Étiquette : esprit critique

  • Book-trailer et booktubes, devenir un lecteur-acteur

    Book-trailer et booktubes, devenir un lecteur-acteur

    A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 14ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Partages, échanges & contributions avec le numérique ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mardi 22 août.

     

    Caroline Gerber et Sandrine Geoffroy présenteront « Book-trailer et booktubes, devenir un lecteur-acteur » sur la session II : Ressources, jeux & contenus

     

    Problématique pédagogique :

    Les élèves sont aujourd’hui de grands consommateurs d’images du fait, entre autre, d’une utilisation accrue des différents supports numériques (smartphone, tablette, ordinateur).

    Le visionnage de vidéos par exemple, facile et rapide, prend ainsi souvent le dessus sur le lire et la lecture activité déjà souvent considérée comme chronophage pour les adolescents, et en concurrence avec d’autres. L’acte de lire est également souvent associé à une activité longue, parfois contraignante et surtout solitaire.

    Par ailleurs, engager nos élèves sur le long terme dans un projet de lecture mais surtout les maintenir et les motiver autour de ce projet, tout au long de l’année n’est pas chose aisée.
    Autre constat, l’utilisation des outils numériques par les adolescents se fait mais sans réel recul critique ni attention aux droits liés à leurs usages et à l’Internet (image, voix, musique, auteur…).

    Comment permettre aux élèves de passer de la posture de lecteur à celui de lecteur-acteur, par la production de contenus en lien avec la littérature ? Comment enrichir l’expérience de lecture en ajoutant des contenus numériques aux ouvrages papier ?
    Comment favoriser une posture critique et citoyenne des élèves face à leurs pratiques numériques ?
     

    Apport du numérique :

    Le numérique dans ce projet est à la fois outil et objet d’apprentissage à travers :

    • Des outils : tablette, applications de production (Imovie, Prezi, Moovly, Google drive ou Framapad…)
    • Des objets : media social YouTube, booktube, book-trailer (bande annonce de livres), droits (image, voix, musique, auteur)

     

    Relation avec le thème de l’édition :

    Ce projet s’inscrit tout à fait dans le thème de l’édition, “Partage, échange et contribution avec le numérique” :

    • Partage et contribution avec une communauté de lecteurs/jury littéraire via une chaîne YouTube.
    • Ecriture collaborative afin de construire un scénario.
    • Pédagogie coopérative par le travail de groupe.
    • Partage et échange avec des écrivains à partir des productions numériques réalisées.

     

    Synthèse et apport du retour d’usage en classe :

    On constate que les élèves sont plus impliqués dans la lecture des ouvrages sélectionnés. Ils sont motivés à l’idée de produire des contenus originaux et créatifs répondant aux codes d’un booktrailer et d’un book tube.

    Ces productions sont partagées sur internet (blog de classe, site de l’établissement, pages des réseaux sociaux du CDI, notice du livre correspondant dans le portail documentaire Esidoc…) et même commentées lors d’une rencontre avec un des auteurs.

    Les élèves travaillent par ailleurs des compétences (français, EMI), tout en développant des capacités à travailler en équipe, à s’organiser dans un projet, à partager et écouter leurs points de vue. Le travail de groupe a nécessité la répartition des tâches, et donc d’utiliser un document collaboratif pour avancer leur projet en dehors des heures de classe, ce qui a développé leur autonomie et leur a permis de s’approprier le projet.
     
     
    Plus d’info sur Caroline Gerber et Sandrine Geoffroy
    Retrouvez tous les articles sur Ludovia#14 et toutes les présentations d’ateliers sur notre page www.ludovia.com/tag/ludovia-2017

     
     

  • Le théâtre au service du numérique, le numérique au service du théâtre

    Le théâtre au service du numérique, le numérique au service du théâtre

    A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 14ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Partages, échanges & contributions avec le numérique ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mardi 22 août.

     

    Valérie Boucher présentera « le théâtre au service du numérique, le numérique au service du théâtre » sur la session I : Culture numérique & codes

     

    Problématique pédagogique :

    Une courte vidéo de présentation du projet est disponible sur youtube.
    Après l’immigration clandestine, l’équipe du collège Fernand Léger de Vierzon a souhaité aborder un autre sujet de société : les libertés.
     
