Étiquette : Université d’été Ludovia

  • Appel à intervenants pour ateliers Université d’été Ludovia#12, c’est à vous!

    Appel à intervenants pour ateliers Université d’été Ludovia#12, c’est à vous!

    Ludovia_intervenants_110215

    Définition de l’ExplorCamp

    Les Explorcamps de Ludovia sont des séances d’ateliers tournants qui se déroulent en simultané. Chaque atelier dure une heure organisé sous la forme de 30 minutes de présentation et 30 minutes de discussion autour d’une quinzaine de participants. Chaque atelier peut être répété 2 fois lors d’une même session (selon la disponibilité). Il y a 8 ateliers en simultané sur chaque session d’ExplorCamp.

    Matériel et infrastructure fournie : 1 grand écran Plasma 16/9 pour visualisation avec connectiques HDMI ou VGA ; connexion internet Wifi fournie gratuitement pour les intervenants.

    Définition du FabCamp

    L’objectif de cet espace, qui se tiendra tout au long des trois jours, sera de construire une ressource, un contenu ou un outil sur chaque session ; échanger des astuces entre enseignants avec son matériel ; ou encore mettre en place des solutions peu onéreuses (liseuses « bricolées », ressources « maison »…). Chaque atelier FabCamp dure environ deux heures.

    Matériel et infrastructure fournie : 1 outil de vidéoprojection

    NB : Aucun ordinateur ou tablette n’est disponible sur les ateliers – Nous vous invitons à amener votre matériel et surtout, prévoir votre connectique et adaptateurs. (notamment adaptateurs et câbles VGA et HDMI)

    Procédure de soumission

    Soumettre au minimum, une page écrite au format numérique (.doc ou autre format texte) présentant votre atelier et retour d’expérience, en liaison avec le thème de l’année

    «  Appropriations et détournements dans le numérique éducatif ».

    Vous pouvez proposer plusieurs sujets d’ateliers (pour l’espace FabCamp ou l’espace ExplorCamp) sur les quatre sessions (ressources, mobilité & nomadisme, ENT & plateformes d’apprentissages et éducations aux médias & culture numérique).

    Décryptage du thème 2015

    Les enseignants et leurs élèves sont entourés dans leur classe, comme à l’extérieur, d’une profusion d’outils et de ressources numériques variés en constante évolution. Quelles réactions ont-ils dans ce paysage numérique ? Comment se les approprient t-ils ou comment les détournent-ils à leur profit ou au profit des apprentissages ?

    L’appropriation, qu’elle soit professionnelle, via des formations fléchées, ou personnelle, engage chaque jour l’enseignant à se remettre en question. Pourtant, il n’a pas forcément attendu le numérique pour adapter ou modifier sa pédagogie. Mais avec celui-ci, il découvre peut-être de nouveaux horizons…

    Appropriation formelle ou plutôt informelle, comment vous êtes-vous adapté face à l’ENT, aux MOOCs, aux tablettes numériques, aux outils de vidéoprojection, aux ordinateurs ou tout simplement aux téléphones intelligents que transportent vos élèves ? Au-delà des matériels, comment construisez-vous aujourd’hui vos supports de cours : par l’appropriation de différentes ressources éducatives piochées ça et là ou en détournant d’autres contenus (et pourquoi pas ceux des élèves) dont la vocation n’a à première vue, aucune vertu affichée pour les apprentissages.

    Dans votre présentation il s’agira de mettre en lumière toutes formes d’usages conformes ou « non-conformes » du numérique dans vos classes ; les usages « détournés » ont tout autant d’intérêt et nous souhaitons, via ces ateliers, afficher toute la diversité créative des enseignants et des élèves, de tout horizon et de tout niveau.

    Format du texte de soumission

    Titre du sujet : 140 caractères maximum
    Mots clés : 3 mots clés minimum / 10 maximum
    Problématique pédagogique : 10 lignes
    Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée : 10 lignes
    Relation avec le thème de l’édition : 5 lignes
    Synthèse et apport du retour d’usage en classe : 10 lignes.

    Si vous êtes sélectionné, ce texte sera mis en ligne sous forme d’article sur le média ludomag.com, afin que les futurs participants à l’université d’été puissent, avant événement, avoir un aperçu précis de tous les ateliers proposés et faire leur choix en amont. Une fois sur place, les participants à votre atelier auront donc déjà pris connaissance du sujet : une forme d’atelier « inversé ».

