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  • Appropriation contre détournements : faire œuvre malgré l’interactivité

    Appropriation contre détournements : faire œuvre malgré l’interactivité

    L’art dit « interactif » est souvent célébré pour un nouveau type de rapport à l’œuvre qu’il permettrait, axé sur la participation. Mais cela fait-il des « spectacteurs » (Weissberg) des partenaires de création de l’artiste ?

    Cette communication montrera en quoi cela dépend de leur attitude face à l’œuvre, selon qu’ils cherchent à se l’approprier ou à la détourner.

    On verra alors comment les deux approches, plutôt concurrentes que complémentaires, s’inscrivent dans deux conceptions antagonistes de la création que  l’art interactif tente de concilier.

    Pour commencer cette communication, je décrirai (de manière qualitative plutôt que quantitative) différentes situations d’interactivité observées dans des expositions et proposerai une typologie des comportements des spectateurs selon le prisme de l’appropriation et du détournement.

    Je m’interrogerai ensuite sur les significations (étymologiques et conventionnelles) attachées à ces termes et à l’usage particulier qu’on en fait dans « l’art numérique ». Pourquoi y sont-ils souvent associés à l’attitude des spectateurs alors que, dans l’art contemporain, ils caractérisent plutôt celle des artistes (cubisme, ready-made, pop art…) ?

    Je m’intéresserai alors à ce qu’on pourrait appeler « l’appropriabilité » des œuvres, comme une forme d’ouverture (Eco) accompagnée d’une injonction à participation (sans quoi l’œuvre « interactive » ne fonctionnerait pas). Est-ce une forme d’empowerment qui, en « donnant la parole » aux spectateurs, ne fait que la leur rendre (avec une certaine condescendance) pour mieux la contrôler, ou une opportunité émancipatrice (Bacqué et Biewener) ? En limitant la participation à des possibilités d’interaction, n’est-ce pas une façon d’enfermer les spectacteurs (Pelé) et de restreindre ainsi leur marge d’interprétation et de transgression ?

    Lorsque les spectateurs s’approprient l’œuvre, ils épousent les intentions de l’artiste, éventuellement la prolongent, mais peuvent-ils la détourner, c’est-à-dire la faire évoluer dans une direction non désirée par l’artiste ? Car, pour s’approprier l’œuvre, ne faut-il pas que celle-ci soit considérée comme finie, une forme déjà individuée (Simondon), un objet esthétique à part entière, qu’on peut adapter à soi pour en prendre possession ?

    Au contraire, détourner l’œuvre suppose que son processus de création soit encore en cours, ou que, à tout le moins, il soit possible de le rouvrir pour faire sienne, non pas l’œuvre réifiée, mais la démarche qui la produit. N’est-ce pas là une des limites de la participation permise par l’interactivité ? En effet,  quelle que soit son ampleur, celle-ci doit, d’une manière ou d’une autre non seulement favoriser les interventions des spectateurs mais aussi les contenir dans une ampleur raisonnable, qui ne dénature pas l’œuvre. Autrement dit, si l’art interactif propose une création en mouvement, celle-ci est à concrétiser (actualiser le virtuel) plutôt qu’à continuer d’inventer : dans la division des rôles (critiquable) d’Edmond Couchot, le rôle de l’auteur-aval n’est-il pas accessoire par rapport à celui de l’auteur-amont, qui est à l’initiative de l’œuvre et en conserve la paternité ? Car, s’ils se livraient vraiment à des détournements des œuvres, ne devrait-on pas qualifier les spectateurs d’artistes ?

    Tels seraient alors, quelques paradoxes des œuvres interactives : favoriser l’appropriation active tout en décourageant le détournement ; ouvrir la création aux spectateurs sans remettre en question le statut privilégié de l’artiste ; exposer le processus de création pour mieux le clore, comme si sa valeur tenait dans l’aboutissement de l’œuvre. Serait-ce alors un moyen de surmonter l’alternative « procès ou création » (telle qu’analysée par François Jullien dans son ouvrage éponyme) en mettant en œuvre l’un et l’autre simultanément ?

    Bibliographie relative au résumé de la communication

    • Bacqué Marie-Hélène et Biewener Carole (2013), L’empowerment, une pratique émancipatrice, La Découverte, Paris.
    • Couchot Edmond (1988), Images, De l’optique au numérique, Hermes, Paris.
    • Danto Arthur (1981), La transfiguration du banal, Seuil, Paris.
    • Eco Umberto (1965), L’œuvre ouverte, Seuil, Paris.
    • Jullien François (1989), Procès ou Création. Une introduction à la pensée des lettrés chinois, Seuil, Paris.
    • Rancière Jacques (2008), Le spectateur émancipé, La fabrique, Paris.
    • Simondon Gilbert (2010), Communication et information, La transparence, Chatou.
    • Weissberg Jean-Louis (2000), L’auteur en collectif entre l’individu et l’indivis, in L’art et le numérique, Hermès, Paris.

    Positionnement scientifique

    Cette communication s’inscrit dans la section (universitaire) 18 (esthétique de la création contemporaine). Elle combinera une approche descriptive (de comportements observés dans des lieux d’exposition) et réflexive et théorique (voir bibliographie).

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
    A propos de l’auteur Célio Paillard.

  • Les TIC dans le milieu éducatif sénégalais : apports d’une analyse centrée sur les interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation et les détournements d’usages.

    Les TIC dans le milieu éducatif sénégalais : apports d’une analyse centrée sur les interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation et les détournements d’usages.

    Gordon Moore avait-il sans doute raison, chaque année, des technologies plus performantes naissent. Les TIC sont de plus en plus accessibles même dans les régions du monde où la pauvreté constituait un handicap considérable. Dans les sociétés postindustrielles, « le recours aux outils de communication s’est imposé non seulement dans les loisirs mais aussi dans le travail et dans la vie pratique » (Jouët, 1993, p. 1). Pour Jauréguiberry et Proulx « il n’est plus possible aujourd’hui de penser le monde contemporain sans faire référence à la fois aux technologies de communication qui l’innervent » (Jauréguiberry & Proulx, 2011, p. 8).

    Au regard des avancées technologiques, l’Afrique de l’ouest francophone a dû suivre l’évolution mondiale dans l’intégration des TIC dans le milieu éducatif. Ainsi, les discours et prises de position des dirigeants sénégalais sur la question de l’intégration des TIC (technologies de l’information et de la communication) dans le milieu éducatif ont donné lieu, à des partenariats croisés entre ce pays et les pays occidentaux, entre les institutions publiques et les institutions privées (Arnaud, 2004).
    Mais, qu’en est-il des usages du côté des élèves ?

    En ce qui concerne la communication que nous souhaitons faire, afin de partager notre réflexion sur la problématique des interrelations entre l’imaginaire sociotechnique, l’appropriation des TIC par les élèves et les détournements d’usages, nous essayerons d’abord de mettre en perspective le processus d’intégration des TIC au Sénégal, à travers les discours à la fois prospectifs et enchantés qui l’accompagnent.

    En effet, comme le souligne Jacques Perriault (1989) il est nécessaire de comprendre « le substrat de longue durée » qui s’est forgé dans une société, en matière d’images projetées sur les technologies et de paroles car, « les significations symboliques des objets de communication (…) sont porteuses de représentations et de valeurs suscitant souvent l’adoption et la formation des premiers usages » (Jouet, 2000, p. 501). L’analyse discursive (synthétique) autour de ce premier point a permis de mettre en exergue l’empreinte du diffusionnisme et de l’innovation technologique au Sénégal.

    Ensuite notre propos sera axé sur les réponses apportées aux questions suivantes :

    comment s’opère le processus d’appropriation voire de détournements d’usages par les élèves ? Les TIC sont-ils utilisés à des fins autres que pédagogiques ?

    Nous avons donc porté notre regard, particulièrement, sur ce qu’en font réellement les lycéens de Dakar. C’est-à-dire sur « l’ensemble de valeurs, de connaissances et de pratiques qui impliquent l’usage d’outils informatisés, notamment les pratiques (…) de communication » (Fluckiger, 2008, p. 51).

    Pour mener cette recherche, nous sommes partis du postulat selon lequel l’apprenant n’est pas une terre vierge, il a des représentations, et peut avoir des manières de faire avec ces outils qui feront obstacle à tout modèle d’intégration des TIC dans l’apprentissage. En effet, comme le soulignait Perriault (1989), les nouveaux dispositifs info-communicationnels, plus que d’autres techniques antérieures, mobilisent la pensée de ceux qui les utilisent. De Certeau comparait déjà les consommateurs à des « braconniers » qui inventent leur quotidien, grâce aux arts de faire, par lesquels ils détournent l’usage des objets et leur accordent un arsenal de significations.