    S’inscrivant pleinement dans les parcours d’éducation citoyenne, artistique, ainsi que dans le projet d’établissement, le nouveau d’atelier artistique projet vise à la fois à développer une culture artistique, une culture numérique ainsi que des compétences civiques.
     
    Lors de la préparation de ce projet, il nous est apparu essentiel d’établir une connexion entre le théâtre, les enjeux actuels tels que le développement des nouvelles technologiques, les libertés individuelles et collectives face à la menace terroriste. C’est pourquoi nous avons choisi le thème de la liberté, pris dans un sens très large.
    Un atelier artistique pour comprendre les enjeux de notre monde.
     
    Nous avons souhaité, dans le prolongement de l’éducation morale et civique, faire comprendre aux élèves de l’atelier comment les œuvres théâtrales interrogent le monde et font écho aux grandes questions de notre civilisation.
     
    Comment préserver les libertés individuelles et collectives dans un monde où les données personnelles ont pris une valeur marchande ? Quels dangers la menace terroriste fait-elle peser sur les libertés ? Comment prendre conscience des enjeux civiques de l’usage de l’informatique et de l’Internet et adopter une attitude critique face à leur utilisation ?
     

    Un atelier artistique pour faire le lien entre les arts :

    Les thèmes de la surveillance, de la liberté, du contrôle des populations dans les régimes totalitaristes, et des enjeux de l’utilisation massive des nouvelles technologies sont abordés à travers différents supports artistiques et numériques :
    a) Cache-Cache, Eric Pessan (pièce de théâtre qui sera mise en scène par Caroline de Vial et Valérie Boucher)
    4e de couverture : « Au début, il y avait des écrans et des caméras partout, à la maison, dans la rue, dans vos téléphones et vous étiez contents. Puis les écrans ont commencé à vous épier, à enregistrer chacune de vos paroles, de vos actions, de vos traces, à interpréter votre façon de marcher, votre rythme cardiaque, à détecter la moindre intonation suspecte. Même les yeux des passants sont devenus des caméras. Comment en finir avec ce système ? En devenant invisible. Pas facile » ;
    b) Matin Brun, Franck Pavloff (nouvelle du XXe abordant la question du régime totalitaire) ;
    c) Grand peur et Misère du IIIe Reich (tableau 10 « Le mouchard »), Berthold Brecht (scène sur la peur de la dénonciation et les dérives du régime nazi) ;
    d) Minority Report, Steven Spielberg. (film de science-fiction dont l’histoire se situe en 2054 et qui montre une société du contrôle et de la surveillance).
    e) Extraits de 1984, Georges Orwell (Roman d’anticipation dont la principale figure principale, Big Brother, est une figure métaphorique du régime policier et totalitaire, de la société de la surveillance, ainsi que de la réduction des libertés).
    f) Lecture de Le Passeur, Loïs Lowry (Roman d’anticipation traitant d’une société idéale mais dépourvue de liberté).
     
    On remarquera ici qu’il s’agit de faire le lien entre les dérives totalitaristes passées et les dangers pressentis par les œuvres d’anticipation.
     

    Plus-value attendues :

    Plus-value pour les élèves
    1. Education artistique :
    Dans le prolongement de l’atelier de l’année précédente, nous tentons de poursuivre le développement d’une culture de la sensibilité chez les élèves en leur permettant de s’émouvoir, s’enthousiasmer et s’indigner. De par le thème retenu, nous espérons pouvoir faire ressortir le lien entre les arts et leur forte charge argumentative.
     
    Par ailleurs, nous avons maintenu l’Ecole du Spectateur avec 6 sorties au théâtre. Les spectacles sont pour nous l’occasion d’analyser plus finement les pièces vues en amorçant le travail sur les aspects techniques (par exemple techniques de jeu, de lumière, de son), en favorisant les « bords de plateau » et les rencontres avec les metteurs en scène afin d’enrichir le spectacle final et contribuer à l’élaboration d’une culture artistique de première main.
     
