Étiquette : Nicolas Berthos

  • Les apports de la tablette à la cartographie en classe

    Les apports de la tablette à la cartographie en classe

    Pour des raisons techniques, la cartographie a toujours été, selon moi, une tâche laborieuse à mener en classe au collège:
    •    Photocopies (une ou 2 par élève ? Soucis de collage, découpage, pertes de carte, etc).
    •    Nécessité pour les élèves d’apporter leur matériel (les prévenir une semaine à l’avance, crayons de couleurs/feutres: oublis, emprunts, difficulté de continuité entre les séances).
    •    Gestion de l’erreur (« coloriez la Russie en bleu« … « Non j’avais dit pas au feutre !« … »Non j’avais dit en bleu là tu l’as faite en rouge, vas-y gomme« … »Non, tu débordes sur l’Ukraine et la Crimée là » etc).

    A ceci s’ajoute la liste des difficultés liées à la cartographie en général :
    •    La carte est un outil d’analyse complexe et reste une conceptualisation parfois hermétique pour les collégiens.
    •    Les nombreux choix de création des figurés d’une carte peuvent la rendre illisible une fois terminée. Se pose donc la question de la gestion du retour en arrière (Gommer ? Effacer ? Recommencer sur une autre carte ?)
    •    La distinction entre schéma, croquis et carte doit être explicitée. Le schéma est l’exercice le plus complexe car il demande une analyse et une simplification qui impliquent une compréhension totale d’un phénomène.

    Ainsi, afin de laisser aux élèves une trace corrigée « propre » sur le cahier, la tâche finale en cartographie se résumait souvent à peu de choses près les années précédentes à un exercice de coloriage (ou de recopiage lorsqu’on parle d’un schéma) guidé par le professeur.

    Les contraintes techniques laissaient donc peu de place à l’erreur, la créativité, le brouillon, le retour en arrière, la personnalisation. C’est un problème car la carte est l’outil du géographe, l’essence même de la géo (=Terre) graphie (=écrire). De plus, la cartographie n’est plus aujourd’hui réservée à une élite et touche de plus en plus de monde… Et donc déjà nos élèves! (écouter cette chronique de X. de la Porte: Pourquoi Internet aime-t-il autant les cartes).

    Ne pas éduquer correctement nos futurs citoyens n’est donc pas une option : il faut passer outre ces réels obstacles et rendre cet apprentissage intéressant et efficace.

    Les activités proposées ont pris plusieurs formes.

    Activité n°1: Réaliser un schéma: la ZIP de Rotterdam (Appareil photo + rogner l’image + Snote).

    NBerthos2_240314Après avoir rappelé les différences entre croquis, schéma et carte (programme de 6ème), les élèves sont invités à prendre en photo un croquis présent dans leur manuel : celui de l’espace portuaire de Rotterdam (ZIP). Je leur demande ensuite de rogner cette photo afin de faire disparaître la légende.

    La photo est collée dans l’application Snote. Cette application de Samsung, livrée avec les tablettes pourvues de stylet, permet d’importer des vidéos, des photos, des documents, de dessiner etc. Je pense que l’application Sktechbook peut faire globalement la même chose que cette activité mais nous utilisons principalement Snote depuis le début d’année.

    NBerthos1_240314Je pose ensuite des questions afin d’analyser le document mais les élèves doivent répondre en langage cartographique directement sur la tablette sur la carte. Dans ce premier exercice, je les guide fortement car mon but est de leur faire découvrir les codes de la carte progressivement.

    Exemples de questions: « Avec un point de couleur noire, marque l’emplacement du vieux port« ; « Avec une flèche jaune, marque le sens de l’extension du port » etc.
    Mon but dans cet exercice est de leur faire découvrir ce qu’est une ZIP, en superposant zone portuaire et zone industrielle qui se sont construites en relation avec le développement de la ville.

    Déconnecter le croquis de sa légende me permet aussi d’insister sur le fait que l’un ne va pas sans l’autre. De nombreux élèves étaient ainsi bloqués dans leur analyse avant de comprendre qu’ils devaient se servir de la légende restée sur le livre… Qu’ils avaient fermé!
    Une fois l’exercice terminé, les élèves suppriment la photo qui les a initialement guidés. On se rapproche ici de l’utilisation de SIG en ne laissant apparaître que la couche désirée.

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    Comme lors de l’activité Tellagami, l’accent est mis sur les processus de création: les élèves partagent avec moi par QR code leur production finale et la remédiation se fait avec l’ensemble du groupe classe. Je diffuse au tableau plusieurs schémas ainsi créés afin que nous en dégagions les grandes lignes de la création d’un schéma: simplicité, lisibilité, nomenclature etc.

