Étiquette : Philippe Chavernac

  • Quelle école pour demain ?

    Quelle école pour demain ?

    Philippe_chavernac_070314« Réformer le mammouth ! » disait un ancien ministre de l’Education nationale pour souligner d’une part la nécessité d’engager des réformes, d’autre part pour stigmatiser la taille importante du ministère dont il avait la charge.

     

    Un rapport de la Cour des comptes (« Gérer les enseignants autrement », mai 2013) rappelle la prééminence de l’Education nationale dans le budget de la nation :

    « En raison de leur nombre (837 000 en 2012, soit 44% des agents publics employés par l’Etat et du poids de leurs rémunérations (49,9 Md€ en 2011, soit 17% du budget général de l’Etat), leur gestion est déterminante ».

    Comment le simple citoyen, au delà de toute appartenance politique ou idéologique, peut-il contribuer à réfléchir à la place de l’école dans notre société ? Les professeurs ont-ils trop de vacances ? Les rythmes scolaires sont-ils bénéfiques aux apprentissages ? Comment adapter la pédagogie des nos jours quand les élèves utilisent et s’approprient les résultats donnés par les moteurs de recherche ?

    De nombreuses questions récurrentes, d’éternelles critiques souvent sans fondement, qui sont peut-être exprimées pour se défausser de son rôle de parent… Et si la solution passait par une réflexion basée sur le bon sens ? Quelques idées simples, de la bonne volonté et surtout une prise de conscience du vivre ensemble pourraient changer le cours des choses. Passons de la communauté scolaire à la communauté nationale pour appréhender le devenir de l’école. Regardons autour de nous, et surtout au niveau européen, pour prendre le « meilleur » des systèmes étrangers.

    Améliorons le système de « gestion des enseignants pour redresser les résultats des élèves ». Demandons aux « politiques » d’avoir le courage nécessaire pour faire évoluer le système éducatif français et ainsi le réformer.

    Il est toujours utile de se référer au passé et de nombreux ouvrages ne manquent pas de nous le rappeler. A quoi ressemblait la classe de nos grands parents ? Le fameux tableau noir qui reste dans notre imaginaire collectif, le pupitre de l’écolier immortalisé par les photographies de Doisneau, la craie, la tablette de l’élève sont des images toujours présentes dans nos esprits.

    Mais encore faut-il replacer l’école d’autrefois dans son contexte où il y avait peu de bacheliers et où deux systèmes étaient juxtaposés (l’enseignement primaire supérieur dans les écoles primaires supérieures et le lycée qui couvrait l’enseignement de la sixième à la terminale pour une catégorie sociale plus aisée). De plus, les comparaisons internationales étaient inexistantes, ce qui n’est pas le cas de nos jours. En effet, comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes, la France « se situe au 18ième rang de l’OCDE pour la performance des élèves […] et connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier ».

    Pour cette institution, ces résultats « passables » (un professeur pourrait porter l’appréciation suivante : « peut mieux faire »…) proviennent en partie d’une « utilisation défaillante des moyens existants ». Le rapport souligne l’inadéquate utilisation des moyens humains :

    « les heures de cours entrent dans le cadre hebdomadaire fixe sans que cela corresponde nécessairement aux besoins des élèves ».

    Au niveau national, les auteurs du rapport mentionnent le difficile travail pour répartir sur tout le territoire les enseignants, entre la volonté du professeur de retourner dans son académie d’origine et les besoins de certaines régions qui sont déficitaires en personnels qualifiés. Et de souligner en gras la phrase suivante : « les postes d’enseignants sont répartis sur le territoire selon des critères qui ne caractérisent que partiellement et indirectement les difficultés des élèves ».

    Cela entraîne de nombreux effets pervers :

    « Dans le second degré, 45% des jeunes enseignants affectés sur leur premier poste le sont dans les deux académies les moins attractives, provoquant par la suite des départs massifs ».

    Parallèlement, nous pouvons aussi nous interroger sur la sous-utilisation des locaux ? On peut se référer aux expériences, baptisées « école ouverte », qui pendant les vacances, montrent qu’un public est près à venir dans l’établissement en dehors des horaires « normaux ».

