enseignants

    L’expérimentation a démarré en plein milieu d’année scolaire. Conscients qu’ils ne pourraient tout révolutionner en un jour, les enseignants concernés se sont accordés en décidant de laisser les cours sur papier et de ne réaliser, avec la tablette en classe, que les exercices.
    « Cela demande un jonglage pour les élèves entre le papier et le numérique mais ils s’y sont fait sans grande difficulté», souligne Jacqueline.

    La tablette est entrée dans toutes les disciplines pour cette classe de 6ème et de petits dysfonctionnements au quotidien se sont vite fait remarquer.

    Adapter la tablette en classe à l’environnement existant  

    David évoque avec nous les détails qui restent à penser pour optimiser les usages de la tablette et il n’est pas seulement question de contenus.

    Le collège Jean Jaurès a investi dans des Vidéoprojecteurs Interactifs en WIFI, mais également dans des vidéoprojecteurs simples.

    L’intérêt de faire fonctionner ensemble la tablette et les vidéoprojecteurs est certain ; « Si l’enseignant veut projeter sa tablette au tableau, il prend sa télécommande et peut effectuer la manipulation (…) Mais dès que l’enseignant parle, la tablette se met en veille et cela coupe la connexion WIFI (…). Le temps de retrouver la liaison, cela peut être perturbant pour l’enseignant », explique David.

    La solution a été trouvée en augmentant la durée de mise en veille de la tablette en classe car « la technique ne doit pas être un facteur handicapant pour les enseignants », souligne David.

    Autre problème rencontré, cette fois avec les vidéoprojecteurs simples : comment projeter la tablette de l’enseignant ou de l’élève avec ce matériel en classe ?

    L’équipe est encore en phase de test de plusieurs logiciels qui permettront cette manipulation.

    C’est par ces exemples concrets que David souhaite pointer le fait que toute nouvelle arrivée de matériels nécessite une implication de toute l’équipe éducative et que ces réglages du quotidien peuvent être très chronophages.
    « On se retrouve, on discute (…) Le projet numérique, ça soude une équipe, on fonctionne tous en avant », conclut-il.

    Un cartable allégé mais plus volumineux

    Un des leitmotiv de ces dernières années, lorsqu’il s’agit de numérique à l’école est  de réduire le poids du cartable de nos collégiens. L’expérimentation au collège Jean Jaurès d’Albi va t-elle répondre à cette problématique ?

    Pour l’instant, les livres scolaires de la classe de 6ème sont tous numériques, mais cela ne suffit pas, comme l’explique David. « Nous nous sommes rendus compte en ajoutant la sacoche et la tablette à l’intérieur, que le cartable ne s’était pas alourdi en terme de poids mais avait pris du volume ! (…) Les élèves arrivaient en classe avec leur sac, la sacoche de la tablette et quand ils avaient EPS, le sac de sport ! ».

    L’équipe enseignante a donc opté pour un classeur unique dans lequel les élèves ont tous les cours, afin de répondre à un des principaux enjeux du produit.

    Au delà des difficultés liées aux prémices d’usages, beaucoup de positif !

    La collaboration entre enseignants qu’engendre un tel projet a déjà été soulignée par David et Jacqueline.
    Côté élèves, Jacqueline note « le dynamisme à faire le travail et à vouloir le faire bien ». Les élèves apprécient tout particulièrement de pouvoir rendre un résultat propre sans ratures.

    Elle ajoute qu’il faut rester vigilants sur le partage du temps entre la tablette en classe et les outils traditionnels ; les élèves ont vite fait de se laisser distraire, « ne serait-ce que de naviguer dans leur espace d’un endroit à l’autre, c’est leur tendance naturelle ».

    Mais pour autant, le jeu en vaut la chandelle et elle précise bien que le travail avec ce nouvel outil numérique ne lui prend pas plus de temps qu’avant, d’autant que « comme les élèves de 6ème sont particulièrement lents pour comprendre les consignes, la tablette en classe les aide peut-être un peu ».

  • Nouveaux rythmes scolaires : le numérique, une chance pour les communes ?

    Nouveaux rythmes scolaires : le numérique, une chance pour les communes ?

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    Ludovia a cherché à comprendre auprès des communes, déjà investies dans les TICE, la place et le rôle que pourra prendre le numérique dans les futurs activités périscolaires, et la politique éducative territoriale de la commune.

