Auteur/autrice : Thierry Klein

  • Pourquoi faut-il apprendre la programmation aux élèves ?

    Pourquoi faut-il apprendre la programmation aux élèves ?

    Interview de Thierry Klein de la société Speechi lors du salon Educatec-Educatice sur le sujet de l’apprentissage de la programmation et des robots…

     

     

     

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  • Thierry Klein : ma biographie et l’esprit de mes chroniques

    Thierry Klein : ma biographie et l’esprit de mes chroniques

    Diplômé de l’Ecole Centrale de Paris et de l’Université de Stanford en Computer Science, fondateur de la société Speechi, premier éditeur français pour écrans et tableaux interactifs, qui a pour objectif général d’améliorer la pédagogie grâce aux nouvelles technologies numériques.

    Auteur de contributions pour « Le Monde », « Libération » et « Les Echos », Thierry Klein intervient dans de multiples conférences ayant pour thème la révolution numérique, l’économie de l’Internet et l’entreprenariat social.

    « Dans ces chroniques, j’aborderai trois thèmes clés pour le développement du numérique à l’école ou plutôt, pour le développement du savoir par l’école.

    • Les usages du numérique, qui correspondent à la réalité scolaire d’aujourd’hui. Ils se déclinent en matériels et logiciels utilisés par élèves ou professeurs, la plupart du temps dans la salle de classe.
    • L’évaluation numérique des pratiques pédagogiques, aussi bien au niveau « local » (celui de l’élève, de l’enseignant), qu’au niveau global (celui du Ministre). Ce thème peu connu et discuté en France, est en passe de modifier radicalement l’école.
    • L’enseignement de l’informatique à l’école, principalement via l’apprentissage de la programmation et la robotique. Cet enseignement débute tout juste en France, sa mise en œuvre est complexe, sa raison d’être est souvent mal comprise, son importance est cruciale pour l’avenir.

    Déclaration de conflit d’intérêts : les idées énoncées sont susceptibles de profiter (ou de nuire, selon les réactions des lecteurs !) aux intérêts économiques de la société Speechi, celle-ci étant active sur le marché de l’équipement informatique des établissements scolaires, qui représente à ce jour l’essentiel de son chiffre d’affaires.

    Les points de vue seront toujours engagés, subjectifs et partisans. L’objectif de ces chroniques n’est pas professionnel. Il s’agit de faire bouger les choses et je tenterai simplement, sincèrement, d’utiliser mon expertise technique et professionnelle pour dégager des propositions d’intérêt général, d’une façon que j’espère la plus désintéressée possible. »

    « Improve education, improve education. Improve, improve, improve, improve, improve education, by all means of technology… and good sense.

     

    Speechi: les solutions interactives

    L’école des robots (apprendre à programmer avec des robots)

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    Twitter : https://twitter.com/Speechi_eBeam

  • Deux très mauvaises raisons pour apprendre l’informatique dès la 6ème. Et aussi deux très bonnes.

    Deux très mauvaises raisons pour apprendre l’informatique dès la 6ème. Et aussi deux très bonnes.

    Commençons par le pire. Parmi toutes les raisons avancées pour faire entrer l’apprentissage du code au programme du collège, la plus utilisée est de loin la plus mauvaise. Pour Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’Etat au numérique ou pour Najat Vallaud-Belkacem, ancienne Ministre de l’Education :  « Coder, c’est un peu comme apprendre l’anglais ou le chinois« . Or cela n’a absolument rien à voir.

    Mauvaise raison n° 1 : un langage informatique n’est pas une langue

    Apprendre une langue est une énorme entreprise intellectuelle et culturelle, qui s’étend toujours sur plusieurs années et qui permet de découvrir en profondeur d’autres hommes ou d’autres cultures, mortes ou vivantes. Le vocabulaire à acquérir, qui ne représente qu’un aspect, peut-être le plus simple de l’apprentissage d’une nouvelle langue, comprend au minimum plusieurs milliers de termes.

    Un langage informatique ne comprend tout au plus que quelques dizaines de termes et s’apprend – à l’exception peut-être du tout premier- en quelques heures. Car bien connaître un langage informatique, c’est en quelque sorte les connaître tous.

    La connaissance de tel ou tel langage informatique n’étend en rien les horizons de l’étudiant. C’est l’utilisation, sur l’ordinateur, de l’outil qu’est le langage informatique qui va lui permettre de développer son intelligence et sa compréhension du monde. Les étudiants attirés par la maîtrise des langues étrangères ont des profils totalement différents de ceux attirés par le développement informatique – une tâche solitaire qui nécessite précision, capacité d’abstraction et le plus souvent une certaine dose de solitude. Le geek est rarement un animal très social.