    Notre analyse s’appuie sur une enquête par questionnaire effectuée en avril 2013 à Dakar auprès 360 élèves de quatre lycées, lors de laquelle nous nous sommes intéressés, aux usages tant des outils technologiques (ordinateurs, ipod, téléphone cellulaire etc.) que des logiciels et applications, que ceux-ci soient ou non reliés à internet. Les résultats obtenus nous ont permis d’examiner le rôle déterminant des représentations dans le processus d’acquisition et d’appropriation des TIC, notamment comment elles structurent les usages effectifs.

    Nous avons opté pour une démarche compréhensive qui permet de dresser l’orientation générale des usages. Le modèle de traitement des données utilisé est relativement simple : il relève de la statistique descriptive. Comme le rappellent Mucchielli et alii, « pour le chercheur menant ce type d’analyse [analyse quantitative des données qualitatives], ce sont les pourcentages et les statistiques qui apparaissent importants » (Mucchielli & alii, 2009, p. 202).

    Axe de recherche :

     

    Etude communicationnelle des usages des TIC dans le milieu éducatif (sénégalais).

    Positionnement théorique et méthodologique

     

    Notre position théorique s’écarte des paradigmes qui visent à mettre distance la sociologie des usages, comme tentent de le faire les partisans de la médiologie et des multiples courants qui placent le communicationnel hors du social. La littérature montre que les sciences de l’information et de la communication ont puisé avec plus ou moins de rigueur dans les analyses sociologiques pour consolider une base théorique de l’approche des usages (Paquienséguy, 2007).

    En effet, les théoriciens de la sociologie des usages des TIC se sont particulièrement attachés à la description « des diverses formes de subjectivités, individuelles et collectives, qui sont apposées par les usagers sur les outils de communication. Ils mettent en relief la multiplicité des pratiques et du sens donné à ces dispositifs techniques et soulignent le rôle central des usagers ordinaires » (Bojolet, 2005, p. 39). En outre, comme le souligne Le Marec, la sociologie des usages des TIC « croise évidement de son côté les questions liées à l’apprentissage »(Le Marec, 2001, p. 1). La rencontre entre les deux disciplines s’est faite, d’abord aux plans, théorique et praxéologique, notamment par le biais des apports de la sémiologie, issue du structuralisme, ensuite à travers la communication éducative médiatisée.

    En outre, l’approche communicationnelle que nous privilégions est, comme le précise Bernard, « une approche par la complexité » (Bernard, 2002), notamment du point de vue de l’ancrage théorique. Notre positionnement théorique s’inscrit donc dans un cadre interdisciplinaire.

    Sur le plan méthodologique l’approche sociologique des usages offres une élasticité très séduisante car, elle permet des études de terrain qui s’inscrivent dans une approche qualitative mais aussi quantitative, notamment lorsque la collecte des données doit se faire au près de plusieurs individus. Le croisement des données qualitatives et quantitatives peut donner lieu à des analyses permettant de cerner l’utilisation des fonctionnalités de l’outil, les détournements et les significations d’usages.

    Bibliographie

    • Arnaud, M. (2004). Les TIC, alternatives à la mondialisation. Hermès, 40(3), 140–145.
    • Bajolet, É. (2005). Technologies d’information et de communication, quotidien et modes de vie (urbains): Contours et résultats de la recherche scientifique francophone 1992-2002. Rapport de Recherche ACI-Ville, Paris, Ministère de La Recherche.
    • Bernard, F. (2002). Dynamiques scientifiques pour territoire en mouvement, in Collectif, Les recherches en information et communication et leurs perspectives. Histoire, objet, méthode, (pp. 1-6). Marseille: SFSIC.
    • Coutant, A. (2015). Les approches sociotechniques dans la sociologie des usages en SIC, Revue française des sciences de l’information et de la communication, (6) [En ligne] sur http://rfsic.revues.org/1271, consulté le 24 février 2015:
    • De Certeau M. (1990). L’invention du quotidien, T1. Arts de faire. Paris: Gallimard.
    • Fluckiger, C. (2008). L’école à l’épreuve de la culture numérique des élèves. Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, (163), 51–61.
    • Jauréguiberry, F., & Proulx, S. (2011). Usages et enjeux des technologies de communication. Toulouse : Éditions Érès.
    • Jouët, J. (2000). Retour critique sur la sociologie des usages. Réseaux, 18(100), 487–521.
    • Le Marec, J. (2001). L’usage et ses modèles: quelques réflexions méthodologiques. Spirale, (28).
    • Mucchielli, A. (2009). Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales (3e édition mise à jour et augmentée). Paris: Armand Colin.
    • Paquienséguy, F. (2007). Comment réfléchir à la formation des usages liés aux technologies de l’information et de la communication numériques ? Les Enjeux de l’information et de la communication, 2007(1), 63–75. Perriault, J. (1989). La logique de l’usage: essai sur les machines à communiquer. Paris: Flammarion

    Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Mbemba NDIAYE

  • Rôle de l’explication de l’enseignant sur la compréhension des fonctionnements de base du robot «Thymio II» chez l’enfant de 7-9 ans

    Rôle de l’explication de l’enseignant sur la compréhension des fonctionnements de base du robot «Thymio II» chez l’enfant de 7-9 ans

    Faire de la robotique en classe a pour fonction d’intégrer l’usage de robots à des fins pédagogiques, quelles que soient les matières enseignées. Au début des années 70, la première version sous forme de robot physique de la Tortue de Papert voit le jour. Dès les années 80, d’autres robots font leur apparition et les études se multiplient (pour une revue complète de la littérature, voir Mubin, Stevens, Shahid, Mahmud, & Dong, 2013).

    Papert (1981) défend l’idée qu’une personne apprend plus facilement lorsqu’elle est consciemment occupée à conceptualiser et construire des artefacts qui font sens pour elle, ce à quoi répond la robotique pédagogique. De plus, la robotique touche à l’aspect affectif de l’apprentissage; le robot pouvant être considéré comme un «objet de transition» [Papert, 1981 : 23].

    Enfin, le recours à la robotique à l’école permet d’offrir aux élèves un côté ludique, ce qui a pour effet d’accroître leur motivation (Petre & Price, 2004; Rogers & Portsmore, 2004). Outre le renfort à l’apprentissage des disciplines traditionnelles, l’usage de la robotique en classe permet l’acquisition d’une plus grande autonomie de l’élève puisqu’elle le conduit à devoir identifier et formuler un problème, conceptualiser une solution, créer et tester la solution retenue et l’optimiser (Rogers & Portsmore, 2004). Cette approche permet le développement chez l’enfant des compétences « expérimentales » préconisées par le plan d’étude romand (PER, 2015a, 2015b).

    L’un des objectifs de cette recherche est de comprendre comment l’objet «robot» en soi, sans explication, est approprié par l’utilisateur.

    Est-ce que l’ergonomie et en particulier l’utilisabilité (Tricot et al., 2003) du robot permet par les informations disponibles d’extraire des affordances (James J. Gibson, 1977; James J. Gibson, 1979). Est-ce que les « affordances » que l’enfant doit « percevoir » pour allumer le robot sont moins «efficaces» que les explications données par l’enseignant sur le fonctionnement de l’objet « robot »? En d’autres termes, nous nous demandons si l’explication que donne l’enseignant pour l’allumage et la mise en action du robot induit chez l’enfant des actions plus adaptées que celles qu’il ferait sans avoir reçu d’explication.

    Pour ce faire, nous avons créée deux groupes : le premier qui a reçu des explications sur l’allumage, le changement de programme, la validation d’un programme et l’extinction, le second qui n’a pas reçu d’explication. Nous avons mené une expérimentation auprès de deux classes d’enfants de 7 à 9 ans du même établissement scolaire. Ceux-ci étaient répartis par binômes soit 7 et 8 binômes par classe.

    Thymio II est un petit robot mobile destiné à être utilisé par les enseignants des écoles primaires aux écoles supérieures. Il a été conçu en 2010 par des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse [EPFL] (Kradolfer, Dubois, Riedo, Mondada, & Fassa, 2014)

    Nos résultats montrent que tous les binômes sur toutes les tables ont réussi à allumer le robot après 15 à 20 secondes et qu’il n’y a pas de différence entre les groupes. Cela veut donc dire que le fait d’avoir reçu des explications et expérimenter l’allumage avant la phase de test n’a pas induit de meilleure performance que d’avoir « essayé » seul et sans explication. Ensuite pour activer un programme, tous les binômes ont réussi à le faire et à en activer au moins un. Comme pour l’allumage, on n’observe pas de différence entre les groupes qu’ils aient ou non reçu des explications préalables.

    Pour tous, il n’y a pas de programme qui a été plus fréquemment sélectionné ni de différence entre le début, le milieu et la fin de la session [après 5,10 et 15 min]. De même, la durée nécessaire [environ une minute] pour rendre opérationnelle Thymio la première fois, n’est pas différente entre le deux groupes. Enfin, la seule différence observée concerne l’extinction où l’on constate que le groupe qui a reçu des explications et testé avant, a eu nettement moins d’essais infructueux [52% versus 20%].