    En effet, les élèves qui sont souvent issus de milieux moins favorisés n’ont pas les moyens d’aller à l’étranger pour suivre des cours de langues ou d’avoir des stages de pratique sportive. Pouvoir les accueillir, leur proposer des activités ludo-éducatives permet d’entretenir un lien social fort avec ces populations. On peut en profiter pour avoir une relation plus individuelle, les « voir » autrement, « casser » un peu cette relation frontale maître-élèves.

    De la maison à l’école, l’élève, à part peut-être à la bibliothèque ou au centre sportif, ne fréquente pas régulièrement d’autres lieux. A l’inverse, on constate que les espaces virtuels sont surencombrés. L’établissement scolaire reste un repère essentiel dans le processus de socialisation de l’élève et participe à la construction de son identité. Ce lien permet aussi de se retrouver entre pairs, de se rencontrer, et d’échanger.

    D’ailleurs, l’école n’est-elle pas un bien public financée par l’impôt ? Comment accepter qu’elle soit fermée après 18 heures, souvent les samedis et pendant toutes les vacances ? Comment vaincre cette bureaucratie qui empêche d’ouvrir les espaces où les « jeunes » pourraient trouver un sens nouveau à leurs actions, encadrés bien sûr par un personnel compétent et rémunéré.

    S’appuyant sur les recommandations du rapport de la Cour des comptes, on peut espérer quelques changements et en particulier une affectation des professeurs « en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement ». On peut aussi envisager de « mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel et des équipes ».

     

    Ce constat étant posé, on en revient toujours au même. Quand on annonce aux élèves l’absence de leur professeur cela provoque chez eux des cris de joie. Notre système est fortement basé sur un lieu, la salle de classe, un face à face, professeur élèves et des programmes nationaux. Quelques expérimentations peuvent faire la une de la presse locale mais cela reste limité à peu d’établissements.

    L’école Steiner, au Royaume Uni, révolutionne le cadre scolaire par la volonté de travailler autrement à des rythmes différents et en choisissant ses matières. Sans adopter cet extrême, ne pourrions-nous pas faire évoluer cette relation frontale entre professeur et élèves ? Si le TNI (Tableau Numérique Interactif) a remplacé l’historique tableau « noir », il n’en reste pas moins des dispositifs qui ne bougent pas.

    Ne peut-on, à l’instar du système universitaire américain, travailler sur des thématiques et des problématiques que les élèves résoudraient progressivement en utilisant un centre de ressources ? L’apprentissage individuel de la pédagogie par projet pourrait être plus largement mise en œuvre. En effet, comme l’écrit Catherine Reverdy dans un intéressant dossier d’actualité (« Des projets pour mieux apprendre ? », Dossier d’actualité Veille et analyses, n°82, février 2013) de l’Institut français de l’éducation (Ife) :

    « L’apprenant possède des connaissances et des compétences sur lesquelles il va s’appuyer pour construire son projet […] il construit son savoir au fur et à mesure, en faisant et réparant ses erreurs ». Cette pédagogie pourrait se mettre en place dans le CDI (Centre de Documentation et d’Information).

    De plus, nous constatons dans nos pratiques quotidiennes de nouveaux supports pour la lecture et l’écriture. La quête de l’information pour construire un exposé passe par l’utilisation des moteurs de recherche via l’emploi de mots-clés. L’intégration du numérique dans les programmes des disciplines scolaires a été un des thèmes d’une passionnante conférence nationale organisée à Lyon les 21 et 22 mai 2013 et intitulée : « Cultures numériques, éducation aux médias et à l’information ».

    Eric Sanchez (maître de conférences, École normale supérieure de Lyon – Institut français de l’éducation) et Paul Mathias (inspecteur général de l’Éducation nationale) rappellent dans la présentation de leur table ronde (« Cultures numériques : quelles responsabilités de l’école ? ») qu’il « est devenu capital de penser une refondation numérique de l’Ecole et de comprendre comment elle peut se confronter aux évolutions de notre société en s’y adaptant mais aussi en les accompagnant ».

    De nombreuses expérimentations dans l’utilisation de nouveaux supports ont, d’une part, témoigné d’un réel engouement des élèves et d’autre part de la mise en place d’une pédagogie vraiment différenciée. On constate, peut-être avec raison, une grande prudence des collectivités territoriales pour investir dans ces matériels. Comme le souligne Michel Perez (inspecteur général de l’Éducation nationale) : « la responsabilité de l’école sans laquelle celle-ci n’a aucune chance d’entrer dans le numérique, sera de donner aux enseignants les moyens d’être capables de médiatiser l’accès à la connaissance dans ses nouvelles modalités issues du monde numérique ».