    Au départ, l’apprentissage du code n’est donc pas une entreprise culturelle mais une entreprise scientifique et technique. Le bénéfice culturel, nous le verrons, n’est pas immédiat et n’apparaît que dans un second temps.

    Mauvaise raison n°2 : l’informatique offre de multiples débouchés professionnels

    Là aussi, c’est une mauvaise raison, même si, paradoxalement, celle-ci est vraie !

    L’informatique, tous les journaux économiques nous le ressassent jusqu’au dégoût, crée des emplois. Une bonne formation informatique permet d’éviter presqu’à coup sûr le chômage.

    Mais, au niveau du collège, et même sans doute au lycée, la plus-value économique ne doit pas être l’objectif prioritaire de l’école. L’école, depuis Jules Ferry, a d’abord eu pour but de former des citoyens libres, au sens du premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

    Qui plus est, plus on a recherché cette soi-disant « efficacité professionnelle », plus on a créé de l’inefficacité.

    Tout le système scolaire et universitaire français vit depuis trente ans comme pétrifié par la crainte du chômage.

    Toutes les réformes s’y sont faites au nom des sacro-saintes efficacités professionnelle et économique. L’enseignement des savoirs généraux a reculé au profit des « compétences » dites professionnelles, comme on l’a encore vu dans la récente réforme du Collège qui abandonnait en rase campagne les matières générales « inutiles » (par exemple Latin et Allemand) au profit des l’Anglais, langue professionnellement « utile ».

    Il se pourrait bien, au final, que l’efficacité professionnelle soit un bénéfice caché, à long terme, de l’émancipation qu’apporte la connaissance. En recherchant l’efficacité économique sans la connaissance, nous nous sommes coupés des deux.

    Mais quelle que soit la piètre qualité des justifications qu’on vous sert pour enseigner l’informatique, les bonnes, les très bonnes raisons, emportent tout sur leur passage.

    Bonne raison n°1 : la révolution numérique a rendu l’enseignement de l’informatique indispensable à la compréhension du monde

    Aux Etats-Unis, l’informatique, au sens de Computer Science, est devenue depuis longtemps une matière fondamentale. Les américains ont compris très tôt qu’elle était indispensable pour comprendre le monde qui nous entoure et y agir, comme l’histoire, la géographie, le latin ont pu l’être en leur temps. L’informatique, dans le supérieur, fait aujourd’hui partie du cursus des étudiants en littérature ou en sciences politiques, et ce à un niveau supérieur à ce qu’on enseigne dans la plupart des grandes écoles d’ingénieurs françaises.

    De fait, les effets de l’informatique sur notre vie sont aujourd’hui tels que seul l’enseignement de l’informatique peut permettre à tous les élèves – y compris ceux qui ne deviendront pas informaticiens – de comprendre le monde numérique qui les entoure.

    Au Moyen Age, on apprenait le latin qui était la langue de la religion, du droit et de la médecine. A l’âge de la Révolution industrielle, les mathématiques sont devenues l’outil généraliste par excellence pour le développement de nouvelles technologies et de nouvelles machines. A l’âge de la révolution numérique, il ne s’agit pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait alors de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens.

    Dire qu’il y a révolution numérique, c’est dire ceci : sans connaissance du codage, il est devenu impossible de comprendre le monde qui nous entoure.

    Bonne raison n°2 : l’informatique est devenue une science fondamentale, utile à toutes les autres sciences

    J’ai toujours été interloqué par la quantité des investissements visant à faire utiliser les technologies numériques par les élèves (écrans ou tableaux interactifs, classes numériques et autres formations Word…) et par l’absence, jusqu’à cette année du moins, de formations leur permettant de comprendre comment fonctionnent ces technologies, comment elles ont été conçues, développées.

    Pour comprendre tout ceci, il faut apprendre à coder, à développer, connaître les algorithmes – bref étudier la matière scientifique que les Américains nomment « Computer Science ».

    Cette science informatique a pénétré de façon profonde toutes les sciences, de la médecine à la biologie, en passant par la physique et la chimie. Grâce aux techniques statistiques de type « big data », elle est aussi en train de transformer les sciences humaines.

    Elle est devenue un outil d’exploration du monde aussi important, peut-être bientôt plus important encore, que les mathématiques (dont elle constitue par ailleurs l’une des branches).

    La querelle des Anciens et des Modernes

    On s’est écharpé sur les réseaux sociaux lors des discussions sur la récente réforme du Collège autour de la fin de l’enseignement du latin et de l’introduction de l’informatique au collège. Et grosso modo, les latinistes étaient contre le « numérique » et les « numéristes » étaient contre le latin.