    Levier de continuité éducative et logistique

    Le ministère, dans son projet de loi sur la refondation de l’école, exprime une ambition de continuité éducative à travers différentes mesures : création d’un cycle Cm2-6éme, d’un service public numérique « pour prolonger l’offre des enseignements » et «rapprocher les familles de l’école », développement « des activités périscolaires, prolongeant le service public de l’éducation ».

    Dans le guide publié sur les nouveaux rythmes scolaires publié par le ministère le 5 février dernier, le numérique y est également encouragé comme l’une des activités possibles, qu’i s’agisse d’activités dites « d’épanouissement » ou « d’activités pédagogiques complémentaires »

    Si le projet de loi suggère la mise en place pour les enseignants d’ « une plateforme d’échange et de mutualisation » ou la mise en place d’une plateforme de ressource collaborative, soit un espace numérique d’échange, ne peut-on pas imaginer que ce type d’outil constitue un véritable trait d’union entre les projets d’école et programmes pédagogiques des enseignants et le projet éducatif de la ville ?

    D’autre part « penser le temps de l’enfant tout au long de la journée suppose inévitablement, pour Janine Bouvat, directrice de l’Education de la ville de La Ciotat,que nous partagions les lieux et les équipements entre les équipes scolaires et périscolaires, donc également les infrastructures et matériels numériques ».
    Anne Sophie Benoit, présidente de l’ANDEV, voit également dans « le numérique, un levier de continuité éducative entre le scolaire et le périscolaire, qui peut favoriser le flux des contenus et de la coordination administrative ».

    C’est ce que l’on observe en particulier dans les villes, qui dans le cadre de leurs politiques éducatives territoriales, définissant le cadre de la continuité éducative entre le scolaire et le périscolaire, ont privilégié la mutualisation des outils, la formation des animateurs, et la mise en œuvre d’un partenariat suivi entre l’Education Nationale et la ville.
    A Issy les Moulineaux par exemple, l’usage d’un espace numérique collaboratif partagé entre l’équipe enseignante et périscolaire a été expérimenté dans une école entre février et juin 2012, pour être étendu à plusieurs écoles depuis septembre 2012.
    Cet espace numérique d’échange intègre les partenaires associatifs naturels de la ville, qui œuvrent dans le cadre des animations périscolaires : développement d’un serious game, atelier d’écriture, animation numérique suite à la visite d’un musée avec la classe grâce à l’usage d’une mallette de ballado-diffusion, etc.

    A Angers, on mutualise également les équipements numériques entre le scolaire et le périscolaire. A l’école élémentaire Isoret en particulier, où a été maintenu le rythmes des 4 jours ½, l’un des projets d’école était de suivre un coureur du Vendée Globe. Ce projet permettait, entre autres dans le cadre des objectifs pédagogiques, de faire travailler en groupe les enfants sur l’expression écrite et parlée : concevoir en équipe un message et savoir l’exprimer. En parallèle, afin d’animer ce projet, les enfants ont participé sur le temps périscolaire à la fabrication d’un bateau, conçu au départ avec les outils numériques de l’école.

    Dans une autre école de la ville, certaines applications sur tablettes vont permettre, pendant les activités périscolaires, la création d’une pièce de théâtre.
    « Ces exemples illustrent bien, selon Luc Belot,  député de la 1ère circonscription du Maine-et-Loire, le trait d’union établit entre les activités scolaires et périscolaires et cristallise l’homogénéité et la cohérence du projet éducatif territorial ».
    Mais « chaque école devra monter son propre projet progressivement, et l’adapter, précise t-il, selon le contexte aux parcours pédagogiques, définis avec la ville dans le cadre de son projet éducatif territorial ».

    Des choix financiers nécessaires

    Mais créer des ponts organisationnels entre les équipes enseignantes et périscolaires engendrent auprès de nombreux directeurs éducation des villes des interrogations sur les conditions de mutualisation des outils et de sécurisation et de maintenance de ces matériels, sans oublier la formation des animateurs, et, donc par voie de conséquence des investissements et des coûts de fonctionnement supplémentaires.