     

    A la fin de la correction, je leur demande de définir ce qu’est une ZIP. J’ai répété cette activité pour la définition de façade maritime. Les interrogations de leçon à l’oral en début de cours m’ont montré l’efficacité de cette activité dans la compréhension de ces deux phénomènes.
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    J’ai ensuite décidé d’utiliser le réseau social Pinterest pour publier leurs productions. Une fois de plus, malheureusement, je me heurte aux habitudes des élèves: ils sont peu nombreux à avoir consulté le site, un seul s’est abonné à mes publications (ce qui demande toutefois une inscription) et aucun n’a commenté les productions. Tant que je ne les obligerai pas à s’y rendre, cette publication sera inefficace et anecdotique pour eux.

    Vous pouvez voir et commenter les productions des élèves ici

    Cette activité n°1 peut être déclinée de plusieurs manières:
    •    En rognant une photo à l’échelle mondiale, j’ai demandé aux élèves de ne laisser apparaître que les 3 pôles principaux du commerce mondial en vue d’en réaliser le schéma. Le rognage des espaces secondaires du commerce mondial était visuellement très efficace.
    •    La photo prise avant schéma peut aussi être une capture d’écran de google Earth ou géoportail (application edugeo). Cela évitera que certains élèves se contentent de recopier le croquis du livre sans véritablement répondre aux questions…

    Activité n°2: comprendre la méthode de création d’une carte et l’appliquer: comment cartographier l’utilisation de l’espace mondial par une FTN ? (Tellagami, Snote, leçon sur le cahier).

    Pour cette activité j’ai mis en place quelque chose que je voulais tester depuis longtemps : une classe crée un tutoriel après la première activité (ici : créer la légende d’une carte). La deuxième classe se sert ensuite de ce premier tutoriel et ajoute une autre vidéo, complémentaire de la première. Enfin, la troisième classe regarde les deux vidéos précédentes et ajoute la sienne en incluant les éléments manquants. Les élèves se sont donc servis de l’application Tellagami pour ces vidéos explicatives.

    Malgré quelques maladresses, l’ensemble est largement compréhensible.

    Nous avons ensuite posé la problématique suivante : comment cartographier l’utilisation de l’espace mondial par Apple ? (qui est donc le IV de la leçon). A partir des vidéos tutorielles, les élèves ont été invités à reprendre leur leçon et, dans la marge définir un figuré pour chaque élément que nous allions cartographier.

    Chaque élève a ensuite importé dans Snote un fond de carte de son choix à l’échelle mondiale (ceux d’A. Houot sont particulièrement utiles) et réalisé cette carte.

    Ici, hormis les vidéos tutorielles qui ont rendu les élèves auteurs, l’utilisation des cartes est assez classique mais on retrouve les avantages fonctionnels habituels de la tablette: personnalisation, retour en arrière, partage par QR code etc.

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    Activité n°3 : les nouvelles formes de cartographie: ajouter des photos, des vidéos et des commentaires audio à une carte (Snote)

    Cette troisième activité intervient lors du thème concernant les mobilités humaines. L’étude de cas choisie est « Les migrations Maroc-Espagne« . Dans ce thème, il m’a toujours paru intéressant de faire constater aux élèves que la frontière entre le Maroc et l’UE s’est déplacée : les contrôles ne se font plus dans le pays d’arrivée (Espagne) mais bien sur la rive sud de la méditerranée, au Maroc.

    Les années précédentes, après avoir visionné une partie du documentaire El Ejido, j’avais tenté d’enseigner la notion de frontière à l’aide de schémas mais je dois avouer que selon moi, seuls les élèves les plus doués avaient pu comprendre et réinvestir ce que je leur avais appris.

    L’idée de base étant complexe (déplacement d’une frontière), j’ai pensé qu’elle serait plus facile à appréhender à l’aide de repères visuels.

    Après avoir importé sur Snote une carte de la méditerranée, les élèves ont placé cette vidéo directement sur la carte, en Espagne. Le cours s’est ensuite concentré sur le contrôle des migrations clandestines : sur terre et sur mer. Une fois les documents analysés, les élèves ont collé une photographie du poste frontière au Maroc et une photographie de clandestins dans une embarcation de fortune sur la mer. Ils ont enfin complété la carte comme ils font habituellement (carte + légende).

    Il est en outre possible d’ajouter des commentaires audio à cette carte (témoignage d’un migrant, explications d’un élève, extrait de la chanson Clandestino de Manu Chao…).