    Animation en ligne sur le Forum-Ludovia

    Comme l’an dernier, votre atelier pourra avoir une vie en ligne avant, pendant et après Ludovia. Dès sélection et récupération des documents demandés, votre atelier pourrait être mis en ligne sur la plateforme d’échanges de l’Université d’été (« MOOC » Ludovia). Les participants pourront s’inscrire en ligne à votre atelier et entamer les échanges avant, pendant et après les 3 jours de l’Université d’été, ce qui vous permettra d’intéresser un maximum de public à votre sujet (sous réserve de la mise en place du MOOC Ludovia).

    Indiquez dans quelle session du programme 2015 vous souhaitez présenter votre/vos ateliers

    SESSION I : EDUCATION AUX MEDIAS & CULTURE NUMERIQUE
    SESSION II : ENT& PLATEFORMES d’APPRENTISSAGE EN LIGNE
    SESSION III : MOBILITE & NOMADISME
    SESSION IV : RESSOURCES, JEUX & LOGICIELS

    Documents à fournir ABSOLUMENT lors de la soumission 

    – une photo de vous en format .jpg aux dimensions 400×400 pixels de large environ,
    – un texte de présentation (Bio) de l’intervenant / compétence / qui il est / expérience, liens vers ses activités liées au numérique…
    – un visuel en format jpg (800 pix de large minimum) évoquant le sujet de l’atelier
    – adresse email, établissement d’origine, académie, coordonnées professionnelles

    Exemple : Ces documents seront mis en ligne sur le site de l’Université d’été pour présenter les intervenants, voir la page 2014 pour avoir un aperçu de la mise en ligne.

    Date de soumission

    Dernier délai : 30 avril 2015 minuit.
    Attention, les sujets présentés sont sélectionnés au fur et à mesure de leur réception ; le nombre d’ateliers étant limités, nous vous invitons à envoyer votre sujet le plus tôt possible.

    La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par mail.

    La sélection sur les espaces (explorcamp ou fabcamp)se fera en fonction de la cohérence de votre proposition ; tout atelier de « création » nécessitant une durée plus longue et une mise en pratique des participants, sera favorisé sur le FabCamp.

    Attention, toute proposition ne répondant pas au cahier des charges, notamment qui ne sera pas en lien avec le thème de l’année, sera refusée.

    Sélection : Dernières réponses données le 10 mai 2015.

    Format des documents présentés lors des Explorcamps et captation vidéo, droits à l’image

    Dès sélection de votre atelier vous devez être en mesure de nous fournir avant le 15 juillet les documents, liens, url, application, Powerpoint, Prezi  ou autre ressource numérique qui composeront votre présentation lors des ExplorCamps. Il est possible que votre atelier soit sélectionné pour être filmé et retransmis en streaming vidéo lors des 3 jours de Ludovia ; ce qui explique que vous vous engagez, dès lors que votre atelier sera sélectionné, à nous autoriser à utiliser votre contenu et nous fournir des droits à l’image. L’intervenant s’engage de fait à autoriser la diffusion de ses contenus (autorisation de droits à l’image et contenus à nous renvoyer signée dès validation de votre participation).

    Plus d’infos :
    Envoi de votre dossier complet à 
    aurelie.ludovia@gmail.com

     Nota : Remboursement des frais des intervenants : les intervenants sélectionnés se verront rembourser leurs frais de voyage sous certaines conditions et limites. La prise en charge de leur séjour sur place, hébergement et restauration, est intégrale.

  • Des enseignants consommateurs mais encore peu « partageurs »

    Des enseignants consommateurs mais encore peu « partageurs »

    Utiliser les cours des autres ? Utiliser les idées des autres ? Utiliser les documents des autres ? Entre captation, mutualisation et enrichissement, quelles sont les pratiques ?

    Dans les salles des professeurs, il arrive que des documents traînent sur les tables, parfois sur le photocopieur ; aussi, nombre de collègues n’hésitent pas à récupérer tout ou partie de ces supports pour leurs propres cours.

    Rappelons que dans la culture enseignante, la préparation d’un cours et sa réalisation sont des activités principalement solitaires et individuelles ; ces pratiques ne concernent pas tous les enseignants mais une grande majorité, … comme s’il semblait honteux de reprendre le travail fait par d’autres.

