Étiquette : Bernardins

  • « Dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ». Point de vue et dernier épisode par François Taddéi

    « Dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ». Point de vue et dernier épisode par François Taddéi

    La Recherche française a un problème structurel lié au cloisonnement des disciplines.

    Le numérique, qui fait émerger des nouveaux sujets, confronte le monde de la Recherche à la difficulté d’appréhender de nouveaux questionnements.

    « Aux Etats-Unis, si des jeunes chercheurs veulent s’emparer des nouvelles questions qui émergent dans la société, le monde de la Recherche leur donne la possibilité de le faire ».

    Pour François Taddéi, il manque un degré de liberté à donner aux chercheurs qui pourraient puiser dans plusieurs disciplines, à la fois vers les sciences dites molles que vers les sciences dures ou les sciences biologiques etc, pour construire leur projet.

    Il avoue qu’il y a une logique d’appel d’offres car l’Etat, les investissements d’avenir, identifient un certain nombre de grandes priorités de recherche, « mais, d’une part, si il n’y a pas de postes derrière et d’autre part, des formations pour que les chercheurs qui veulent aller vers ces questions puissent y aller, le financement par appel d’offres ne peut pas fonctionner ».

    « Aujourd’hui, il est très difficile pour un chercheur de prendre l’ensemble des cours, issu de disciplines différentes, dont il aurait pourtant besoin pour son projet de recherche ».

    D’après François Taddéi, ces jeunes chercheurs fuient à l’étranger où ils ont la possibilité de concrétiser leur projet et « c’est dommage car on perd une bonne partie de notre potentiel créatif ».

    Le système français, hérité de la révolution française, avec la création de grands ministères et d’une structure hiérarchique qui puissent s’implémenter dans la moindre institution, fonctionnait bien au 19ème siècle.

    Aujourd’hui, avoir dix niveaux hiérarchique entre le ministre de l’Education Nationale et l’enseignant pour ne pas parler de l’enfant, ça ne peut pas fonctionner.

    Car dans le monde numérique, il n’y a plus de hiérarchie ; la question qui se pose est donc celle de l’autorité : « sur quoi base t-on la nouvelle autorité » ? Et François Taddéi reprend une phrase de Michel Serres : « La vraie autorité, c’est celle qui fait grandir ».

    Il ajoute également qu’en plus de passer d’un système vertical à un système horizontal, il faudrait passer d’un système de contrôle à un système de confiance et donne l’exemple de la Finlande en matière d’éducation.

    C’est pourquoi François Taddéi rappelle qu’il n’utilise pas le terme de révolution car en France notamment, il est plutôt associer à « couper des têtes », mais plus d’évolution avec le numérique.

    « Nous ne sommes pas là pour couper des têtes ; le but est de permettre des évolutions et de permettre de co-construire ensemble quelque chose de différent ».

    Voir les deux précédents épisodes avec François Taddéi et Jacques-François Marchandise.

    A propos de la Chaire de recherche du collège des Bernardins

    Elle est consacrée pour la période 2015-2017 à une réflexion partagée associant des chercheurs des praticiens du Numérique d’une part et des philosophes, anthropologues, théologiens, sociologues, économistes, d’autre part.
    Cette recherche cartographie les principaux éléments de la culture numérique et surtout les principaux impacts sur l’Homme et la société et élabore un cadre de pensée qui permet de concevoir le développement des technologies numériques comme un progrès pour l’Homme et non comme un risque de négation de son humanité, un cadre permettant de faire naître un humanisme numérique.

    Plus d’infos sur la Chaire numérique :

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/recherche/chaire-des-bernardins/2015-2017-humain-au-defi-du-numerique.html

    Plus d’infos sur la journée d’étude du 18 février 2016 :

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture/conferences-et-debats/ou-en-est-l-humain-face-au-numerique.html

     

  • Où en est l’humain face au numérique et où se placent l’Ecole et la Recherche ?

    Où en est l’humain face au numérique et où se placent l’Ecole et la Recherche ?