    Les analyses détaillées des vidéos de 15 binômes d’enfants qui expérimentent le fonctionnement du robot Thymio montrent qu’il n’y a pas de différence de temps, de performance ou de compréhension entre les élèves qui ont reçu des explications et ceux qui n’en ont pas eues. Nous pouvons en déduire que les affordances des actions possibles avec le Thymio sont suffisantes pour ne pas avoir besoin d’explications complémentaires. De plus, les explications données par l’enseignante, si elles sont utiles pour rassurer les élèves et leur donner une piste pour commencer l’exploration, ne permettent pas aux élèves concernés d’être plus performants. En est-il de même pour des tâches plus complexes comme la compréhension des différents comportements programmés du Thymio ?

    Positionnement Scientifique

     

    Notre contribution étudie comment des enfants s’approprient le fonctionnement d’un objet numérique particulier, le robot Thymio II.

    D’un point de vue théorique, cette recherche s’inscrit à l’intersection de trois domaines ; la pédagogie en étudiant l’impact d’une consigne, de l’affordance d’objet numérique dans le domaine de la psychologie des perceptions et enfin de l’ergonomie de l’objet « robot ».

    Pour ce faire nous avons mis en oeuvre une recherche expérimentale qui a pour but de comparer l’appropriation par des binômes d’enfant (de 7 et 9 ans) du robot, un groupe ayant reçu des explications sur le fonctionnement du Thymio, l’autre pas. Un groupe est composé de l’ensemble des élèves d’une classe qui passe simultanément les différentes phases de la prise de donnée. Ils sont répartis en binôme sur des tables munies d’une caméra.

    Pour mesurer les différences de comportement, nous avons filmé durant 20’ les interactions de chaque binôme avec le robot. Une analyse détaillée du déroulement de la séquence a permis de connaître à chaque instant les interactions entre les enfants et l’objet numérique.

    Remerciements

    Les données de cette recherche sont issues d’un subside “NCCR Robotics” obtenu grâce à une collaboration avec le Prof. Francesco Mondada du laboratoire de Systèmes Robotisés (LSRO) de l’école polytechnique de Lausanne (EPFL). Nous tenons également à remercier vivement Mmes Gaëlle Serquet et Sandrine Roche Duchesne pour leurs participations actives à cette recherche.

    Bibliographie

    • Gibson, J. J. (1977). The Theory of Affordances. In R. Shaw & J. Bransford (Eds.), Perceiving, Acting, and Knowing. Towards an Ecological Psychology (pp. 127–143). Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc.
    • Gibson, J. J. (1979). The ecological approach to visual perception. Boston: Houghton Mifflin Company.
    • Kradolfer, S., Dubois, S., Riedo, F., Mondada, F., & Fassa, F. (2014). A Sociological Contribution to Understanding the Use of Robots in Schools: The Thymio Robot. Paper presented at the International Conference on Social Robotics 27th – 29th October 2014, , Sydney, Australia.
    • Mubin, O., Stevens, C. J., Shahid, S., Mahmud, A. A., & Dong, J.-J. (2013). A Review of the Applicability of Robots in Education. Technology for Education and Learning, 1(1). doi: 10.2316/Journal.209.2013.1.209-0015
    • Papert, S. (1981). Jaillissement de l’esprit, ordinateurs et apprentissage. Paris: Flammarion.
    • PER. (2015a). MSN 25 — Représenter des phénomènes naturels, techniques, sociaux ou des situations mathématiques….Retrieved 5 mars, 2015, from http://www.plandetudes.ch/web/guest/MSN_25/
    • PER. (2015b). MSN 26 — Explorer des phénomènes naturels et des technologies à l’aide de démarches caractéristiques des sciences expérimentales….   Retrieved 5 mars, 2015, from http://www.plandetudes.ch/web/guest/MSN_26/
    • Petre, M., & Price, B. (2004). Using Robotics to Motivate ‘Back Door’ Learning. Education and Information Technologies, 9(2), 147-158.
    • Rogers, C., & Portsmore, M. (2004). Bringing Engineering to Elementary School. Journal of STEM Education, 5(3 and 4), 17-28.
    • Tricot, A., Plégat-Soutjis, F., Camps, J.-F., Amiel, A., Gladys, L., & Morcillo, A. (2003). Utilité, utilisabilité, acceptabilité: interpréter les relations entre trois dimensions de l’évaluation des EIAH Environnement Informatique pour l’Apprentissage Humain. Strasbourg.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs : Morgane Chevalier et Bernard Baumberger

  • Comment mettre en place le BYOD dans une classe ?

    Comment mettre en place le BYOD dans une classe ?

    Enseigner et apprendre dans un environnement BYOD demande des adaptations. Il est nécessaire de poser des règles et de prendre des moyens afin de permettre une utilisation optimale de cette approche.

    Le but est de permettre aux apprenants de développer des compétences disciplinaires et transversales, mais aussi de construire leur culture numérique, et ce, en faisant usage de leur(s) outil(s) technologique(s) personnel(s) en salle de classe.

    Pour cela, nous avons vu que l’établissement scolaire doit mettre en place des moyens et des règles appropriés dans ce que nous pourrions considérer comme l’aspect macro de la gestion du BYOD.

    De son côté, l’enseignant doit agir au niveau de la microgestion de l’environnement d’enseignement-apprentissage. Pour cela, il doit :

    • Personnaliser l’apprentissage afin de motiver les élèves à travers leurs intérêts et leurs besoins ;
    • Favoriser la participation des élèves dans la classe et dans leur apprentissage. Pour cela, l’enseignant devra favoriser la communication, la coopération et la collaboration entre les élèves ;
    • Favoriser la productivité des élèves. Les élèves peuvent produire du contenu à partir de ce qu’ils apprennent. Mettre les outils nécessaires à la production des documents : logiciels ou application pour s’organiser (cartes conceptuelles), pour écrire (traitement de texte) ou autre.

    Globalement, il est nécessaire de favoriser la collaboration et le partage entre les élèves.

    Le BYOD permet à chaque élève d’apporter sa contribution dans un travail d’équipe et l’enseignant doit permettre tout en encadrant ces échanges.

    À titre d’exemple, il peut construire des séquences d’apprentissage où les élèves sont impliqués dans un projet qui mobilise leurs connaissances et leurs compétences. Le produit fini se trouvera souvent sous la forme d’un contenu numérique, en fonction de la place que l’enseignant donnera à la technologie au sein de sa classe.

    Ce dernier doit garder à l’esprit que l’outil n’est qu’un moyen parmi d’autres. D’ailleurs, les outils technologiques envisagés ne viendront qu’appuyer les séquences prévues. Ainsi, une réflexion sur la plus-value attendue lors de l’utilisation de l’outil est nécessaire afin de déterminer la place que prendra l’outil dans la salle de classe.

    Comment intégrer le contenu numérique disponible ?

    Pour faciliter la gestion d’une classe BYOD, il importe à l’enseignant d’établir préalablement le contenu numérique dont il souhaite faire usage avec ses élèves. Ce contenu peut être sous la forme d’un e-book, d’un manuel numérique, d’un document texte, d’une carte conceptuelle, d’un tableur ou autre.

    De plus en plus d’entreprises ou de maisons d’édition élaborent des outils et des manuels pour les élèves. L’utilisation d’un contenu numérique favorise la motivation et l’intérêt de ces derniers pour le cours. Il serait donc pertinent de l’utiliser, mais adéquatement.

    À cette fin, il faut que l’enseignant s’assure que chaque outil apporté en classe par ses élèves leur permet d’accéder et d’utiliser le contenu numérique préalablement sélectionné pour l’enseignement-apprentissage. Sans nécessairement exiger que chaque élève utilise le même logiciel pour effectuer une tâche, il faut par exemple que l’enseignant identifie avec les élèves des logiciels similaires qui les amèneront à la réaliser.

    À titre d’exemple, si un travail scolaire exige de produire une carte conceptuelle, un élève avec un ordinateur portable aura le choix d’utiliser un logiciel qu’il devra télécharger et installer (ex : cmap) ou d’utiliser directement un site web de construction de cartes conceptuelles (ex : MindMup). De son côté, un élève avec une tablette tactile aura le choix d’utiliser ces mêmes sites web ou encore des applications conçues à cet effet (ex : Popplet).

    Bref, sans exiger une standardisation du contenu numérique utilisé en classe, le fait que le BYOD fait intervenir divers outils nécessite que tant l’enseignant que l’élève identifie les différents services en ligne, logiciels et applications qui permettront d’accomplir une activité d’apprentissage donnée.
    De plus, le fait que chaque élève pourrait avoir par exemple conçu une carte conceptuelle avec un outil différent diversifierait la présentation de leurs travaux auprès de leurs camarades et rendrait ainsi non seulement la réalisation mais aussi le partage de leurs productions davantage motivant.

    Quelles ressources pratiques pour le BYOD ?