     

    De même, il serait temps de favoriser les échanges au niveau européen et de simplifier les procédures d’inscription (voir le programme Comenius).

    Pourquoi ne pas permettre à un professeur de passer trois mois ou plus dans un autre pays de la Communauté européenne. Comment vraiment apprendre une langue sans séjourner dans un pays étranger ?

    L’Europe se fera sur cette prise de conscience que nous appartenons à la même communauté et la barrière de la langue ne sera franchie que par l’immersion complète dans un pays étranger. Et pour finir, comment accepter qu’un jeune professeur lauréat fasse toute sa carrière devant les élèves ?
    Pourquoi les ressources humaines au sein de l’Education nationale en particulier et de l’administration en général sont elles si peu ouvertes aux évolutions de carrière ? N’y a-t-il pas chez certains une lassitude qui s’instaure ? Et comment leur permettre d’évoluer avant une retraite qui s’annonce de plus en plus lointaine…

    Beaucoup de questions sont posées dans cet article qui demanderaient des réponses de bon sens… Mais comme l’écrivait Michel Crozier, dans son livre d’il y a déjà quarante ans (La société bloquée, Le Seuil, 1970), sans une révolution la France est-elle capable de changer ? Puissent ces quelques remarques susciter la réaction ainsi que le débat et l’entreprise ne sera pas totalement vaine…

    Auteur : Philippe CHAVERNAC, professeur documentaliste, LP Gustave Ferrié Paris
    Retrouvez le sur son blog : supercdi.free.fr

  • Les Centres de Connaissances et de Culture : lieu d’apprentissage du numérique ?

    Les Centres de Connaissances et de Culture : lieu d’apprentissage du numérique ?

    130620124fd893bf42eeaUn article d’Olivier Ertzscheid dans Le Monde soulève le débat…
    « Et si on enseignait vraiment le numérique ? » tel est le titre d’un article d’Olivier Ertzscheid publié dans le journal Le Monde du 3 avril 2012 dans lequel il est notamment écrit : « Il faut enseigner la publication. De sa naissance jusqu’à sa mort, le web fut et demeurera un média de la publication ». Entièrement d’accord avec ces propos, cet enseignement pourrait d’ailleurs être dispensé dans un futur Centre de Connaissances et de Culture (CCC). Acronyme nouveau qui remplacera, peut-être, celui que nous connaissons depuis la circulaire du 23 mars 1973, à savoir le CDI.

    L’établissement scolaire, peu de changements depuis de très nombreuses années…
    Si vous prenez Google Maps et que vous zoomez sur un établissement scolaire, que voyez-vous depuis de très nombreuses décennies ? Deux parties : l’une consacrée à l’administration pour le bon fonctionnement, l’autre à la pédagogie où cohabitent des « grands » et ceux qui le sont moins… en d’autres termes : des professeurs et des élèves. Leur « habitat »… n’a pas beaucoup changé… salles de classe avec tables et chaises, l’estrade a disparu à de très rares exceptions près.

    Il faut cependant apporter des nuances, le tableau qui a changé de couleur : du « noir » au blanc et de plus en plus interactif. En effet, l’installation du TNI ou Tableau Numérique Interactif est en train de se généraliser dans les établissements scolaires. Les professeurs qui peuvent les utiliser et qui ont eu une formation pour l’apprentissage de cet outil ne souhaitent plus revenir en arrière. Les éditeurs maintenant proposent des versions allégées, souvent gratuites ou payantes (version « enrichie ») de leurs manuels qui sont projetables sur le TNI. C’est une avancée considérable dans la pédagogie.

    Le Centre de documentation et d’information…
    Souvent central, au « cœur » de l’établissement diront certains… se trouve le CDI ou Centre de Documentation et d’Information. Celui-ci naît à Paris en 1958 au lycée Janson de Sailly à l’initiative d’un proviseur plein d’idées, Marcel Sire (il s’est d’abord appelé le Centre Local de Documentation Pédagogique). Un CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat et à l’Enseignement du Second degré) créé en 1989 donne sa légitimité à cette profession.