    « Nos animateurs n’ont pas la compétence pour manier les usages numériques, et nous craignons que des incidents techniques survenus lors de séances périscolaires entravent les usages des matériels dédiés aux enseignants »,  avance la responsable des affaires scolaires d’une ville des Yvelines.

    « L’organisation à mettre en place pour faire face aux nouveaux rythmes scolaires sera très coûteuse et investir dans des équipements informatiques et dans la formation des animateurs n’est pas notre priorité », affirme le directeur éducation et jeunesse d’une autre ville des Bouches du Rhône.

    Pourtant peu argentées, certaines communes comme La Ciotat estiment néanmoins que les outils numériques sont justement une réponse réaliste aux questions que pose le réaménagement des temps de vie scolaire et périscolaire.
    « Bien pensé, une architecture et un équipement numérique dans une école peuvent être une réponse aux problématiques rencontrées avec l’aménagement des nouveaux rythmes scolaires tant au niveau des objectifs éducatifs de la ville, que dans la gestion administrative des personnels. D’autant que des solutions à moindre coût existent », souligne Janine Bouvat.
    « L’usage d’un espace numérique collaboratif de travail ou d’échange, poursuit-elle, permet une meilleure gestion et coordination des plannings et des contraintes logistiques. D’autre part les restrictions budgétaires entrainent des choix financiers et le numérique est à terme un outil permettant d’optimiser ses investissements ».

    Même discours du côté des grandes villes : « Aménager des activités périscolaires aura un coût indéniable, et le numérique en est un. Mais il présente de tels avantages, qu’il devient aujourd’hui incontournable de l’intégrer dans les plans éducatifs territoriaux », confirme Luc Belot.

    MF. Bodiguian, 
    AMO-TICE

    Avis aux lecteurs de cette rubrique :
    Appel à Témoignages de collectivités engagées ou en projet sur le numérique et la refondation de l’école : vos réactions concernant le projet de loi, vos initiatives, vos idées et propositions, et les problématiques que vous rencontrées, contactez-nous !
    Merci d’envoyer vos mails à mfb@amotice.com, ou vous coordonnées sur twitter @amotice, pour nous faire partager votre expérience.

  • Les plus beaux équipements du monde favorisent-ils les meilleurs usages ?

    Les plus beaux équipements du monde favorisent-ils les meilleurs usages ?

    Au programme de ce dernier épisode, regardons l’opération landaise d’un point de vue usages. Pour cela, nous avons rencontré les chefs d’établissement, les enseignants et les élèves qui sont au cœur du dispositif.

    Toutes les salles de classe équipées en matériels de visualisation collective (vidéoprojecteur, TNI et visualiseur numérique), 1 ordinateur portable pour chaque élève de 4e et de 3e, 1250 enseignants dotés eux-aussi et 120 logiciels ou ressources en ligne à la disposition de toute cette communauté. Quoi de mieux pour apprendre avec le numérique ?

    Des ressources pour faciliter les usages

    Comme l’a souligné Henri Emmanuelli dans l’épisode 1, le Conseil général a du sortir de son champ de compétences en investissant dans les ressources, supposées favoriser les usages. En effet, sans contenus, le numérique ne représente pas grand chose dans une classe.

    Pierre-Louis Ghavam, chef du service informaTIC au Conseil général des Landes, ajoute qu’ils ont tenté de faire les meilleurs choix possibles pour les enseignants. Pour cela ils se sont entourés d’un comité stratégique comprenant un enseignant de chaque discipline et des IA-IPR qui se réunissent chaque année pour suggérer les ressources dont le Conseil général fera l’acquisition, en fonction de ses moyens financiers.

    Question pratique, les 120 logiciels sont habilement classés par icônes, soit par fonction (icône clé) si « je veux dessiner, je veux graver des CD, je veux regarder un film… », précise Pierre-Louis Ghavam, soit par discipline (icône à flèche).
    Et il ajoute, « les enseignants ont ces ressources à disposition mais ne sont en aucun cas obligés à s’en servir ».

    Malgré la bonne volonté de chacun, la pauvreté de contenus numériques disponibles pour certaines matières restreindrait les possibilités d’usages des matériels.

    Pour exemple en français, aucun manuel n’apparaît dans le menu des ordinateurs landais. Aux enseignants de lettres s’offre l’application « la grammaire du collège »,  mais cela reste limité.