    Plusieurs types de ressources sont disponibles pour l’approche BYOD en fonction du public visé. Dans cette section, nous présentons une sélection de vidéos, d’articles et de blogues qui portent sur différents aspects pratiques du BYOD :

    Vidéos à propos du BYOD :

    BYOD : AVAN, c’est pour maintenant! : une vidéo comique résumant le BYOD produite par le consultant pédagogique Marc-André Lalande.
    Why BYOD ? : une vidéo expliquant pourquoi le Peel District School Board (Ontario) a choisi d’implanter le BYOD dans ses écoles.
    BYOD Classroom Management Video : une vidéo présentant des astuces pour gérer une classe BYOD.
    BYOD for Students : une vidéo qui explique le BYOD aux élèves formés dans les écoles du Whitehall-Coplay School District (Pennsylvanie).
    BYOD success : Vidéo relatant des implantations réussies du BYOD dans des écoles.

    Articles ou blogues sur le BYOD

    Tout ce que vous devez savoir sur le BYOD (PedagoTIC, 2014)
    Le BYOD : un atout pour les classes numériques ? (emedia, 2013)
    Le futur de l’éducation : BYOD en classe ! (Ludomag, 2013)
    What Districts Should Know About BYOD and Digital Learning (EdTech, 2013)
    Équipements à l’école. Et si on jouait à l’AVAN ? (TIPES, 2012)
    AVAN : une politique souhaitable pour les écoles d’ingénieurs et les universités (TIPES, 2012)
    Ces cours qui ne pourraient pas se faire sans une posture AVAN (TIPES, 2012)
    Une question de confiance avant tout (Zecool, 2012)
    Interro surprise sur vos portables (OWNI, 2012)
    10 Real-World BYOD Classrooms (And Whether It’s Worked Or Not) (Edudemic, 2012)
    Should Schools Embrace “Bring Your Own Device”? (neatoday, 2012)
    5 Strategies to Deliver Edtech Access to Every Student (Getting Smart, 2012)
    Infographic: Are You Going BYOD? (Getting Smart, 2012)

    En conclusion

    L’idée derrière le BYOD est que les établissements scolaires se servent des appareils utilisés au quotidien par les élèves afin d’appuyer l’apprentissage. Toutefois, l’école devra également trouver les moyens d’introduire ces outils et de les rendre accessibles à tous, notamment en prévoyant des solutions pour les élèves qui ne peuvent se procurer d’outils technologiques.

    L’implication des parents dans le choix de l’outil, mais également dans le suivi de l’élève est donc primordiale, d’une part pour l’aider dans son appropriation de l’outil, mais également dans l’utilisation responsable de celui-ci.

    En résumé, nous constatons que le BYOD encourage l’apprentissage à travers le temps et l’espace. Cependant, la formation, le soutien technique et pédagogique, tout comme les outils disponibles, sont des éléments essentiels à considérer dans l’implantation du BYOD en contexte scolaire.

    Il est par conséquent important que les acteurs pédagogiques soient conscients des implications positives et négatives d’une telle intégration.

    La perspective du BYOD est de permettre à l’élève ou à l’enseignant de choisir l’outil en fonction de la tâche à accomplir, et non l’inverse.

    D’autre part, l’école doit établir un cadre d’action pour les technologies utilisées : quel outil pour quelle activité pédagogique ? Quand l’utiliser ? Comment l’utiliser ? Pourquoi l’utiliser ? Des questions qui donneront un sens à une utilisation pertinente de toute approche BYOD en contexte éducatif, et ce, tant pour l’élève que pour l’enseignant.

    Certes, le BYOD apporte son lot de solutions par une disponibilité immédiate de l’outil numérique ; il permet aussi d’instaurer dans la salle de classe une interactivité qui lui fait souvent défaut. Cependant, il faut mettre en place des balises qui permettent de créer un environnement BYOD accessible à tous. Autrement dit,

    il importe que l’innovation technopédagogique ne passe pas par une augmentation des inégalités sociales à l’intérieur de l’école.

    Nous sommes toutefois conscients que cela représente tout un défi alors que les institutions scolaires font les frais de mesures d’austérité sans précédent. Comment une commission scolaire ou une école peut-elle fournir des outils à des élèves de milieux défavorisés dont les enseignants utilisent l’approche BYOD alors que son budget ne le permet pas ? Quelle solution économique choisir pour permettre à l’innovation pédagogique d’être possible pour tous ? Faire une requête d’équipement informatique au niveau institutionnel ou encourager la création d’événements comme des spectacles pour financer l’achat de nouveaux outils par les élèves et leurs enseignants ?

    D’une certaine façon, il nous semble que le concept du « Apportez Votre Appareil Numérique » commence souvent par « Apportez Votre Propre Solution » afin d’aboutir à une intégration réussie des outils technologiques personnels au sein d’une salle de classe.

    Bref, pour répondre à notre question de départ, l’approche BYOD complexifie certes la tâche de l’enseignant, mais il est indéniable qu’elle offre des opportunités intéressantes dans l’utilisation des technologies éducatives.

     

     

    Références pour les quatre épisodes

    Afreen, R. (2014). Bring Your Own Device (BYOD) in higher education: Opportunities and challenges. International Journal of Emerging Trends & Technology in Computer Science, 3(1), 233-236.
    Alberta Education. (2012). Bring Your Own Device: A guide for schools. Edmonton, AB : Minister of Education.
    Alberta Government. (2014). Technology briefing : Bring Your Own Device. Edmonton, AB : Author.
    Burns-Sardone, N. (2014). Making the case for BYOD instruction in teacher education. Issues in Informing Science and Information Technology, 11, 191-201.
    Cochrane, T., Antonczak, L., Keegan, H., & Narayan, V. (2014). Riding the wave of BYOD: developing a framework for creative pedagogies. Research in Learning Technology, 22.
    Emery, S. (2012). Factors for consideration when developing a bring your own device (BYOD) strategy in higher education (Mémoire de maîtrise, California College of the Arts).
    Fortson, K. (2013). Creating device-neutral assignments for BYOD classes. Technological Horizons In Education, 40(2), 6.
    Hopkins, N., Sylvester, A., & Tate, M. (2013). Motivations For BYOD: An Investigation Of The Contents Of A 21st Century School Bag. Dans Proceedings of the 21st European Conference on Information Systems.
    Lennon, R. G. (2012). Bring your own device (BYOD) with cloud 4 education. Dans Proceedings of the 3rd annual conference on Systems, programming, and applications: software for humanity (p. 171-180). New York, NY : ACM.
    Miller, K. W., Voas, J., & Hurlburt, G. F. (2012). BYOD: security and privacy considerations. IT Professional, 14(5), 53-55.
    Nykvist, S. S. (2012). The trials and tribulations of a BYOD science classroom. Dans Proceedings of the 2nd International STEM in Education Conference (pp. 331-334). Beijign : Beijing Normal University.
    Raths, D. (2012). Are You Ready for BYOD? THE Journal, 39(4), 28-32.
    Shim, J. P., Mittleman, D., Welke, R., French, A. M., & Guo, J. C. (2013). Bring Your Own Device (BYOD): Current Status, Issues, and Future Directions. Dans AMCIS 2013 Proceedings.
    Song, Y. (2014). “Bring Your Own Device (BYOD)” for seamless science inquiry in a primary school. Computers & Education, 74, 50-60.
    Statistique Canada. (2010a). Utilisation d’Internet par les particuliers et les ménages – Tableaux sommaires. Ottawa, ON : Gouvernement du Canada
    Statistique Canada. (2010b). Utilisation des technologies de l’information et des communications par les entreprises et les gouvernements (Entreprises qui utilisent l’Internet). Ottawa, ON : Gouvernement du Canada.
    Vanwelsenaers, M. (2012). Students using their own technology device in the classroom: Can “BYOD” increase motivation and learning (Mémoire de maîtrise, North Michigan

  • Détourner la robotique pour concevoir des activités créatives

    Détourner la robotique pour concevoir des activités créatives

    [callout]Notre communication présente la mise en place d’un dispositif d’enseignement permettant de construire des séquences d’enseignement-apprentissage créatives et innovantes en intégrant la robotique dans le cadre de la formation des futurs enseignants-es du primaire[/callout]

    Ce module interdisciplinaire évolue depuis 5 ans. Pour favoriser davantage une approche créative et le développement de capacités transversales, nous privilégions une approche de pédagogie de projet. Aucune connaissance préalable de la robotique ou de l’informatique n’est requise pour ce module.

    Un autre objectif de ce cours est l’appropriation d’activités liées à la technique, domaine qui est encore empreint d’images négatives pour nos étudiantes, futures enseignantes généralistes, qui l’associent au monde industriel et à des pédagogies de type behavioriste.

    L’objectif premier de ce module interdisciplinaire consiste à intégrer de la technologie dans les activités créatrices et manuelles, activités qui jusqu’alors intégraient peu l’électronique et l’informatique.

    Les objectifs de ces activités visent le développement des capacités transversales : réflexivité, communication, collaboration, créativité. Pour favoriser la créativité des étudiantes, nous privilégions la conception et la réalisation de projets en groupe. Nous intégrons la technologie au sein d’autres disciplines (français, arts). Notre approche par projet repose sur l’adaptation d’albums pour enfants remis en scène au moyen de robots.