    C’est ainsi qu’une nouvelle dénomination apparaît : professeur documentaliste. C’est un enseignant à l’image de son lieu : unique, singulier, sans classe attitrée mais avec élèves, tous les élèves, bibliothécaire et aussi professeur travaillant souvent avec ses collègues des disciplines « classiques ». Le CDI à l’instar de la bibliothèque municipale a de nombreuses ressources « papier » : livres, documentaires, BD, classeurs pour l’orientation,… mais dorénavant il doit faire face à l’accès, via internet, aux ressources numériques en ligne.

    La révolution technologique est en marche…
    Depuis cette date, quelques changements technologiques sont apparus et en particulier la transformation des supports d’information, passage du papier à la digitalisation, permettant d’obtenir du contenu via un contenant accessible à tous, à tout moment et en tous lieux. C’est la « révolution » des réseaux et surtout du premier d’entre eux, le Web ou le réseau des réseaux. L’accès aux livres et à la presse « papier » demeure et cohabitent souvent en bonne harmonie étagères pour les livres ou documentaires et écrans d’ordinateur pour un travail local (traitement de texte le plus souvent) ou l’accès à des ressources numériques (les logiciels documentaires sont maintenant accessibles depuis l’extérieur et donc du domicile des élèves, ils peuvent ainsi prendre connaissance des ressources documentaires de leur CDI). Peu à peu des objets nomades apparaissent : Smartphones, tablettes numériques et autres liseuses à encre électronique…

    Néanmoins l’espace est toujours occupé par les élèves pour travailler en groupe ou en autonomie ou pour une lecture plaisir. Loin d’être déserté, c’est aussi un lieu où le lien social se construit sous le regard bienveillant du professeur documentaliste. L’élève manifeste sa joie quand un professeur est absent, par contre il n’aime guère trouver « porte close » au CDI. C’est tout le paradoxe de la société numérique, il suffit d’une connexion à internet pour accéder au contenu et cela devrait diminuer la fréquentation des bibliothèques, ce qui n’est pas le cas. Toutes les études le montrent, les étudiants ont besoin de lieux physiques (agréables…) pendant leurs scolarités et surtout à l’approche des examens, endroits rassurants qui restent chargés de valeurs.

    L’explosion des réseaux sociaux et de la mise en circulation de l’information…
    Cependant, isoler le monde éducatif de la société n’est plus possible. Si vous fermez la « porte » aux réseaux sociaux ou autres moteurs de recherche, ils rentreront par d’autres « fenêtres » et inlassablement essaieront de capter votre attention pour placer leurs publicités. Nous vivons dans une société dans laquelle l’écran focalise les regards de chacun. Les élèves n’échappent pas à cette marchandisation malgré l’instauration de règlements intérieurs dans les établissements scolaires.

    Pourquoi ne pas ruser, et faire semblant de les utiliser pour transmettre des connaissances ? C’est le moyen de motiver cette population si souvent sollicitée et de plus en plus blasée par tout ce qu’elle peut voir sur tous ces écrans. Ainsi donc, tout n’est pas à jeter avec « l’eau du bain des marchands » d’attention (à lire le livre d’Alain GIFFARD, Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, 2009). On peut apprendre avec les ressources numériques. C’est aussi un accès démocratique aux informations et à la formation.

    Travailler autrement…
    En effet, réseaux sociaux, moteurs de recherche, applications sur Smartphones, encyclopédies et dictionnaires en ligne… changent notre façon de travailler à l’instar du monde de l’entreprise. Travailler en équipe, par projet, individualiser son apprentissage sont maintenant des pratiques à mettre en place ou à généraliser dans les établissements scolaires. Il s’agit juste de trouver un équilibre entre les cours ex cathedra et les méthodes individuelles, actives et connectées aux ressources numériques. Apprendre avec des applications sur Smartphones, se cultiver avec Facebook ou Twitter,… l’imagination est au service des apprentissages et non des outils ou des supports.

    Un simple changement de nom ?
    Derrière ce changement de nom de CDI à CCC, il est peut-être temps de « reterritorialiser » l’école, d’apprendre à nos élèves à utiliser ces outils, savoir rechercher, « publier », identifier, classer,… s’arrêter… prendre du recul. Cette distance est nécessaire pour séparer bon grain, réelle connaissance… et ivraie, entreprise chronophage, déroutante, lucrative et perpétuelle. Si l’élève a de bons reflexes (cela nécessite des apprentissages au numérique peu dispensés pour l’instant dans le monde éducatif), de bonnes méthodes de travail, il pourra travailler à l’acquisition des savoirs sur les mêmes outils chez lui ou dans un Centre de Connaissances et de Culture.