    « Un enseignant prend les affaires des autres mais il ne faut pas le dire ; il refait la même chose que l’année d’avant mais il ne faut pas le dire. Il y a une sorte d’omertà comme si enseigner c’était proposer toujours quelque chose de nouveau, faire toujours différent ».

    En réalité, il faut quand même garder une trame puisque les programmes ne changent pas.

    Bruno Devauchelle donne l’exemple de l’enseignement professionnel où il est courant de créer des supports de cours à plusieurs, de par le niveau de technicité demandé ; supports ensuite utilisés en fonction des besoins par toute une communauté.

    « On voit se développer petit à petit ces éléments de mutualisation dans l’enseignement général, en particulier dans des champs disciplinaires identiques, comme les langues ou encore l’histoire-géographie », souligne t-il.

    Tandis que de plus en plus d’enseignants vont sur Internet chercher des ressources (idées, supports, cours) pour leur propre enseignement, cette pratique n’est pas encore considérée comme « normale ». Or, à l’heure de la massification de l’enseignement, on peut comprendre qu’un enseignant puisse chercher à utiliser ce que d’autres ont déjà réalisé, en les adaptant à leur contexte.

    Malheureusement, entre la culture du « co-pillage » et la culture de la mutualisation, la passerelle n’est pas encore bien établie.

    L’observation avancée de ce travail des enseignants montre que pas plus de 10% des enseignants ne partagent leurs contenus sur le web alors que 90% d’entre eux s’en emparent ; un peu comme dans une salle des professeurs…

    La démocratisation d’Internet a amené à une réelle évolution des pratiques, mais souvent de manière implicite. L’utilisation de cours ou de morceaux de cours est désormais suffisamment établie. La popularité de sites comme le Café Pédagogique, Weblettres ou encore Sésamath, ainsi que de certains sites académiques montre qu’il y a une progression des mentalités.

    Toutefois il ne faut pas trop crier à la révolution.

    « Il y a comme une ambivalence chez chaque enseignant qui dirait “j’aime utiliser les cours des autres mais je n’aimerais pas qu’on utilise les miens“.

    Pourquoi utiliser les cours des autres ?

    Il est souvent question dans les conversations, du temps passé par les enseignants pour les corrections, mais très peu du temps passé pour la préparation des cours.

    « Si aujourd’hui les enseignants utilisent les cours des autres, c’est aussi pour gagner du temps ».

    Bruno Devauchelle est confiant : ces pratiques d’échange et de collaboration devraient se développer et le temps économisé pourrait alors être utilisé au profit du temps d’accompagnement des élèves et de suivi des élèves.

    « Les choses vont évoluer car la complexité du métier d’enseignant fait qu’on a de moins en moins de difficultés à accéder aux ressources des autres, surtout sur internet, et finalement, c’est peut-être une bonne chose… ».

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Tenir les promesses du numérique : un essai de politique fiction

    Tenir les promesses du numérique : un essai de politique fiction

    Les technologies progressent. Le numérique éducatif piétine. Comment sortir de l’incantation, des illusions, des ruses du diable ?

    Que peut-on faire (ou peut-être qu’aurait-on pu faire depuis plus d’une dizaine d’années (1) pour que les promesses du numérique éducatif puissent être tenues ? Cet exercice de politique fiction est sans doute un peu téméraire quand on mesure les contraintes, les frilosités, les réticences, ou plus simplement les difficultés techniques, économiques, financières et juridiques qu’on ne manquera pas de rencontrer en chemin. Néanmoins un tel exercice peut être salutaire, au moins dans le rappel des principes qui doivent guider l’action et des objectifs qu’il convient de s’assigner.

    Respecter des principes de base.
    Une politique du numérique éducatif n’a quelques chances de succès que si plusieurs conditions sont respectées :

    1. Affirmer un objectif à moyen et long terme partagé (au travers d’États généraux) : « Construire l’école numérique de demain » ;
    2. Faire converger, dans la mise en œuvre, plusieurs types d’action et mener l’intégralité d’un processus programmé de conduite du changement. En pareille matière, la tactique d’Horace n’est pas opératoire. On ne saurait atteindre un résultat important en divisant les « fronts » et en ne s’attachant qu’à un seul aspect (marginal) du problème (ex. : formation des enseignants, rythmes scolaires) ;
    3. Définir, dans l’atteinte de l’objectif majeur, une succession d’étapes et de priorités ;
    4. Globaliser la problématique du numérique : un projet unique pour enseignement primaire, secondaire et supérieur (par souci de cohérence et de continuité entre les degrés) ; un enjeu commun de formation initiale et de formation tout au long de la vie (personnelle et professionnelle) ;
    5. Conserver de la souplesse et éviter de s’engager dans des projets techniques structurants et lourds pour pouvoir s’adapter dans les années à venir aux évolutions technologiques inévitables.