    Par ailleurs, les compétences individuelles des élèves sont mises en valeur :
    – utilisation d’une marionnette par un élève marionnettiste ;
    – composition d’une partie de la bande-son par un élève batteur qui joue de la batterie sur scène, et par d’aures élèves qui ont une pratique musicale personnelle.
    – composition de la musique du spectacle sur GarageBand par les élèves.
     
    2. Education citoyenne :
    a) vivre ensemble :
    Le projet se fait en partenariat avec une école primaire : l’ULIS de l’école Puits-Bertheau de Vierzon. Il s’agit de travailler sur le vivre-ensemble et développer un travail commun avec les élèves d’ULIS en grande fragilité sociale, éloignés de la culture de l’écrit, la lecture, le théâtre et les arts en général. Le croisement des collégiens au parcours «classique» et des élèves d’ULIS se révèle source d’enrichissement pour chacun. Les élèves se sont rencontrés une première fois à l’Abbaye de Noirlac pour une visite du lieu. Un système de parainage a été mis en place dans la foulée qui a donné lieu à une correpondance entre les établissements, papier et numérique par l’intermédiaire de petits films réalisés par les collégiens. Les élèves d’ULIS se sont rendus au collège par la suite pour une matinée d’initiation au théâtre assurée par les collégiens. Le but était à la fois de responsabiliser les collégiens, leur faire prendre la mesure des compétences acquises ces deux dernières années, et amorcer le travail d’initiation qui sera mené à destination du niveau 4e lors de la Semaine du Théâtre. Les élèves d’ULIS, ne pouvant être présents au plateau, ont travaillé sur de petites formes filmées diffusées lors de la représentation, lesquelles ont été captées par les collégiens.
     
    b) Education aux médias:
    Dans une société marquée par l’abondance des informations, notre souhait est d’apprendre aux élèves à devenir des usagers des médias et d’internet conscients de leurs droits et devoirs et maîtrisant leur identité numérique, à identifier et à évaluer en faisant preuve d’esprit critique, les sources d’information à travers la connaissance plus approfondie d’un univers médiatique et documentaire en constante évolution. L’Equipe Mobile de Sécurité du Cher, chargée de l’éducation aux médias fut un partenaire privilégié de l’atelier dans le cadre de l’EMI et permettre un recul sur les risques hypothétiques exposés dans la pièce Cache-Cache. Elle est intervenue à le suite du parcours EMI proposé aux élèves en classe inversée.
     
    Ce parcours, intitulé « Quelles traces laissons-nous sur Internet et à qui profitent-elles ? » a été créé par Valérie BOUCHER sur la plateforme Education & Numérique et visait à initier les élèves aux enjeux des données. La classe inversée s’est ici imposée comme une pédagogienaturelle, l’atelier ayant lieu sur deux niveaux (4 e, 3e). Des élèves de 4e, qui assisteront à la pièce en fin d’année, ont également suivi ce parcours.
     
    Parcours n°1
    Parcours n°2
    Parcours n°3
    Parcours n°4
     
    Par ailleurs, les élèves contribuent largement à la mise en scène du spectacle en mobilisant des compétences informatiques :
    – programmation d’un drône en classe de mathématiques (le drône figure la surveillance généralisée) ;
    – composition de la bande-son du spectacle grâce à diverses applications sur Android et iOs)
    Plus-value pour l’équipe/ l’établissement.
     
    Il s’agit cette année d’entamer une réflexion sur l’EMI qui sera relayée sur des heures de vie de classe en lien avec les CPE en fin d’année. La représentation finale de Cache-Cache, à destination des élèves de 4e du collège, sera le support de la réflexion. Ainsi, le travail de l’atelier artistique serait l’occasion de sensibiliser tout un niveau de classe du collège.
     

    Indicateurs et modalités retenus pour évaluer le projet

    Nous avons souhaité que les élèves de l’atelier se mettent en lien avec le Conseil de Vie Collégienne et co-animent en fin d’année un débat sur l’usage des nouvelles technologies en vie de classe dans les niveaux 4e après la représentation de la pièce au sein du collège. La qualité de leur animation par le réinvestissement de la réflexion menée toute l’année pourra constituer l’un des indicateurs d’évaluation. En effet, prendre part à un débat fait partie des compétences visées par l’Education Morale et Civique et croise les compétences orales du programme de français.
     