    Karine Artola, enseignante en français au collège Jean Mermoz de Biscarosse ajoute qu’elle peut difficilement laisser ses élèves prendre en note le cours uniquement sur ordinateur car elle doit aussi respecter les consignes de l’inspection, qui demande à ce qu’il y ait une trace écrite.
    « Cela signifie qu’il y ait l’ordinateur d’un côté et le cahier de l’autre ; en clair, une organisation, notamment matérielle, un peu particulière ».

    Elle reconnaît que le numérique peut avoir des aspects intéressants : « en classe de 4e, lorsque nous étudions le portrait des Misérables, je dépose sur le réseau une adaptation filmée de l’ouvrage que mes élèves peuvent regarder chez eux car je n’ai pas le temps de la montrer en classe ».

    Sur un cas concret qui se pose et la question des ibooks, Karine Artola accepte que ses élèves lisent sur numérique. Par contre, elle reconnaît que pour retrouver des citations, entre les élèves qui ont la version papier et les autres en version numérique, cela est un peu compliqué car les références de pages sont différentes.

    Exemples d’adoptions réussies du numérique par les enseignants

    Que ce soient Stéphane Landeau que vous avez pu découvrir dans le 3ème épisode de la série avec son cours de « culture numérique » ou encore Lionel Grupeli, enseignant en Histoire-Géographie, Anita Morales, enseignante en espagnol et Eric Villeroy, professeur de technologie, tous trois du collège Jean Mermoz, leur avis est unanime : le numérique a changé leur manière d’enseigner.

    Au quotidien, Lionel Grupeli enregistre les compétences nouvelles que ses élèves acquièrent grâce au numérique ; un apprentissage qui se trouve facilité d’après lui :

    « Avec le numérique, on peut présenter le cours et ses objectifs, le sommaire apparaît ». Il insiste sur le fait que cela permet à l’élève de structurer sa pensée ; il comprend vers quel objectif l’enseignant veut l’amener et par quels chemins il va passer pour y aller.

    Il poursuit,  « le numérique est un véritable « ami » de l’élève qui ne rendait rien à l’écrit ou qui était en difficultés. Le correcteur et le traitement de texte leur permettent d’avoir une production disciplinée ».

    Malgré tout, il est conscient que les usages ne peuvent être exclusivement numériques, que le juste milieu est à trouver et qu’il dépend aussi de chaque élève.

    Anita Morales, en espagnol, prend beaucoup de temps à préparer ses cours sur support numérique pour que ses élèves puissent travailler sur leurs ordinateurs pendant l’heure de classe. Au menu du jour, un travail sur l’œuvre de Picasso au travers d’une vieille publicité.

    « J’avais ce document sur cassette vidéo et je l’ai repiqué avec mon combi-scope chez moi pour pouvoir le passer aux élèves en classe et le déposer sur le réseau pour qu’ils puissent ensuite travailler dessus à la maison », nous explique t-elle simplement.

    Une enseignante motivée par le numérique qui fait même de la « récup » pour ranger les casques audio qu’elle a commandé à l’établissement pour ses élèves (car non fournis avec l’ordinateur) : elle se sert d’une cagette à « naranja », traduisez « oranges » !

    Eric Villeroy, en tant que professeur de technologie, utilise beaucoup les ordinateurs, notamment pour faire travailler ses élèves en autonomie. Il utilise donc régulièrement les outils mis à sa disposition ; d’après lui, les usages ne peuvent pas se faire au même niveau pour chaque enseignant car cela dépend beaucoup de la discipline.
    Même pour communiquer, il avoue que les échanges se font surtout entre enseignants d’une même discipline, « il y a de la mutualisation sur le site du rectorat de Bordeaux où les professeurs peuvent mettre en ligne ce qu’ils ont fait ».

    Les ressources et la motivation des enseignants ne sont pas les seules données à prendre en compte pour favoriser les meilleurs usages. D’après quelques témoignages que nous avons recueillis, il semblerait que d’autres adaptations soient à envisager pour y parvenir.

    Accompagner l’école dans une réadaptation matérielle et temporelle

    Françoise Laurençon, principal du collège départemental de Biscarosse, pense que le numérique devrait aider l’école à s’adapter au monde moderne dans lequel nous vivons. La classe, dans son espace matériel et temporel cloisonnés ne répond plus aux exigences des rythmes d’aujourd’hui.

