Étiquette : Francois Taddei

  • Comment construire une société apprenante?

    Comment construire une société apprenante?

    Polytechnicien, ingénieur devenu généticien, François TADDEI est le directeur du CRI, le centre de recherche interdisciplinaire à Paris qui développe de nombreux programmes innovants. Il œuvre pour la mise en place de l’éducation par la Recherche dans l’École qui développe l’esprit critique de l’élève, sa volonté d’explorer l’inconnu et de travailler en coopération.

    En ouverture de la 14e édition de l’université d’été Ludovia à Ax les Thermes il y donne la conférence : “ Partager pour construire une société apprenante “.

    Dans cet entretien réalisé sur place , Francois Taddei donne une définition de ce concept né des travaux de Chris Argyris et de Peter Senge sur le concept d’organisations apprenantes.

    “ Comment faire pour que la France devienne une société réellement apprenante, une société où tous les potentiels individuels et collectifs se réalisent grâce à une formation de qualité dès la petite enfance et tout au long de la vie ? “

    C’est en partie à cette question que répond le rapport établi par la mission qui lui a été confiée ainsi qu’à Catherine BECCHETTI BIZOT (IGEN) et Guillaume HOUZEL par Najat VALLAUD BELKACEM et remis à Jean Michel BLANQUER au début du mois de juin.

    Pour écrire ce rapport intitulé : Vers une société apprenante : rapport sur la Recherche et développement de l’éducation tout au long de la vie, la mission s’est appuyée sur de nombreux travaux dont le rapport de la straNES (Stratégie Nationale de l’Enseignement supérieur) qui appelait à « construire une société apprenante capable d’évoluer en permanence, au sein de laquelle chacun a appris à apprendre pour progresser tout au long de sa vie, professionnelle et citoyenne »

    Les co-auteurs écrivent alors :

    “Dans un monde où les changements s’accélèrent, il apparaît partout essentiel pour les individus, les organisations et les États d’être en capacité de s’adapter pour évoluer à tous les âges. Alors que les emplois les plus recherchés aujourd’hui n’existaient pas il y a quelques années et que l’on prévoit d’importantes mutations du travail, il apparaît à tous urgent de réfléchir aux conditions et aux compétences transversales qui vont permettre aux organisations et aux individus de se préparer à ces changements.

    Nous proposons des leviers pour permettre le développement de la capacité de questionnement et de réflexivité chez tous les citoyens et dans toutes les organisations. apprendre à apprendre, à interroger et interpréter, plutôt qu’à consommer naïvement les informations disponibles, est sans doute l’enjeu majeur de l’éducation aujourd’hui. Dans cette perspective, la fonction du maître, du formateur ou de l’éducateur passe du professeur ex cathedra qui transmet un contenu figé de connaissances à celle d’un guide ou d’un mentor qui oriente et accompagne, avec sollicitude et bienveillance, le cheminement de l’apprenant et l’aide à progresser.

    Accompagner ces changements nécessite toutefois, à tous les niveaux, de construire dès l’école une culture de la confiance et de la responsabilité, du mentorat bienveillant et de la coopération.”

    Les rapporteurs font dix propositions qui “ ne résument pas l’ensemble des mesures nécessaires au changement de culture attendu, mais représentent des leviers décisifs, sélectionnés en fonction d’un certain nombre de critères :
    . Ambition et contribution à la mise en place d’une société apprenante
    . Faisabilité technique et financière
    . Acceptabilité et appropriation par différents acteurs
    . Mesures qui, individuellement, peuvent avoir un impact positif via un effet de levier aussi important que possible
    Complémentarité des mesures qui, combinées peuvent contribuer au changement systémique nécessaire.”

    S’il n’y avait que deux propositions à choisir lesquelles retiendrait-il ?

    Construire une culture de la confiance et de la responsabilité
    Créer des plateformes numériques pour échanger et collaborer

    Créer une intelligence collective dans la confiance cela permet de partager et ça permet d’apprendre

    Mais ajoute-t-il ,

    “Ce n’est pas la rue de Grenelle qui doit penser le passage à l’échelle !”