    Lors de la journée d’étude du 18 février sur la mise en partage d’une année de recherche sur le sujet, nous avons interrogé François Taddéi, directeur du centre de recherches interdisciplinaires (CRI) à Paris, directeur de recherche à l’INSERM et membre du conseil scientifique de la chaire numérique du Collège des Bernardins sur le sujet ; deuxième épisode de notre série « L’humain au défi du numérique ».

    Avec le numérique, les équilibres entre le savoir et le pouvoir ne sont plus ceux d’hier.

    « Le numérique donne accès à beaucoup plus de choses, à beaucoup plus de gens et il peut enlever une partie du prestige, par exemple de l’autorité, tel que le monde académique issu de l’imprimerie, peut le représenter ».

    L’autorité n’est plus celle des générations précédentes car une partie du savoir est disponible ailleurs et « on peut le vérifier et éventuellement l’infirmer ».

    D’autre part, les technologies continuent à évoluer de manière exponentielle donc la question est : « comment prépare t-on les générations futures à ce défi » ?

    Même si personne n’est en mesure de répondre à cette question, il faut quand même se la poser et d’après François Taddéi, c’est une règle à 4 C : la capacité à coopérer, la capacité à être créatif, la capacité à communiquer avec les autres et la capacité à faire preuve d’une critique constructive.
    Il y ajouterait même un 5ème C qui serait la compréhension de la complexité.

    Le monde a besoin de plus d’intelligence collective mais comment améliore t-on notre capacité à développer notre intelligence collective ? Les machines peuvent-elles nous y aider ?

    François Taddéi pense en effet que les outils numériques peuvent permettre d’aboutir à une meilleure intelligence collective dans la mesure où nous les maitrisons.

    L’Ecole au défi du numérique

    « Ce qui est vrai, c’est que le monde extérieur à l’Ecole et en particulier les technologies, évoluent plus vite que l’Ecole ». Ce qui expliquerait, d’ailleurs, que la différence qu’il y a entre ce que vivent les jeunes sur les réseaux sociaux ou par leurs pratiques personnels et ce qu’ils vivent en classe a tendance à s’élargir.

    Pour les accompagner au mieux, François Taddéi serait d’avis de leur apprendre à comprendre ce qu’il y a dans les « boîtes noires » à commencer par leur cerveau. C’est une question difficile à traiter mais à minima, il serait pour laisser plus de liberté aux enseignants, « pour qu’ils puissent agir, en fonction de ce qu’ils ressentent de la réalité de leur classe ».

    Et il ajoute que la formation des enseignants n’est pas suffisante.
    Un point qui est couplé à un autre problème : le manque de budget en R & D.

    « Tous les autres ministères, la santé, le transport, la défense etc, ont un budget de R & D ce qui leur permet de progresser et de faire progresser les missions régaliennes de l’Etat ».

    L’Education Nationale ne bénéficiant pas de ces budgets, les nouvelles pratiques ne sont pas transmises aux enseignantes et « il est donc naturel que l’écart se creuse , même si beaucoup d’enseignants font tout ce qu’ils peuvent pour préparer au mieux les élèves », conclut t-il.

    Et la Recherche alors face au défi du numérique ? Ce sera un des points abordés dans le dernier épisode. à suivre…


    A propos de la Chaire de recherche du collège des Bernardins :

    Elle est consacrée pour la période 2015-2017 à une réflexion partagée associant des chercheurs des praticiens du Numérique d’une part et des philosophes, anthropologues, théologiens, sociologues, économistes, d’autre part.
    Cette recherche cartographie les principaux éléments de la culture numérique et surtout les principaux impacts sur l’Homme et la société et élabore un cadre de pensée qui permet de concevoir le développement des technologies numériques comme un progrès pour l’Homme et non comme un risque de négation de son humanité, un cadre permettant de faire naître un humanisme numérique.

    Plus d’infos sur la Chaire numérique :
    www.collegedesbernardins.fr

    Plus d’infos sur la journée d’étude du 18 février 2016 :
    www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture


    Voir le premier épisode avec Jacques-François Marchandise.