    Il me paraît assez clair que ces 3 repères visuels ont été très efficaces pour la compréhension du document. L’objectif d’apprentissage est donc mieux réalisé que l’an dernier. Je ne l’ai pas testé par faute de temps, mais ici aussi il est possible de transformer ce croquis en schéma en supprimant la carte et en complétant la figure ainsi obtenue (voir activité n°1).

    Un bilan très positif

    Avantages :
    •    Débarrassé des contraintes techniques, j’ai pu multiplier le nombre de cartes réalisées en cours (une par heure de cours environ). C’est un avantage décisif pour la géographie au collège.
    •    Les élèves sont enthousiastes à l’idée de réaliser une carte, d’utiliser l’appareil photo en rognant les images etc (activité 1). C’est un argument dont je pensais ne jamais me servir mais force est de constater qu’ils ont vraiment aimé faire des cartes.
    •    Je ne sais pas si c’est une conséquence directe de cette empathie mais certains (5) élèves qui habituellement rendent feuille blanche lors des contrôles ont rendu feuille blanche… Mais ont fait le travail demandé sur la tablette!
    •    Une fois de plus, le stylet s’est révélé indispensable pour le dessin. C’est un outil de précision qui représente une réelle différence avec l’ordinateur. A l’empathie de la création de carte s’est ajoutée l’empathie du dessin et de la personnalisation des figurés etc.
    •    Snote est dotée d’un outil de reconnaissance des formes. Les élèves dont la dextérité et la qualité de dessin ne sont pas forcément évidentes ont ainsi pu rendre des cartes « propres » et belles une fois l’outil maîtrisé.
    •    Quelques élèves (3 mais c’est déjà une victoire) ont pris l’initiative de créer un schéma sur leur cahier alors que je ne leur demandais pas. La tablette m’a permis de prendre en photo ces productions, de les partager avec le reste de la classe afin d’en discuter les points forts et les points faibles.

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    Limites :
    •    La limite principale est toujours la même: comment les élèves peuvent-ils récupérer leurs productions ? Lorsqu’il s’agit d’une simple image c’est déjà problématique : je ne peux pas récupérer 180 cartes (une par élève) et les publier sur un site ensuite. Les partager sur l’ENT est trop fastidieux et trop complexe (absence du bouton partager avec l’ENT sur la tablette, perte de codes des élèves, pas d’accès à internet à partir de leurs tablettes).

    La solution serait qu’ils puissent les récupérer directement sur leur téléphone (QR code) mais c’est interdit et certains élèves n’en possèdent pas. Mais ici, avec l’activité 3, les fichiers ne sont plus de simples images puisque nous avons inclus des vidéos et commentaires audio, ce qui complexifie encore plus la récupération.

    Il est grand temps que l’Education Nationale s’empare réellement de ces limites techniques qui minent le travail des professeurs au quotidien. J’y reviendrai dans un billet futur concernant le BYOD.

    Au final, les élèves ont eu un contrôle sur tablette dont je vous laisse voir certains résultats ici. Si la carte à réaliser était finalement assez simple, les notes sont largement supérieures à celles de l’an passé.

    Que cela soit un reflet ou non d’une meilleure compréhension, je considère qu’avec les tablettes les progrès de mes élèves en cartographie ont été flagrants cette année.

    Plus d’infos :
    Le blog de Nicolas : http://theraphproject.blogspot.fr/

  • Modifier au statut de l’erreur en classe : l’exemple d’un cours avec l’application Tellagami

    Modifier au statut de l’erreur en classe : l’exemple d’un cours avec l’application Tellagami

    J’inaugure cette série « faire cours avec » avec une application découverte il y a 15 jours grâce à edulogia et dont je trouve l’efficacité redoutable: Tellagami. Le programme permet la création d’une vidéo composée d’un avatar (appelé « gami« ) qui présente un arrière plan modifiable (photographie, tableau etc).NicBerthos_usagetablette_130114
    On ajoute ensuite un enregistrement vocal dans un temps donné (30 secondes max). Le tout s’enregistre au format vidéo Mp4 qui est ensuite exportable de manière tout à fait classique.