    Dans ce débat, tout le monde, anciens et modernes, avait tort. Les « latinistes » étaient mal informés et assimilent l’ordinateur à un simple outil, à une simple technologie – cette vision est tout simplement erronée.  Et les « numéristes », ceux qui pensent simplement qu’il faut cesser le latin parce qu’il est peu utile professionnellement ou parce qu’il favoriserait une forme de reproduction sociale, manquaient tout simplement de vision et de culture.

    [L’auteur du paragraphe précédent a évidemment pu déjà constater, dans son âpre réalité, le côté éminemment impopulaire du précédent paragraphe. Il invite par avance tous les lecteurs en désaccord, et ils seront nombreux, à éviter l’insulte sauvage, mais il s’engage, dans l’esprit constructif qui le caractérise, à répondre aux objections argumentées.]

    En réalité, les deux matières, latin et informatique, sont utiles et émancipatrices pour éduquer des citoyens, des honnêtes hommes, capables de comprendre et de créer les outils de demain. Il ne s’agit pas de les opposer, il s’agit de les enseigner mieux et plus.

    Sans connaissance approfondie de l’informatique, nous ne sommes que des consommateurs de programmes structurés par d’autres programmeurs. Un élève qui fait une recherche dans Google est avant tout une ressource publicitaire pour Google, un enfant qui joue sur Facebook, n’est qu’une machine humaine à transmettre de multiples données (d’identité, de comportement, de position…) sur lui-même et ses « amis » permettant ensuite aux diverses publicités d’être toujours mieux ciblées. C’est précisément, cliniquement, ce qui caractérise une aliénation.

    L’école actuelle a tenté, avec plus ou moins de succès et pour un coût considérable, d’enseigner les usages de l’informatique aux enfants. Ce faisant, elle a fait complètement fausse route. Si on veut donner à nos enfants des moyens d’action, il faut leur enseigner la programmation, pas le maniement de Word. Distribuer des ordinateurs ou des IPAD aux élèves est coûteux et voué à l’échec, de même qu’on ne crée pas un ingénieur mécanicien en formant au permis de conduire.

     

  • Le tableau interactif a échoué : c’est mérité

    Le tableau interactif a échoué : c’est mérité

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    Interview de Thierry Klein, le président de la société Speechi, spécialisée dans les solutions interactives. Il fait un constat lucide de la situation actuelle des constructeurs de tableaux interactifs et des enjeux cruciaux liés à l’éducation. Quelles sont les raisons de cet échec des TBI en France ? Quelles solutions ?

    Vous avez créé la société Speechi en 2004. Après plus de 10 ans d’activité, quel constat faites-vous de l’état actuel de l’industrie du TBI ? 

    Thierry Klein : Le constat est plus qu’édifiant : les plus grandes marques de TBI qui existaient déjà quand j’ai créé Speechi en 2004 ont soit disparu, soit été rachetées à cause de la faiblesse de leurs résultats, celles qui restent recherchent un acquéreur pour des raisons similaires.

    Même eBeam, marque de tableaux interactifs mobiles notamment, pour laquelle j’ai évidemment beaucoup d’affection [Speechi est revendeur exclusif des TBI eBeam en France, ndlr], n’a pas réussi au niveau mondial comme cela a pu être le cas en France, où notre part de marché est de l’ordre de 30 %.

    Quelles sont alors pour vous les raisons de cet « échec » du TBI en France ? 

    TK : Il y a quatre raisons principales à mes yeux : un manque de vision technologique, un modèle économique à court-terme, une vision de l’éducation inconsciente des enjeux et le peu d’avantages apportés par la technologie.

    Tableaux interactifs ou autres vidéoprojecteurs interactifs n’ont jamais révolutionné l’enseignement, comme la plupart des constructeurs ont tenté (et tentent encore) de nous le faire croire. Un tableau interactif est resté un simple moniteur branché sur un PC. Depuis 2012, rien n’a été fait (ou si peu !) pour permettre aux enseignants de donner cours à partir de leur tablette, sans fil. J’ai l’impression que l’industrie dans sa globalité s’est montrée peu impliquée, voire fainéante.

    Concernant le modèle économique, les principaux leaders du tableau interactif étant financés par du capital risque ou par la bourse, parfois par les deux, le manque de « patience » a été fatal. Ce modèle aide certes le développement des entreprises mais il souffre aussi d’une vision à court terme, d’une trop grande pression sur les résultats immédiats de l’entreprise. Inutile de dire que le modèle est peu stable quand le marché se retourne, ce qui a été le cas en 2011 / 2012. L’industrie du TBI est peut-être une industrie morte d’avoir eu trop d’argent, trop tôt.

    Pouvez-vous en dire plus sur ce que vous appelez « une vision de l’éducation indigne des enjeux » ? 