    Renouveler en profondeur l’ensemble des modèles qui constituent le « paradigme scolaire »

    . Le modèle de gouvernance et d’organisation territoriale de l’éducation :
    un dispositif partenarial en amont, avec les collectivités territoriales, pour la définition des politiques éducatives numériques ; la clarification des responsabilités des acteurs ; la création d’un échelon territorial unique (la région) pour coordonner et mettre en œuvre la politique numérique ;

    . Le modèle des missions de l’École et de l’organisation de ses fonctions :
    un recentrage sur la co-construction des savoirs avec l’apprenant dans la synchronie et dans la diachronie ; un (ré)aménagement des espaces scolaires ; un développement des réseaux et de la fonction de communication en mobilité des TICE ; une révision progressive de l’ensemble des éléments qui participent au fonctionnement du système éducatif (programmes, curricula, cycles, disciplines, prescription , rythmes scolaires, modes d’évaluation) ;

    . Le modèle des missions et du service de l’enseignant :
    une révision des décrets de 1950 ; un alignement avec les enseignants-chercheurs du supérieur pour la prise en compte des activités liées au numérique, hors présence des élèves ; un encouragement du travail collaboratif et transdisciplinaire ; une évolution des CDI et du rôle des professeurs documentalistes ; une multiplication des dispositifs hybrides ; surtout, un processus bien encadré de conduite du changement et un dispositif de formation initiale et continue consacré au développement d’une ingénierie pédagogique de haut niveau.

    . Le modèle éditorial et économique de la ressource pédagogique : un abandon progressif du modèle éditorial du manuel scolaire au profit d’un modèle original de l’agrégation de contenus granulaires, renforçant le rôle de médiateur et d’ingénieur pédagogique de l’enseignant ; un dispositif d’infomédiation ; une adaptation du droit de la propriété intellectuelle ; un alignement de la fiscalité de l’ensemble des produits à vocation pédagogique (numérique ou non)

     C’est en conjuguant l’ensemble de ces actions que le système éducatif français pourrait réussir sur une période de dix ou quinze années son entrée dans une société du numérique, où ce ne sont pas les outils qui changent, mais véritablement les logiques d’accès aux connaissances et de construction des savoirs.

     

     

     

  • L’imaginaire des révolutions : comparaison n’est pas raison

    L’imaginaire des révolutions : comparaison n’est pas raison

    Face au numérique, les historiens, les sociologues mais surtout les philosophes, établissent fréquemment un parallèle entre la révolution de l’imprimé en 1455 et la révolution numérique aujourd’hui. Les réflexions qu’inspire cet apparent parallélisme peuvent, par ailleurs, considérablement diverger.

    Dans le cas d’Umberto Eco (N’espérez pas vous débarrasser des livres, avec Jean-Claude Carrière), c’est pour minimiser la portée de la révolution numérique au regard de la révolution du livre. Dans le cas de Michel Serres (Petite Poucette), c’est au contraire pour mettre sur un pied d’égalité les deux révolutions dans l’histoire de la pensée, de l’accès au savoir et des bouleversements sociétaux.

    Mais dans l’un et l’autre cas, comparaison n’est pas raison. Confondre, dans l’imaginaire collectif, les deux révolutions, n’est pas sans conséquence sur la façon dont nous pouvons concevoir aujourd’hui la nature, la portée et les enjeux de la révolution numérique.

    Qu’on considère la révolution de Gutenberg au XVe siècle. C’est une révolution (par ailleurs passée relativement inaperçue dans les premières années) qui affecte moins la production des savoirs que leur diffusion. Mais, en fait, pour l’observateur d’alors, il n’y a guère de différence, tant dans la réalité de l’objet que dans le mode de lecture, entre une bible manuscrite produite par un copiste et une bible imprimée de Gutenberg. La forme de l’objet – le codex substitué au volumen – est établie depuis plusieurs siècles. Elle est appelée à rester pérenne jusqu’à nos jours et sera seulement ébranlée puis enrichie par la révolution du livre de poche.