    La créativité est abordée dans une approche multivariée (Lubart, 2003) et est mise en œuvre dans la conception de séquences d’enseignements-apprentissages destinées à des élèves de la scolarité obligatoire par les étudiants. L’utilisation des robots déjà construits (comme la Bee-bot, le Thymio[1]), ou des machines à concevoir soi-même (comme le permettent les kits lego We-Do ou Mindstorms) facilitent l’implémentation d’idées nouvelles et demandent une capacité d’adaptation au contexte (matériel, temps à disposition, public visé).

    Le module a lieu dans une salle d’activités créatrices et manuelles, équipée d’ordinateurs portables, de caméras numériques et de wifi, il est donc possible d’y travailler autant le bois, le carton, le papier, que les supports numériques.

    À partir de productions littéraires (contes, ouvrages illustrés), les étudiants choisissent quelques moments de ces histoires et se réapproprient des scènes et/ou des parties représentatives. Ces moments sont ensuite joués par des robots. Différents types de robots (déjà construits ou à réaliser soi-même) sont exploités dans cette approche. La conception et la réalisation, d’un story-board, d’un court métrage d’une courte pièce de théâtre, des personnages et des décors, transforment le robot en un objet culturel, et non plus un simple outil technique.
    Le robot devient un vecteur de sens, d’émotions et de culture.

    L’usager de cet objet est appréhendé en tant que public auquel est destinée la production culturelle. La transposition d’un média à un autre est ainsi travaillée (objectifs de français et de communication) : du texte au dialogue, puis de la représentation théâtrale à la réalisation d’un film. L’interface numérique de programmation est utilisée comme un langage pour réaliser une production culturelle.

    [1]Robot réalisé par l’école polytechnique de Lausanne, comportant de nombreux capteurs et ayant plusieurs comportements pré-enregistrés, il peut être utilisé en mode tactile par des élèves des 4-5 ans ou à partir de 8 -10 ans avec le mode de programmation graphique. https://aseba.wikidot.com/fr:thymio

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs : Florence Quinche et John Didier

  • De l’aérocombat au management : Trajectoire de détournement et d’appropriation du dispositif de simulation EDITH

    De l’aérocombat au management : Trajectoire de détournement et d’appropriation du dispositif de simulation EDITH

    L’entraîneur didactique interactif pour la tactique hélicoptère (EDITH) est un dispositif de simulation utilisé dans l’armée de Terre depuis 2001 (Lépinard, 2012). Développé par la société Thales Training & Simulation, il est destiné à la formation et à l’entraînement des pilotes d’hélicoptères de combat dans un contexte multijoueur : six équipages, soit douze personnes, travaillent au sein d’un même réseau afin de mener à bien les missions qui leurs sont proposées.

    Néanmoins, EDITH est plus proche du jeu vidéo que du simulateur d’aéronef comme on peut généralement l’imaginer.

    Il rentre en effet dans la catégorie du « serious gaming » (Lépinard, 2014 ; Martin, 2014). Il est composé de matériels informatiques du commerce et n’intègre aucun modèle de vol réel. Si l’ennemi peut détruire les hélicoptères joueurs (l’inverse est vrai aussi !), il n’est pas possible, par exemple, de s’écraser au sol ou de réaliser des manœuvres aériennes complexes à l’image des simulateurs d’apprentissage au vol classiques.

    Les objectifs pédagogiques recherchés par les instructeurs sont donc d’ordres différents. Il s’agit, d’une part, de travailler les procédures très structurées propres à l’utilisation des systèmes d’information et des systèmes d’arme (missiles, canons, etc.) embarqués et, d’autre part, de développer les soft skills des membres d’équipages : communication, leadership, gestion du stress, et, plus généralement, l’ensemble des compétences issu du concept aéronautique de CRM (crew/cockpit resource management).

    Les résultats particulièrement remarquables en termes de transfert des apprentissages grâce à l’utilisation du simulateur EDITH dans les régiments et écoles de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) ont fini par interpeller la sphère civile. Plus précisément, Thales Université a intégré, à partir de 2010, EDITH (devenu pour l’occasion SimLead ou « Simulateur de Leadership ») dans sa formation « Management d’équipe : du manager au leader ».

    On ne parle bien entendu plus d’aérocombat (missions de combat réalisées par les pilotes de l’ALAT). Les mises en situation collaboratives proposées aux cadres en activité sont humanitaires comme le secours de population après une catastrophe naturelle. L’environnement inconnu (l’aéronautique) dans lequel les apprenants évoluent est sensé développer ou consolider leurs compétences managériales à l’image de certaines techniques de team building.

    Notre communication souhaite examiner la démarche de conception du simulateur SimLead selon deux axes.

    Le premier concerne le détournement d’usage en lui-même et les conséquences sur les méthodes d’apprentissage qu’implique l’isomorphisme apparent des soft skills entre le monde militaire et le monde managérial. En d’autres termes, la transposition didactique et le transfert des apprentissages peuvent-ils se penser indépendamment du secteur d’activités des salariés lorsque les compétences non techniques semblent être identiques ?

    Le second point que nous souhaitons aborder est la question de l’appropriation du simulateur par des publics différents. Si ce jeu vidéo est clairement accueilli favorablement par les apprenants et les formateurs, qu’ils soient militaires ou civils, quant-est-il de son appropriation mise en regard avec son positionnement vidéoludique ? Afin de répondre à ces deux problématiques, nous nous appuierons sur nos expériences opérationnelles construites auprès des équipes des deux dispositifs afin de les mettre en perspective avec la littérature académique s’intéressant à l’apprentissage par les jeux vidéo et à l’appropriation des technologies.

    Positionnement scientifique

    Nos travaux sont clairement interdisciplinaires. C’est à la fois ce qui en fait leur richesse et leur complexité.

    Ils font appels aux sciences de l’éducation (section CNU 70), aux sciences de gestion (section CNU 06) et à la psychologie (section CNU 16).

    La communication soumise au colloque scientifique international Ludovia 2015 s’appuie sur nos expériences complémentaires concernant les usages opérationnels des dispositifs EDITH et SimLead. Nous souhaitons proposer une lecture plus réflexive sur ces deux dispositifs semblables mais utilisés pourtant dans des sphères professionnelles relativement éloignées.

    Il s’agira donc de caractériser la trajectoire de conception de SimLead via une approche académique afin de participer aux réflexions et aux développements relatifs à l’insertion de dispositifs vidéoludiques dans le monde professionnel. Pour cela, nous nous appuyons notamment sur la littérature académique s’intéressant à la didactique professionnelle, à l’appropriation des technologies et à la place du jeu vidéo dans l’apprentissage.