    Nombre d’élèves concernés

    Nombre d’élèves prévus pour l’atelier :

    • 4e : 9 élèves
    • 3e : 10 élèves

     
    Autres niveaux de classes engagés dans la réflexion :

    • Ecole primaire Puits-Bertheau : travail théâtral avec la comédienne, initation au théâtre par les élèves de l’atelier, comédiens grâce à une captation diffusée pendant la représentation ;
    • Ecole primaire Jean Turpin : lecteurs de Cache-Cache, spectateurs lors de la résidence à La Décale ;
    • Niveau 4e : initiés au théâtre par les élèves de l’atelier pendant la Semaine du Théâtre ;
    • 4e : spectateurs de la pièce, participants au débat ;

     

    Disciplines engagées dans l’action

    – Mme Valérie Boucher : responsable de l’atelier / enseignante de Lettres Modernes / certifiée en théâtre dans l’académie d’Orléans-Tours / référente numérique de l’établissement / Formatrice numérique dans l’académie d’Orléans-Tours.
    – Mme Johanne Labro : enseignante- documentaliste, co-animation de l’atelier ;
    – Professeur de mathématiques : programmation par les élèves du drône qui survolera la scène.
    – Deux professeurs d’Histoire pour faire le lien avec l’enseignement des régimes dictatoriaux et l’EMC sur les libertés ;
    – Vanessa Kotz: personne-ressource pour la conception des musiques originales de la pièce sur tablettes Android et iOs par les élèves de 3e.
    – CPE, responsable du Conseil de Vie Collégienne.
     

    Développement de chaque phase significative du projet

    – Septembre – début novembre :
o Lecture/visionnage des différentes œuvres ;
o Travail de plateau (exercices d’écoute/voix/chœur/texte adressé/corps dans l’espace) ;
    – Septembre – juin :

    • Intervention de l’artiste Caroline de Vial : 70 heures réparties sur l’année entre le collège et l’école Puits-Bertheau ;
    • Intervention de la Brigade Mobile de Sécurité pour une sensibilisation à la Cyber-Criminalité, à la protection des données personnelles et à l’identité numérique ;
    • Venue des élèves d’ULIS au collège pour une 2e rencontre avec les collégiens ;
    • Résidence au Mac Nab
o 6 sorties au théâtre (Mac Nab de Vierzon)

    – Fin-mai et début-juin:

    • Représentation publique le 24 mai au soir ;
    • Représentation à destination des 4e du collège le 24 mai en matinée ;
    • Deux représentations au festival Les Futurs de l’Ecrit (festival régional pluri-disciplinaire) sur le week-end du 3 et 4 juin;
    • Organisation d’un débat sur l’usage des nouvelles technologies dans le niveau 4e;

     

    Partenariat :

    – Théâtre le Mac Nab, Vierzon ;
    – Caroline de Vial employée par Le CCR Abbaye de Noirlac;
    – Equipe mobile de sécurité du Cher, conseillers auprès de la rectrice d’Orléans-Tours.
     

    Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée :

    Il ne s’agit pas ici d’une entrée par l’outil, mais bien une entrée pédagogique qui vise à acquérir une culture numérique. Des outils sont bien-entendu utilisés, mais il ne s’agit pas de la compétence principale, voici les apports des pratiques liées au numérique dans ce projet :
    -Les élèves apprennent à collaborer : ils ont mis en place une correpondance entre les deux établissements, notamment numérique par l’intermédiaire de petits films qu’ils ont réalisés.
     
    -Les élèves sont créateurs :
    ils composent la musique du spectacle sur GarageBand et une application similaire sur Android.
    ils réalisent la captation de petites formes filmées mettant en scène les ULIS, lesquelles seront diffusées lors de la représentation.
     