    Par rapport à la situation antérieure, les différences essentielles résident :

    –  dans la rapidité de composition et de multiplication des « copies » (massification progressive de la production et de la diffusion, réduction des coûts) ;
    –   dans la fiabilité et la sécurisation du processus, qui assure de la conformité de chaque exemplaire au modèle initial (exclusion de l’aléa de copie) ;
    –   dans l’émergence d’un métier « civil » (l’imprimeur-libraire substitué aux ateliers de copistes) et d’un nouveau circuit économique de la production et de la diffusion du livre.
    Le nouveau modèle économique, tant au niveau de la production que de la diffusion, va se trouver assez rapidement stabilisé et permettra, dans les siècles suivants, production de masse et diffusion des savoirs.

    Mais si la diffusion des savoirs a pu être considérablement accrue, les savoirs eux-mêmes n’ont pas été profondément altérés ou modifiés, sauf, plus lentement, grâce à la circulation plus large des idées. Il en va tout autrement pour la révolution numérique. Si l’Internet prolonge et amplifie, de façon exponentielle et progressivement peu contrôlable, la massification des savoirs diffusés, elle a avant tout un impact direct :

    –  sur les processus mêmes de constitution et de production des savoirs : en entrant dans des logiques horizontales substituées à des logiques jusqu’ici verticalement ordonnées, c’est à la fois la structure des connaissances elles-mêmes et la structuration de leurs interrelations qui se trouvent affectées ; dès lors tous les processus didactiques sont très directement impactés ;

    –  sur les processus de cognition, de lecture ou de décryptage et plus largement de construction des savoirs individuels ; dès lors tous les processus d’apprentissage se trouvent eux aussi remis en cause.

    La révolution numérique a donc quelques points communs avec la révolution du livre (multiplication des accès à la connaissance, émergence d’un nouveau modèle économique), mais son impact sur les structures mêmes de la pensée est d’un tout autre ordre. A la différence de celle-ci,

    – elle implique inévitablement une remise en cause du système d’enseignement (didactique, pédagogie, apprentissage)

    – elle va dans le sens d’une complexification croissante des processus de production des connaissances et d’un poids accru de l’aléa dans l’accès au savoir et dans les processus de décryptage ;

    – elle ne saurait imposer rapidement un modèle (formel, technique, social, économique) stable et pérenne, tant elle dépendante d’une avancée incessante et progressive des technologies. Les modèles qu’elle propose ne sauraient être conçus dans ces conditions que comme des modèles glissants.

    Dans la même série, voir aussi « Conception et fantasme : les ruses du diable »

     

     

     

  • Conception et fantasme : les ruses du diable

    Conception et fantasme : les ruses du diable

    Penser le numérique en éducation, c’est toujours se projeter dans l’avenir, concevoir sur la base de ce qu’on connaît, de ce qu’on attend et de ce qu’on espère, un projet ou un modèle éducatif. C’est là que l’imaginaire et, plus souvent, le fantasme interviennent.

    Car, dans cette démarche prospective, pour penser les modèles du futur, il faut disposer d’un outillage conceptuel et lexical adéquat. Or, le champ du numérique éducatif (technologies, ressources, modes d’apprentissage) a été très tôt investi par un lexique anglo-américain, venant des pays pionniers en la matière. Le lexique français des TICE révèle à la fois une imprécision des concepts utilisés, un attachement à préserver les notions éprouvées de l’éducation traditionnelle (cartable, ardoise, tablettes, tableau, multimédia, informatique, manuel numérique) et souvent une incapacité à traduire et transposer les concepts anglo-saxons, appuyés sur des pratiques pédagogiques étrangères aux nôtres.

    Ce lexique est surtout révélateur de l’imaginaire et des fantasmes qui sous-tendent depuis 50 ans cette construction de l’esprit qu’est l’école numérique de demain.

    A travers les évolutions lexicales et conceptuelles se dessinent plusieurs âges de la conception du numérique éducatif. A chaque étape, un fantasme s’installe, une illusion, une crainte, dont il reste toujours un substrat, même des décennies plus tard.

    Plusieurs âges de la conception du numérique éducatif

    La période la plus ancienne, des années 20, avec Pressey, aux années 1960 avec Skinner et Crowder, reste encore dominée par ce qu’on peut appeler l’illusion mécaniste : la technologie permet de concevoir des « machines à enseigner », progressivement au service d’un enseignement programmé. De cette période, subsistent encore aujourd’hui une crainte, sans nul doute infondée (celle de l’enseignant remplacé par une machine), mais aussi l’idée que la technologie permet un apprentissage de l’élève en complète autonomie (transmission des connaissances, mémorisation, exercices, auto-évaluation, progression), à condition que le processus didactique ait été correctement programmé.