    C’est en ce sens que le numérique peut aider « à faire éclater la classe » et sortir du schéma classique « d’une succession de boîtes : 1 heure de cours, 1 enseignant, 1 salle, 1 classe », argumente t-elle.
    Et elle ajoute : « et je ne suis pas certaines que l’ordinateur portable soit investi à hauteur de qu’il pourrait l’être (…). Cet outil était l’outil de l’enfant, associé au jeu, à quelque chose de ludique et l’école s’en est emparé mais l’école n’a pas réussi à l’investir en outil scolaire pour que l’élève lui-même l’investisse en tant que tel (…) ». Elle reste donc sceptique quant à l’utilisation de l’ordinateur à la maison à des fins scolaires.

    D’après elle, cela est dû au manque de « commandes scolaires » qui devraient être plus régulières et plus appuyées, ce qui permettrait à l’élève d’intégrer que l’ordinateur est comme son cahier : le soir à la maison, il le sort pour travailler.

    En termes d’adaptation temporelle, Catherine Acquier qui s’occupe des élèves en classe ULIS, apporte son témoignage et rejoint en un sens, les propos de notre chef d’établissement.
    Elle n’a pas cette contrainte temporelle et elle avoue qu’elle trouve bénéfique de pouvoir rester plus d’une heure sur la même matière.

    « Les élèves allument l’ordinateur le matin en arrivant et on peut rester deux heures sur la même matière si ils sont lancés et si tout fonctionne bien ; nous ne sommes pas tributaires de la sonnerie et c’est vrai que c’est un confort pour eux ».

    Le fait de commencer un travail dans une discipline qui peut durer toute la journée est d’usage fréquent chez cette enseignante ; un concept qui pourrait être appliqué aux établissements, comme Jean Mermoz ou le collège départemental de Biscarosse, qui sont tout numérique, mais cela nécessiterait une métamorphose totale de l’organisation scolaire.

    Pourtant, ces contraintes temporelles et matérielles, comme changer de salle ou allumer et éteindre l’ordinateur plusieurs fois dans la journée, ne semblent pas stresser les élèves. Lorsque nous les interrogeons, ils avouent y être « habitués ».

    Nous avons recueilli leur point de vue et la vision qu’ils ont sur l’utilisation de leur ordinateur.

    Un outil « normal » pour une école « normale »

    Nous venons de pointer du doigt les aspects matériels du processus, qui, à priori, ralentiraient les usages.
    Mais au fait, les enfants seraient-ils prêts à travailler toute la journée sur ordinateur ?

    Alexis, Chloé, Jennad, Lison et Mc Kenzie (une petite Australienne fraîchement débarquée à Biscarosse) nous avouent qu’ils n’aimeraient pas taper des heures durant sur leur clavier. D’une part, ils trouvent que ça fatigue les yeux ! Puis, « si l’ordi tombe en panne, on a toujours le cahier », ajoutent-ils spontanément.

    Avec l’ordinateur, on apprend « mieux » ?

    Apparemment non, mais c’est une façon plus amusante d’apprendre, « on préfère apprendre sur un ordi plutôt que sur un cahier ». Ils trouvent aussi plus enrichissant d’avoir l’ordinateur car ils peuvent chercher des données sur internet et retrouver des documents déposés sur le réseau par leur professeur.

    Après la 3e, ces élèves vont se retrouver au lycée sans leur compagnon numérique qu’ils ont apprivoisé pendant 2 années au collège. Nous leur avons posé la question de savoir si il allait leur manquer et pour la plupart, la réponse est OUI, même si ils semblent résignés et acceptent ce changement sans aucune marque de regret, comme si c’était « normal ».

    Certains avouent avoir un ordinateur personnel à la maison ; cependant, ils ne sont pas sûrs de pouvoir le prendre dans leur cartable à leur rentrée en seconde.

    Le problème de la continuité numérique dans le cursus scolaire se pose et pas seulement entre le collège et le lycée. Des élèves qui prennent des habitudes « numériques » et qui vont être obligés de se déshabituer ensuite, c’est un peu dommage… Encore une adaptation à penser, pourquoi pas dans les évolutions à donner à la « Refondation » de l’Ecole de la République.

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