     

  • L’humain au défi du numérique, par Jacques-François Marchandise

    L’humain au défi du numérique, par Jacques-François Marchandise

    On a l’habitude de parler de numérique avec des grands mots comme “révolution“, par exemple ; moi, je n’utilise pas ces mots-là et je préfère souvent parler de transition.

    JF Marchandise pose la question des changements systémiques que provoque le numérique, « d’une transformation d’ensemble qui va changer le jeu d’acteurs ».

    Dans ce monde transformé par le numérique, JF Marchandise avoue n’être pas persuadé de la causalité numérique.

    « Je ne suis pas sûr que ce soit le numérique qui produise les transformations du travail, par exemple ».

    De la même manière, il est certain qu’à l’Ecole, les élèves n’apprennent pas comme avant, « mais le numérique outille des nouvelles façons d’apprendre ».

    Ce que constate JF Marchandise, c’est que le numérique n’agit pas toujours dans le même sens ; c’est pourquoi il déclare avoir un doute sur « le fait qu’il y ait des mutations numériques homogènes pour l’homme ».

    Un des défis de la Chaire est de trouver « sur quoi on a prise et sur quoi on peut agir pour définir les environnements de demain ».

    Le constat est fait que notre vision du numérique est très linéaire, que le numérique irait toujours dans un seul sens : « le sens du progrès et du toujours plus ».
    Il est possible que demain, l’Homme soit confronté à des grandes crises, politiques, économiques ou sociales liées au numérique et il faut s’y préparer en explorant d’autres chemins.

    Sur le sujet des grands acteurs américains du numérique, JF Marchandise est réservé pour dire que ce sont eux qui vont gouverner le monde.

    Aujourd’hui, ce ne sont pas les plus grandes armées qui remportent les plus grandes victoires, souligne t-il.

    Par rapport au pouvoir de la machine sur l’homme, la question qui se pose est celle de la réversibilité. JF Marchandise donne l’exemple de Google Map : aujourd’hui, j’utilise Google pour trouver mon chemin mais « serais-je capable de trouver mon chemin en demandant aux gens dans la rue et en regardant les panneaux » ?

    Il est donc indispensable que nous soyons capables de maîtriser nos propres outils, « parfois même d’ouvrir le capot » pour éviter ce qu’appellerait Bernard Stiegler « la prolétarisation » et subir la gouvernance des systèmes et plutôt faire en sorte qu’ils nous aident à gouverner.

    Notre part de liberté, elle s’exerce dans le fait de ne pas prendre le chemin le plus court que nous indique la machine.

    « La bonne nouvelle, c’est que le numérique n’est pas impeccable ; il tombe en panne, il est imparfait ».
    En d’autres mots, le numérique a besoin de l’intervention humaine.

    Enfin, sur le phénomène de : « il faut rattraper le retard » avec toujours une course en avant ; ce phénomène est, d’après lui, entrain de se calmer. Toute personne peut aujourd’hui se poser des questions car elle a un meilleur accès à la complexité du monde.

    « Il y a un début de “conversation“ » et c’est aussi un enjeu de la Chaire « est ce qu’on arrive à élaborer un peu plus profondément que d’habitude mais à restituer cela d’une façon prenable par tout un chacun », conclut-il.

    A propos de la Chaire numérique de recherche du collège des Bernardins

    Elle est consacrée pour la période 2015-2017 à une réflexion partagée associant des chercheurs des praticiens du Numérique d’une part et des philosophes, anthropologues, théologiens, sociologues, économistes, d’autre part.
    Cette recherche cartographie les principaux éléments de la culture numérique et surtout les principaux impacts sur l’Homme et la société et élabore un cadre de pensée qui permet de concevoir le développement des technologies numériques comme un progrès pour l’Homme et non comme un risque de négation de son humanité, un cadre permettant de faire naître un humanisme numérique.

    Plus d’infos sur la Chaire numérique

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/recherche/chaire-des-bernardins

    Plus d’infos sur la journée d’étude du 18 février 2016

    http://www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture/conferences-et-debats