    -Ils prennent en charge la compréhension de la pièce travaillée via le parcours, intitulé « Quelles traces laissons-nous sur Internet et à qui profitent-elles ? » a été créé par Valérie BOUCHER sur la plateforme Education & Numérique. Grâce à ce parcours, les élèves contribuent largement à la mise en scène du spectacle, il a été complété par l’intervention de la Brigade Mobile de Sécurité (sensibilisation à la Cyber-Criminalité, à la protection des données personnelles et à l’identité numérique).
     
    -Ils font le lien entre les différentes matières avec la programmation d’un drône en classe de mathématiques (le drône figure la surveillance généralisée)

    Relation avec le thème de l’édition :

    Ce projet vise à exalter une culture du partage : partage d’une culture artistique, des professeurs vers les élèves (avec l’enseignement du théâtre), des élèves vers les professeurs (avec les apports artistiques, notamment musicaux), des élèves vers les élèves (avec la prise en charge des « élèves ULIS filleuils » par les « parrains collégiens » qui les initient au théâtre). Le partage se fait à tout niveau, et nous tendons vers une horizontalité plus importante : chacun peut apporter au projet, ce n’est pas l’enseignante ni la comédienne qui imposent une compréhension du texte théâtral mais bien les élèves qui, ensemble, contribuent à l’éboration de la mise en scène et font état d’une compréhension partagée des enjeux de la pièce.
     

    Synthèse et apport du retour d’usage en classe :

    On constate dans ce projet une énorme implication des collégiens : leur sens des responsabilités est exacerbé par la collaboration avec des élèves en situation de handicap. Eux-mêmes peu scolaires, ils projettent les attentes de l’institution sur ces jeunes élèves et font preuve de tout le sérieux qu’ils ne mettaient jusque là pas en pratique dans la classe traditionnelle.
     
    Le fonctionnement en classe inversée, indispensable pour un double niveau, s’est révélé un bon levier de motivation. Les élèves ont construit en amont les compétences et connaissances nécessaires pour comprendre l’intervention de l’équipe de sécurité qui a évoqué avec eux le Big Data.
    Les élèves sont extrêmement investis dans la mise en scène de la pièce Cache-Cache et font beaucoup de propositions.
     

     

    Plus d’info sur Valérie Boucher
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  • Face au “complotisme” : éduquer à l’esprit critique, pour mettre des mots entre les diapos

    Face au “complotisme” : éduquer à l’esprit critique, pour mettre des mots entre les diapos

    Il reste qu’une présentation ne se suffit pas à elle-même, surtout quand on parle de complot.

    Je me suis dit qu’il serait intéressant de vous laisser cette porte ouverte afin de vous ouvrir la trappe et le chemin qui m’ont conduit à produire ce qui reste un simple support de présentation. Je vais essayer au travers de ces quelques lignes de vous retracer l’élaboration de ma scénarisation pédagogique pour éduquer à l’esprit critique face au complot, entre autres.

    Un essai de définition

    Mon premier geste était de me constituer un portrait robot du “complotiste”. Je suis un enfant des années 1980 / 1990 et j’ai, comme beaucoup de ma génération, un goût prononcé pour les séries.

    La mère de toutes les séries modernes est pour moi X-Files, le seul rendez-vous qui m’empêchait de sortir le samedi soir. A l’époque, je ne pouvais penser à aucun moment qu’elle serait d’une aide incroyable pour appréhender le complotisme. Il reste qu’elle rassemble une grande partie des “mantras” de la théorie conspirationniste.

    Le Pitch comme grille de lecture

    Je sais que tout le monde connaît mais un petit retour sur l’histoire pour nous rafraîchir la mémoire (Non, pas de spoiler ici !). Fox Mulder est un agent du FBI chargé des dossiers non résolus. Il enquête pour cela à l’aide de sa collègue : l’agent Dana Scully. Tous les deux forment les deux faces d’une même pièce entre rationalité et empirisme. Le problème est que ces deux agents vont devoir, très vite, affronter un monde trouble empli de zones d’ombres.