    En conséquence, former les élèves à un usage responsable des TICE (Technologie de l’Information et de la Communication) devrait être une de nos préoccupations majeures. De plus, l’éducation aux médias fait déjà partie de nos programmes, il faudrait développer ce domaine dans toutes les disciplines avec l’appui des professeurs documentalistes. Est-il encore besoin de préciser Centre de documentation ? Le document est partout, multiple, nous vivons entourés de documents comme le montre Jean-Michel Salaün dans son livre Vu, lu, su (La Découverte). Plus que l’information, qui est au centre de notre société, ne devons-nous pas nous occuper de la formation ou des apprentissages au numérique ?

    Connaissances, culture, formation, réflexion,… sont des termes importants dans le monde éducatif. L’acquisition de connaissances transformera nos élèves en personnes cultivées et réflexives. Plus qu’un changement de nom, c’est la volonté de donner un nouveau départ à ces lieux et d’être plus en phase avec la société sans pour autant abandonner les valeurs fondatrices de l’école républicaine.

    Source : Philippe Chavernac, professeur documentaliste, LP Gustave Ferrié, Paris (75)
    Retrouvez le sur son blog : supercdi.free.fr/tablettes

  • La tablette numérique, nouvelle ardoise de l’élève ?

    La tablette numérique, nouvelle ardoise de l’élève ?

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    En effet, elle a rassemblé, outre les membres de l’Education nationale, des collectivités territoriales, des industriels et des éditeurs. La vidéo de Jean-Michel Blanquer (Directeur général de l’Enseignement scolaire) a ouvert le congrès. Ce dernier a rappelé les deux piliers de l’éducation : le tableau noir et le manuel scolaire.

    Ensuite, Jean-Yves Capul (Sous-directeur des technologies de l’information et de la communication pour l’Education – DGESCO) s’est interrogé sur le numérique à l’école à travers différentes questions : est-ce de l’éducation aux médias ? Cela doit-il passer par la validation des compétences telles que nous les trouvons dans des processus certificatifs comme le B2I (Brevet Informatique et Internet) ? Est-ce apprendre à programmer ? Est-ce un véritable enseignement ? Les outils numériques permettent-ils l’écriture ? Pour le sous-directeur des technologies de l’information et de la communication, ces appareils doivent surtout contribuer à l’autonomie des élèves. Ils doivent aussi être des outils de création pédagogique.

    Jean-Louis Durpaire (Inspecteur général de l’Education nationale – Groupes EVS Etablissement et Vie Scolaire) a été le grand témoin de ces deux journées à Nice et a fait une courte introduction. Il a rappelé que la tablette numérique donne de la structure au contenu en apportant du plaisir aux apprentissages et à l’enseignement. Jean-Marc Merriaux (Directeur général du SCEREN-CNDP) a ajouté que l’ordinateur « fixe » a été utilisé pendant 15 ans dans les établissements scolaires et qu’il fallait maintenant intégrer, dans les pratiques pédagogiques, la mobilité procurée par internet et ses outils.

    Après les allocutions d’ouverture, la problématique du colloque a été présentée par Catherine Becchetti-Bizot (Inspecteur général de l’Education nationale – Groupes des Lettres). Elle s’est interrogée sur les usages des supports numérisés ainsi que sur les évolutions des modalités d’apprentissage. Elle a rappelé la « migration » de l’espace social vers la classe de ces nouveaux supports qui entrainent de nouveaux gestes et de nouvelles postures. Ces outils sont-ils porteurs d’innovation et de progrès ou sont-ils des objets de régression ?

    C’est à partir d’une réflexion collective entre chercheurs, partenaires culturels, praticiens et éditeurs que nous devons apporter des réponses à ces problématiques. C’est aussi en fonction des conclusions tirées de différentes expérimentations que nous pouvons entrevoir ce nouveau « paysage » scolaire. Pour Catherine Becchetti-Bizot, la seule démarche possible est d’expérimenter pour éviter toute forme de « fétichisme » de l’objet. Nous devons nous recentrer sur les finalités éducatives : individualisation des apprentissages ? Possibilité de pratiques collaboratives ? Accès à la culture ? Autonomie de l’élève ?… Ces appareils suscitent de nombreuses interrogations quant aux usages possibles dans le monde scolaire.