    La décentralisation est finalement plus équitable et permet l’empowerment des acteurs sur le terrain

    Car prendre DU pouvoir, plutôt que de prendre LE pouvoir , c’est dans l’actualité du numérique et de la formidable explosion des réseaux sociaux.

     

  • « Dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ». Point de vue et dernier épisode par François Taddéi

    « Dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ». Point de vue et dernier épisode par François Taddéi

    La Recherche française a un problème structurel lié au cloisonnement des disciplines.

    Le numérique, qui fait émerger des nouveaux sujets, confronte le monde de la Recherche à la difficulté d’appréhender de nouveaux questionnements.

    « Aux Etats-Unis, si des jeunes chercheurs veulent s’emparer des nouvelles questions qui émergent dans la société, le monde de la Recherche leur donne la possibilité de le faire ».

    Pour François Taddéi, il manque un degré de liberté à donner aux chercheurs qui pourraient puiser dans plusieurs disciplines, à la fois vers les sciences dites molles que vers les sciences dures ou les sciences biologiques etc, pour construire leur projet.

    Il avoue qu’il y a une logique d’appel d’offres car l’Etat, les investissements d’avenir, identifient un certain nombre de grandes priorités de recherche, « mais, d’une part, si il n’y a pas de postes derrière et d’autre part, des formations pour que les chercheurs qui veulent aller vers ces questions puissent y aller, le financement par appel d’offres ne peut pas fonctionner ».

    « Aujourd’hui, il est très difficile pour un chercheur de prendre l’ensemble des cours, issu de disciplines différentes, dont il aurait pourtant besoin pour son projet de recherche ».

    D’après François Taddéi, ces jeunes chercheurs fuient à l’étranger où ils ont la possibilité de concrétiser leur projet et « c’est dommage car on perd une bonne partie de notre potentiel créatif ».

    Le système français, hérité de la révolution française, avec la création de grands ministères et d’une structure hiérarchique qui puissent s’implémenter dans la moindre institution, fonctionnait bien au 19ème siècle.

    Aujourd’hui, avoir dix niveaux hiérarchique entre le ministre de l’Education Nationale et l’enseignant pour ne pas parler de l’enfant, ça ne peut pas fonctionner.

    Car dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ; la question qui se pose est donc celle de l’autorité : « sur quoi base t-on la nouvelle autorité » ? Et François Taddéi reprend une phrase de Michel Serres : « La vraie autorité, c’est celle qui fait grandir ».

    Il ajoute également qu’en plus de passer d’un système vertical à un système horizontal, il faudrait passer d’un système de contrôle à un système de confiance et donne l’exemple de la Finlande en matière d’éducation.

    C’est pourquoi François Taddéi rappelle qu’il n’utilise pas le terme de révolution car en France notamment, il est plutôt associer à « couper des têtes », mais plus d’évolution avec le numérique.

    « Nous ne sommes pas là pour couper des têtes ; le but est de permettre des évolutions et de permettre de co-construire ensemble quelque chose de différent ».

    Voir les deux précédents épisodes avec François Taddéi et Jacques-François Marchandise.

    A propos de la Chaire de recherche du collège des Bernardins

    Elle est consacrée pour la période 2015-2017 à une réflexion partagée associant des chercheurs des praticiens du Numérique d’une part et des philosophes, anthropologues, théologiens, sociologues, économistes, d’autre part.
    Cette recherche cartographie les principaux éléments de la culture numérique et surtout les principaux impacts sur l’Homme et la société et élabore un cadre de pensée qui permet de concevoir le développement des technologies numériques comme un progrès pour l’Homme et non comme un risque de négation de son humanité, un cadre permettant de faire naître un humanisme numérique.

    Plus d’infos sur la Chaire numérique :

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/recherche/chaire-des-bernardins/2015-2017-humain-au-defi-du-numerique.html

    Plus d’infos sur la journée d’étude du 18 février 2016 :

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture/conferences-et-debats/ou-en-est-l-humain-face-au-numerique.html

     

  • Où en est l’humain face au numérique et où se placent l’Ecole et la Recherche ?

    Où en est l’humain face au numérique et où se placent l’Ecole et la Recherche ?