    Références

    • Clot, Y., Lhuillier, D. (2010), Travail et santé : ouvertures cliniques, Érès, Paris.
    • Allerton, D. (2009), Principles of flight simulation, Wiley, Chicheste.
    • Altet, M. (2013), Les pédagogies de l’apprentissage, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Boet, S., Granry, J.-C., Savoldelli, G. (2013), La simulation en santé : de la théorie à la pratique, Springer, Paris.
    • Boudier, V., Dambach, Y. (2010), Serious Game : Révolution pédagogique, Hermes Science Publications, Paris.
    • Cantot, P., Luzeaux, D. (2009), Simulation et modélisation des systèmes de systèmes : vers la maîtrise de la complexité, Hermes Science Publications, Paris.
    • Certeau, M. D. (1990), L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, Paris.
    • Charlier, B., Henri, F. (2010), Apprendre avec les technologies, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Delacote, G. (1997), Savoir apprendre. Les nouvelles méthodes, Odile Jacob, Paris.
    • De Vaujany, F.-X. (2005), De la conception à l’usage : vers un management de l’appropriation des outils de gestion, Éditions EMS, Colombelles.
    • Fauquet-Alekhine, P., Pehuet, N. (2011), Améliorer la pratique professionnelle par la simulation, Octarès Éditions, Toulouse.
    • Feenberg, A. (2004), Repenser la technique, vers une technologie démocratique, La Découverte, Paris.
    • Grimand, A. (2006), L’appropriation des outils de gestion, vers de nouvelles perspectives théoriques ?, Publications de l’université de Saint-Étienne, Saint-Étienne.
    • Iacovides, I., Aczel, J., Scanlon, J., Taylor, J., Woods, W. (2011), “Motivation, engagement and learning through digital games”, International Journal of Virtual and Personal Learning, Vol.2, n°2, p. 1-16.
    • Hays, R. T., Jacobs, J. W., Prince, C., Salas, E. (1992), “Flight Simulator Training Effectiveness: A Meta-Analysis”, Military Psychology, Vol.2, n°4, p. 63-74.
    • Kirkpatrick, D. L., Kirkpatrick, J. D. (2006), Evaluating Training Programs: The Four Levels, 3ème édition, Berrett-Koehler Publishers, San Francisco.
    • Kolb, D. A. (1984), Experiential Learning: Experience as the Source of Learning and Development, Prentice Hall, Upper Saddle River.
    • Krathwohl, D. (2002), “A Revision of Bloom’s Taxonomy: An Overview”, Theory Into Practice, Vol.4, n°41, p. 212-218.
    • Kyle, R., Bosseau Murray, W. (2008), Clinical Simulation, Elsevier, London.
    • Lauzier, M. (2008), Le transfert des apprentissages : définition, système et principes diagnostics. Vers un modèle intégré des mécanismes sous-jacents au processus de transfert des apprentissages, Centre d’étude et de recherche sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (CEREST) de l’Université du Québec en Outaouais, Gatineau.
    • Lépinard, P. (2012), Sociomatérialité et systèmes d’information : le cas de la numérisation de l’aviation légère de l’armée de Terre, Atelier national de reproduction des thèses, Villeneuve d’Ascq.
    • Lépinard, P. (2014), “Du serious gaming au full flight simulator : proposition d’un cadre conceptuel commun pour la formation des formateurs en simulation”, Systèmes d’information et management, Vol.19, n°3, p. 39-68.
    • Lhuillier, B. (2011), Concevoir un serious game pour un dispositif de formation, FYP éditions, Mercuès.
    • Lhuilier, D. (2014), Construire le « faire ensemble ». Santé Mentale, n°186, p. 20-27
    • Martin, L. (2014), “Les Serious Games, instruments de transformation des situations de travail”, Éducation permanente, n°198, p. 218-229.
    • McGaghie, W., Issenberg, B., Petrusa, E., Scalese, R. (2010), “A Critical Review of Simulation-Based Medical Education Research: 2003–2009”, Medical education, n°44, p. 50-53.
    • Michel, H., Kreziak, D., Héraud, J.-M. (2009), “Évaluation de la performance des Serious Games pour l’apprentissage : Analyse du transfert de comportement des éleveurs virtuels de Vacheland”, Systèmes d’information et management, Vol.4, n°14, p. 71-86.
    • Paquelin, D. (2009), L’appropriation des dispositifs numériques de formation : du prescrit aux usages, L’Harmattan, Paris.
    • Pastré, P. (2004), “L’ingénierie didactique professionnelle”, in Traité des sciences et des techniques de la formation, 2ème édition, P. Carré & P. Caspar (Eds), Dunod, Paris, p. 465-480.
    • Pastré, P. (2009), “Didactique professionnelle et conceptualisation dans l’action”, in Encyclopédie de la formation, J. Barbier, É. Bourgeois, G. Chapelle & J. Ruano-Borbalan (Eds), Presses Universitaires de France, Paris, p. 793-825.
    • Pastré, P. (2011), La didactique professionnelle : approche anthropologique du développement chez les adultes, Presses Universitaires de France, Paris.
    • Pastré, P., Rabardel, P. (2005), Apprendre par la simulation : de l’analyse du travail aux apprentissages professionnels, Octarès Éditions, Toulouse.
    • Silberman, M. L. (2007), The handbook of experiential learning, Pfeiffer, San Francisco.
    • Smith, R. S. (2009). Military Simulation & Serious Games: Where we came from and Where we are going, Modelbenders Press, Orlando.
    • Raynal, F., Rieunier, A. (2012), Pédagogie, dictionnaire des concepts clés : Apprentissage, formation, psychologie cognitive, 9ème édition, ESF Éditeur, Issy-les-Moulineaux.
    • Roussel, J.-F. (2011), Gérer la formation, viser le transfert, Guérin universitaire, Montréal.
    • Van West J., Lane-Cummings K. (2007). Microsoft Flight Simulator X for Pilots: Real World Training, Wiley Publishing, Indianapolis.
    • Williams, B. (2006), Microsoft flight simulator as a training aid: a guide for pilots, instructors and virtual aviators, Aviation Supplies & Academics, Newcastle.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
    A propos des auteurs  Lydia Martin et Philippe Lépinard

  • Comment intégrer le BYOD dans un établissement scolaire ?

    Comment intégrer le BYOD dans un établissement scolaire ?

    Intégrer le BYOD suppose des modifications dans le rôle de l’enseignant, mais également au niveau de l’institution elle-même. Permettre l’utilisation d’outils multiples au sein d’un établissement scolaire demande des adaptations structurelles dans l’administration et la gestion de l’établissement.

    Les considérations des directions sont basées sur les caractéristiques techniques, mais également sur la gestion du personnel et des élèves. La politique interne de l’école doit être revue ainsi que les règles d’utilisation des technologies. Nous pouvons mettre en évidence différents points qu’il est nécessaire de prendre en considération pour la direction d’une école ou d’une Commission scolaire qui souhaite intégrer le BYOD.

     

    Permettre un accès fiable et performant au réseau Internet

     

    L’accès au réseau est un élément primordial dans l’intégration d’un outil technologique dans une salle de classe. Il est indispensable d’avoir une connexion Internet qui permette d’accéder aux données facilement, avec une bande passante suffisante.

    Ces préalables sont nécessaires afin de permettre une utilisation de la plateforme de l’école à partir de tout appareil, de le configurer facilement et d’accéder au portail à partir de différents systèmes d’exploitation.

     

    Favoriser l’équité entre les élèves

     

    La technologie est vue comme un moyen facilitant l’apprentissage des élèves. Elle permet d’apporter des compétences complémentaires et nouvelles dans la salle de classe. Cependant, les nouvelles technologies sont intrinsèquement liées à des questions financières.

    La technologie est prise en charge soit par l’établissement, soit par les parents, mais quelqu’un doit payer la facture en bout de ligne.

    De surcroît, le BYOD augmente encore plus les réalités financières des écoles.

    En effet, chaque élève peut apporter avec lui l’outil qu’il désire et de ce fait, certains élèves auront le plus récent modèle d’une tablette tactile ou d’un ordinateur portable alors que d’autres devront se contenter d’un modèle plus ancien et moins fonctionnel. D’autres n’en auront pas du tout, car leurs parents ne pourront se le permettre.

    L’école devra donc veiller, dans la limite de ses moyens, à ce que tous les élèves puissent accéder à la technologie. Une provision suffisante de matériel fonctionnel permettra aux élèves de profiter des avantages des TIC en contexte éducatif. Aussi, l’école peut concrétiser des partenariats afin d’offrir aux parents des plans financiers accessibles.

    Enfin, notons qu’une connexion Internet fiable à la maison est nécessaire afin que l’élève puisse utiliser son appareil en dehors de l’école, un autre enjeu économique pour les parents que les écoles doivent considérer dans l’intégration du BYOD au sein de leur établissement.

     

    Responsabiliser les élèves lors de l’utilisation de la technologie

     

    Les études recensées, comme celle réalisée en Alberta (2012), montrent que la responsabilisation des élèves est l’élément essentiel d’une intégration technologique réussie.

    La distraction des élèves est souvent importante et il est nécessaire de « canaliser » l’utilisation de l’outil adopté.

    Autrement dit, les élèves doivent distinguer clairement les activités nécessaires à leur apprentissage et qui favorisent leur réussite scolaire. Ainsi, interdire certaines applications ou restreindre l’utilisation de l’outil à certaines périodes serait inutile et illusoire. Contourner les interdictions est chose facile et ils pourraient trouver de la motivation à le faire.

    Il est donc préférable de les confronter à leurs erreurs et de mettre en évidence les conséquences d’un mauvais usage sur leur réussite scolaire.

    En d’autres termes, l’utilisation des réseaux sociaux, des textos et autres éléments de communication ne doivent pas être proscrits, mais réfléchis.

    La solution la plus souvent adoptée par les établissements scolaires est l’utilisation d’une charte, d’un code de conduite ou d’un règlement d’ordre intérieur. Ce document est souvent complété avec l’aide des enseignants et des élèves afin qu’il soit le plus complet et le plus juste possible. Il est ensuite remis aux élèves qui devront l’approuver.

     

    Impliquer et rassurer les parents

     

    Les parents sont bien entendu concernés, car ils sont des acteurs essentiels dans ce processus de responsabilisation. Un tel document devrait comporter les éléments suivants :

    • L’utilisation de l’appareil à l’intérieur de l’établissement implique des règles précises ;
    • Les conséquences lors d’une utilisation non adéquate sont clairement définies ;
    • La réglementation doit être modérée pour éviter une démotivation et un manque d’assiduité des élèves ;
    • Les règles d’utilisation des sites Internet sont précisées et les sites interdits sont déterminés ;
    • Les règles de conduite sont établies : le respect de soi-même, le respect des autres et le respect de l’école.

    Pour cela, il est indispensable que les écoles :

    • Favorisent l’accès numérique en assurant la participation de tous les élèves;
    • Favorisent la communication par le biais d’interactions et échange d’informations; et
    • Favorisent l’aisance, c’est-à-dire qu’elles amènent les élèves à apprendre à utiliser leur outil d’un point de vue technique en vue de favoriser leur apprentissage.