    La tablette peut se révéler un formidable outil pour des élèves à besoins particuliers comme certaines expérimentations l’ont montré dans l’académie de Nice. La tablette possède des caractéristiques intéressantes : son format, un « écran qui ne fait pas écran », des facilités de prise en main, de nombreuses fonctionnalités,… Elle peut être utilisée dans les séquences à condition que « l’outil ne surdétermine pas l’acte pédagogique sinon le sens n’apparaîtra pas aux élèves ». D’après l’inspectrice générale des lettres, la tablette peut s’avérer plus appropriée à certaines applications, mais elle doit dans tous les cas se « plier » aux objectifs pédagogiques des professeurs.

    Pierre Mœglin (Laboratoire des sciences de l’information et de la communication – Université de Paris XIII) a enchaîné par une communication sur le thème : « Un changement de paradigme pour l’école ? ». Dans un premier temps, il s’est interrogé sur le processus de diffusion des innovations. Assiste-t-on, avec l’introduction des tablettes numériques à un renouvellement paradigmatique ? Telle est la problématique de Pierre Mœglin. Pour lui, l’ardoise numérique assure une triple fonction d’intermédiation. Elle permet d’une part de canaliser et de filtrer face à l’immensité des contenus hétérogènes. D’autre part, elle constitue un « point d’ancrage » de la production des élèves. Enfin, elle est par nature un objet impliquant la réflexion. Il en déduit une relation directe entre la technologie et les apprentissages.

    L’après midi du 5 avril, nous avons eu un rapport sur les expérimentations des académies de Nice, de Grenoble et du département de la Corrèze. Pierre Mathieu (Directeur du CDDP de Corrèze) nous a décrit « son » déploiement. Il ne s’agit pas d’une expérimentation mais d’une dotation de tous les élèves scolarisés en tablettes numériques ou micro ordinateurs portables. Cette véritable généralisation nécessite un accompagnement important.

    Nous avons abordé par la suite les problèmes d’ergonomie cognitive avec Thierry Baccino (Professeur de psychologie cognitive à l’Université de Paris VIII). Il s’agit, avec l’usage de ces appareils, de réfléchir aux interfaces, aux moyens de communication entre l’homme et la machine. Il définit trois critères d’analyse : l’efficacité dans la réalisation des objectifs, l’efficience dans la mesure du temps, pour pouvoir être efficace et la satisfaction après utilisation, pour apprécier un bon usage. La manipulation des ardoises numériques implique certains changements, nous pouvons noter une grande mobilité dans l’utilisation, une posture différente du corps, une interface tactile qui change notre manière d’écrire, de lire et de consulter les informations disponibles sur la tablette. Les impacts constatés sur les apprentissages, sont en particulier une grande motivation, une meilleure attention, une réelle autonomie dans le travail pour les élèves et une activité qui apparait plus concrète.

    Le difficile problème de la numérisation des manuels scolaires a été abordé par Sylvie Marcé (Présidente – Directrice générale des Editions Belin – Présidente du Groupe des Editeurs scolaires et Vice-présidente du Syndicat national de l’édition). Elle nous a rappelé que la tablette était un nouveau support possible pour les manuels. En tant qu’éditrice d’une grande maison, elle a observé la montée en puissance de l’usage des manuels numériques dans les salles de classe grâce, notamment, à l’utilisation des TNI (Tableau Numérique Interactif) ou du matériel de vidéo projection. Les principales fonctionnalités ont été développées pour les professeurs qui peuvent ainsi plus facilement personnaliser et animer leurs cours. Via un compte unique, l’enseignant conserve son manuel numérique qu’il adapte au fil du temps. Des développements futurs pourront porter sur les interactions possibles entre professeur et élève autour du manuel numérique mais aussi créer un espace de travail personnalisable par l’élève qui sera à la fois « livre de référence, cahier d’exercice et outil de travail ».

    Au cours de la table ronde animée par Evelyne Bévort (Directrice déléguée du CLEMI – Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information) : « Tablettes et lieux de cultures, musées, bibliothèques, universités », Jérôme Kalfon  nous a présenté le cas des bibliothèques universitaires (B.U.). L’enseignement supérieur a cette caractéristique de regrouper une pluralité de sources d’information sur une multitude de supports, sources qui sont diffusées par l’intermédiaire de différents modes. On constate une stabilité de la consultation du « papier » et un « passage de l’imprimé à l’imprimante » pour certains documents très adaptés, comme les articles de périodiques.