    Mulder est un frère traumatisé par l’enlèvement de sa soeur qu’il attribue aux extra-terrestres. Comme l’affiche de son bureau le dit “I want to beleive”,  il fait sien ce slogan. Cet homme est guidé par une conviction : le gouvernement ment sur ce qui s’est passé à Roswell en 1947 à travers une version officielle farfelue. S’il ment sur ce sujet, le mensonge est général. Il doute alors de tout, guider par la conviction que lui seul détient et accouche de la vérité. Sa conviction se renforce au moment de l’enlèvement de la cartésienne Scully.

    Ils se rendent compte qu’elle a été contaminée à l’Huile Noire. Cet agent chimique aurait pour objectif de mettre en esclavage l’humanité au profit des extra-terrestres. Ce complot est soutenu par une officine clandestine dirigée par l’Homme à la cigarette. Heureusement pour Dana et Fox que les Lone Gunmen, citoyens sentinelles, diffusent rumeurs, intox ou informations secrètes pour les aider dans leur combat. (Le spoiler a été évité de justesse !).

    Si la vérité est ailleurs, les “mantras” du complot sont là.

    Un retour sur l’histoire :

    Rumeurs, intox (hoax), informations secrètes, officines clandestines (false flag), agent toxique (chemical trail),  version officielle… N’avons-nous pas tous les ingrédients du complotisme ?

    Dans nos sociétés, il faut toujours un diable qui permet d’expliquer l’inexplicable. Le souffre-douleur permet souvent de calmer les angoisses. La foule, en s’en prenant à ces populations, vit une expérience cathartique. En 1821 à Odessa, à la suite d’une rumeur concernant la participation de Juifs au meurtre du patriarche gréco-orthodoxe Grégoire V de Constantinople, un pogrom est organisé dans la ville. C’est un peu la parabole des “caquins ou caquous” de Bretagne ou les “cagots” dans le Sud Ouest de la France. Frappés de la marque indélébile de la lèpre, les “caquins” vivaient comme des proscrits. Ces populations victimes d’une forme de ségrégation étaient toujours regardées comme “des personnes louches”.

    Il s’agit souvent de petits groupes, de minorités stigmatiseés qui centralisent la vindicte (C’est vrai, des gens qui fabriquent des cordes pour les pendus, faut s’en méfier. C’est sur, ils complotent. Et puis, c’est pas comme si personne ne voulait le faire). Le parallèle est facile à faire avec le complot juif des Protocoles des Sages de Sion monté de toutes pièces par l’Okhrana. C’est la peur millénariste de l’extinction ou de la contamination finale.

    Paranoïa et sentiment de détenir la vérité

    Le principal problème quand on envisage de travailler sur l’esprit critique face au complotisme est que les complotistes ne se voient pas comme tels mais comme des “truthers” : “diseurs de vérités”. C’est le sentiment d’appartenir à une avant-garde éclairée que le système cherche à museler absolument. Il n’y a qu’à voir la réaction de certains tenants de ces théories quand on commence à les contredire :  “Vous êtes profs, vous appartenez au système” ou “j’arrête d’argumenter, à la fin vous allez me traiter de nazi”.

    Ce sentiment d’assiégé n’est pas sans rappeler, en effet, le nazisme par sa culture de l’angoisse, du sentiment d’être isolé et seul face au monde.

    Être complotiste c’est un univers mental complet. On y trouve des mythes, des croyances, un au delà, une explication du monde, une langue, un univers musical, des signes de reconnaissance.

    Il y a des stigmates du complot que seul l’initié peut déceler. La question se pose : peut-on parler du complotisme comme d’une Culture qu’il faut appréhender comme telle pour mieux la comprendre ?

    Attention au point Godwin

    Invoquer le nazisme, c’est risquer l’argument béton : “ah, je l’attendais le point godwin”. Cette “Loi” du web développée par Mike Godwin dit que :  “Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1”.

    Autrement dit, c’est le meilleur moyen pour être discrédité, car pour devancer ce que je vais dire au prochain paragraphe, parmi les complotistes, il y a des collègues aussi. L’idée n’est pas de dire que l’autre est un nazi mais  de comparer pour mieux singulariser. Tous les complotistes ne sont pas nazis mais d’une manière peut-être anachronique tous les nazis le sont (le complot judéo-maçonnique pour détruire l’Allemagne). La série V emprunte et réinterprète “le bestiaire” vestimentaire des organisations de combat du NSDAP (Comme les Forces de l’Empire dans Star Wars).