    Lors de la journée d’étude du 18 février sur la mise en partage d’une année de recherche sur le sujet, nous avons interrogé François Taddéi, directeur du centre de recherches interdisciplinaires (CRI) à Paris, directeur de recherche à l’INSERM et membre du conseil scientifique de la chaire numérique du Collège des Bernardins sur le sujet ; deuxième épisode de notre série « L’humain au défi du numérique ».

    Avec le numérique, les équilibres entre le savoir et le pouvoir ne sont plus ceux d’hier.

    « Le numérique donne accès à beaucoup plus de choses, à beaucoup plus de gens et il peut enlever une partie du prestige, par exemple de l’autorité, tel que le monde académique issu de l’imprimerie, peut le représenter ».

    L’autorité n’est plus celle des générations précédentes car une partie du savoir est disponible ailleurs et « on peut le vérifier et éventuellement l’infirmer ».

    D’autre part, les technologies continuent à évoluer de manière exponentielle donc la question est : « comment prépare t-on les générations futures à ce défi » ?

    Même si personne n’est en mesure de répondre à cette question, il faut quand même se la poser et d’après François Taddéi, c’est une règle à 4 C : la capacité à coopérer, la capacité à être créatif, la capacité à communiquer avec les autres et la capacité à faire preuve d’une critique constructive.
    Il y ajouterait même un 5ème C qui serait la compréhension de la complexité.

    Le monde a besoin de plus d’intelligence collective mais comment améliore t-on notre capacité à développer notre intelligence collective ? Les machines peuvent-elles nous y aider ?

    François Taddéi pense en effet que les outils numériques peuvent permettre d’aboutir à une meilleure intelligence collective dans la mesure où nous les maitrisons.

    L’Ecole au défi du numérique

    « Ce qui est vrai, c’est que le monde extérieur à l’Ecole et en particulier les technologies, évoluent plus vite que l’Ecole ». Ce qui expliquerait, d’ailleurs, que la différence qu’il y a entre ce que vivent les jeunes sur les réseaux sociaux ou par leurs pratiques personnels et ce qu’ils vivent en classe a tendance à s’élargir.

    Pour les accompagner au mieux, François Taddéi serait d’avis de leur apprendre à comprendre ce qu’il y a dans les « boîtes noires » à commencer par leur cerveau. C’est une question difficile à traiter mais à minima, il serait pour laisser plus de liberté aux enseignants, « pour qu’ils puissent agir, en fonction de ce qu’ils ressentent de la réalité de leur classe ».

    Et il ajoute que la formation des enseignants n’est pas suffisante.
    Un point qui est couplé à un autre problème : le manque de budget en R & D.

    « Tous les autres ministères, la santé, le transport, la défense etc, ont un budget de R & D ce qui leur permet de progresser et de faire progresser les missions régaliennes de l’Etat ».

    L’Education Nationale ne bénéficiant pas de ces budgets, les nouvelles pratiques ne sont pas transmises aux enseignantes et « il est donc naturel que l’écart se creuse , même si beaucoup d’enseignants font tout ce qu’ils peuvent pour préparer au mieux les élèves », conclut t-il.

    Et la Recherche alors face au défi du numérique ? Ce sera un des points abordés dans le dernier épisode. à suivre…


    A propos de la Chaire de recherche du collège des Bernardins :

    Elle est consacrée pour la période 2015-2017 à une réflexion partagée associant des chercheurs des praticiens du Numérique d’une part et des philosophes, anthropologues, théologiens, sociologues, économistes, d’autre part.
    Cette recherche cartographie les principaux éléments de la culture numérique et surtout les principaux impacts sur l’Homme et la société et élabore un cadre de pensée qui permet de concevoir le développement des technologies numériques comme un progrès pour l’Homme et non comme un risque de négation de son humanité, un cadre permettant de faire naître un humanisme numérique.

    Plus d’infos sur la Chaire numérique :
    www.collegedesbernardins.fr

    Plus d’infos sur la journée d’étude du 18 février 2016 :
    www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture


    Voir le premier épisode avec Jacques-François Marchandise.