    En ce qui concerne les livres numériques, le développement est beaucoup plus lent. On peut l’expliquer par la multiplicité des modes de diffusion, par la difficulté de trouver des ressources numériques, notamment pour les ouvrages dont la parution est récente, par les problèmes de gestion des abonnements,… Parallèlement à cela, Jérôme Kalfon (Directeur du service commun de la documentation de l’université Paris Descartes) s’est interrogé sur la définition de la bibliothèque numérique. On peut retenir quelques avantages : l’absence d’étagères, de conservation sur place des documents, de serveurs appartenant à l’institution. De plus, les droits sur le long terme peuvent être remis en question. Donc, pour le directeur de la documentation de Paris Descartes, une bibliothèque numérique peut se résumer à des contrats de licences.

    De nombreux ateliers ont ponctué ces deux jours et beaucoup d’expérimentations fort intéressantes ont été présentées. Nous invitons les lecteurs à se reporter aux actes du colloque qui sont disponibles en ligne.

    Néanmoins, on peut citer différentes disciplines qui ont été mises à l’honneur : les arts plastiques qui mettent en avant le patrimoine local ; l’éducation physique qui donne aux élèves la possibilité de s’auto évaluer ; les langues vivantes qui renouvellent les échanges notamment avec le pays transfrontalier, l’Italie ; les jeux sérieux qui permettent d’apprendre de façon ludique. Les tablettes peuvent aussi donner une nouvelle « jeunesse » aux langues anciennes comme le latin et bien sûr être utilisée au CDI.
    Ce compte rendu ne se veut pas exhaustif, il est un complément des informations que vous trouverez sur le site internet.

    C’est Jean-Louis Durpaire, grand témoin de ces deux journées qui a clôturé ce congrès organisé à Nice. Son intervention a débuté par un bref historique rappelant l’équipement de trois classes en 1991.

    Dix ans plus tard, en 2001, deux niveaux (quatrième et troisième) furent équipés. Actuellement, un peu plus de dix mille tablettes sont utilisées dans de nombreuses expérimentations. Nous constatons une seule généralisation pour un département (la Corrèze). La tablette présente de nombreux avantages (accès à internet, simplicité, ergonomie, autonomie, faible encombrement, individualisation,…) qui peuvent paradoxalement se révéler des inconvénients ou des sources de problèmes (difficulté d’accès au réseau, vol, appareils multifonctions, jeux, applications payantes, prix d’achat, influence du marketing,…). Faut-il pour autant ne pas les utiliser à l’école ? Une autre question se pose concernant les ressources. En effet, l’inspecteur général ayant rappelé la « force historique » des manuels scolaires dans l’Education nationale. Seront-ils toujours pertinents dans les classes face à « l’explosion » des documents numériques ? Et in fine, qui payera l’addition des appareils avec les connexions, les applications, les ressources,… ?

    C’est pourquoi J.-L. Durpaire a émis l’idée de la création d’un consortium ou d’une coopérative d’achats pour faire face à un marché en plein essor. Il s’est interrogé aussi sur la finalité de l’utilisation des tablettes. Sont-elles des sources de progrès  ? Ne doit-on pas utiliser ce que les élèves possèdent déjà ? Beaucoup d’interrogations ont été formulées par ce grand témoin et des pistes d’exploration, de réflexion ont été également proposées. Les tablettes peuvent être des outils d’accès à la culture permettant de créer du lien social entre élèves et enseignants et être utilisées à la fois à l’école mais aussi à la maison. C’est à un changement de paradigme technologique que nous assistons et nous devons repenser les conditions de formation. Les Centres de Connaissances et de Culture  seront, peut-être, le lieu de ce nouveau départ…

    Les valeurs qui sont les nôtres devront perdurer, et en particulier, la laïcité, la neutralité mais aussi la « probité intellectuelle ». Il est aussi nécessaire de former, à la culture de l’information , les collégiens et les lycéens. Les outils nomades doivent « nous conduire à repenser les conditions de formation des élèves ».

    Pour avoir une vision exhaustive sur le colloque : www.ecriture-technologie.fr. Vous aurez tous les détails : les intervenants, les vidéos, publications, bibliographie, commentaires,…

    Retrouvez le travail de Philippe Chavernac sur supercdi.free.fr/tablettes