    TK : L’objectif initial était – et reste ! – d’utiliser les technologies numériques pour améliorer le niveau des élèves, mais les études montrent aujourd’hui que les tableaux interactifs n’améliorent pas le niveau des élèves. Les tablettes numériques, souvent utilisées par les élèves comme des consoles de jeu, ne font probablement que baisser leur niveau. Ce qui n’empêche pas les gouvernements d’investir, un peu partout, dans de coûteux programmes d’équipement des élèves en matériel électronique divers et varié. Mais jamais adapté.

    Tout ceci n’empêchant évidemment pas l’industrie du numérique de continuer à s’auto-féliciter, de se présenter comme indispensable et de multiplier les promesses éducatives. Des promesses qui depuis 10 ans ne sont tout simplement pas tenues.

    Le fait d’échouer n’est pas honteux. Ce qui est plus grave, et même parfois honteux, c’est que l’industrie numérique ne s’est pas donnée les moyens de ses ambitions.

    Elle a utilisé des moyens de lobbying très agressifs, allant sans doute jusqu’à la corruption dans le cas des tableaux blancs interactifs au Canada. Les techniques employées (débauchage de membres de cabinets ou de fonctionnaires influents) n’ont d’ailleurs pas été limitées au seul Canada.

    Elle a systématique caché la faible valeur ajoutée des TBI et pire, a financé des études favorables, comme ont pu le faire l’industrie du tabac ou du médicament.

    Paradoxalement, elle ne s’est jamais dotée d’indicateurs fiables permettant d’évaluer sa performance. Ce qui démontre clairement qu’elle n’en a pas grand-chose à faire.

    Autre point qui me dérange, les arguments mis en avant. Comme les tableaux interactifs ne pouvaient pas se justifier d’avoir un intérêt pédagogique, l’industrie a plaidé « la fin de l’ennui » et « la modernité dans les écoles ». Des arguments qui ne veulent rien dire mais qui sont visiblement bien acceptés politiquement, du même type que ceux que le gouvernement a avancé pour justifier la réforme du collège. L’industrie s’est noyée dans le ludique et les prétendues avancées technologiques au détriment du savoir. Cela continue d’ailleurs avec l’introduction des tablettes.

    Justement, pourquoi pensez-vous que les tableaux numériques n’apportent pas grand-chose sur le plan technologique ? 

    TK : Les principes techniques sur lesquels reposaient la technologie des tableaux interactifs fixes étaient simples et les points clés compliqués à protéger. Depuis 2005-2010, les usines chinoises produisent des TBI qui ont été d’abord de médiocres copies, puis se sont largement améliorées. La majorité des TBI que l’on voit aujourd’hui, même quand il s’agit de marques européennes ou nord-américaines, sont produits en Chine. Et on assiste donc au paradoxe suivant, pour moi désolant, que je vous laisser méditer :

    « Alors que leur plus-value pédagogique est le plus souvent nulle – ou difficilement observable, les sommes dépensées par les Etats occidentaux dans des réformes et autres plans numériques (plans tablettes, vidéoprojecteurs interactifs) ont contribué au développement de l’industrie et de la « recherche et développement » chinoise. »

    Que faudrait-il faire alors selon vous pour que le TBI se démocratise en France ? Et ainsi peut-être « sauver » l’industrie du TBI ? 

    TK : En fait, il faudrait faire quasiment tout le contraire.

    Premièrement, penser le TBI comme un module autonome, doté de son propre système d’exploitation. Pas comme un simple périphérique PC. Un peu comme le fait déjà Luidia avec le tableau interactif mobile eBeam, même s’il reste des efforts à faire.

    Arrêter de s’auto-congratuler et donc être enfin critique vis à vis de ses propres productions. On me reproche souvent d’être trop négatif. C’est sûrement le cas, mais je préfère la critique à l’auto-satisfaction systématique. Cela permet souvent de faire avancer les choses.

    Cesser le mélange entre intérêts privés et intérêts publics. Ce n’est pas le chemin pris ces derniers temps si j’en crois les dernières annonces concernant les partenariats Microsoft / Education Nationale par exemple ou même si j’analyse l’origine des intervenants lors des conférences organisées au récent salon Educatice.

    Enfin, avant tout se doter d’indicateurs fiables. Pas un euro ne devrait être investi dans le numérique sans évaluation associée et préalablement définie.

    Pensez-vous que c’est réalisable ?

    On n’en prend clairement pas le chemin. Et pourtant, malgré tous ces problèmes, ces erreurs, ce manque de clarté et de vision, il n’y a aucun doute pour moi : le numérique va changer profondément l’éducation dans les années à venir et je pense que ce sera vraiment pour le meilleur.

    Merci pour vos réponses.

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