    Cette responsabilisation est essentielle, d’une part pour un bon fonctionnement de l’institution scolaire et pour une gestion optimale de l’enseignement-apprentissage d’autre part.

    En continuité, il est nécessaire que l’école prépare les élèves à devenir des citoyens numériques.

    Ceux-ci doivent comprendre et appliquer les règles d’un citoyen numérique actif, éthique et responsable. Il est donc nécessaire que l’école mette en place les moyens qui permettent aux élèves d’atteindre ces objectifs. Par exemple, en favorisant les expériences en ligne, par l’accès à des ressources numériques, des plateformes de collaboration et en amenant les élèves à utiliser des modes d’apprentissage différenciés.

    En fonction des caractéristiques qui viennent d’être établies ci-dessus, nous pouvons constater que l’utilisation d’Internet dans un établissement scolaire demande des adaptations structurelles de la part de l’établissement, mais également de la part des enseignants.

    Comme nous l’avons montré précédemment, intégrer une approche BYOD montre des inconvénients en termes logistiques et techniques, mais présente également l’avantage non négligeable de préparer les élèves à la culture numérique et à l’utilisation pertinente d’un outil technologique.

    Ces différentes réalités mises en place adéquatement ont le potentiel de favoriser grandement le développement et l’apprentissage des apprenants dans un environnement BYOD. En somme, l’intégration dans l’établissement scolaire et la préparation de l’infrastructure sont des éléments essentiels à cette fin. Cependant, la plus grande partie du travail sera réalisée par l’enseignant qui devra l’intégrer dans sa salle de classe.

  • Pourquoi utiliser les « BYOD » dans une classe ?

    Pourquoi utiliser les « BYOD » dans une classe ?

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    L’idée est intéressante, mais est-ce aussi facile qu’on le dit ? Le BYOD représente-t-il une ouverture technologique de l’école ou plutôt une complexification pédagogique?

    Selon plusieurs études récentes, l’utilisation d’un outil précis dans une salle de classe présente déjà des difficultés de gestion au quotidien. Par conséquent, implanter une multitude d’outils et de plateformes poserait logiquement des problèmes pédagogiques plus importants.

    Pourtant, certains établissements scolaires (Outre-Atlantique) ont fait le choix du BYOD.

    À titre d’exemple, le Peel District School Board, en Ontario, propose depuis 2013 aux élèves d’utiliser leur propre appareil.

    Afin d’intégrer au mieux le projet BYOD dans les écoles, le conseil scolaire a même mis en place des outils pour aider les parents et les élèves.

    Une vidéo explicative, un guide pour les parents, un code de conduite numérique et un ensemble de ressources pour les parents viennent ainsi aider l’intégration dans les classes.

    Par ailleurs, force est de constater que le BYOD demande à l’enseignant de redéfinir son rôle et de réfléchir sur la façon d’appréhender cette nouveauté.

    Des questions pertinentes surgissent alors pour le pédagogue : par où dois-je commencer ? Comment le BYOD modifiera-t-il mon enseignement ? Comment procéder avec ceux qui n’ont pas d’appareil personnel ? Comment composer avec la variété de plateformes ?

    À ce sujet, une enseignante du Peel District School Board, qui intègre le BYOD depuis trois ans dans sa classe, nous donne quelques pistes de réponse : « j’autorise les élèves à apporter leur propre appareil, pour des activités ciblées, de recherche, de création ou de collaboration. Je constate que les élèves se partagent rapidement les outils. »

    Elle ajoute que « l’inconvénient est qu’ils ont accès à Internet en tout temps et qu’ils peuvent faire autre chose [que la tâche demandée] ». Selon cette enseignante, « les appareils les plus simples peuvent avoir beaucoup de potentiel.

    Cependant, l’accompagnement est important, même s’ils savent utiliser leur outil. Il faut les responsabiliser.

    Au travers de nos lectures et des témoignages recueillis, nous pouvons constater différents avantages d’une intégration de type BYOD. Le plus important est certainement la disponibilité immédiate d’un « couteau-suisse numérique » pour les élèves, grâce auquel ils peuvent accéder au matériel rapidement et facilement. D’autres avantages touchent la collaboration, la motivation ou encore la personnalisation de l’apprentissage.

    Cependant, le BYOD apporte également son lot d’inconvénients, comme le manque d’équité entre les élèves et une surcharge de travail pour l’enseignant.

    D’un côté, autoriser l’entrée d’un appareil numérique personnel dans la salle de classe peut exiger des parents un investissement supplémentaire, entrer en conflit avec leur approche parentale des technologies ou encore exposer les élèves aux réalités socio-économiques de leurs familles.

    D’un autre côté, l’enseignant devra souvent gérer des outils dont les systèmes d’exploitation et versions divergent. Or, connaître chaque système d’exploitation et chaque outil peut s’avérer très difficile, voire impossible pour plusieurs enseignants.

    Pourtant, avec le BYOD, il sera nécessaire, à un moment, soit de dépanner les élèves avec ou sans l’aide d’un technicien, soit de désigner des élèves-experts qui pourront aider leurs camarades à régler les problèmes techniques rencontrés en contexte d’apprentissage.

    L’outil peut ainsi devenir à la fois un objet et un vecteur d’apprentissage collaboratif dans une approche de résolution de problème.

    Le paragraphe suivant synthétise les avantages et les inconvénients du BYOD présents dans des études réalisées en contexte éducatif que nous avons consultées et dans les témoignages que nous avons recueillis.

    Les avantages

    · Collaboration accrue entre les élèves ;
    · Pensée critique et responsabilisation des élèves ;
    · Communication accrue entre les élèves et l’enseignant ;
    · Accès à l’information en tout lieu et en tout temps ;
    · Continuité entre l’école et le domicile ;
    · Réduction des coûts pour l’école ;
    · Préparer les élèves aux réalités professionnelles ;
    · Apprentissage personnalisé.

    Les inconvénients

    · Pré-requis techniques : bande passante et infrastructure ;
    · Manque d’équité entre les élèves; nécessité de matériel supplémentaire ;
    · Sécurité du réseau et des données ;
    · Gestion de classe complexifiée ;
    · Nécessite une maîtrise technique supplémentaire pour l’enseignant ;
    · Planification des leçons complexifiée ;
    · Charge de travail supplémentaire.

    Par ailleurs, nous pouvons identifier différentes recommandations issues de la littérature et des propos recueillis au sujet du BYOD :
    -> Il est avant tout nécessaire que l’école compose avec les technologies. D’une part en s’adaptant à leur existence et d’autre part en régulant leur utilisation pédagogique.

    -> Il faut impliquer les élèves et les parents dans le choix de l’outil puisque les utilisateurs sont les premiers concernés dans cette sélection. Quant à l’école et ses enseignants, ils peuvent apporter un conseil sur les outils les plus pertinents pour le contexte envisagé, notamment en identifiant les besoins de l’élève et les technologies avec lesquelles il interagit facilement. Bref, cibler l’outil qui sera le mieux adapté pour réussir sa scolarité.

    -> L’école doit penser son infrastructure en fonction de ces nouvelles réalités. Il faut permettre aux élèves d’accéder aux plateformes de l’établissement et aux outils mis en place de façon optimale. Cela revient, entre autres, à s’assurer que le réseau sans fil est suffisamment performant, que le portail de l’école est accessible sur différentes plateformes, et que l’accès à des logiciels et des sites pertinents et utiles pour leur formation ne soit pas bloqué au niveau institutionnel.

    – > Le support technique et pédagogique est une nécessité pour bien implanter le BYOD dans une école. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que les enseignants soient en mesure d’aider leurs élèves lorsqu’ils ont des difficultés dans l’utilisation de leur appareil et que les techniciens soient suffisamment formés et disponibles pour répondre à la demande, ce qui n’est pas une mince affaire.

     

    Retrouvez Aurélien et Gabriel dans leur prochain épisode : « comment intégrer le BYOD dans un établissement scolaire ».

  • Les différents modèles d’intégration du BYOD

    Les différents modèles d’intégration du BYOD

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    Auteurs : Aurélien Fievez et Gabriel Dumouchel
    Illustration : Mélanie Leroux

     

    En pratique, des enseignants utilisent cette configuration en salle de classe lorsqu’ils permettent à leurs élèves d’amener leur(s) outil(s) technologique(s) personnel(s) afin de réaliser des tâches spécifiques. Cependant, cette nouvelle approche pédagogique apporte avec elle son lot de perspectives et de réalités.

    En effet, elle demande une préparation et une analyse approfondie de l’environnement d’enseignement-apprentissage afin de réussir son intégration.

     

     

    Ce dossier vise à apporter un éclairage pratique et scientifique sur l’utilisation du « Bring Your Own Device » (BYOD). Il devrait permettre aux enseignants, praticiens, acteurs pédagogiques, mais aussi aux chercheurs de comprendre les origines de son existence et les réalités qui l’entoure.

    Notons parallèlement que les technologies de l’information de la communication (TIC) font maintenant partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens du 21e siècle. D’ailleurs, le nombre d’individus possédant au minimum un téléphone portable, un ordinateur ou un téléphone intelligent est en constante progression.