    On ne peut pas traiter de nazi, un homme qui pense que les dirigeants du monde sont des lézards. Le processus et le système de pensée qui mènent à cette conclusion par contre eux sont très comparables. Le risque avec un argument d’autorité en classe est l’effet “guerre de tranchées”, cliver la classe. Toute discussion devient impossible et ne ressemble plus qu’à une guerre de position.

    Qui ?

    Toutes les couches de la société peuvent être touchées par le complotisme et c’est bien pour cela qu’il ne suffit pas d’annoncer que le complot n’existe pas pour désarmer le complot.  Au cours des dix dernières années et notamment pour le 11 septembre, combien de “peoples” sont venus sur les plateaux de télévision présenter leur version de ce qui n’a pour eux jamais existé.

    Deux articles m’ont aidé à mieux appréhender les cibles du complotisme : l’article des Inrocks “Le complotisme touche tous les milieux, Bac +10 comme Bac -5” du premier septembre 2012  et celui du Monde Diplomatique : “Personne n’est à l’abri” de juin 2015.

    Les adeptes des théories du complot ne sont pas des individus irrationnels. Les raisonnements sont “relativement ordinaires” et font même preuve d’un certain esprit critique. Le problème est que le doute devient systématique pour toute chose, tout évènement et pour tout le monde. Le rapport de confiance à l’autre est cassé et le complot devient la règle. Quelle est la valeur de la parole de l’enseignant dans ce contexte de défiance ?

    Ma stratégie : la métaphore de l’eau

    L’eau a deux qualités, elle peut contourner un obstacle sans perdre de vue son objectif et elle peut éroder la roche jusqu’à la faire disparaître. Elle répond à la stratégie que je souhaite mettre en place en classe. Je ne désire pas braquer les élèves directement par un rapport “front contre front”. Ce rapport d’opposition, s’il ne renforce pas la position de chacun, ne fait pas évoluer les choses.

    J’ai toujours préféré travailler à côté des lycéens.

    Apprendre et enseigner, c’est un parcours qui ne peut être réussi sans l’autre. J’ai préféré poser “des casiers” (un autre moins breton dirait des jalons) un à un qui remonteront au moment où la question du complot se posera. Il s’agit donc pour moi de travailler sur un temps long.

    Cette éducation à l’esprit critique prend le temps du cycle baccalauréat. Les programmes de lettres histoire géographie sont autant d’occasions de construire celui-ci et de prendre des chemins officiels de traverse pour déconstruire le complotisme.

    Le docufiction comme indices “Canada Dry”

    Il serait trop long de retracer l’ensemble de la scénarisation mais le docufiction Bye-Bye Belgium est très symbolique de cette “philosophie”. L’étudier, c’est jouer un peu l’effet Canada Dry,  “Ça ressemble à la réalité c’est doré comme la réalité… mais ce n’est pas de la réalité ».

    Dans un premier temps, je laisse les élèves étudier le film avec un questionnaire. Tout semble réel pour lui. Souvent, ils se font avoir et ne remarquent pas tous les indices de la supercherie. Ils n’ont pas l’habitude de questionner l’image pour peu qu’elle possède les attributs de la réalité.  Je dévoile la vérité et nous décryptons ensemble le docufiction. Comme pour la vidéo, il n’y a pas de parole sacrée mais des indices qui permettent d’élaborer une échelle de confiance.

    L’idée : inviter l’élève à réfléchir au schéma de communication et à  confronter les sources. Il se construit, à travers l’étude, une grille de lecture et des clefs de compréhension du monde.

    Ensemble, il est important de poser les questions des enjeux et de la stratégie de la communication. Mon objectif est de recréer du lien.

    Faire appel à la créativité des élèves

    Quand la mise en scène est fascinante, les idées passent au second plan, la foule réagit comme un seul homme, synchronisée par l’émotion”, Boris Cyrulnik.