    En corollaire, s’est installée l’idée qu’une programmation fine pouvait permettre l’adaptation aux caractéristiques particulières de chaque élève, à son rythme propre d’apprentissage, dans une perspective d’individualisation d’une relation pédagogique élève/machine.

    Le plan « Informatique pour tous » dans les années 80

    La seconde période, dans les années 80, centrée autour du plan « Informatique pour tous » de 1985, traduit, dans les termes mêmes,

    l’émergence d’une autre illusion, qui fait de la technologie (« informatique ») l’instrument « démocratique » d’une transmission massive et égalitaire des savoirs (« pour tous »).

    Une idée s’en dégage, qui a la vie dure : celle que les technologies numériques gomment les différences culturelles, égalisent les niveaux de compétence et par leur aptitude à mobiliser l’attention des jeunes permettent de récupérer les décrocheurs de l’École.

    Pourtant aujourd’hui les fractures culturelles dans l’usage du numérique sont parfaitement mises en évidence.

    Apparition du « multimédia éducatif »

    Une troisième période, dans la décennie suivante et avant l’irruption de l’internet est celle qu’on pourrait appeler du « multimédia éducatif ». L’intérêt se déporte sur les contenus didactiques et surtout sur les supports de l’information ou de la pratique pédagogique : les mêmes contenus, guidés par une illusion syncrétique, se présentent de façon conjuguée sur différents supports (CD Rom, vidéo, imprimé). C’est l’époque des livres-CD.

    De cette période subsiste confusément la notion déquivalence des supports imprimés et numériques, qu’on retrouve dans les manuels numérisés, voire dans la plupart des manuels numériques de première génération. En corollaire de cette équivalence, le dispositif numérique apparaît utile mais toujours subsidiaire.

    Et si c’était des TICE…

    Avec l’arrivée d’internet, des messageries, des espaces numériques de travail et des tableaux blancs interactifs, les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) dominent le début des années 2000, et installent une conception à la fois utilitariste et techniciste du numérique : le développement des TICE correspond à celui d’outils, utilisant des ressources éducatives, principalement dans l’espace de la classe, plus exceptionnellement au domicile des élèves, permettant de faire de façon plus ludique ou plus efficace, ce qui reste la mission fondamentale de l’École, « transmettre les savoirs ».

    Ou tout simplement du « numérique« 

    Depuis les trois ou quatre dernières années, le générique « numérique » a été utilisé (notamment par les chercheurs et d’abord dans le domaine de l’enseignement supérieur) pour désigner à la fois les équipements, les contenus, mais aussi les modes d’apprentissage et les pratiques pédagogiques qui leur sont liés., autrement dit l’ensemble des éléments d’une « culture numérique ».

    Cette approche d’un concept global était de nature à conduire à une remise en cause fondamentale des modèles de notre système éducatif. C’est pourquoi, concomitamment et par réaction frileuse, s’est développée une idée nouvelle :

    il n’existerait pas un « numérique » mais « des » numériques

    (numérique sociétal et numérique éducatif ou scolaire, numérique propre à chaque discipline, secteurs cloisonnés du numérique, tels les manuels, les environnements de travail, les environnements d’apprentissage, la formation à distance, et l’éducation numérique informelle).

    Ce sectionnement de la réalité numérique vise en fait, inconsciemment, à dissimuler l’enjeu majeur au profit d’expérimentations particulières et à occulter l’importance du phénomène et de ses conséquences. « La plus subtile ruse du diable », fait dire John Huston à l’un de ses personnages [1], « est d’avoir fait croire au monde qu’il n’existait pas…Et pourtant il existe… »

    Cette tactique de l’esquive permet d’oublier la caractéristique essentielle du numérique : il ne s’agit pas de l’outil subsidiaire d’un système de transmission des savoirs. Il constitue l’entrée dans des logiques nouvelles et radicalement différentes de pensée, d’accès à la connaissance et de construction des savoirs. De ce fait, il met en cause tous les modèles qui sous-tendent notre « paradigme scolaire ».



    [1] Dans le film « Le dernier de la liste ».