    Selon l’INSEE, 77% des ménages français utilisent internet, soit une augmentation de 21% depuis 2007. Au Canada, 80% utilisaient Internet et possédaient l’un de ces outils (Statistique Canada, 2014). Au Québec, on note que 77% des individus possèdent un outil numérique. De leur côté, 81% des travailleurs dans les entreprises utilisent Internet et possèdent leur propre appareil.

    De ce fait, les entreprises ont compris qu’elles ne pouvaient pas ignorer cette nouvelle réalité. Ainsi, le BYOD a fait une entrée lente, constante et souvent efficace dans le milieu entreprenarial.

    D’ailleurs, les employés spécifient que le fait d’utiliser leur appareil personnel permet d’avoir à portée de main un outil qu’ils connaissent, facile d’accès et qui combine les informations personnelles et professionnelles de leur quotidien (Garlati, 2011).

    Cependant, de nombreux défis apparaissent comme l’accès aux réseaux sociaux, la protection des données ou encore la formation. Il a donc été nécessaire de mettre en place des règles, des mesures, mais aussi des outils afin d’aider les employés à travailler et à s’approprier efficacement ces technologies dans leur milieu de travail (Beckett, 2014 ; Émery, 2012).

     

    En corollaire, les établissements scolaires suivent cette tendance alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à permettre à leurs élèves d’apporter leur appareil personnel à l’école (Baker, 2014 ; Burns-Sardone, 2014).
    Les réalités soulevées par les entreprises se retrouvent partiellement transposées dans le contexte scolaire.

    Ainsi, certains avantages, comme une motivation accrue de l’utilisateur dans la réalisation de ses tâches, ou l’augmentation des compétences technologiques des apprenants (Benham et al., 2014) sont mis en évidence.

    Cependant, des inconvénients apparaissent également comme la distraction des élèves ou la gestion de l’enseignement-apprentissage qui se retrouve complexifiée.

    Alors, quelles sont les réalités, quels sont les prérequis et les aboutissants d’une intégration BYOD dans une salle de classe ? Comment les enseignants peuvent-ils jongler avec ces outils ? Quels sont les avantages réels et quels sont les inconvénients du BYOD en contexte scolaire ? C’est à l’ensemble de ces questions que ce dossier tentera d’apporter des éléments d’explication. Dans ce document, nous aborderons successivement la définition du concept, les perspectives pratiques de son utilisation, les ressources actuellement disponibles et nous terminerons par une conclusion globale amenant des pistes de réflexion.

    Que signifie BYOD ?

    Le BYOD, acronyme de « Bring Your Own Device », ou en français AVAN, pour « Apportez Votre Appareil Numérique », est apparu vers 2005 dans les entreprises ; il fait son apparition depuis peu dans les salles de classe.

    La perspective du BYOD est de permettre à l’utilisateur de travailler partout et à tout moment avec son appareil numérique personnel.

    Dans cette approche, les entreprises y ont vu des économies d’infrastructure alors que l’école y a vu un moyen de favoriser l’apprentissage des élèves.
    Selon certains, l’école et l’élève sont tous les deux gagnants,

    car l’élève choisit et utilise un outil (ordinateur portable, tablette, phablette ou téléphone intelligent) qu’il connaît et maîtrise.

    Bien que de plus en plus populaire, l’implantation de cette nouvelle pratique fait émerger de nombreux questionnements, notamment au sujet de la gestion de la classe, de la planification ou de l’équité entre les élèves.

    Par ailleurs, notons que la multiplicité des outils technologiques n’étonne plus personne. D’un point de vue global, le BYOD montre certes des perspectives intéressantes. De fait, les technologies utilisées intègrent de nombreux capteurs, comme l’accès à Internet et le « cloud » (l’infonuagique en français) afin de communiquer entre elles, permettant ainsi de favoriser l’enseignement et l’apprentissage.

    Cependant, ces outils sont souvent confinés dans la sphère familiale et n’entrent que progressivement dans la sphère scolaire.

    Pourquoi ne pas les utiliser plus souvent à l’école, demanderont certains.

    De cette manière, l’enseignant disposerait d’outils dans la salle de classe qui permettraient de réaliser des activités numériques et interactives facilement et rapidement.

    Bref, si le BYOD apporte des perspectives pédagogiques intéressantes, le tout sera d’intégrer efficacement cette méthode dans les salles de classe. Pour cela, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et proposent des approches distinctes. Nous avons synthétisé l’ensemble de ces approches afin de proposer un modèle qui permettra une intégration réussie.

    L’enseignant a le choix des outils et des plateformes qu’il veut (et peut) utiliser dans sa salle de classe. En fonction de la liberté qu’il donne aux élèves, différents modèles d’intégration du BYOD se dessinent.

    Un guide du ministère de l’Éducation de l’Alberta initie cette réflexion en mettant en évidence les différentes configurations possibles d’une infrastructure BYOD.

    Dans le cadre de ce chapitre, nous avons ajusté ce modèle en fonction de nos constatations et de nos recherches afin de créer un modèle d’intégration du BYOD (figure 1). En salle de classe, chaque étudiant apporte avec lui un outil particulier et différent ; l’enseignant doit alors combiner et parfois jongler avec l’ensemble de ces artefacts technologiques. En analysant les différentes possibilités, nous pouvons relever quatre différentes approches d’intégration.

    Ainsi, les enseignants définissent le degré d’intégration de la technologie qu’ils veulent voir dans leur salle de classe. En tant que « maitres d’orchestre de l’apprentissage », ils choisissent les instruments qui seront utilisés. En fonction du degré choisi, différentes réalités apparaissent.

    L’approche de l’utilisation restreinte demande à l’enseignant de choisir un outil en particulier

    (par exemple un iPad Air 2 de 64 Go), unique pour tous.

    Ce modèle permet d’avoir un contrôle aisé sur l’enseignement et l’apprentissage, rendant l’appropriation de la technologie plus facile par l’enseignant.

    Ce dernier choisit l’outil et les logiciels/applications que les apprenants vont utiliser. Il peut ainsi se former facilement et aider ses élèves d’un point de vue technique, mais aussi pédagogique. Par contre, les élèves doivent apprivoiser un outil qu’ils n’utilisent pas forcément habituellement et qui est imposé.

    Ce modèle restrictif présente des avantages pour les enseignants, mais il limite l’innovation pédagogique; la caractéristique « BYOD » est donc peu présente ici.

    L’approche de l’utilisation ciblée laisse le choix de l’appareil à l’élève

    (par exemple une tablette ou un ordinateur). Il doit cependant respecter certaines caractéristiques techniques (comme le processeur ou la mémoire minimale requise). Il lui faut également respecter le choix des logiciels/applications prévus par l’enseignant.

    Celui-ci maîtrise les logiciels/applications et les plateformes utilisées. Les cours peuvent se baser sur des outils précis et la latitude de l’enseignant est assez présente.

    Cependant, la liberté pédagogique de l’élève est encore limitée.

    L’approche de l’utilisation ouverte unique permet à l’élève de choisir son outil et ses logiciels/applications.

    La liberté de l’élève est plus importante, cependant l’enseignant doit s’adapter aux différentes plateformes, il doit montrer de la flexibilité dans son enseignement.

    Enfin, l’approche de l’utilisation ouverte multiple recouvre toutes les perspectives du BYOD.

    Il permet à l’élève d’utiliser n’importe quel outil et même plusieurs outils en salle de classe. La flexibilité de l’enseignant est importante et la gestion de la classe plus complexe, mais l’innovation pédagogique est également plus grande.

    Par ailleurs, notons qu’il est nécessaire de prendre en considération les différents facteurs externes et internes qui viendront influencer l’utilisation du BYOD dans la salle de classe. De fait, les moyens financiers, techniques et pédagogiques à la disposition de l’enseignant sont des éléments importants à considérer lors de l’intégration d’une approche BYOD.

    Le fait d’avoir dans sa classe des outils numériques pour les élèves ne pouvant se prémunir d’un outil personnel est primordial.

    Aussi, un soutien extérieur de la part d’un conseiller pédagogique ou d’un formateur sera d’une aide certaine pour l’enseignant. L’ensemble de ces facteurs détaillés dans la figure 1 viendront influencer l’efficacité et la réalisation de l’intégration BYOD.

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    Ces différentes approches que nous avons présentées dans notre modèle d’intégration du BYOD donnent lieu à des perspectives différentes de l’utilisation des technologies en salle de classe. En fonction du choix de l’enseignant et/ou de la direction, la flexibilité de l’enseignant et/ou de l’élève se trouvera ajustée.

    Par conséquent, il conviendra de d’identifier l’approche la plus adéquate en fonction des objectifs envisagés.

    D’ailleurs, le but n’est pas de transformer la classe en un lieu commun pour les outils technologiques personnels de l’élève, mais bien de l’amener à les utiliser à des fins d’apprentissage.