    La musique est vecteur d’émotion qui installe le récepteur dans un univers qui fait sens. La bande originale de Requiem for a Dream, en toile de fond, installe dans un univers angoissant. Les élèves le comprennent rapidement. C’est un gimmick du complotisme.

    Encore une fois, nous pouvons passer par d’autres oeuvres. En classe, on travaille sur la Vie est Belle de Roberto Benigni. On s’intéresse à la bande son et comment elle construit le sens du film. C’est peut être évident pour nous, mais le réalisateur nous installe dans une ambiance. Il prévoit à l’avance quand il va nous mettre en colère, nous faire rire ou nous émouvoir. Il a des outils pour cela : le jeu d’acteur, la couleur mais aussi le son. Pour créer une empathie envers l’histoire et le personnage, il joue sur ces “manettes”. On y note toute l’importance du storytelling.

    Avant l’assassinat de Guido, la musique installe le drame. Elle se fait toujours plus basse jusqu’au son de l’exécution et remonte ensuite.  Supprimer le son au moment où le garde SS explique les règles du camp. Demander aux élèves d’imaginer celles-ci en s’appuyant sur les images. Ils sont loin d’imaginer les règles qu’invente le père pour protéger son fils. Il est facile de s’inspirer du jeu des sept erreurs pour faire ressortir les incohérences de ce centre de destruction (les habits civils dans le baraquement, la présence d’un enfant après la sélection…).  C’est une manière d’expliciter aux élèves les ressorts pour créer un univers d’émotions.

    Savoir agir sur les bons leviers, c’est percevoir la “manipulation”. Comprendre est toujours plus efficace qu’imposer. La tactique à mettre en place est l’art de ne pas se faire avoir.

    Et finalement : faire face au complotisme

    Est-ce que finalement, je ne renonce pas à faire face au complotisme pendant au moins deux ans puisque dans les programmes d’histoire géographie, le 11 septembre n’est abordé qu’en Terminale professionnelle ?

    Je ne crois pas car je compte sur l’effet d’aubaine.  Je ne renonce jamais mais j’agis plutôt au coup par coup. J’essaye de créer un univers intelligible et rassurant. J’ai des outils dans les mains qui m’aident dans cette tache : l’Éducation aux médias et à l’information, le cours d’histoire, le programme d’EMC. Ils sont autant d’occasions pour expliquer, décrypter et déminer. Il y a un cadre de la parole. Un échange a un début et une fin. Il y a des règles de communication à poser et une “éthique du débat” : écouter l’autre, pas de jugement, respect de l’autre et un ton à ne pas dépasser.

    J’essaierais de ne jamais juger mais d’échanger pour éviter le sentiment de persécution et la paranoïa. Je compte sur le mimétisme face à l’attitude de l’enseignant. Il faut savoir dire :”je ne sais pas mais je vais faire des recherches”, “je me suis trompé” et même “vous avez raison”. Accepter la parole légitime de l’autre permet de construire la confiance. L’apprentissage est un processus. Il faut laisser à chacun le temps du parcours pour se construire sa propre grille de lecture critique du monde. La contradiction appartient à l’adolescence et il est important de laisser chacun grandir.

    Une journée d’étude pour échanger nos stratégies

    Écouter les autres, c’est souvent prendre du recul par rapport à soi-même.

    Un enseignant dans son geste professionnel est souvent celui qui donne plus qu’il ne reçoit. On oublie souvent la règle la plus évidente de tout maître d’apprentissage : la simplicité. Thomas Huchon et Laurent Renaudet me l’ont rappelée. Il y a une première évidence que j’ai perdue de vue. Les complots ont toujours existé et la littérature regorge de références. “Toi aussi mon fils” (Tu quoque, fili) est une des expressions favorites de César dans Astérix. Cette formule interroge le jeune lecteur. La citation est liée à un complot qui a réellement existé. L’autre évidence, c’est le retournement. Faire de l’élève, le maître et lui demander d’étayer son propos.

    Qu’est ce qui te prouve que c’est vrai ?” ; cette question renverse les rôles puisqu’elle pose la question de la preuve. Il est toujours plus facile d’écouter, de répondre que de poser les questions.

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    Photo : Pixabay CC0 Public Domain