    Plus-value pédagogique attendue
    • Travail de groupe : créer un résumé de l’exercice avant de le dire à l’oral.
    • Entraînement à l’oral avec la possibilité de recommencer plusieurs fois.
    • Implication des élèves : par la personnification de l’avatar et la responsabilité de produire un résumé pour toute la classe.
    • Réinvestissement du vocabulaire ou des notions découverts dans l’exercice.
    • Diffusion de la création au reste de la classe : débat sur les points positifs/négatifs de la création, améliorations possibles.
    • Jouer sur la créativité des élèves (personnification de l’avatar, choix de l’arrière plan).
    • Rendre les élèves acteurs de leur cours: j’intègre ces vidéos à mes résumés de cours disponibles sur Youtube. Dans un deuxième temps je pense faire créer ces vidéos en amont des cours par les élèves et que le reste de la classe s’en serve comme document.
    Apport des tablettes
    • Travail sur différents supports (créer un résumé à l’écrit, l’enregistrer à l’oral, voir le résultat final en vidéo).
    • Possibilité d’un travail en groupe à part dans l’espace classe grâce aux écouteurs et kit main libres. Possibilité de sortir de la classe pour l’opération d’enregistrement du résumé à l’oral.
    • Prise de photo du document étudié sur le manuel scolaire.
    • Capture d’écran d’une vidéo pour en faire l’arrière plan que l’on va commenter.
    • Possibilité de recommencer une tâche autant de fois que les élèves veulent.
    • Diffusion de la production des élèves à l’ensemble de la classe pour discuter de la pertinence des choix de production.
    Mise en place en classe et évolution de ma pédagogie:
     
    Dans un premier temps, j’ai essayé de faire réaliser un Tellagami à l’ensemble de la classe, chacun sur sa tablette. A la fin d’un exercice, au lieu de rédiger une synthèse, les élèves étaient amenés à réaliser cette vidéo. Rapidement j’y ai vu quelques limites qui m’ont fait changer ma pratique.
    • Premièrement, j’en reviens toujours aux problèmes techniques qui peuvent empoisonner notre pratique pédagogique : l’utilisation de l’application est gourmande en batterie, je ne peux donc pas l’utiliser sur les journées trop longues (+ de 4h).
    • Ensuite, faire un résumé est une tâche assez complexe pour un élève de 4ème. Je ne pouvais pas tous les aider en même temps, d’autant plus que leur production étant à l’oral, je devais au préalable écouter avec eux l’ensemble de leur présentation. Cette tâche étant beaucoup trop fastidieuse et complexe, j’ai opté pour une autre solution.
    • Enfin, je n’étais pas satisfait du format: même si elles durent uniquement 30 secondes, impossible pour moi de regarder toutes les vidéos par conséquent la remédiation en classe était infaisable. Chaque élève produisant son propre gami en même temps que les autres, ma pédagogie était contrainte : je devais collecter quelques vidéos (3 ou 4), les montrer à toute la classe pour déceler les points positifs et points négatifs puis… Plus rien.Les élèves voulaient reprendre leur vidéo, la corriger, recommencer sans les erreurs mais cela était impossible matériellement. Or, je considère que le numérique permet de travailler efficacement sur les erreurs des élèves. En effet, la diffusion de leurs productions à l’ensemble de la classe permet à chacun de mesurer l’écart avec ce qui était attendu, de discuter de la pertinence de certains choix etc.

    Afin de travailler sur une amélioration de la qualité des vidéos, j’ai donc modifié ma pratique. Les élèves sont d’abord amenés à analyser un document dans un cadre classique (questions/réponses). Les mots-clés ou notions sont écrits au tableau lors de la correction. L’ensemble de la classe passe alors à la suite du cours (écriture de la leçon, visionnage d’une vidéo ou autre) tandis qu’un groupe d’élèves (3 ou 4) est chargé de produire le résumé pour le reste de la classe.

    Ils travaillent à part, ont un temps limité pour réaliser la vidéo (5 minutes pour la personnalisation du gami, 10 pour la création du résumé, 10 pour l’enregistrement de la vidéo). A la fin de la séance, je diffuse leur production et nous la commentons oralement. Je publie ensuite à l’intérieur de mes cours (sur Youtube) ce résumé.

    Les élèves qui ont produit cette vidéo devront rattraper le cours à l’aide de mes vidéos sur Youtube. Dans la vidéo suivante on voit la classe travailler à un exercice puis, dans le coin, 5 élèves faire leur Tellagami (on voit d’ailleurs très clairement 2 élèves ne pas travailler à la création du résumé, ce qui m’a encore plus convaincu de restreindre le groupe à 3 élèves).

    Dans un troisième temps, je souhaiterais que les classes utilisent cette vidéo (révision avant contrôle, découpage et modification de la vidéo, insertion dans un document muti-format, publication sur un réseau social).

    La progression de la qualité des productions me semble intéressante, ce qui me fait penser que cette phase de remédiation (fin de séance) porte ses fruits et permet réellement de faire avancer les élèves. Je pense aussi que le format (vidéo, oral mais l’élève ne se « montrant » pas) est un atout supplémentaire.

    La suite à voir sur :

    Exemple de réalisation d’élèves et commentaires à voir sur le blog de Nicolas Berthos ici